tell me how to deal with it | isaac

[ tell me how to deal with it ]

@isaac evans
Il tournait en rond dans son appartement, il s’asseyait dans le canapé troué qu’il avait, vieux comme le monde, avant de se relever, de marcher en jouant avec sa barbe. Elijah. Il attrapait une bière pour presque l’engloutir. Elijah Lesrose Reyes. Mettait la télé, faisait tourner les chaînes sans jamais parvenir à s’arrêter sur un programme qui l’intéressait. Il lança Netflix pour essayer de se poser devant un film ou une série, mais il se sentait seul. Ça ruminait dans sa tête. Incapable de penser à autre chose qu’à ce frère arraché après la naissance. L’envie de sortir, de bouger, et de parler surtout le prit soudainement et il se sentit désormais complètement incapable de rester scotché sur son canapé moisi. Des petites fourmis semblaient le démanger dans ses jambes, le poussant presque à sautiller sur place. Cette euphorie nouvelle lui avait redonné le sourire, il savait qu’il n’allait pas rester affalé à ruminer, mais qu’il allait peut-être pouvoir obtenir quelques avis, quelques conseils, qui sait ? Et un bon coup dans le nez, évidemment.

Tony entendait le bruit de ses pas marteler le sol, à moins que ce ne soit les battements de son cœur grondant dans sa caboche ; plus il s’approchait de son bar habituel et plus la tension montait. Chaque fois qu’il s’apprêtait à faire quelque chose en rapport avec son jumeau, il sentait l’angoisse grimper immédiatement en lui. Il essuyait ses mains moites sur son manteau, essayant de garder une certaine dignité. Malgré le froid mordant de l’hiver, il sentait qu’il avait chaud sous son blouson et il tremblait légèrement : non de froid, mais de peur.
Toute sa vie, il avait appréhendé l’idée de parler de lui, à quiconque. Surtout depuis que son père l’avait rembarré sur le sujet. Mais finalement, maintenant qu’il avait la certitude que cet homme existait vraiment, il sentait les doutes s’en prendre à lui. Pourtant, la personne qu’il allait voir était peut-être la mieux placée pour répondre à ses questions, si ce n’est l’unique.

Poussant la porte d’entrée, Tony arriva en fanfare, changeant du tout au tout dès qu’il franchit la porte de son lieu favori. Il saluait tout le monde, le plus grand sourire de sa vie accroché au visage. Il héla le propriétaire, derrière le bar pour son liquide habituel : l’éternel verre de whisky écossais. Il se glissa sur un tabouret au coin du bar et attira l’attention d’Isaac, l'expression plus sombre qu'à son arrivée. « Bon. Faut que je te demande un truc. Mais. Euh. Comment dire ... » Anthony bredouillait, cherchant à retarder l’annonce du sujet, par peur de la réaction de son ami. « Imagine. Et j’ai bien dit imagine, parce que je sais déjà ce que tu vas me dire sinon. Bref. Imagine que depuis tes vingt ans, t’as pas vu Casey et qu’il est encore en vie. Tu ferais comment toi, pour aller le voir ? Lui parler ? T’irais franco ou t’attendrais qu’il te remarque pour aller le voir ? »

/ awards session

[ tell me how to deal with it ]

@Anthony Walker
La soirée touche doucement à sa fin, les clients se font plus calmes, la plupart sont sur le point de rentrer chez eux. Isaac, derrière son imposant comptoir, garde un œil sur les deux hommes assis près de la scène. Ils ont enchaîné les verres un peu trop vite à son goût, et si pour le moment ils se chuchotent des messes-basses sans déranger les autres clients, rien ne dit que la situation restera comme ça. S’il y a bien une chose que le barman a apprise depuis qu’il a ouvert ce bar, c’est que les gens alcoolisés sont totalement imprévisibles. Il y autant de réactions possibles que d’individus et il détesterait devoir user de la force pour les faire sortir de là. Son attention est cependant détournée lorsqu’une nouvelle personne fait son entrée dans le bar, bruyamment. L’auteur de ce boucan n’est autre qu’Anthony, ce qui n’étonne pas vraiment Isaac. Il lui répond en souriant, adressant un signe de main à son ami avant de lui servir son verre habituel. Lorsqu’il s’installe au comptoir, Isaac ne peut que remarquer l’expression grave sur son visage. Il semble beaucoup moins joyeux et détendu qu’à l’habituel, ce qui serait déjà alarmant s’il ne commençait pas en plus de cela à bafouiller. Cela fait des années qu’ils sont de très bons amis tous les deux, les bredouillements sont inutiles entre eux, pas de place pour la gêne. « Tony si tu t'apprêtes à me demander en mariage, je vais devoir dire non. Tu sais que j’attends quelque chose d’un peu plus grandiose que ça… » dit-il en lui lançant un clin d'œil. Il est rarement le premier à blaguer, mais l’état de son ami l’inquiète suffisamment pour qu’il veuille essayer de le détendre. Mais lorsque la vraie question tombe, Isaac perd son sourire. Il garde le silence un moment, essuyant un verre déjà sec depuis de longues secondes. Ses orbes fixent attentivement le visage d’Anthony, essayant de comprendre si c’est une nouvelle de ses blagues parfois idiote. Mais pas aujourd’hui, avec le temps il a appris que Casey n’était pas un sujet sur lequel il fallait plaisanter en présence du barman. « Si je savais qu’il était vivant je ne perdrais pas une seule seconde avant d’aller le retrouver. » dit-il d’une voix monocorde et basse. Isaac a toujours été privé sur sa vie personnelle, peut-être est-ce le résultat d’années passées sur le devant de la scène avec des fans qui cherchent un peu trop à connaître les détails de sa vie. Il n’a pas envie que tout le monde entende cette conversation, les clients n’ont pas besoin de savoir tout cela, mais il faut croire que Tony a bien choisi son moment. « Et je ne me prendrai pas la tête. Je prendrai mes clés de voiture et conduirai jusqu’à être chez lui. Pas besoin de ramener des fleurs ou des chocolats. » Il hausse les épaules, adressant un demi-sourire à son ami. Cette question lui semble un peu étrange et il ne comprend certainement pas d’où elle vient. Les gens qui connaissent Isaac, qui le connaissent vraiment, savent à quel point il était proche de son jumeau. S’il avait une chance de le revoir, il ne perdrait pas de temps avec des interrogations et des politesses. « Pourquoi tu me demandes ça ? » Il ne peut retenir le soupir qui passe ses lèvres avec la question. Parler de Casey est devenu un peu moins douloureux en compagnie d’Anthony. Ça a pris du temps, beaucoup de patience et quelques disputes, mais finalement cet homme est une des rares personnes avec qui Isaac se sent libre d’en parler. Mais il y a une différence entre ressasser de vieux souvenirs et élaborer des scénarios qui n’arriveront jamais. Casey est mort. Jamais plus Isaac ne le reverra.

/ awards session

[ tell me how to deal with it ]

@isaac evans
Elijah.
Un nom qui tournait en boucle dans sa tête, quelque chose qui sonnait à la fois familier et complètement étranger. Un reflet inconnu, l’espoir d’avoir le courage d’aller lui parler chaque fois qu’il y pensait, mais lâche comme il était, Tony avait préféré fuir quand l’opportunité s’était montrée. Il avait voyagé près de dix ans de sa vie, sur les routes, à la recherche d’un visage qui lui ressemble comme deux gouttes d’eau alors qu’il était sous son nez depuis tout ce temps. Et maintenant qu’il avait la possibilité de prendre dans ses bras ce frère arraché, disparu, il n’avait pas la force de s’approcher. Il osait à peine rentrer dans son champ de vision, l’observant de loin, fréquentant ses endroits habituels avec l’espoir que leur rencontre se fera par le hasard. Il ne voulait pas bousculer les choses, lui qui pourtant bousculait les lignes et les limites. Il n’avait jamais vraiment craint qui que ce soit, mais rencontrer son miroir, séparé de lui pendant près de quarante ans, il préférait faire demi-tour que d’être déçu, malgré l'irrépressible envie de le rencontrer.
Le paradoxe prenait encore davantage d’ampleur maintenant qu’il avait décidé d’en parler avec Isaac. Kéo lui avait toujours dit de foncer : c’était ce qu’il avait toujours fait de mieux. Foncer dans le tas, mettre les pieds dans le plat sans jamais craindre les conséquences. Une qualité à double-tranchant à laquelle il n’était pas resté fidèle maintenant qu’il était impliqué plus que personnellement. Mais Kéo ne savait pas, il n’avait jamais eu de jumeau, seulement des frères. Qui de mieux qu’Isaac, dont il avait connu le jumeau, pour demander des conseils. Pour une fois d’ailleurs, il était plus blagueur que Tony lui-même. « Toi tu veux l’dîner aux chandelles, la bague en or et les musiciens dans le restaurant le plus hypé de la ville. Des billets d’avion pour New-York, ça te branche ? » Malgré la situation, il ne perdait pas son sens de l’humour. Malgré tout, il était conscient que s’il avait eu il y a quelques années Casey devant lui, il aurait peut-être pu poser le genou à terre. Mais son âme s’était douloureusement envolée. Soudainement, la discussion plonge dans quelque chose de plus profond. Il sentait qu’Isaac se livrait, d’une manière très sincère mais déchirante. Lui-même n’aura pas fait de fioriture qu’il avait pu retrouver Casey. Des moments ratés peut-être, un sentiment d’inachevé, quelque chose d'irrattrapable. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, parler de cet homme perdu lui fait du bien. « Mais si … » Il était trop tôt pour lui révéler la raison pour laquelle il posait la question. Il avait bien trop honte. Et pourtant, il le menait sur la piste, doucement mais sûrement. « Imagine que tu ne l’ais jamais rencontré. Qu’il soit un parfait inconnu. Mais que tu saches qu’il existe. T’aurai pris le temps de réfléchir, t’aurai pas eu peur de chambouler sa vie. » Et toi, Anthony, t’aurais pas plutôt peur de chambouler la tienne ? L’adorateur du changement effrayé par une transformation dans sa vie. La peur que tout change radicalement alors qu’il se sentait bien. Kéo avait toujours joué le rôle d’un petit frère ou d’un jumeau. N’avait-il pas peur qu’une place se perde ou se remplace ?

/ awards session

[ tell me how to deal with it ]

@Anthony Walker
L’expression sur le visage d’Anthony est bien plus sombre qu’à l’ordinaire, ce qui n’annonce rien de bon. En trois ans qu’ils se connaissent, Isaac a bien compris que cet homme était le plus blagueur de tous, celui qui ne prendrait jamais rien au sérieux et qui trouvait toujours le mot pour rire. Une habitude bien agaçante pour le barman qui lui ne sait plus bien rire. Mais il s’y est habitué, il a même appris à apprécier ce côté d’Anthony et il lui répond donc avec une plaisanterie. Peut-être pas la plus subtile qui soit, elle a tout de même pour effet de faire sourire l’homme assis au comptoir, et pour Isaac c’est amplement suffisant. « Un restaurant hypé oui, mais il ne faut pas qu’il y ait trop de monde présent. Les demandes en mariage en public ça met une certaine pression quand même… Et New-York c’est mieux que rien j’imagine, ça peut être romantique aussi si tu choisis bien ton spot. » dit-il en lui lançant un clin d'œil. Il y a quelques années, il y avait pensé à tout ça. Rencontrer l’homme de sa vie, se marier, avoir des enfants… L’espace d’un instant il y a rêvé, espérant vivre à son tour une grande histoire. Puis tout s’est effondré, sa réalité et ses fantasmes en même temps. Il n’a pas tenté de se reconstruire Isaac, pas vraiment. Il vit une demi-vie, souriant pour Alix et Cloé, riant pour ses amis proches, oubliant ce que ça voulait vraiment dire d'être heureux. La plaisanterie ne dure pas, Anthony pose finalement sa vraie question, chamboulant l’esprit du barman avec seulement quelques mots. Il se décompose Isaac, il ne comprend pas pourquoi ils se mettent soudainement à jouer à un jeu aussi cruel. Contre toute attente pourtant il répond, sans trop savoir pourquoi. S’il pouvait avoir une chance de revoir son frère, il la prendrait sur le champ, qu’importe les conséquences. Mais ça ne suffit pas. Apparemment sa réponse ne convient pas à Anthony qui continue, qui enchaîne avec d’autres questions. « Tony… de quoi tu me parles ? » lâche-t-il dans un soupir. Isaac fait des efforts, en compagnie de cet homme il arrive à se lâcher, à rire, presque à oublier parfois. Anthony a le pouvoir de le faire rire, même lorsqu’il n’en a absolument pas envie, mais ils savent tous les deux que le seul sujet sur lequel ils ne peuvent pas plaisanter est celui de Casey. Imaginer des scénarios dans lesquels son frère est encore vivant, Isaac n’en est pas capable. Sans qu’il le dise ses rêves se déroulent tous ainsi, avec le retour du jumeau perdu, ou un changement d’événement avant sa disparition. Evidemment qu’il y pense, mais le réveil est toujours bien trop douloureux. Alors ce soir, il n’a pas envie de s’élancer sur cette piste-là, il ne sait pas comment faire. « Je ne peux pas répondre à ta question, j’en sais rien. Parce que je l’ai connu, parce qu’il était là, et c’était comme ça. » Et parce que aussi dramatique que puisse sembler sa vie, ce n’est tout de même pas à ce point là. Sur ses traits s’étalent une fatigue qu’il arrive souvent à dissimuler, qui ressort bien trop facilement quand Casey fait partie de la conversation. Il voudrait passer à autre chose, mais en plongeant son regard dans celui de Tony, il voit bien que ça a une importance. Aussi étrange soit-elle. « Je ne peux pas être objectif, d’accord ? Peut-être que j’aurai peur de chambouler sa vie, mais je prendrai le risque. Parce que… parce que vivre sans cette relation, si tu pourrais l’avoir, ça vaut pas le coup. » Les yeux d’Isaac commencent à s’humidifier et il détourne rapidement le regard, se concentrant sur des verres à essuyer le temps de faire retomber l’émotion. On lui avait dit que chaque jour la blessure de son cœur se refermerait un peu, on lui avait dit que chaque minute serait un peu plus simple, qu’il respirerait mieux. Bullshit. Chaque matin quand il se réveille, la douleur est toujours là, aussi lancinante que la veille. Gardant le silence pendant quelques secondes, le temps de reprendre ses esprits, il reporte finalement son attention sur l’homme face à lui. « Est-ce que tu vas quelque part avec ces questions ? Parce que si c’est juste un jeu… je préfèrerai jouer à autre chose. » Il lui adresse un léger sourire, du mieux qu’il en est capable, espérant que leur amitié soit suffisamment importante pour que Tony arrête de le torturer.

/ awards session

[ tell me how to deal with it ]

@isaac evans
« On dirait que t’as ressassé le sujet depuis longtemps, tiens ! Mais je prends en compte. » En lui rendant son clin d'œil. Il inspira profondément. Il tourne autour du pot comme il passe son temps à tourner autour du monde et autour d’Elijah ces derniers temps. Il n’y a que l'impulsion d’un instant pour le pousser à agir sans chercher toutes les issues possibles. Il n’y a que dans ces moments-là où ça passe ou ça casse. Lorsqu’il ne prend pas le temps de se poser avant d’agir, il sait que rien ne finit comme il avait prévu - mais au fond, c’est fait. Au moins, ça bouge. Seulement, quand il s’agit de sujets importants, lorsqu’il hésite, lorsqu’il n’a pas la moindre idée de ce qu’il est en train de foutre de sa vie, il lui arrive parfois de demander conseil - rares fois d’ailleurs où Tony viendrait à s’ouvrir un peu à ses amis, c’est en venant leur poser une question. Au fond de lui, pourtant, il connaissait la réponse : fallait qu’il fonce, qu’il arrête de faire semblant de chercher son jumeau ici et là alors qu’il était juste devant le bout de son nez. Il ne pouvait malheureusement pas s’empêcher, parce qu’il craignait plus que tout que si son père, Deacon, avait fait en sorte qu’il ne croise jamais son jumeau, c’était pour une bonne raison.

Il y avait la méfiance, immense, depuis qu’il avait vu son visage. La peur de posséder un jumeau maléfique qui se ferait passer pour lui et qui détruirait tout sur son passage comme une tornade. Et d’une certaine façon, il avait peur à son tour d’être le jumeau maléfique. D’être le raté que son père avait jamais voulu - c’est peut-être pour ça qu’il lui gueulait si souvent dessus et qu’il prenait pas souvent le temps de s’occuper de lui, préférant être bourré à longueur de temps. Il craignait d’être moins bon, moins fort, moins intelligent. Il s’y comparait car il n’avait pas meilleur point de repère qu’un jumeau qui avait réussi la vie. Le pire, c’est que lui, il avait eu la belle vie. Une famille aimante, le métier tant attendu - lieutenant de police. Il avait réalisé les rêves que Tony s’était un jour fixé avant que son père ne les envoie valser d’un coup de pied au cul. Tu feras pas flic, Tony ! Certainement pas ! J’ai promis à ta mère. Promesse de merde, oui !

Cette méfiance, il savait qu’il ne devrait pas l’avoir ; Isaac et Casey n’étaient pas identiques et pourtant, les deux se valaient. Quoique, Casey avait eu une place plus importante jusqu’à récemment dans le coeur de Tony. Et il avait disparu. Et il en parlait comme si ça lui faisait rien alors qu’il s’auto-mutilait en silence, s’enfonçant des couteaux dans le cœur chaque fois qu’il prononçait son nom. Il retenait les frissons, il serrait les dents, parce que le sujet était délicat, des deux côtés. « Je … » Il savait qu’il allait trop loin. « Excuse-moi, c’est … » Ça voulait pas sortir, ça s’accrochait à sa gorge comme une bardane. Il prit une nouvelle gorgée qui liquide brun qui lui avait été servi et sonda le regard d’Isaac. « Je joue pas. » Que cherchait-il à y trouver, là-dedans ? Une étincelle d’antan comme dans les yeux de Casey avant le road-trip. Est-ce que ça avait vraiment été une étincelle ? Ou juste la drogue qui lui montait à la tête ce jour-là ? Le coeur de Tony se serra, le manque l’envahit et il détourna les yeux, conscient qu’il mettait Isaac dans tous ses états. C’est encore plus douloureux pour lui que pour toi. Tu sais pas ce que c’est que de perdre un jumeau, vu que t’en as jamais vraiment eu. Il était là, quelque part. Mais t’as pas passé ta vie avec. Non, il avait passé sa vie avec Kéo. Serait-il mieux placer pour répondre à ses questions ? Faudrait déjà qu’il réponde à mes textos. « Mon jumeau est en ville, Isaac. » Il aurait aimé que son ton sec s’évanouisse au milieu du brouhaha ambiant, mais le temps d’un instant, le volume sonore du bar était doucement retombé, de quoi faire de ses mots une information capitale au milieu du reste. « Je l’ai appris depuis quelques semaines. Je sais que Casey et toi, ça n’a rien à voir avec Elijah et moi. Je sais. Mais je pense que … Je sais pas, t’aurais un éclair de génie, un truc dans le genre. » Il se rendait compte que venir ici avait été une idée complètement stupide. Eh merde. « Je suis au courant de son existence depuis trop longtemps. Je l’ai cherché pendant le road trip. Plus que voyager, c’était l’objectif même. Le trouver. Alors qu’il était là, sous mes yeux, mais je voulais pas le voir. » Et tout ce qui en découle, c’est ta faute. T’es parti, par égoïsme. T’as laissé Casey dans la merde. Et Isaac a toutes les raisons de t’en vouloir, désormais. Davantage qu’à ton retour à NOLA.

/ awards session

[ tell me how to deal with it ]

@Anthony Walker
« Tous les garçons rêvent de la parfaite demande en mariage. » répond-il avec un rire, en haussant les épaules. En vérité Isaac n’a jamais été dans une position qui lui permettait d’y réfléchir, il n’a jamais été dans une relation suffisamment sérieuse pour y penser. Il en a eu envie, a espéré trouver l’homme de sa vie, mais aujourd’hui il a définitivement fait une croix sur ce rêve. Face à Anthony de toute façon, il sait que ça ne peut être que des plaisanteries. Ils sont amis depuis longtemps maintenant et il ne voudrait pas mettre en péril cette amitié si chère à son cœur. Isaac n’interprète pas encore les regards que l’autre homme lui lance parfois, il ne pense pas à toutes les significations cachées. Il y a encore bien des choses qu’il ignore le barman, bien des secrets enfouis entre tous les amis d’un groupe qu’il pense pourtant si soudé. Elle est bien différente la vérité. Si Anthony arrive souvent à le mettre à l’aise et à le détendre, il est aussi très fort dans l’art de le contrarier. Une blague un peu trop déplacée, une remarque prononcée au mauvais moment, il a appris à faire avec le brun, mais ce soir il sent que la conversation est à nouveau en train de déraper. Les mots lui font mal, le blessent au plus profond de lui, dans des parties qu’il ne dévoile que très rarement. Au nom de leur amitié il tente d'être raisonnable, de rester ouvert et de répondre aux questions, mais au bout d’un moment la torture est trop grande. Les yeux qui se remplissent de larmes au souvenir de tout ce qu’il a perdu. Il n’est pas le seul à porter ce deuil, il le sait… mais si tous les autres l'accompagnent dans sa douleur, aucun d’entre eux ne peut saisir l’étendue de son mal. Karim sait. C’est encore différent entre eux, évidemment, mais c’est peut-être de l’ancien militaire que le musicien se sent le plus proche lorsqu’il est question de deuil. Un sujet que tous les deux évitent comme la peste. Finalement Tony s’excuse, toute cette conversation semble compliquée pour lui aussi et ça ne rassure pas Isaac. Il hoche doucement la tête, ne sachant pas quoi dire. Ce n’est pas un jeu alors, mais il n’a aucune vision du chemin qu’ils sont en train d’emprunter. Où vont-ils avec une discussion pareille ? Les regards plongés l’un dans l’autre, ils s’observent intensément, comme s’ils cherchaient à trouver la solution de tous leurs problèmes. Puis quand un silence tombe sur la salle, Tony prend la parole. Ses mots font sursauter le barman qui se redresse, sent sa cage thoracique se resserrer. A-t-il dit mon ou ton ? La réponse est évidente et pourtant il y a cet espoir fou qu’Isaac ressent parfois lorsqu’il aperçoit son reflet sans s’y attendre. L’impression que tout n’est pas totalement perdu. « Je… je ne savais pas que tu avais un frère jumeau. » Une information qu’il ne sait pas comment digérer. C’est une bonne chose, une chose surtout que Tony ne peut pas contrôler. Ils sont nés comme ça, des mêmes parents, au même moment, rien ne peut défaire ce lien. Mais il ne comprend pas pourquoi il n’en entend parler que trois ans après leur rencontre. Silencieux et les yeux rivés sur Anthony, il observe son ami quelques secondes, avant qu’un sourire vienne étirer ses lèvres. Il comprend maintenant les questions, l’hésitation et la crainte qui brillent au fond des prunelles de l’homme, mais il ne veut pas en tenir compte. Éclair de génie ou simplement une empathie un peu trop grande, Isaac se penche sur le bar pour poser sa main sur l’avant-bras de son ami. « Tu aurais dû me le dire. » dit-il doucement. Il n’y a aucun reproche dans sa voix, il n’est absolument pas en colère. Non, soudainement toute la peine qui l’habitait à la mention de son jumeau s’est évanouie, pour ne laisser place qu’à une douceur qu’il ne réserve qu’aux personnes les plus proches de lui. « Tu l’as cherché pendant des années, tu voulais le voir, le rencontrer c’est totalement compréhensible. C’est humain. La connexion que tu as avec lui, même sans le connaître… elle est plus forte que n’importe quelle relation que tu pourrais avoir avec n’importe qui d’autre. Crois-moi. » Il ne sait pas comment l’expliquer autrement Isaac, comment poser des mots plus précis sur ce lien de gémellité qu’il a perdu il y a six ans. Tout ce qu’il peut faire, c’est adresser un sourire rassurant à Tony. « Va le voir. Qu’est-ce que tu sais de lui ? Tu as une adresse, ou un numéro de téléphone ? » Débarquer dans la vie d’un inconnu, même avec une justification pareille, n’est absolument pas chose facile. Si Anthony sait apparemment depuis des années qu’il a un frère qui se balade quelque part, peut-être que ce n’est pas le cas de cet homme-là. Une telle nouvelle pourrait chambouler sa vie, c’est vrai, mais le barman ne voit pas les choses ainsi. Lui qui a la sensation que son corps et son âme ont été coupés à vif à la mort de Casey, il ne peut qu’imaginer le bien que ça ferait de se retrouver. Et il veut croire qu’Anthony et Elijah connaîtraient ce bienfait de ne faire plus qu’un. « Je reprends ce que je te disais tout à l’heure, pas besoin de grand événement. Tu n’as pas besoin de lui apporter quelque chose, toi et une discussion c’est déjà bien suffisant. Mais tu ne veux pas passer à côté de ça Tony, d’accord ? Je te promets que tu ne le regretteras pas. Peut-être qu’il sera surpris, ou se sentira piégé, j’en sais rien, mais sur le long terme… tu auras besoin de lui. » Son sourire s'empreint légèrement de tristesse alors que son pouce caresse doucement le bras de son ami. Puis il se redresse, libère Tony de ce contact et lâche un léger soupir. Il sourit toujours, et pourtant au fond de lui commence à brûler une sorte de jalousie contre laquelle il ne peut pas lutter.

/ awards session

[ tell me how to deal with it ]

@isaac evans
« Pas tous les mecs. » lança-t-il avec un clin d’œil taquin. Tony aimait s’amuser sur ce sujet-là tout se disant qu’il avait jamais vraiment rêvé de la parfaite demande en mariage. En fait, il avait jamais rêvé de mariage tout court, parce qu’il savait que ça détruisait les cœurs, ça détruisait les couples. Tony, il avait pas été élevé dans le charme environnant d’une famille soudée. Il avait été élevé fils unique dans un mariage foiré avec une mère envolée dans les étoiles et un père flic, alcoolique et par-dessus tout, sur-protecteur au point de se mettre son fils à dos et de lui cacher la seule chose la plus importante au monde : l’existence d’un jumeau. De plus, Tony n’avait jamais été en mesure de tenir une relation plus de quelques mois, tombant toujours inévitablement dans la tromperie ou dans la gaminerie avant même que l’idée du mariage soit envisageable. « Par contre, si tu veux être sûr d’avoir la plus belle et la plus parfaite demande en mariage, tu me demandes et ça te tombe dans la main sur un plateau d’argent en un claquement de doigts. » En d’autres circonstances, sa réponse aurait sonné comme un appel à poser le genou à terre immédiatement, mais pour l’instant, la plaisanterie était seulement de bon goût. Ses amis avaient toujours connu Tony comme le maître des soirées, capable d’organiser des folies grâce aux contacts qu’il avait et à son sens de l’observation. Si on lui demandait, il savait pratiquement tout sur ses meilleurs amis, défaut de regarder partout et d’avoir une excellente mémoire qui lui a toujours réussi à l’école - si seulement on l’avait pas empêché de devenir flic bordel. C’était son père, l’unique fautif. Parce que Tony, il était très bon dans le fait d’élucider des mystères. Et plus on le tenait écarté de la police et du travail de son père, moins il fouillait, le gamin. Pourtant, il avait rapidement deviné, du haut de ses trente ans. Il était parti en road trip dans l’espoir de le découvrir au coin de la rue. Pour qu’il soit finalement à NOLA. Le stress montait jusque dans ses tempes, il avait la gorge sèche et nouée avant même l’annonce, tournant autour du pot, blessant son ami sans le vouloir. Lorsqu’Isaac pose sa main sur son avant-bras, Anthony le scrute un instant et retient un frisson, acceptant le contact de soutien. Sans savoir pourquoi, maintenant que la bombe est larguée et qu’il constate la réaction de son ami, un soulagement immense se propage en lui, comme si désormais, maintenant qu’il en avait parlé, il était capable d’aller le voir à la seconde même. Tony baisse le regard et n’ose pas prendre une gorgée du liquide brun entre ses mains, laissant le contact l’apaiser. « Je pouvais pas en parler avant d’être sûr. » lâcha-t-il en secouant la tête. Il n’avait pas eu envie de se tromper, de se faire de faux espoirs ni de bousculer les choses comme il avait l’habitude de le faire. Tony ne s’était pas reconnu dans l’histoire. Lui qui fonçait inévitablement tête baissée avait décidé de digérer l’information, de prendre son temps, de faire des recherches sur lui. Qui était donc Elijah Reyes ? Qu’avait-il fait pour être séparé de son frère ? À force d’écouter Isaac, Tony réalisait soudainement la puissance du lien qu’il n’avait jamais connu. Celui d’un jumeau présent depuis la naissance, celui qu’on ne lâche jamais d’une semelle. C’était un peu comme Kéo et toi quand t’es arrivé à NOLA. Les gamins aussi inséparables que des siamois. Plus il l’écoutait, plus il se rendait soudainement compte de ce qu’il n’avait jamais eu, mais aussi de ce que Isaac avait perdu. C’est ça que ça fait, de perdre un jumeau ? Je préfère nettement ne pas le connaître si c’est pour le perdre après. Je pourrais pas perdre quelqu’un d’autre, encore. Ce serait trop. Mais il n'avait pas la force de déclarer le véritable fond de sa pensée. Il n’avait pas le courage d’avouer la peur qui le tiraillait au fond de son être, l’empêchant de rencontrer cette nouvelle personne qu’il pourrait perdre à jamais en un clin d'œil. Il poussa un profond soupir à la suite des questions. « Ouais. Nom, lieu de travail, métier. » dit-il en insistant sur le dernier mot. On l’avait pas empêché de devenir flic, Elijah. C’était le gamin prodige, celui qu’avait sûrement tout réussi. Le bébé qui devait jouer du piano et du violon en même temps, doublé d’un tas de diplômes ou d’affaires résolues. Bref, un gars meilleur que lui, ayant réussi sa vie, devenant soudainement plus intéressant que Tony. Et ça lui faisait peur. Ils étaient identiques tout en étant si différents l’un de l’autre. Malgré tout, Isaac avait les mots. Il savait parler à Tony, le rassurer, d’un geste, d’une parole. L’empêcher de rater sa chance. Isaac donnerait sûrement tout pour retrouver son jumeau. Il donnerait vraiment tout. Et tu t’en rends compte que maintenant. Parce qu’avant, tu savais pas ce que c’était. Lorsque le jeune homme retira sa main et se redressa, Tony sentit que le sérieux de la conversation s’effaçait. Soit il reprenait ses blagues débiles et son côté enfantin reprenait le dessus, soit Isaac s’enfermait dans une bulle nostalgique, le regard terne. Il sent ce faux sourire et ce soupir de désespoir. « Approche. » lui lance-t-il en l’intimant de se rapprocher d’un geste de la main. Lorsque le brun est à portée, Tony attrape délicatement sa nuque et le tire vers lui. Il approche sa bouche de son oreille et murmure un peu au-dessus du brouhaha. « Je suis vraiment et sincèrement désolé pour Casey. Je ferais n’importe quoi pour me rattraper. » Puis le silence entre les deux hommes s’estompent, les visages s’écartent, les yeux se croisent intensément avec un regard entendu et Tony le relâche. Il rattrape aussitôt son sourire, sa joie de vivre, son âme joyeuse et boit son verre d’un traite. « Allez ! Tu m’en ressers un et après je rentre ! »

/ awards session

[ tell me how to deal with it ]

@Anthony Walker
« Vraiment ? Tony tu ferais de moi le plus heureux des hommes, là, ce soir ? » demande-t-il avec un espoir fou dans la voix, et complètement faux. Il entre dans la blague, se laissant aller à une conversation plus simple, sans prise de tête. Il a appris à le faire aux côtés de Tony, réalisant avec le temps que l’homme détestait plus que tout les conversations trop sérieuses. Alors Isaac fait des blagues, plus qu’avec Isadora, plus qu’avec Karim. Il a compris que c’était le langage de son ami, et bien qu’il ne soit pas toujours dans l’humeur pour les plaisanteries, il tente de rire le plus possible. Mais bien vite la discussion change de ton. Pour une fois, c’est l’autre homme qui amène le sujet difficile, qui commence à parler de la personne dont Isaac ne veut jamais parler. Pourtant il n’y a pas un seul jour où il ne pense pas à Casey, pas un moment de répit où la culpabilité arrête de le ronger. Avec amertume il répond aux questions d’Anthony, trouvant son jeu bien cruel. Mais ce n’est pas un, en réalité, il finit par le comprendre. Si lui pleure encore la perte de son frère, son meilleur ami vient apparemment d’apprendre l’existence du sien. Les questions précédentes semblent évidemment plus logiques à présent, mais le scénario reste encore un peu abstrait dans l’esprit du musicien. Il ne peut pas imaginer ce que cela fait d’apprendre une telle nouvelle aussi tard dans sa vie. Et il a évidemment du mal à concevoir une enfance sans avoir un double pour faire tout ensemble. « Comment tu l’as appris ? » La situation soulève énormément de questions. Pourquoi est-ce que leurs parents ont pris une telle décision de les séparer ? L’autre frère est-il au courant ? Pourquoi n’avoir rien dit plus tôt ? Isaac reste pourtant silencieux, ne voulant pas assiéger Tony par des questionnements qui n’en amèneront que plus. Tout cela doit lui sembler déjà bien déroutant, alors le mieux qu’il puisse faire c’est de le soutenir, quoi qu’il arrive. A ses yeux, il doit le rencontrer, d’une manière ou d’une autre. Il ne peut pas imaginer vouloir passer à côté d’un tel lien et c’est ce qu’il tente d’expliquer à son meilleur ami, d’une manière qui, évidemment, réouvre de nombreuses cicatrices pour lui. Pourtant un sourire amusé lui vient en entendant la manière dont Tony en parle. « Il fait quoi comme boulot pour que tu sembles aussi énervé ? » demande-t-il pour alléger un peu la conversation. Mais il se reprend bien vite, là n’est pas la priorité. « Si tu n’as que son lieu de travail, va le voir là-bas alors. Peut-être que ça l’aidera d’avoir des gens autour, il ne se sentira pas… pris au piège. Et si tu veux… enfin si tu as besoin de soutien… je peux t’accompagner. » Cette proposition peine à sortir de ses lèvres et pourtant Isaac est entièrement sincère. Il ne sait pas si ça lui ferait du mal de les voir ensemble, il ne peut évidemment pas prédire ce qu’il se passera, mais il veut assurer à son ami qu’il sera là pour lui. Parce qu’au bout du compte, il est heureux pour lui. Heureux qu’Anthony puisse avoir la chance de rencontrer sa moitié, celui qui - s’il accepte ce rôle - sera toujours là pour lui, quoi qu’il arrive. Il pense à toutes ces choses que Tony va découvrir, cette complicité nouvelle qui le fera grandir, et évidemment il pense aussi à toutes ces choses que lui ne connaîtra plus jamais. Il sourit Isaac, bien tristement, et s’il voudrait passer à autre chose il s’approche tout de même quand son ami lui dit de le faire. Il est un peu curieux néanmoins, mais ses mots lui retournent l’estomac et le laisse muet pendant quelques secondes. Finalement c’est avec un sourire triste qu’il lui répond, secouant doucement la tête. « Tu n’as plus à te rattraper, ne t’en fais pas. » Il aimerait pouvoir lui dire qu’il n’a pas à s’excuser, que ce n’est pas de sa faute, mais prononcer de tels mots ne serait pas totalement sincère. Anthony a eu un rôle dans la chute de Casey, peut-être pas le plus important ou le plus déterminant, mais il a fait partie de l’équation néanmoins. Isaac ne peut en vouloir à personne autant qu’il s’en veut à lui-même, il sait qu’il portera cette douleur, ce deuil et cette culpabilité jusqu’à la fin de ses jours, mais ça ne regarde que lui. La colère qu’il a pu ressentir envers Kéo ou Tony s'est dissipée avec le temps. Une distance normale se reforme entre les deux hommes et avec un meilleur sourire le barman reprend son boulot, se saisit d’une bouteille pour remplir à nouveau le verre de son ami. « T’as des choses de prévues pour le reste de ta soirée ? » demande-t-il d’un air amusé. S’il y a bien une chose qui ne l’étonne plus, c’est le nombre de conquêtes qui passent entre les draps de son ami. Toujours des inconnues qu’il ne reverra pas, parfois quelques hommes aussi s’il en croit les ragots, mais jamais rien qui ne pourrait supposer une quelconque relation. Au fond ça Isaac ne peut pas le juger, la dernière personne avec qui il a osé croire en quelque chose a pris la fuite quand les choses devenaient réelles.

/ awards session

/ awards session