blanket attack -- Laszlo

Il serait facile de croire que la chambre de Bee appartient à une adolescente de quatorze ans, tant le nombre de vêtements qui traîne sur le lit et sur chacun des meubles est astronomique. En vérité son quotidien n’est pas ainsi, elle a appris depuis l’âge adulte à être un peu plus organisée dans son rangement, mais ce matin elle cherche un tee-shirt très précis. Devenu son favori depuis quelques mois, c’est celui qu’elle porte lors des mauvais jours, qu’ils soient pluvieux ou simplement ennuyants. La raison pour laquelle elle le veut aujourd’hui ? Un manque de sommeil contre lequel elle ne peut rien. Insomnie qui l’a gagnée sans réelle raison, elle s’est réveillée beaucoup trop tôt, après n’avoir dormi que par intermittence. La mauvaise humeur s’affiche sur ses traits, elle se sent frustrée, dépassée par absolument tout et elle n’a qu’une hâte : que la journée s’achève. Il est rare que Bee se sente ainsi, aussi impuissante face à la vie. Lorsque le privilège familial ne l’aide pas à répondre à ses soucis, elle a appris à prendre les choses en main elle-même et à changer son destin. Mais même elle, certains jours, se sent un peu trop petite pour cela. Tout ce qu’elle peut faire - ou plutôt ce qu’elle veut faire - ce matin, est de prendre son époux comme cible. « Laszlo Gabor, je sais que c’est toi qui a fait le coup ! » Sa voix s’élève dans le penthouse tandis qu’elle le traverse d’un bout à l’autre. Il leur a semblé logique, à première vue, d’avoir leurs chambres dans des côtés opposés de l’appartement. Cela leur permet de rester séparés, d’avoir leur propre intimité pour passer les nuits comme chacun le désire. Et si par quelque hasard ils venaient à devoir jouer les couples mariés en accueillant des invités, ils seraient au moins loin d’eux. Bee quitte donc sa chambre pour celle de Laszlo, dans laquelle elle est pratiquement sûre de le trouver. Et le voilà, au milieu de son lit, sous une couverture qui apparaît délicieusement moelleuse pour la Bee qui s’est levée trop tôt. Un poing sur la hanche alors qu’elle le regarde de haut, elle secoue la tête, puis prend un peu d’élan en arrière pour finalement accélérer et se jeter sur le lit, juste à côté de Laszlo. « Humpf, ton lit est plus confortable que le mien, non ? » Encore une autre mesquinerie, elle en est certaine. Ou peut-être est-ce simplement qu’elle n’a pas suffisamment dormi la nuit dernière, alors évidemment qu’un matelas et des oreillers la font rêver. Mais elle ne perd pas de temps pour escalader la couverture et se positionner au-dessus de son cher époux. « Tu m’as volé ton tee-shirt, avoue-le. » dit-elle en enfonçant un doigt sur le torse de l’homme. Phrase qui n’a pas de sens, il est vrai, puisque c’est elle qui a commis le premier vol. Il faut dire qu’il est confortable ce tee-shirt, d’un coton très doux, trop grand pour elle, mais juste le parfait trop grand pour que ce soit cosy et puisse paraître élégant suivant ce qu’elle met avec. Un haut parfaitement conçu pour traîner dans l’appartement ou pour sortir de manière décontractée. Et qui, avant qu’il n’emménage ici, appartenait à Laszlo. « J’en ai besoin. Il est à moi maintenant. » Vérité qu’elle énonce avec une mine sûr d’elle, comme la princesse qu’elle est.

Habitude qui se faufile dans ses veines, le soleil s’est levé depuis un moment lorsque le Roumain passe la porte de son penthouse. Cravate enfoncée dans sa poche de veston, les premiers boutons de sa chemise s’ouvre sur un poitrail qui attire le regard, même ses chaussures vernies se trouvent dans le creux de sa main. Il avance lentement, presque aussi ridicule qu’un dessin animé qui tente d’être silencieux. Aucune chance que le planché le trahisse puisque que le marbre n’est que silence et patinage. Pourtant, il fait tout de même attention en rentrant après une nuit de boulot, il se refuse à réveiller sa femme : Beezilla ! C’est ce qu’elle sera s’il la réveille en tout cas. Un mélange d’abeille et de Godzilla… Terrifiant. Vraiment ! Saint et sauve, le trentenaire arriva à sa chambre, balança ses vêtements au sol pour finalement se glisser entre ses draps dans l’espoir de dormir quelques heures.

Paupières closent, respiration beaucoup plus calme sous se nuage au parfum ambre du whisky. Il l’entendit arriver cette abeille-zilla, elle rugit en fracassant les doubles portes de sa chambre. La plénitude ne fut que de courte durée. « On a exactement les mêmes. » marmonna-t-il sans même ouvrir un œil suite à l’arrivée de Zilla. Il bronche à peine lorsqu’elle le chevauche, il daigne ouvrir un œil une fraction de seconde en sentant une pression sur son torse. « Dis-moi s’il est à moi je ne peux donc pas l’avoir volé. » Échec. Il a encore un peu de cervelle dans ce brouillard. Il peine quand même à se débattre ou encore accorder plus d’attention à son « épouse ». Peut-elle porter un tel titre s’ils ont jamais consommé leur union ? Pour lui, non, c’est plutôt simple, elle est le pactole qu’on lui doit. Bon, elle est peut-être plus, mais ce n’est pas Laszlo Gabor qui le dira à haute voix alors qu’il veut simplement dormir ! Bee tente une esquive qui réussi à lui étirer les lèvres le temps d’un fragment du temps. « Je n’ai pas souvenir de te l’avoir donné. » Taquine l’époux, alors qu’il en a rien à faire du t-shirt. Il sort plutôt ses bras de sous les draps pour empoigner la jeune femme fermement et la faire basculer près de lui. « Tu disais que mon lit semblait moelleux, que dirais-tu de le tester le temps que je dorme ? » Son nez s’enfouit dans les cheveux de la brune, puis il laisse sa respiration ralentir à nouveau.

Traversant le penthouse dans sa nuisette un peu trop légère, Bee n’a pas encore exactement en tête ce qu’elle va faire. Chercher des poux à Laszlo, ça c’est certain. Profiter qu’il soit là pour le transformer en son bouc émissaire et passer sur lui une frustration qu’elle contient depuis de longues heures. C’est ce qui arrive quand elle ne peut pas dormir la brune, ce que son époux doit savoir à présent. S’il veut passer une bonne journée, il ne faut pas interférer dans son sommeil. Mais cette fois il n’est pas en faute, personne ne l’est en dehors de son propre esprit qui est resté trop éveillé. Les pensées tournaient dans sa tête, sans qu’elle ne puisse leur échapper, et Bee se connait assez pour savoir que toute la journée sera rythmée de la même manière. Humeur maussade, envie de crier sur les gens qu’elle croisera, ça ne s’annonce plaisant pour personne, mais s’il y a une chose qui améliorera un peu tout cela, c’est le tee-shirt magique. Vêtement auparavant détenu par Laszlo, qu’elle s’est approprié il y a des mois maintenant. Et qui justifie entièrement qu’elle lui saute dessus, alors qu’il est encore endormi.

D’abord allongée à ses côtés, elle ne lâche qu’un léger « Humpf. » quand il avance que leurs lits sont identiques. Elle n’en est pas entièrement certaine, mais elle laissera passer cet argument pour le moment. Ce n’est pas cela qui l’intéresse, mais finalement son époux en lui-même. D’un regard extérieur ils pourraient avoir l’air bien mignons en cet instant, à se taquiner dès le réveil, mais il n’en est évidemment rien. « Ne fais pas le malin. Tu sais duquel je parle, tu m’as déjà vu avec, et il me va beaucoup mieux à moi qu’à toi. » Prétexte qu’elle trouve pour le faire parler et espérer qu’il se réveille. L’homme semble assoupi, il ne lui parle que dans un demi-éveil et elle sent qu’il lui faudra du temps pour l’éveiller réellement. Ce qu’il lui prouve, en la faisant basculer contre lui. Plus à califourchon sur son bassin, mais collée à son flanc, avec ses bras toujours fermement serrés autour d’elle et son nez dans ses cheveux. Quelques secondes elle reste ainsi, calée contre le torse de Laszlo, à écouter sa respiration qui se calme, s’approfondit. Il est en train de se rendormir le bougre, elle le sent, alors elle se met à gesticuler contre lui. « Attends ! » Si elle doit faire la sieste à ses côtés, elle exige que ce soit dans les bonnes conditions. Alors Bee se détache des bras musclés dans un mouvement fluide passe sous la couverture pour profiter d’une chaleur et d’un confort optimal. « T’as vraiment cru que tu pourrais garder toute la couette pour toi ? » Une question qui n’en est pas une, alors qu’elle se rapproche de lui. Elle fait en sorte qu’il ouvre ses bras pour lui laisser une place, et ainsi la bercer avec cette respiration endormie. Elle l’envie d’ailleurs, parce qu’il semble réussir à dormir en toute simplicité, comme si c’était la chose la plus simple du monde. « La nuit a été longue ? » Il va sans doute finir par la chasser, mais elle ne peut pas s’en empêcher. C’est qu’elle se sent un peu seule ce matin et malgré son insomnie, elle ne sent pas Morphée la rattrapper.