Rien de tel qu'un peu de musique [Nora]

Je sortis de la douche, enfilai ma chemise sans manches, rayée noire, et passai mon peigne dans mes cheveux ténébreux, épais et ondulés. M’aspergeant juste comme il faut de parfum, je regardai le résultat dans le miroir : tout-à-fait satisfaisant. Retournant dans ma chambre, je glissai une ceinture en cuir dans les passants de mon jean noir, enfilai mes chaussettes puis mes rangers puis sortis de ma chambre pour traverser le minuscule salon de notre maison que je partageais avec mon père et qui l’était tout autant. Celui-ci, furieux, se leva du canapé déglingué et posa fermement sa main sur mon casque de moto posé sur la table.

« Qu’est-ce que c’est, ça ? »

« Quoi ? Ça ? Un casque, tu n’en as jamais vu ? »

« Depuis quand tu as un casque ? »

« Depuis que j’ai une moto. » Lui répondis-je avec le plus parfait je-m’en-foutisme au monde.

J’enfilai une veste en cuir, attrapai celui-ci, et sortis au dehors, lâchant un soupir en regardant au ciel tandis que mon père me suivait sur les talons.

« On n’a pas les moyens de se payer une moto ! »

Commençant à sentir la colère monter en moi, je lui répondis du tac-au-tac :

« Et je ne t’ai jamais demandé de m’en payer une. Je l’ai fait tout seul, comme un grand, avec ce que je gagne dans mes concerts. »

« Mais putain on a des priorités ! La bagnole par exemple ! Tu aurais pu m’aider ! » Me dit-il en agrippant mon épaule pour m’arrêter dans ma course.

Sortant de mes gonds, je le repoussai violemment en arrière pour l’éloigner de moi, et lui répondis avec fureur :

« Si tu sortais deux secondes la tête du lit de ta gonzesse, accessoirement, qui me sert de prof, tu verrais que je te les ai payées, tes putains de réparations ! Maintenant tu vas te faire voir, tu me laisses gérer ma vie, ce que, visiblement, je fais mieux que toi, et tu me lâches ! »

Abasourdis, mon père resta bouche-bée, me regarda enfourcher ma moto et partir tout moteur vrombissant en direction de la maison de ma nouvelle petite-amie : Nora. La séparation avec la petite serveuse, Anna, avait été difficile. Elle sentait que j’avais l’esprit ailleurs, comme toujours, j’avoue que ça n’était pas toujours à cause de mes études de médecine, et si je n’étais pas un mec franchement fidèle la situation la faisait beaucoup souffrir. Apprendre que je voyais quelqu’un d’autre était trop difficile, aussi, après quelques explications, nous avions décidés d’un commun accord, de nous séparer. Est-ce qu’elle me manquait ? Pas particulièrement. Je l’avais vite remplacée, il fallait être honnête, et pour le moment avec Nora, tout se passait pour le mieux. Quoi demander d’autre ?

J’arrivais enfin chez elle, dégageai la béquille de la moto pour la maintenir, retirai le temps de l’arrêt mon blouson en cuir, ayant un peu chaud avec ce temps radieux. Retirant mon casque, je passai une main dans mes cheveux noirs, glissant ma main dans la poche de ma veste pour attraper mon portable et envoyer un message à Nora :

Je suis arrivé, beauté. Je t’attends devant chez toi, comme prévu.

Le soleil tapant, je posai mon casque devant moi, les mains posées dessus, et fermai les yeux, le menton légèrement relevé pour profiter du beau temps de cette soirée qui s’annonçait.

J’avais hâte d’arriver à la salle de concert ! J’espérais franchement qu’il y aurait du monde, mais plus les concerts passaient et plus j’étais moi-même étonné de la foule qui s’y amassait, m’aidant grandement à arrondir les fins de mois. Et ceux de mon père…

Je profitai de la chaleur qu’offraient les derniers rayons de soleil, ne prenant pas tout-de-suite garde au grincement léger de la lourde porte d’entrée de l’immeuble qui venait de s’ouvrir à quelques mètres de moi. C’est là que j’entendis sa voix s’exclamer combien ma moto était canon. Je tournai la tête vers Nora, un magnifique sourire se dessinant sur les lèvres, et passai une main dans mes cheveux noirs ondulés que le vent soulevait.

« La moto, seulement ? Mince, mon égo en prend un coup. » Plaisantais-je.

Je reluquai la jeune fille de bas en haut, la trouvant terriblement belle dans cette petite robe qui lui allait à ravir. Passant la jambe de l’autre côté de ma moto pour en descendre tout en m’appuyant contre celle-ci, les mains dans les poches, je sentis une onde de chaleur irradier dans mon corps lorsque mes yeux d’ébène rencontrèrent son regard. Plus précisément lorsque je la vis se mordiller avec excitation sa lèvre inférieure qui me donnait l’envie de la dévorer sur place.  Mais je continuai à user de mon charme et à jouer les insaisissables, voyant que c’était ce qui marchait dans cent pourcents des cas. Enfin, elle vint à ma hauteur. Elle se hissa sur ses pieds, tandis que je posai une main sur sa taille si fine, et l’autre au creux de son cou. Mon visage glissa de l’autre côté de son cou où je pouvais sentir son parfum enivrant et, la surplombant de mon mètre quatre-vingt-huit, je lui murmurai avec envie :

« Oui, absolument délicieuse… »

Notre baiser fut enragé et passionné.
Mes doigts glissaient en un effleurement électrisant sur son dos dénudé, me donnant de plus en plus envie d’être en retard à ce concert pour faire… autre chose, disons. Mais je ne pouvais pas me le permettre, surtout vu la salle et le monde qu’il allait y avoir. J’avais beaucoup trop besoin de cet argent pour me permettre de jouer au con. En revanche après, si je n’étais pas trop KO, et elle non plus… Enfin bref. Nous verrons bien. S’il le faut elle n’en avait pas du tout envie. Mais si j’en jugeai par la manière dont elle avait de me regarder et de m’embrasser, rien n’était moins sûr !

Lorsque nos lèvres se séparèrent enfin, après être finalement revenues les unes vers les autres quelques fois lors de tentatives de séparation ratées, je lui demandais en passant doucement ma main dans ses magnifiques longs cheveux blonds ondulés :

« Comment vas-tu, ma belle ? Quoi de beau, depuis la dernière fois ? »

Ma main gauche caressait tendrement son visage tandis que je posai ma main droite sur le creux de ses reins pour la presser doucement contre moi, m’amusant à la perturber lorsqu’elle me racontait les moindres détails de sa petite vie alors que j’embrassais chaudement son cou. Puis décidant d’arrêter au bout de quelques instants la torture, je lui demandai :

« Que veux-tu faire ? On a un petit moment avec le concert. » Lui dis-je, ma main continuant à caresser le dos nu que m’offrait sa superbe robe blanche.