gin martini and nicotine fiend — cole

Comme souvent quand le soleil se couche, Cole ne peut s’empêcher d’entendre cette phrase résonner dans son esprit comme un mantra maléfique : le pire, c’est la nuit. Quelqu’un a dit ça, il y a déjà des mois, pendant une réunion. Et, merde, ça lui a parlé. Parce que, putain, le pire c’est la nuit. C’est vrai. Le soleil qui se couche est une excuse universelle à la débauche. L’heure de l’apéro. Sortir en boîte. Trainer en after. Qui ferait ça en plein jour ? Alors c’est la nuit que ses cellules s’agitent et s’étonnent des habitudes rompues. Il en a presque l’impression que sa peau le gratte et ce ne sont pas ses foutues cigarettes qui vont le soulager. C’est encore moins facile quand il est seul, comme ce soir. Prêt à sauter dans l’ambulance pour aller chercher quelqu’un, il fait les cents pas dans le centre presque vide.

Se risquant dehors pour respirer l’air de son ennemie, à plein poumons, Cole réalise que la voiture du généraliste est toujours là. Le généraliste. C’est comme ça qu’il pense à lui parce que c’est comme ça qu’il en entend parler. Paraît qu’il est sur une pente glissante en ce moment, le généraliste. Il a entendu des infirmières en parlant. Lysandro, c’est ça son prénom. Bien sûr qu’il l’a retenu. Parce que Lysandro, il dégage ce truc que Cole fuit depuis quelques années, un truc qui l’attire et pourrait bien l’aspirer tout entier, s’il laissait faire. No drama, no drugs., c’est son sponsors qui dit ça, sur le rythme de no women, no cry sûrement dans le but que ça rentre bien dans la tête de tout le monde et y reste ancré comme cette foutue chanson.

Mais, ouais, y a quelque chose qui le touche chez Lysandro. Peut-être même quelque chose qu’il reconnaît sans vraiment savoir si ça veut dire quelque chose. Comme s’il le connaissait, lui ou peut-être son désespoir. Quoi qu’il en soit, Cole se met en tête de le trouver, dirigeant tout naturellement d’abord ses pas vers son bureau. Bingo. Le généraliste sursaute, comme s’il avait été pris sur le fait et, putain, il a la même expression qu’un addict surpris en pleine rechute. Alors, par reflexe, Cole scanne la pièce du regard, à la recherche d’alcool ou de drogue. Il ne trouve rien de suspect. « Tu m'as fais peur. » Cole souris un peu, hausse doucement les épaules, se voulant apaisant. « C’était pas le but, sorry. » Tout en continuant de le regarder – ses traits tirés, ses yeux qui lui semblent gonflés – il s’assied sur la chaise en face de lui, comme s’il était son patient. « Tu devrais pas être rentré chez toi ? » Envie d’une clope, à deux doigts d’en allumer une et demander si ça dérange. Mais bien sûr que ça dérange. Il n’y a bien que ses anciens potes, que ça n’aurait pas dérangé qu’il fume à l’intérieur. « Je bosse toute la nuit. J’allais commander à manger parce que j’ai pas eu l’temps avant de venir. T’accepterais de manger avec moi ? », il demande en souriant. Quand sa conscience lui demande ce qu’il fout, il lui répond qu’il ne fait rien de mal : il a bien le droit de se faire des amis sur son nouveau lieu de travail, non ? Même si ces nouveaux amis sont putain de canon.

tu devrais rentrer, prendre un peu soin de toi et oublier cette putain de bouteille. tu glisses une main contre ton visage, un petit soupir t'échappe et tu glisses tes doigts dans tes cheveux. tu bascules en avant, t'appuies contre le bureau, mèches serrées entre tes doigts. tu te mords l'intérieur de la joue et tu soupires lourdement.

tu devrais rentrer, essayer de dormir un peu. peut-être que ta présence ici est inutile, qu'il ne se passera rien dans la nuit, qu'on ne va pas avoir besoin de toi. et si, au contraire, on a besoin de toi ? tu préfères être réveillé et déjà sur place, que de devoir venir en voiture, en plein milieu de la nuit. tu secoues un peu la tête de gauche à droite et tu te pinces les lèvres un instant. tu sursautes en entendant un peu de bruit, ton regard se relevant et se posant sur cole. c’était pas le but, sorry. tu te mords l'intérieur de la joue un instant.

c'est pas grave. tu souffles en haussant les épaules. je suis fatigué, c'est pas de ta faute. tu ajoutes en te grattant la joue du bout des doigts, laissant cole venir s'asseoir en face de toi. tu te redresses pour t'appuyer contre ton fauteuil. tu devrais pas être rentré chez toi ? tu hausses un peu les épaules. j'suis d'astreinte. que je sois ici ou chez-moi ... ça change pas grand chose. j'préfère rester ici si y'a une urgence. tu expliques simplement en plantant tes dents dans ta lèvre inférieure. t'as pas envie de rentrer. de trouver un lit vite. désespérément vide.

je bosse toute la nuit. j'allais commander à manger parce que j'ai pas eu l'temps avant de venir. t'accepterais de manger avec moi ? tu esquisses un petit sourire du coin des lèvres. avec plaisir. j'ai pas pensé à ça. manger, ça devient parfois optionnel, en ce moment. tu retiens un léger soupir et tu glisses une main dans tes cheveux. tu secoues la tête de gauche à droite. qu'est-ce qu'il en penserait ? que du mal. commande ce que tu veux, ça me conviendra bien. tu ajoutes un peu plus bas. tu t'en fiches bien. juste de la nourriture pour physiologiquement tenir. tu glisses une main dans tes cheveux et tu te redresses un peu. ce n'est qu'un repas. un parmi d'autre. tu retiens un petit soupir et tu te grattes la joue du bout des doigts. comment tu vas, sinon ? tu demandes à l'ambulancier, histoire de rendre la discussion un peu plus ... normale, la dévier de cet oubli de manger, de la fatigue, et de tout le reste.