[terminé] worst nightmare (ashley)

[ worst nightmare ]

@ashley kehler & @pacey thomas

Tu es nerveux. Cela t’arrive toujours pour chaque début de chantier car tu sais que tu joues ta réputation au-delà d’une somme importante (souvent) d’argent qui te permets de vivre. Cette fois, ta nervosité dépasse la simple angoisse de début de chantier. Pour plusieurs raisons. Parce que tu es missionné sur un chantier communal, que tu peux possible racheter ton image et celle de ton nom auprès d’une partie de la communauté. Parce que tu vas bosser aussi avec un démon de ton adolescence.

Tu n’as pas su immédiatement que tu allais travailler avec elle. Elle, ce poison, cette harpie, cette garce. Tu l’as su au hasard, ce matin, en passant à la mairie pour retirer le carnet de bord qui décrit les obligations d’urbanisme et les critères du maire. Tu as parcouru le document dans ta voiture en attendant devant le chantier parce que t’étais en avance. Et là, t’as vu son nom. Kehler. Tu as avalé ta salive, durement. Tes mains sont devenues moites au souvenir des moqueries d’adolescentes et des sifflements qu’elle faisait à ton passage, avec ses copines. Putain de merde.

Tu tournes en rond devant le parvis de ce qui deviendra la nouvelle et moderne bibliothèque municipale. Tu l’attends. Cela ne change pas de ses retards répétés en classe, visiblement, à croire qu’elle n’a pas changé, cette garce. Tu contractes ta mâchoire tout en envoyant un sms à Ethan. Faut que tu lui racontes cette bonne blague. Il va s’marrer, à coup sûr. Ou pas. Puis finalement, t’entends des talons.

C’pas trop tôt.

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T’es en retard. Pour changer. Tu ne sais pas quel genre de malédiction s’est abattue sur toi quand tu étais plus jeune mais c’est un calvaire : tu n’arrives jamais à être à l’heure. Si tes amis et ta famille te pardonne volontiers, tu es plutôt du genre mal à l’aise quand cela t’arrive pour un rendez-vous professionnel. Par chance, tu dois te rendre dans le quartier de Warehouse, proche de là où tu habites. Cela t’évitera d’innombrables bouchons. Tu te dépêches de prendre ton sac, veillant à ne rien oublier au passage et tu te diriges droit vers la bibliothèque municipale.

Lorsque tu arrives à proximité de la porte d’entrée et que tu aperçois enfin la personne avec laquelle tu vas travailler, tu t’arrêtes net. Putain c’est pas possible. Pas lui ? L’attraction du lycée ? Tu ne peux pas t’empêcher de l’examiner avant de te rapprocher de lui. Il n’a pas changé…ou presque. Toujours cette chevelure noir ébène, toujours cet air perdu, les mains dans les poches. Pourquoi t’avais pas vérifié avant de venir ? Bon après tout, c’était toi qui donnerait les ordres non ? Lui était ébéniste, pas décorateur. Il exécutait c’est tout. T’es mal à l’aise parce que tu n’es plus cette fille, un peu peste, que tu étais auparavant. En tout cas pas quand tes amies ne sont pas à tes côtés. Pourtant tu ne sais pas pourquoi, les mots sortent de ta bouche avant que tu n’aies pris le temps de réfléchir. Et c’est donc pleine de sarcasme que tu l’interpelles « Tiens donc, toi ici ? Quelqu’un a bien voulu te donner un job ? »

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Tu es irrité rien qu’à la voir. Tu n’y es pour rien, t’es comme ça : t’as un côté rancunier. T’en veux à Ashley comme t’en veux à la moitié de cette ville si ce n’est plus pour te juger pour le nom que tu portes, pour les monstruosités de tes parents. Parents, un grand mot mais soit, c’est ce qu’ils sont, au-delà d’être des géniteurs, bien qu’ils ne t’aient pas élevés et que dans ton coeur, ta mère, c’est ta tante Maggy. Visiblement, ton agacement est partagé. Une première réflexion d’Ashley fuse alors qu’elle arrive à peine à ta hauteur et que tu constates combien elle est minuscule, malgré ses talons. Ou alors, c’est peut-être toi qui est un peu plus grand que la norme avec ton mètre nonante bien entamé. Tu la regardes tout en poussant un soupir, dépité.

Y’a bien plus de monde qu’on le pense qui te donne du job. Les gens évitent juste de le crier sur les toits mais tout le monde s’en doute bien quand on voit éclore un nouveau bardage ou une nouvelle charpente. Parce que des ébénistes, y’en a pas quinze en villes. Tu lèves les yeux au ciel. Tu ne réponds pas à cette réplique puéril. Tu te contentes de hocher la tête comme une salutation, histoire d’être poli, et de murmurer le nom que porte la blonde. « Kehler ». Si cela commence ainsi, tu sens que vous -courrez droit à la catastrophe. Pour atténuer ta nervosité, tu prends un chewing-gum et commence à le mastiquer ; ça, c’est pas super poli mais tu t’en fiches. T’es trop sur les nerfs. Tu sens qu’elle va vouloir te dominer parce que c’est elle, ta superviseur sur le projet, concrètement. « T’as toujours pas franchi un pas vers l’amabilité, visiblement », tu bougonnes. C’est plus fort que toi, fallait que ça sorte.

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La gêne te gagne alors que tu viens de te comporter littéralement comme lorsque tu avais dix-sept ans. C’est stupide et certainement pas la meilleure manière de débuter le projet. Mais tu ne te l’expliques pas. Le revoir a fait remonter en toi une colère que tu avais oubliée. Cette rage que tu avais eu lorsque tu avais compris que ses parents étaient la pire espèce d’ordure qui existait sur cette planète. Et en réalité t’avais toujours eu peur de lui. La pomme ne tombe jamais très loin de l’arbre non ? « Pas avec les psychopathes de ton genre non. » Hors de question d’être agréable ou de faire semblant. T’as pas le temps pour ça. Et t’as surtout pas envie d’être gentille et de te rendre compte dans trois mois qu’il cache des gamins dans sa cave. Tu rentres dans la bibliothèque sans lui demander de te suivre. Il le fera bien par lui-même non ? Quand t’entends la porte se claquer une deuxième fois, tu te retournes vers lui et commence à parler. « Ok finissons en au plus vite. Je te propose de se voir les lundi matin à 10h pour un point de trente minutes d’avancée de projet. Je passerais aussi à ton atelier vérifier comment tu travailles dans la semaine. Le maire souhaite qu’on ait terminé le plus rapidement possible et va savoir pourquoi mais je ne te fais pas confiance… » Tu regardes rapidement autour de toi. Il y a énormément de boulot. Tout est à refaire et tu sais déjà que vous n’aurez jamais fini dans le temps imparti. « Je veux qu’on utilise du bois type OBS, ça coutera moins cher et on n’a pas un budget extensible. » poursuis-tu sans lu laisser vraiment le temps de répondre. Tu lui accordes un rapide regard avant de demander : « Des questions ? » Et t’espères qu’il n’en aura pas parce que tu n’as pas envie de passer une seconde de plus avec lui.

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Psychopathe. La première insulte fuse, te faisant soupirer bien plus fort que de raison. Elle n’a visiblement pas une meilleure inspiration qu’à l’époque du lycée. Pathétique. Tu t’es toujours demandé pourquoi on te considère comme psychopathe. Tu as certes une tendance à observer en silence mais cela n’a rien de malsain, pourtant. Venant d’elle, de toute façon, tu sais que c’est infondé et injustifié, c’est bas. Tu ne réponds pas à cette réflexion parce que t’estimes que ça ne sert à rien : Ashley aura probablement quelque chose à redire. Comme à l’époque. Tu pouffes de rire discrètement quand elle parle d’un briefing le lundi matin. Pas très au fait, la demoiselle. Tu as bien précisé au Maire et ça t’as été naturellement accordé, que tu travailles les samedis mais que tu récupères tes lundis. C’est ainsi que cela se passe, depuis des années. De toute façon, la plupart des corps d’ouvrage avec lesquels vous allez devoir bosser aussi ne travaillent pas les lundis, comme toi. Comme les commerçants, aussi, par exemple. « J’bosse pas le lundi », tu bougonnes. T’as juste pas envie d’articuler, de faire cet effort pour Kehler qui, en prime, cerise sur le gâteau, annonce passer régulièrement voir l’avancement des travaux dans ton atelier. Cela t’irrite de l’imaginer dans ton antre boisée. « Pas d’OBS », tu dis fermement. Tu trouves ça dépassé, peu esthétique et ça vieillit mal par rapport à d’autres technologies du bois et d’autres matières naturelles qui existent aussi. Tu ne lâcheras pas là-dessus. Tu fais de la qualité, point à la ligne. « J’me demandais juste quand tu comptais te la fermer et me laisser prendre mes mesures ? », lance-tu en la regardant de bas en haut avant de parfaitement l’ignorer. Tu lui passes devant et tu t’avances, ton mètre en main, pour commencer à prendre les mesures dont tu as besoin pour commander ce qu’il te faut pour le chantier.

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Est-ce qu’il a toujours été si insignifiant ? Si lent ? Si… insupportable ? T’as déjà envie de le secouer tellement il manque d’entrain. Même quand il ouvre la bouche pour parler il n’articule pas. « Tu ne bosses pas le lundi ? » Non mais sérieusement ? Et il compte que tu fasses des heures supplémentaires ? Tu soupires bruyamment. « Ok on fera le point les mardi matin à 10h alors. » Tu n’as pas le choix et tu as intérêt à mettre de l’eau dans ton vin si tu veux que le projet avance correctement. T’as un fort intérêt là-dedans. T’es pas idiote. Tu sais très bien que si la rénovation de la bibliothèque est un succès, tu décrocheras encore plus de contrats. Et en 2020 c’est décidé : t’agrandis ta structure. T’as même embauché un stagiaire c’est pour dire… Tu attends qu’il acquiesce au reste de tes propositions mais à la place il marmonne qu’il ne bossera pas avec un tel matériau. « Tu te fous de moi ? C’est toi qui gère le budget de la rénovation peut-être ? T’es un artisan qu’on embauche pas la tête pensante du projet ok ? » Là c’est trop. Ça fait à peine 5 minutes que t’es en sa présence et déjà il t’insuporte. Il ne parle pas, reste là, l’air hagard, et se permet de contredire tout ce que tu proposes ? T’es loin d’imaginer qu’il va en plus te demander de te taire pendant qu’il prend ses mesures. « Il ne me semble pas que je t’ai manqué de respect ? Tu pourrais peut-être me parler autrement ? » Connard. Tu le penses mais tu le gardes pour toi. Tu te dois d’être irréprochable mais tu sens déjà que ça va être compliqué avec lui.

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Ouais, tu ne bosses pas le lundi mais tu bosses souvent et bien plus que de raison les weekends et jusqu’à pas d’heures, en semaine. Le lundi, c’est ton moment à toi où tu profites pour (malheureusement) faire tes courses et sinon, pour de longues randonnées boisées avec tes chiens. C’est aussi le jour où tu te rends sur la tombe de Maggy pour l’entretenir, par hommage et respect à son égard. Tu ne réponds pas à sa pique. Tu supposes que quand toi, tu bosses les weekends, Madame doit écumer les rayons des grandes marques pour s’offrir le dernier sac en vogue ou les derniers talons à la con. T’as pas envie de rentrer dans son jeu ; ta rancœur l’a déjà trop fait à la place de ta raison. Elle te rappelle que t’es qu’un artisan mais pour une bibliothèque écologique, dans le projet souhaité du Maire, t’es quand même l’artisan clé. Tu te retiens de lui rappeler et qu’en prime, pour un projet local, un ébéniste local, y’en a pas cent. Tu mords sur ta chique, tu te tais. Tu ricanes quand elle estime que tu lui as manqué de respect. C’est l’hôpital qui se fiche de la charité ? C’est elle qui te traite avec dédain depuis tantôt. Tu continues et termines tes mesures sans rien dire. Tu notes sur un calepin les mesures. Puis, tu te tournes vers elle. « Me traiter de psychopathe c’est pas un manque de respect peut-être ? Ou chez toi, c’est tellement habituel depuis l’adolescence de dénigrer les gens que c’est la normalité ? ». Ta voix a un ton neutre. Impassible. Tu la regardes à peine parce que ça n’en vaut pas la peine. Tu continues à bosser parce qu’elle serait capable de te le reprocher, cette conne.

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L’animosité que vous aviez l’un envers l’autre était palpable. Ta gestuelle ne trompait personne : haussement de sourcils, levage de yeux vers le ciel, soupirs… Cela ne faisait que cinq minutes que vous étiez ensemble et déjà tu étouffais. Comment t’allais pouvoir le supporter pendant trois long mois ? Tout ce que tu disais, il prenait soin de le refuser ou de te contredire. Et les seules fois où il prenait la parole c’était pour te demander de la fermer ? T’en avais déjà marre de cette attitude. Il n’en avait pas le droit. Il se devait de faire profil bas. Tout le monde connaissait son histoire en ville et il devrait déjà s’estimer heureux d’avoir le droit d’exercer. « Tu joues sérieusement à la victime là ? » Mais quel culot ! C’est l’hôpital qui se fout de la charité quand on sait ce qu’ont fait ses parents. Tu lui lances un regard noir qui ne sert à rien tant il est occupé à mesurer les étagères. Il est tout sauf coopératif et ça commence à te gonfler. Tu le vois lambiner, ou tout du moins t’en as l’impression. Est-ce qu’il ne peut pas aller un peu plus vite ? Alors tu t’assois sur l’un des vieux fauteuils de la bibliothèque et tu sors ton téléphone portable pour prévenir toutes tes copines de l’enfer que tu es en train de vivre lorsque sa voix te sort de ton activité. Tu te relèves pour t’approcher de lui. Plus tu t’approches plus tu remarques à quel point il est grand. T’avais oublié ce détail. Et plus tu t’approches plus tu suffoques. T’es franchement pas à l’aise avec lui. C’est sûrement pour ça que vous l’avez tant détesté avec tes copines. Il ne parle pas, observe tout le monde dans son coin comme le tordu qu’il doit être. T’aurais presque peur pour ta vie et tu te demandais si finalement tu ferais irruption à son atelier comme prévu.

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Encore une fois, tu laisses un vide à Ashley et tu ne prends pas la peine de répondre parce qu’elle aura toujours quelque chose à redire, tu le sais. Adolescent, tu rétorquais systématiquement mais avec l’âge, t’as appris que la parole est d’argent mais le silence, lui, est d’or et c’est pourquoi, en général, tu te tais. De plus, le malaise est souvent plus profond quand tu ne réponds rien que lorsque tu rétorques. C’est plus jubilatoire pour toi, en quelque sorte. Pendant que tu prends des mesures, tu la vois sur ton téléphone. Ça promet. Et après, elle ose avoir le toupet de te parler (déjà) de délais à respecter alors qu’elle se tourne les pouces ? Tu secoues la tête, dépité.

Quelques minutes passent dans un silence de plomb. « Kehler ». Tu n’aimes pas ce que tu viens de voir en levant le nez, ça craint. La charpente a bougé. Ce n’est pas flagrant mais avec ton œil habitué et presque expert, tu l’as vu de suite. A quoi ça sert de retaper si les fondations sont menacées ? Tu n’as pas lu ce défaut ou ce point dans le cahier des charges, tu te demandes si la municipalité a même capté le défaut. Tu attends qu’elle arrive puis tu pointes du doigt le plafond. « C’est la merde », tu annonces. Tu te doutes que même si elle a des notions de BTP, Ashley reste décoratrice alors tu sors de ton presque silence pour t’expliquer. « A gauche de la poutre, contre le mur, t’as une légère trace de frottement. Ça craint, ça. Cela veut dire que ça a bougé et que ça va probablement re-bougé ». Tu insistes parce que vu la météo ici, c’est de mauvais augure et de mauvais présage.

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Qui ne dit mot consent non ? T’es sûre que c’est la raison pour laquelle il ne répond pas. Il sait très bien qui il est et d’où il vient. L’une de tes copines te répond que si jamais tu te sens en danger il te suffira d’envoyer SOS par sms et tu ne peux te retenir de pouffer. Elles sont complètement perchées parfois… Le brun t’interpelle et déjà tu ripostes : « C’est Ashley ! » Ce qu’il peut être horripilant c’est dingue ! Il y prend un malin plaisir ou quoi ? Tu t’approches alors que tu le vois pâlir à vue d’oeil. Et ce n’est pas peu dire quand on sait qu’il est déjà blanc comme un linge. T’es loin d’imaginer ce qu’il va t’annoncer. Tu fronces les sourcils en l’entendant de te décrire la situation. Oui c’est la merde. Si le bâtiment de la bibliothèque n’est pas stable ça n’est vraiment pas de bonne augure. T’ouvres le dossier de la mairie et le parcours rapidement des yeux. Comment est-ce possible que tu ne trouves rien d’écrit ? T’as jamais fait face à ce genre de problématique et tu ne comprends pas que la personne en charge du territoire et des constructions ne l’ait pas vérifié auparavant. Il faut résoudre le problème avant de débuter quoique ce soit sinon le projet court à la catastrophe. « Est-ce que le maire t’en avais parlé ? » La question est presque réthorique au vu de la manière dont il t’a interpellée mais cela ne doit faire aucun doute. « Mes connaissances sur le sujet sont un peu limitées. Est-ce qu’il faut faire examiner le bâtiment par un expert ? Est-ce que ça signifie qu’on va devoir démolir pour reconstruire ? » Tu lui demandes son aide et ça te rend mal à l’aise. C’est sûr qu’il va se servir de ton manque d’expertise pour te rabaisser.

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A sa réaction, tu comprends rapidement qu’elle n’est pas au courant de ce défaut dans la construction du bâtiment. Tu ne comprends pas toi-même comment un professionnel peut passer à côté de cela. C’est quand même, selon toi, la moindre des vérifications, les fondations, avant de penser à l’intérieur. Tu comprends rapidement que le délai d’exécution va être rallongé parce que tu ne peux pas faire de miracles. Tu sais très bien ce que ça implique, contrairement à Ashley qui, par conséquent, te pose des questions et avoue avoir une connaissance limitée dans le domaine. Tu as la supériorité, pour le coup, c’est assez plaisant mais tu ne laisses rien paraître et reste neutre. « Cela signifie juste que y’a un sacré contretemps dans l’timing », tu commences. Tu te lances dans du technique ou pas ? Tu sautes à l’eau mais t’utilises un vocabulaire plus commun que le professionnel, pour éviter d’avoir à trop parler avec ton interlocutrice. « Cette poutre donne directement sur la toiture. Va falloir trouver un couvreur qui retire les tuiles, que je change cette poutre tout en solidifiant le tout pour ne pas risquer l’effondrement puis remettre les tuiles ». Tu réfléchis. « Trois bons jours de travail si le temps est avec nous sans compter les préparations annexes à l'atelier». Tu essaies d’anticiper les questions d’Ashley. « Par contre, faut vraiment que t’appelles le mec de l’urbanisme pour savoir où sont les murs porteurs parce que ça, c’est genre essentiel comme données ». Tu ranges ton mètre dans ta poche ainsi que ton calepin avec les mesures griffonnées dessus. Tout en parlant, tu t’es dirigé vers l’extérieur. Tu prends une cigarette et puis, tu tâtes tes poches. Eh merde. La clope au bec, tu demandes : « T’as du feu ? »

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Les phrases défilent et plus il t’explique le problème, plus tu n’en reviens pas. Comment ça défaire la toiture ? Mais c’est le genre de trucs qui ne dure jamais trois jours comme il le prétend… T’as l’habitude des chantiers de rénovation de maisons qui prennent du retard. La toiture c’est long et handicapant. Les fondations aussi. T’arrives pas à croire que vous cumulez à ce point. « Ouais je l’appellerais pas de soucis. » Enfin si, soucis il y a c’est clair ! Tu soupires bruyamment, essayant de libérer un peu de la tension qui vient de s’installer sur tes épaules et le suit dehors. « Non désolée je ne fume pas. » Quelle idée de bousiller sa santé avec des cigarettes ! C’est complètement con mais tu te retiens de lui faire la moindre réflexion. Ce n’est plus le moment. Ce que tu viens d’apprendre sur la construction du bâtiment et ce souci de poutre ne te donne aucune envie de t’éparpiller. Tu sors à nouveau ton téléphone et compose le numéro sur la première page du dossier de rénovation. Ce Max Jefferson va t’entendre. Quelques sonneries plus tard, tu entends la voix de sa secrétaire qui t’indique qu’il n’est pas à son bureau et qu’il te rappellera à son retour. Tu te tournes vers Pacey, complètement abattue. « Pas disponible pour l’instant. » Tu t’assois sur le petit muret et regarde la bibliothèque. « Je peux quand même te montrer ce que j’avais prévu ou tu vas continuer à tout refuser en bloc ? » Parce que tu ne le supporterais pas. Tu sais que tu es bonne dans ce que tu fais et c’est malheureusement aussi ton rôle de réduire les coûts pour un matériel comme de l’OBS parfois. Même si tu n’as pas envie de lui dévoiler tes croquis, tu sais qu’il va falloir un jour ou l’autre le faire. T’ouvres ta grande pochette à dessins celle qui contient, à tes yeux l’ensemble de tes trésors et lui tend l’une des planches.

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T’es complètement frustré. Tu avais grand besoin de nicotine pour passer ta nervosité face à cet imprévu qui n’était clairement pas ni dans ton planning ni dans celui de la décoratrice. Tu sais que tu sauras y faire face sans problèmes mais c’est tout de même un contretemps de poids dans un timing déjà assez serré comme cela. Sans compter la pression que Ashley Kehler va te mettre sur les épaules, t’en es certain vu comment les choses se profilent déjà dès le premier jour des travaux et du projet. Tu tripotes ta cigarette avant de te résoudre à la mettre derrière ton oreille ; il y a un briquet dans ta camionnette, ce n’est que partie remise. Tu attends pendant qu’Ashley passe un coup de fil, visiblement énervée mais également stressée. Tu la comprends. Tu es dans le même état. Elle te propose ses planches mais y va tout de même de sa petite pique. Tu n’as pas décidé de tout refuser en bloc, tu as juste décliner une chose pour laquelle tu n’es pas d’accord ; ça n’entre pas dans tes principes de qualité. C’est tout. « Ouais ». T’en dis pas plus. Parce que tu sens sinon que tu vas lui lancer un truc à la gueule et ça te fatigue déjà, une nouvelle joute verbale avec elle. C’est sympa, faut bien l’avouer. C’est moderne et ludique pour la ludothèque destinée aux enfants. Tu apprécies surtout que les meubles, notamment pour cette section, ne se résume pas à de simples bibliothèques adaptées à la taille enfantine ; non, y’a un vrai travail de design et toi, ça te plaît de devoir bosser sur des meubles comme ça. Tu opines du chef, plutôt enthousiaste. « C’est beau ». Oui, t’as fait un compliment à Ashley sans que ça t’arrache trop la gueule (un peu quand même) parce que tu le penses. Parce que tu vas pouvoir t’éclater dans ton boulot, aussi, sans devoir te limiter à des trucs basiques. « Tu as des scans ou des copies à m’filer ? », tu demandes, déjà impatient de te mettre au travail.

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Même s’il fait illusion il a l’air aussi anxieux que toi au sujet de cette charpente. Sinon pour quelle autre raison aurait-il besoin de fumer ? L’idée ne te traverse même pas l’esprit que, peut-être, tu es tellement insupportable et que tu lui as fait vivre un tel enfer plus jeune qu’il est mal à l’aise… Parce que toi tout ce qui t’importe c’est cette mauvaise nouvelle qu’il vient de t’annoncer. Tu regardes ton téléphone portable, rageuse. « Je vais le menacer, il a intérêt à nous répondre rapidement. » Tu sais pas faire autrement Ashley. T’as tendance à régner par la terreur. Nul doute que cette fois ça va bien lui servir à Pacey. Tu n’oses pas le regarder tandis qu’il parcourt tes croquis un à un. T’aurais dû lui envoyer par mail avant. Parce que t’apprécies pas trop que quelqu’un juge ton travail sous tes yeux. Et au vu de l’humeur du type, tu es persuadée qu’il va refuser tous les projets que t’as prévu pour cette bibliothèque. Mais il te surprend en te complimentant. Ça ne lui fait certainement pas plaisir de te le dire, mais il apprécie. « Merci. » T’es encore un peu sous le choc quand il te demande si tu pourras lui envoyer tes dessins. « Heu ouais bien sûr. » Un ange passe. Tu ne dis rien de plus. T’es pas souvent gênée mais quand iil s’agit de ton travail, t’es différente Ashely. Tu grognes de désespoir en observant une dernière fois le bâtiment. Ces travaux sont de toutes manières inéluctable, autant que tu t’y fasses. Mais il va falloir que tu ré-écrives tout le planning et ça t’épuise déjà. C‘est toujours un casse-tête et tu as déjà mis une bonne semaine à faire celui-là. Alors tu lui poses la question qui te brûle les lèvres : « Il va quand même pas falloir importer le bois ? Je veux dire pour la poutre ? » Tu as pris un engagement auprès de la mairie. Et s’il faut en plus compter des délais pour les matériaux…« Si intempérie il y a, ça veut dire combien de retard ? » Autant le prévoir aussi dans le timing, comme ça t’es sûre que tu n’ajouteras pas de retard, au retard…

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La réaction d’Ashley ne se fait pas attendre et elle n’hésite pas à menacer le personnel communal. Tu n’es pas étonné, t’as déjà testé la tornade blonde durant toute ton adolescence et t’en as subi des belles moqueries, à cause d’elle. Heureusement, cette fois, son courroux n’est pas dirigé vers toi et tu profites de ce répit tout relatif. T’es beaucoup moins anxieux quand la colère des gens ne se dirige pas vers toi. Tu as tendance à vite stresser et angoisser parce que tu n’aimes pas les interactions sociales et humaines, notamment quand conflits ou problèmes, il y a.

Ashley semble perplexe quant à ton compliment pourtant sincère. T’es capable de faire preuve d’objectivité même pour quelqu’un que tu détestes autant qu’elle, qui a eu le don de transformer l’époque du lycée en période cauchemardesque. « Je vais pouvoir m’atteler rapidement à la conception, comme ça ». La raison du pourquoi tu désires les dessins car évidemment, ce n’est pas pour admirer son travail comme l’obsédé dérangé qu’elle pense que tu es.

Tu ne t’inquiètes pas pour la poutre car tu as une solution de secours dans ta poche, fort heureusement. Quand Ashley, elle, s’en inquiète, tu hausses des épaules avant d’opiner du chef de gauche à droite, par la négative. « Non ». Tu te rends compte que ça ne suffit pas comme réponse même si elle se veut rassurante. « Par chance, je dois vérifier les mesures, mais je pense qu’il m’en reste d’un vieux chantier », tu expliques. « Bah tout dépend de l’intempérie, tu sais », tu réponds en haussant les épaules, de nouveau. Tu as ce foutu tic qui rendait fou ta tante Maggy. « De la bruine, une fine pluie, ça passe. Si on se tape une tornade comme on peut s’en taper ici, là, c’est plus compliqué ».

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@ashley kehler & @pacey thomas

Les nouvelles seraient presque rassurantes. S’il a déjà la matière première chez lui, ça va grandement vous aider. Et quant aux intempéries il y a quand même peu de chance qu’une tornade se pointe d’ici la semaine prochaine. « Ok cool. » Même si tu penses plutôt le contraire. T’es angoissée comme pas possible à l’idée que le projet prenne du retard. Déjà parce que tu n’as pas envie de passer plus de temps en sa compagnie mais aussi parce que de ce projet peut en découler énormément d’autres avec la mairie. C’est un petit peu ton test et tu n’as pas envie de le louper. « Donc dès que j’ai des nouvelles du gars je t’appelle pour que tu te mettes direct au boulot. » Ta voix se veut plus douce mais au fond de toi, tu te la joues toujours autant directive. Tu veux juste arrondir les angles pour que cela se passe au mieux et surtout le plus vite possible. Tu lui tend un petit bout de carton avant de lui dire : « Vas-y écris ton numéro. » Ça t’écorche les lèvres de devoir lui demander son numéro. Tu ranges le papier dans le dossier. C’est pas comme si t’allais en plus l’enregistrer dans tes contacts. Faut pas rêver ! « Ton atelier se situe où ? » que tu enchaines.

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Tu sens qu’elle ne te fait pas confiance. Clairement pas. En même temps, il ne faut pas être très malin pour percevoir le doute dans sa voix et surtout – le pire -, dans son regard. Cela t’agace car visiblement, Ashley est nullement capable de faire la différence entre le professionnel et le personnel, gardant ses craintes infondées de l’adolescence basée sur tes parents, pas sur ce que tu es, toi, Pacey, sans le fardeau du nom Thomas. Y’a prescription d’une génération à l’autre, non ? En plus, t’étais même pas né. T’en peux plus, vraiment, de porter ce nom mais t’as pas envie de te lancer dans des procédures administratives cauchemardesques pour te taper un refus parce que tu t’y mets si tard. Bref. « Oui, mein fuhrer », tu marmonnes d’une manière presque inaudible. T’es bien conscient de ta petite provocation mais t’es tellement impulsif, parfois… Tu ne regrettes toutefois pas tes mots parce qu’en prime, elle décide qu’elle va se ramener à ton atelier. Rien que d’y penser, t’as la nausée parce que simplement, ton atelier c’est chez toi. C’est accolé à ton chalet où tu vis depuis maintenant plusieurs années, que tu as construites de tes mains. Et l’idée de la voir là, dans ton havre de paix, te donne l’envie de te munir du premier tournevis que tu trouves pour lui planter dans la jugulaire. En plus, au milieu des outils et de la poussière, elle va paraître semblable à un oisillon tombé du nid : être ridicule et pas à sa place, clairement. T’abdiques, tu fais un effort. Tu écris ton numéro de ton écriture maladroite (mais lisible). Puis, finalement, tu réponds quant à la localisation de ton atelier, un sourire mesquin aux lèvres car tu sais que ta réponse va lui déplaire et la mettre dans l’embarras : « Chez moi ». Qui de vous deux sera le plus mal à l’aise, finalement ?

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@ashley kehler & @pacey thomas

T’as mis de l’eau dans ton vin Ashley. Vraiment. T’essaies de passer au dessus du type qu’il est. T’es pas à l’aise de bosser avec lui. T’étais pas à l’aise non plus quand tu devais partager la même salle de classe que lui. Tout simplement parce que t’es pas à l’aise avec son nom de famille. Et qu’il se la joue comme ça, ça te débecte clairement. Surtout pour faire référence à l’une des pires périodes de l’histoire. Te comparer à un dictateur, ça non, ça ne passe pas. « Pardon ? » Tu fronces les sourcils en le regardant, très énervée. Tu t’approches légèrement de lui l’air menaçant.« Je fais des efforts pour me montrer cordiale Thomas alors me cherche pas. Je n’aurais aucun scrupule à te détruire si c’est ce que tu veux ! » Tu connais du monde à la Nouvelle Orléans. T’hésiterais pas une seule seconde à inventer quelque chose sur lui s’il continuait de se comporte de la sorte. T’es pas vraiment une peste mais t’apprécies juste pas son attitude. Tu refermes le dossier d’un geste sec et le fourre dans ton tote bag. Autant en finir le plus rapidement possible maintenant. T’attends qu’il te donne l’adresse de son atelier quand il t’indique qu’il se trouve à son domicile. « Chez toi ? » Tu le regardes incrédule. C’est une blague ? T’as pas du tout envie d’aller chez lui pour vérifier l’avancée de son travail. « T’as pas les moyens de te payer un atelier ? » Tu contrattaques pou masquer ta gêne. Il n’en a rien à faire et garde son petit sourire suffisant. « Ok c’est où chez toi ? »

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T’es parfaitement conscient que t’as peut-être (sûrement) été trop loin sur le coup et que c’était loin d’être glorieux comme réponse venant de ta part. Tu t’es connu meilleure répartie mais soit, l’effet escompté est là : Ashley est énervée et piquée à vif. C’est, il faut l’avouer, assez satisfaisant à observer. Elle profère des menaces en t’appelant par ton nom mais t’es presque certain que cela lui fait davantage peur à elle, de prononcer Thomas, que le fond de ses menaces. Tu hausses des épaules, un sourire en coin. T’as pas peur d’un lutin blond. T’as plus peur, du moins. Si à l’adolescence, ça a pu te toucher, la trentaine passée, tu t’es blindé et pas qu’un peu, contre les conneries de ce genre. Contre la méchanceté humaine, aussi et surtout.

Ashley demande où se situe ton atelier. Tu y réponds mais manifestement, cela ne convient pas à son altesse qui n’en revient pas et y va de sa raillerie. Tu t’en fiches. Ton atelier, chez toi, dans l’équivalent d’un garage, te convient totalement. Tu n’as pas de temps de trajet lorsque tu modélises et tailles. Tu peux te lever au dernier moment le matin, rentrer à la dernière minute le soir. Puis chez toi, tu t’sens bien et c’est tout ce qui compte, non ? « Ouais », tu réponds alors qu’elle demande d’un air suffisant où se situe ton chalet. « Faubourg Marigny. C’est tout au fond d’une impasse, assez reculé des dernières habitations … en béton ». Parce que toi, t’as fait le choix du bois du coup, ça tranche pas mal dans l’urbanisme local.

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Il a bien changé Pacey Thomas. Il a plus d’assurance et il n’a plus du tout l’air de te craindre. Peut-être que si tu te pointais en meute, il ferait moins le fier. Et en même temps, t’as l’impression qu’il est toujours pareil. Empoté de son corps, le regard toujours au loin, ses yeux évitant scrupuleusement de se plonger dans ceux de son interlocuteur. T’es pas dupe. Il n’a toujours pas confiance en lui. Mais tu dois bien avouer que tu ne t’attendais pas à ce qu’il se croit le plus malin à t’insulter de dictatrice ou en t’annonçant où est-ce qu’il vivait. Et toi tu n’as pas d’autres choix que de te faire à nouveau respecter. « Putain mais c’est un enfer ! » Ouais ce projet c’est tout simplement galères sur galères. D’abord la poutre, ensuite son atelier au fond d’un coin paumé. Génial ! Pour peu qu’il ne t’agresse quand tu te rendras là-bas. T’as déjà pas envie de t’y rendre mais t’auras pas le choix, tu le sais déjà. T’as toujours fonctionné comme ça et tu ne vas pas changer tes habitudes pour un pauvre type ! « Ok. » réponds-tu plus fortement cette fois-ci. Tu mets la lanière de ton sac sur ton épaule et te dirige vers ta voiture sans même lui dire au revoir. Arrivée au niveau de ta portière tu lances : « Je passe chez toi la semaine prochaine pour visiter ton atelier. Je t’enverrais un sms avant mon arrivée mardi matin. »

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