stars, hide your fires (ethan)

[Stars, hide your fires]

Le matin lorsqu'elle se réveille, Charlie a toujours du mal à se rappeler l'endroit où elle est. Et puis elle reconnaît le plafond, les petits détails qu'elle avait oublié. Il lui revenait peu à peu en mémoire mais demeurait ce sentiment de culpabilité qui se faisait plus oppressant au fil des jours. Surtout lorsqu'elle devait faire semblant que tout allait bien. Elle vivait sur le fil d'un rasoir, un faux pas, elle tombait, risquait de se faire mal, mais se serait bien pire le jour où il se souviendrait de tout. Charlie ne sait pas trop si elle a envie que cela arrive, ou si elle doit saisir sa chance. Ses sourcils se froncent tandis qu'elle repose le livre qu'elle lit. Saisir sa chance? Quelle chance? Elle n'a aucune chance de faire quoi que ce soit si ce n'est le blesser encore plus qu'elle ne l'a déjà fait. Ses yeux se ferment. Elle ne doit pas pleurer, elle ne pleure jamais sauf lorsqu'elle fait semblant. Il est si facile pour elle de pleurer sur commande, mais pas en vrai.
Elle se saisit de son téléphone portable et parcourt les mails qu'elle a reçu, envoyés par la plupart par son agent, différentes demandes de casting, des petits rôles, des figurations principalement à LA. Mais elle n'est plus dans la cité des anges. Elle se lève pour aller fermer la fenêtre qu'elle a ouverte. Elle aime sentir l'air tiède sur sa peau, le souffle léger du vent et les bruits de l'extérieur. Les gens qui marchent et qui rient, qui parlent de tout et de rien. Elle prends ensuite son courage à deux mains pour sortir de la pièce dans laquelle elle se trouve à la recherche d'Ethan. Enfermé, comme elle, condamné à attendre qu'il soit apte à servir à nouveau. Elle n'a jamais pu supporter d'être enfermée, sauf lorsqu'il fait trop mauvais dehors. Il est si agréable alors d'être à l'abris, au chaud, tandis que les éléments se déchaînent.

Lorsqu'elle le trouve, son cœur se met à battre un peu plus fort tandis qu'elle observe sa silhouette si familière et pourtant, si différente. Cela fait si longtemps. Elle n'était là, devant lui que parce qu'elle savait qu'il avait tout oublié, sinon jamais elle ne serait revenue. Mais quand elle avait reçu ce coup de téléphone... Charlie n'avait pas pu l'abandonner encore une fois. Elle inscrit sur son visage un léger sourire tandis qu'elle tente de se changer les idées. Les yeux sont le reflet de l'âme dit-on, elle n'a pas envie que les siens reflètent la douleur du passé ou la culpabilité. Pour sa guérison, elle doit faire semblant, ne le déranger en rien.

« Est-ce que ça te dirait qu'on aille se promener un peu? » s'entend-elle dire. Quand elle évalue sa voix, elle remarque avec soulagement que celle-ci est parfaitement normale, posée, douce. « Il fait bon dehors. »

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stars, hide your fires
La frustration et la colère meublaient désormais son quotidien. Prisonnier de son propre crâne, perdu dans ces souvenirs anciens qui se bousculaient maladroitement. Un monde imaginaire dans lequel tout lui semblait récent, alors que la vérité était tout autre. Il tentait tant bien que mal d’arpenter cette mosaïque, tentant d’assembler un tableau concret à partir des fragments d’information dont il disposait. Installé au sol dans le salon, il avait sorti tous les albums photos, toutes les boîtes remplies de clichés, de souvenirs immortalisés. Ethan prenait une photo et s’affairait à la fixer, longuement. Obstinément. Désespéré à faire fonctionner le rouage de son cerveau. Anxieux et frustré. Ses médecins n’avaient pu se prononcer sur la durée de cette amnésie, n’avaient pu lui assurer sans l’ombre d’un doute qu’elle ne serait que temporaire. Il devait se montrer patient et indulgent envers lui-même, leur avaient-ils dit. Le pompier poussa un soupire et s’adossa contre le sofa, plongeant sa tête au creux de ses paumes. L’impuissance et l’incompréhension. Il étouffe à l’intérieur de cette demeure. Ce sentiment étrange qu’il n’arrive à s’expliquer, ni à exprimer que la maison n’a plus cette impression rassurante du cocon qu’il a bâti avec son épouse. Il suppose que le problème vient de lui. Qu’il n’a pas les idées claires depuis son accident, que ce n’est qu’une étrange illusion passagère. Pourtant, il la ressent cette tension, cette lourdeur qui pèse dans l’air lorsqu’il est entouré de ses amis, de Charlie aussi. Comme si tout le monde partageait un secret qu’il était le seul à ignorer. Le grincement du plancher le tira de ses pensées et il releva les yeux vers elle. Machinalement, ses lèvres s’étiraient en un sourire qui miroitait celui de sa femme. Il la toisa quelques instants, s’attardant sur les traits de son visage qui semblaient inchangés. Toujours aussi belle. Comme dans ses souvenirs, comme si le temps avait oublié d’œuvrer sur elle. Elle lui suggéra d’aller prendre l’air. Il poussa un petit soupire, de soulagement peut-être. Sortir de cette maison ne pouvait lui faire que du bien, songea-t-il. Il acquiesça. " C’est une excellente idée. " lui répondit-il en un souffle. Il s’afféra à ramasser quelques photos avant de se relever du sol. Elle ne mentionna pas la tornade qui semblait avoir passé dans le salon, le bordel qu’il avait réussi à créer en éparpillant les clichés de leurs vies, de leurs souvenirs partout au sol. Peut-être devinait-elle qu’il était un reflet de ce qui se tramait à l’intérieur de lui, qu’elle préférait ne pas s’aventurer sur ce terrain. À côté d’elle, il ne peut retenir sa main de vagabonder vers elle, passa ses doigts dans sa chevelure. Il s’approcha et déposa un baiser sur son front, fermant les yeux l’instant de quelques secondes, se laissant imprégner de cette odeur familière – celui de la femme qu’il aime. " Je vais chercher une veste et je te rejoins. " murmura-t-il avant de s’éloigner à contre-cœur d’elle.

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