✩ would you tell me what this all means

[ kendall & ford ]

cause i'm looking up at the ceiling but it's turning into the floor
D'un naturel généreux, Kendall aimait rendre service. C'est pourquoi, à cette heure bien matinale, il s'était rendu à l'épicerie afin de dépanner une voisine. Celle-ci avait gentiment accepté de garder les jumeaux aujourd'hui, afin de permettre à Ken d'accompagner ses parents à l'aéroport pour leur voyage vers la Big Apple, et ainsi leur éviter des dépenses en parking superflux. Mais le fait est que la dite voisine lui avait demander de lui acheter de la farine, et que Kendall était sidéré par la longueur de ce fameux rayon. Qui aurait cru qu'il existait autant de sortes de farine ? C'était un véritable casse tête. Voulait-elle de la farine de blé ? Si oui, préférait-elle de la farine complète ou de la farine blanche ? D'ailleurs, Kendall venait également d'apprendre que la farine existait également sous différents calibres. Autant d'indications qui, au fur et à mesure que ses yeux analysaient chacun des paquets devant lui, l'embrouillaient davantage. Il se demandait s'il ne devrait pas acheter plusieurs sortes et la laisser choisir. Mais que ferait-il du reste, lui qui ne cuisinait pas ? « Doux Jésus ! » Kendall voulut sortir son téléphone portable de sa poche, mais bien entendu il avait laissé celui-ci dans la voiture. Quelle veine ! Et s'il prenait de la farine de blé mais que finalement sa voisine était allergique au gluten ? Il n'était même pas certain de savoir identifier les farines qui en contenaient de celles qui n'en contenaient pas. « Et puis zut ! » Seul dans le rayon, Ken fit quelques pas vers l'allée centrale. Là, près des confitures, il interpela quelqu'un qui, il l'espérait, n'aurait pas l'impression qu'il lui faisait un canular. « Bonjour ! Excusez-moi, je... Vous vous y connaissez en farine ? » Une question qui ne manquerait pas de faire rire quelques passants.

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La nuit dernière, Ford avait senti son âge. Tout juste deux semaines s'étaient écoulées depuis son passage dans une nouvelle décennie et l'univers - dans une ironie cosmique qui lui étais propre - semblait vouloir célébrer son entrée dans la quarantaine par des nuits aussi inconfortables que brèves. Il ne s'agissait pas de souffrances légères mais constantes, ni même de décibels outranciers de la part de ses voisins qui le tenaient à l'écart du sommeil. Non, c'était son cerveau en bon tortionnaire qui lui repassait en boucle ses doutes et agacements. Les révélations de son meilleur ami, la monotonie chronique d'une saison qui se termine, les cendres de ses relations familiales qui s'embrasaient sans qu'il ne les attise, Karim. Karim, Karim, Karim. L'aube pointait le bout de son nez lorsque Ford s'était arraché de ses draps après quelques heures d'inconscience, les yeux rouges et le pli de l'oreiller ancré sur sa joue. Le contenu de son frigo ne possédait rien capable de combler une faim qui réclamait confort et calories à mesures égales, si bien qu'un passage à l'épicerie fut son premier ordre du jour après une douche punitive. Sa peau portait encore la teinte rosée du jet brûlant lorsqu'il s'engouffra dans le petit établissement. C'est presque à l'aveugle qu'il parcourra les allées, prêt à sauter sur le premier article dont la vision lui insufflerait un peu d'enthousiasme. Ford s'engouffra dans le rayon très prometteur des confitures et tartinables lorsqu'une voix attira son attention. Il lui fallu un instant pour associer l'homme planté dans l'allée à la question qui résonnait encore dans l'air. Une jeune femme un peu plus loin gloussa légèrement, et Ford était prêt à l'offrir en pâture. Mais malgré lui, Ford pouvait lui aussi sentir un début d'hilarité naître dans sa gorge face à l'absurdité de la question et du fait qu'elle lui était adressée à lui. Ce qui dans son allure négligée et expression distraite avait convaincu l'inconnu qu'il possédait la moindre expertise sur la farine était un pur mystère. C'est peut être pour ça qu'il décida de lui répondre, plutôt que de le traiter comme un fou prêt à l'agresser de bon matin sur les mérites de la farine de sarrasin sur l'organisme ou tout autre connerie du genre. « Et bien j'suis pas meunier, mais... » dit-il en haussant une épaule l'air de dire c'est pas de l'ingénierie aérospatiale et aussi un peu pourquoi tu me demandes ça. « C'est pour faire quoi? » demanda-t-il, comme s'il était un foutu expert, ce qui était hilarant quand on savait que son critère pour acheter de la farine était un de proximité vis à vis de sa main plutôt que tout autre caractéristique.

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C'était à peine si Kendall savait se faire cuire un oeuf, alors se montrer logique quant au choix d'un paquet de farine... Et puis, le fait est qu'il n'avait pas toute la matinée devant lui, s'il voulait arriver chez ses parents à l'heure pour les conduire jusqu'à leur porte d'embarquement. Honnêtement, il était un peu agacé. D'abord envers sa voisine, laquelle aurait puis lui donner plus de précisions sur ce dont elle avait besoin, mais aussi envers l'épicerie, dont les employés pourraient donner quelques indications supplémentaires grâce à des panneaux. C'est pourquoi il avait décidé d'inclure une tiers personne dans ses recherches, espérant qu'à deux, leur choix serait plus adéquat. Kendall dérangea un homme, plus ou moins dans la même tranche d'âge que lui. Pour dire vrai, il s'était arrêté sur lui au hasard. Et en même temps, s'il avait abordé une femme, soit celle-ci l'aurait mal interprété, soit on l'aurait jugé sexiste de penser qu'une femme serait plus à même de savoir répondre à des questions culinaires. « La vérité c'est que je n'en ai pas la moindre idée. » Son interlocuteur devait vraiment prendre Kendall pour un demeuré. Bon, et pour être honnête, si les rôles avaient été inversés, Ken l'aurait très certainement pris pour un demeuré également. « J'aurais volontiers consulté mon téléphone, mais je l'ai laissé de l'autre côté du parking. »se justifia-t-il. Vraiment, s'il avait eu son téléphone dans sa poche plutôt que dans son vide-poches, il aurait déjà très certainement renoncé et aurait appelé la dite voisine pour la laisser choisir. « On peut probablement trouvé quelque chose d'assez universel, non ? » Après tout, avant cette soudaine épidémie d'intolérance au gluten, les rayons devaient très certainement proposer moitié moins de produits. Kendall prit un instant pour observer l'homme face à lui, et fronça les sourcils. « Excusez-moi mais, on se serait pas déjà rencontrés quelque part ? » Il aurait juré qu'il l'avait déjà vu quelque part... Mais où ? Il ne saurait plus le dire.

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Puisqu'il avait répondu à la requête, Ford se trouvait désormais investi d'une mission. Il y avait dans le regard de l'homme une touche de désespoir - d'urgence même - qui paraissait démesurée face au problème qui se présentait à lui. Ford avait pensé les guider dans la bonne direction en le questionnant sur la préparation envisagée, mais son interlocuteur n'en savait rien. Ford resta pantois un instant, une expression sans doute peu compatissante au visage. « Okay... » articula-t-il, juste le temps nécessaire pour rebondir sur ce commentaire peu utile. Ce pauvre gars avait dû être envoyé là par sa compagne qui, dans une frustration propre aux femmes, l'avait missionné avec virulence sans plus d'explications. Ou quelque chose dans le genre, Ford aurait pu en parier. Cette hypothèse insuffla chez Ford la sympathie nécessaire pour ne pas prétexter un rendez-vous important et le laisser résoudre son grand mystère de farine seul. « Sale journée » commenta-t-il, non sans compassion. Il y avait des journées comme ça, où tous les petits tracas du quotidien semblaient s'enchaîner jusqu'à miner le moral du plus vaillant des hommes. Ford aurait pu proposer son propre téléphone, mais il y avait quelque chose dans le fait d'interroger Google sur la farine en plein milieu d'une épicerie qui était particulièrement déprimant. L'inconnu s'insuffla lui même un peu d'optimiste, et Ford n'hésita pas à s'introduire dans cette brèche. « Oui, ça doit bien être indiqué 'tous usages' sur certains paquets » dit-il en plissant les yeux vers le rayon de la farine, persuadé que les têtes pensantes en charge du packaging avaient pensés à tous ces pauvres américains non initiés. Lorsque qu'il reposa les yeux sur l'homme, ce dernier le regardait en fronçant les sourcils. Quoi? Il avait dit une connerie? Ford était presque sur le point de se vexer lorsque l'autre lui demanda s'ils ne s'étaient pas déjà vu. « Pas que je me souvienne » entama-t-il avant de jauger pendant quelques secondes l'arrogance de ses prochaines paroles. « Vous suivez le foot? J'suis coach chez les Saints, donc peut-être... ». Il haussa d'une épaule, une petite nonchalance pour atténuer ses propos.

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Kendall se demandait si sa charmante voisine lui en voudrait s'il prétextait avoir oublié. Ou bien, compte tenu des actualités, le croirait-elle s'il lui disait que le rayon avait été dévalisé avant même qu'il n'ait eu la chance d'attraper un paquet ? Il s'en voudrait lui-même, c'est certain, de se dédouaner de toutes responsabilités alors qu'il était justement le seul responsable dans cette situation. Ken se sentait honteux. Trente-quatre ans passés sur cette planète et zéro connaissance accumulée sur la farine. Évidemment qu'il était cultivé sur bien d'autres points, et qu'un être humain ne pouvait pas tout connaître sur tout. Mais ne pas en savoir un minimum sur un ingrédient aussi basique que la farine, c'était vraiment catastrophique à son humble avis. « Pourtant elle avait plutôt bien démarré. » En tout cas il n'avait pas spécialement été contrarié depuis son réveil. Chaque chose se déroulait comme prévue. La voisine était venue prendre le relai pour garder les jumeaux —et d'ailleurs pour éviter toute complication de type pâtissière, la prochaine fois il solliciterait plutôt Sorelle pour veiller sur eux— et il était en route, bien en avance, pour conduire ses parents à l'aéroport. Mais c'était sans compter sur ce fameux service qu'il lui avait été demandé. Et puis, tous ces paquets colorés commençaient à l'excéder. « Quelle idée, aussi ! » Comment les gens se débrouillaient-ils à l'époque ? Quand les céréaliers se contentaient de produire de la farine de blé, plutôt que de s'essayer à la farine de coco, de pois chiches ou de pois cassés. Tout le monde achetait la même chose, et les tendances alimentaires n'avaient rien à en redire. « Je crois que je vais en acheter plusieurs. Y en aura bien une qui sera utile. » Evidemment il lui donnerait toutes. Qu'aurait-il pu en faire sinon ?

Effectivement, après avoir plus longuement observé l'intéressé, Kendall s'était rendu compte que celui-ci avait un air familier. Un visage qui ne lui était pas totalement inconnu. Mais ce ressenti ne semblait pas réciproque en ce qui concerne l'homme à casquette. À moins que... « Mais oui, exact ! Coach Hayes, pas vrai ? Ford Hayes ? » L'idée de rencontrer un entraîneur d'une telle envergure avait ravivé l'enthousiasme de Kendall, lequel s'était précédemment éteint à cause de tout ces sacs de poudre blanche. « Ma femme était raide des Saints, elle aurait été ravie de vous rencontrer. » Sharon n'était pas tellement du genre à regarder le sport à la télé, excepté lorsque les Saints jouaient. « Je suis vraiment désolé, je dois vous faire perdre votre temps. Merci de m'avoir filé un coup de main, je vais... Je vais en prendre plusieurs, on verra bien, » dit-il en pointant les rayons.

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