you should be sad. w/ victor

[ to our beautiful days ]

@victor gardner et @rachel gardner
Cela faisait quelques minutes que Rachel observait, postée sur le trottoir juste devant l'allée qui menait à la porte, sa maison qu'elle avait quitté quelques jours plutôt. Cette maison pour laquelle elle avait donné tant d'énergie, celle qui avait vu ses enfants grandir et qui portait sur les murs les souvenirs de leur vie de famille. L'appartement de son frère semblait beaucoup plus froid face aux manque de dynamisme de ses enfants courant partout pour quémander tout et n'importe quoi. Son quotidien en était désormais loin, trop loin à son goût, si bien qu'il lui arrivait de se demander si c'était le bon choix. Avait-elle eu raison de tout quitter pour cette infidélité ? Auraient-ils pu y survivre et travailler ensemble pour sauver leur mariage et la famille Gardner ? Mais ses multiples tentatives d'exploser cette monotonie destructrice dans son couple n'avait guère porté ses fruits. Et dans un ultime essai, son coeur s'était brisé face à cette atroce vision. Femme blessée, bafouée, humiliée. Son coeur pleure toujours malgré que les larmes ont cessé de couler. Et même si le manque de ses enfants, de ce quotidien chaleureux qui rythmait ses jours et de leurs souvenirs heureux la hantent, Rachel se refusait à pardonner.

Prenant son courage à deux mains dans une profonde inspiration, la quarantenaire s'avançait, foulant le chemin dessiné jusqu'à son entrée. Une fois sur le paillasson où était inscrit "home sweet home", preuve irréfutable de l'illusion dans laquelle elle s'était elle-même bercée. Ce sentiment aveuglé que rien ne pourrait détruire cette famille si idyllique, digne d'une de ses vieux feuilletons américains des années 70. Même si l'absence de voiture devant le garage pouvait supposer que personne n'était présent, Rachel sonnait tout de même une première fois. Mais sa réponse fût le silence et cette sensation de soulagement lui fait descendre la pression. L'épouse avait pris grand soin d'éviter jusqu'à présent son mari, n'osant l'affronter de peur de remonter des sentiments beaucoup trop douloureux pour l'heure actuelle. Attrapant ses clés dans son sac à main tout en tenant le carton de son autre bras, elle déverrouillait la serrure avant d'entrer. Elle avait ce sentiment d'être enfin chez soi, de retrouver son petit cocon familial. Mais il fallait se faire à l'évidence, il n’était plus possible de s'y emmitoufler. Son sac déposé sur le canapé avec son manteau, elle ne tardait pas à rejoindre la salle de bain pour récupérer ses produits de beauté et divers accessoires. Dans un rythme soutenu, elle se dépêchait de rassembler ces quelques affaires, dans l'espoir d'éviter Victor. Mais c'est alors que la porte d'entrée claqua à nouveau.

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[ you should be sad ]

@Rachel Gardner

« Victor. Victor ? VICTOR » La voix aiguë de Linda lui perce les oreilles de façon soudaine, comme sortie de nulle part. Ses yeux, perdus dans le vide quelques secondes auparavant, se relèvent vers la comptable qui le fixe avec un air ahuri. Il voit ses paupières nacrées battre à toute vitesse sur ses yeux globuleux, qui le jugent sans s’en cacher. Il ne comprend pas bien ce qu’il se passe, pourquoi une telle agression sonore ou encore cette façon de le regarder comme s’il était fou. Non il n’est pas fou Victor, juste fatigué, et peut-être bien perdu aussi. L’homme prend une grande inspiration en se grattant l’arrière de la tête, tandis que sa collègue lève les yeux au ciel, visiblement dépitée. « Tu ferais bien de rentrer chez toi » Il a toujours trouvé son ton condescendant insupportable mais aujourd’hui, son attitude de cinquantenaire frustrée lui coule dessus. Comme à peu près tout ce qui se passe autour de lui depuis des jours. Les gros clients qui attendent un geste de sa part, son patron qui lui réclame son rapport hebdomadaire toujours pas remis, il n’y a pas grand chose pour capter son attention. Parce que la seule chose à laquelle il arriver à penser Victor, c’est au départ de sa femme. Il savait bien qu’il jouait avec le feu, qu’il y avait un risque qu’elle finisse par tout apprendre, pourtant jamais il n’aurait imaginé qu’elle réagirait comme ça Rachel. Pas après vingt ans de mariage, elle pouvait pas le plaquer si facilement, l’abandonner. Le onzième appel de la journée de son patron fait vrombir son téléphone sur son bureau en verre et le ramène une fois de plus à la réalité. Linda avait peut-être raison pour une fois, rester ici pour faire simple acte de présence n’avait pas grand sens. Alors un peu machinalement, il parvient à s’extirper de sa chaise et attrape sa veste simplement posée à côté de lui. C’est pas vraiment son genre à Victor de jeter négligemment ses vestes dont il prend habituellement le plus grand soin. Comme ce n’était pas son genre de s’afficher avec une barbe de plusieurs jours, un détail qui ne manque pas d’attirer sa propre attention alors qu’il croise son reflet dans le miroir dans l'ascenseur. T’as une sale tête mon vieux, qu’il se dit à lui-même intérieurement. Tout ce qu’il veut Victor, c’est rentrer chez lui et ouvrir sa bouteille de bourbon pour s’y noyer. Il sait qu’aucun de ses enfants n’est à la maison à cette heure-ci et qu’il pourra boire sans se cacher. Enfin c'est ce qu’il croit avant de réaliser que la porte de chez lui n’est pas verrouillée. Son sourcil droit se arque et intrigué, il entre discrètement. Il éloigne rapidement la possibilité d’un cambrioleur qui aurait plutôt cassé le verrou et qui aurait été bien imprudent d’agir en plein après-midi. Il doit donc forcément s’agir de ses gamins qui sèche les cours. Restait à savoir lequel de son fils ou de sa fille se payait sa tête. Un bruit dans la salle de bain à l’étage attire son attention et le fait monter le plus silencieusement possible. Pensant démasquer l’un d’eux, il pousse la porte délicatement quand son regard azur se pose sur une toute autre personne. « Rachel » lâche-t-il d’une voix branlante. « Je m’attendais pas à toi, je… » Il jette un coup d’œil à sa tête d’ours mal léché dans le miroir et s’en veut de ne pas avoir fait plus d’effort ce matin. « Je suis content de te voir » finit-il par ajouter en s’avançant vers elle pour l’enlacer avant qu’elle n’ait eut le temps de dire quoi que ce soit.

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