friday the 13th ~ Roman

{ friday the 13th }

« Tu m’as promis que tu ferais un effort, assez de cette tête mi-renfrognée, mi-boudeuse… T’es moche quand tu boudes et pourtant il en faut pour que j’te trouve pas beau ! » Je lui tire la langue, ponctue mes remontrances d’un poing que je viens abattre sur son épaule pour le bousculer et le réveiller. Tu lorgnes toujours inévitablement du côté de l’humour et du second degré quand tu veux briser la glace mais que tu as conscience de marcher sur des œufs. Je ne suis pas aveugle, il n’y a pas plus observateur que moi à la colocation et j’ai bien remarqué que quelque chose avait changé soudainement chez Roman. Il sait être subtil lorsqu’il le veut, lorsqu’il se refuse à admettre qu’il ne va pas bien, je le connais par cœur. Tellement par cœur que je sais également qu’il ne faut pas forcer, qu’il a généralement besoin de temps, le blondinet, pour digérer, réfléchir de son côté. Mariner dans son jus l’aide à anticiper la réaction des autres, à retourner tous les scénarios à envisager au moins mille fois dans son esprit jusqu’à ce qu’une réponse semble impossible à atteindre sans l’aide d’un autre regard que le sien. Tu es la patience même, tu as appris à serrer le poing au lycée lorsque tout le monde se moquait de toi, lorsque tu étais le bibendum et tu as pris le temps nécessaire pour perdre kilo après kilo, pour te découvrir à ton propre rythme, sans aucune pression. Tu sais qu’il ne sert à rien de presser le pas, au risque de se casser la figure si tu n’anticipe pas les obstacles. Si le métier de pompier m’a apporté quelque chose, c’est bien la confirmation d’un tel principe. Avant d’entrer dans un bâtiment en feu, tu dois avoir pensé à toutes les issues potentielles, à tout ce qui pourrait potentiellement mal tourner, le tout en un temps record. J’ai l’habitude de désamorcer des situations extrêmement compliquées mais Roman… Roman il est au niveau supérieur… Parce qu’il est là, profondément ancré dans mon cœur… Parce qu’il est presque mon sang, ma chair… Parce que sans lui je suis aveugle, tout simplement. Alors j’ai peur, je rebrousse chemin, j’hésite et j’opte pour des plans foireux comme celui-ci. « Il n’y a certes pas de réseau, mais regarde-moi cette cascade, on va pouvoir se baigner, se prendre une cuite, improviser un barbecue… J’ai emmené ma guitare, pour qu’on puisse se bercer auprès du feu et se raconter des histoires qui font peur… » La voiture, elle est loin derrière nous, à deux ou trois kilomètres de forêt au minimum. Cet endroit, que j’aime qualifier de secret, je l’ai découvert par hasard au détour d’un footing il y a quelques mois, un vrai petit paradis que je souhaite faire découvrir à mon bro.

« On se pose ici ? T’en dis quoi ? On pourra garder un œil sur nos affaires, sur la tente, sur tout le reste même en grimpant au sommet de la cascade. » Je suis tellement excité par ce week-end qui s’annonce. Pourvu que ma joie soit communicative et infectieuse, il en a bien besoin. Tout vient à point qui sait attendre, Heath. Tu trouveras l’opportunité de le questionner, tu sauras le prendre et l’aider à se confier. Patience !

/ awards session