You don’t have to smile to be passionate (Octavian)

[ You don’t have to smile to be passionate ]

@Octavian Elmore & @Isaac Evans
La soirée touche doucement à sa fin, les clients sont moins nombreux dans la salle du Snug Harbor Jazz Bistro et pour toi, ça annonce le moment où il va falloir ranger et nettoyer. Il commence à se faire tard, mais tu l’aimes cette vie, ou du moins tu la tolères. Personne ne t’attend à la maison, et puisque ton appartement se trouve juste au dessus du bar, tu n’as pas un long chemin à faire jusqu’à ton lit. Pour le moment, la fatigue ne t’a pas encore assiégé, tu as les yeux bien ouverts, de l’énergie à revendre. Avec un sourire tu salues le groupe qui a joué ce soir. Ils étaient doués, c’est indéniable. L’ambiance entière de ton établissement dansait aux rythmes de leurs mélodies et les soirées comme ça sont toujours les meilleures, lorsque le public répond en choeur à l’énergie des musiciens. Tu te souviens de ce que ça fait Isaac, d’être sur scène face à un groupe de personnes qui aime ce que tu fais, des personnes qui partagent cette même passion. De temps en temps, tu t’amuses à monter sur la scène du Snug Harbor, mais au fond tu le fais le plus rarement possible. Seulement lorsque tu n’as personne d’autre pour jouer, ou qu’un vieil ami te demande de participer sur un morceau. Le jazz est une passion qui ne te quittera jamais, aujourd’hui elle est simplement devenu aussi douloureuse qu’elle est belle. Pour ce soir, le spectacle est terminé, le groupe quitte joyeusement le bar après un dernier verre et toi tu les remercies encore, avant d’aller vers les tables pour commencer à les nettoyer. Tu ne mets personne dehors, de la musique est maintenant diffusée par les haut-parleurs dispersés dans la salle, ce n’est pas aussi prenant que de la musique live, mais ça donne une autre ambiance. Les gens terminent leurs verres en parlant, d’autres s’apprêtent à partir et ton regard, il se pose sur un jeune homme seul, assis près de la scène. Ce n’est pas la première fois que tu le vois ce gamin, il vient régulièrement, avec ses parents et tu trouves ça chouette en vérité. La moyenne d’âge dans ton club n’est pas très basse, il faut dire qu’il est parfois difficile d’intéresser les jeunes à autre chose que ce bruit qu’ils écoutent dans leurs écouteurs, alors ça te fait toujours plaisir d’en voir quelques uns. Certains, il est parfaitement clair qu’ils ont été traînés là de force, et ils font la moue toute la soirée. Mais lui, ce blondinet aux yeux perçants, il est là par choix. Avec ses parents, oui, mais lorsque les musiciens entrent sur scène tu peux déceler l’intérêt dans ses yeux. Il te fait penser à toi en quelque sorte, dans sa famille tu as l’impression que le jazz ça se transmet de génération en génération. Un sourire aux lèvres, tu t’approches de sa table, attirant son attention avec un signe de la main. « Ils t’ont laissé tout seul ? » Tu parles de ses parents, évidemment. Tu n’as aucune idée de son âge à ce gamin, s’il te demande un verre d’alcool tu lui demanderas sans doute ses papiers, mais il est clair qu’il est suffisamment grand et autonome pour se débrouiller seul. S’il vient souvent avec ses parents, tu as tout de même vu la gêne dans son regard un peu plus tôt quand son père t’a demandé si tu cherchais des investisseurs. T’as été poli, Isaac, mais ce club est à toi, c’est tout ce qu’il te reste aujourd’hui et tu n’es pas prêt à ce que quelqu’un d’autre ait son mot à dire. « Alors, qu’est ce que t’as pensé du groupe ? » Il ne parle pas beaucoup, le blondinet, mais tu vois bien qu’il n’en pense pas moins. Dans son esprit, les rouages tournent vites et tu ne serais pas surpris qu’il ait des choses intéressantes à dire. Tu ne vas pas le forcer néanmoins, tu as du boulot et s’il ne veut pas parler, tu respectes ce choix là.

/ awards session

You don’t have to smile to be passionate

@isaac evans- - - - - - - - -

Les doigts qui tapotent la surface boisée de la table, les yeux rivés sur la scène entourée de spots lumineux. Le jazz qui ravit tes oreilles, musique qui te fait hocher la tête. Une tenue chic, un bar récent qui a su rapidement attiser ta curiosité. T’as une culture assez développée concernant ce genre musical, si bien que tu connais les grands noms, qu’ils soient passés ou contemporains. Et le lieu avait le mérite de faire venir des figures incontournables, des concerts que tu ne pouvais manquer. C’est une de tes passions, c’est quelque chose que tu ne peux et que tu ne veux contrôler. C’est la musique de ton enfance, celle que tes parents avaient l’habitude de vous faire écouter, tes frères et sœurs et toi. Ces mêmes disques qu’ils passent lors des dîners mondains, qui te font oublier l’ambiance poussiéreuse et redondante. Les entendre en live était encore mieux. Du coup, tu sors souvent pour assister à des performances de jazz, tu te forces à te mêler à la foule, justement pour en profiter. Parce que ce n’est pas dans tes habitudes de rester dans une salle où le public se concentre, où des inconnus de tout milieu se rassemblaient. Tu le supportes, t’as trouvé un coin où on t’embête très peu sans que tu perdes la qualité du son. T’inventes l’existence d’accompagnateurs quand de nouveaux arrivants te demandent s’ils peuvent s’asseoir à ta table. Parce que c’est une expérience que t’aimes vivre seul, toi et la musique. Et puis t’imagines déjà des personnalités avenantes qui te posent des questions, chose que tu risques de ne pas apprécier si ton oreille est focalisée sur la musique. Si normalement tu pouvais compter sur tes parents pour t’accompagner, tu as récemment assisté à une scène qui te met mal à l’aise, dès lors que ces derniers se décident à parler du bar. Ce moment où ton père a voulu s’entretenir avec le propriétaire pour lui proposer son argent. Parce que c’est votre langage, chez les Elmore. Vous avez des parts un peu partout en ville, pour avoir ce sentiment qu’elle vous appartient. Ca fait partie de ton héritage, t’as ces réflexes toi aussi. Mais tu n’aurais pas fait de proposition ici, en tout cas pas maintenant. Ta famille a côtoyé l’espace quelques fois et au lieu de profiter de la musique, ton père a eu directement un regard intéressé. Et t’en as un peu honte, maintenant. Ce soir-là, tu es resté jusqu’au bout. Tu restes assis alors que les autres quittent le bar, pour ne pas suivre le mouvement de foule. Tu fixes les musiciens qui rangent leurs instruments, les conversations des derniers spectateurs en arrière-plan. Et le même propriétaire qui vient vers toi. T’attrapes le verre au bout de la table et le places à tes lèvres pour le terminer. Il a l’air sympa, il n’a pas l’air de vouloir te chasser de son bar. Une bonne chose au vu des circonstances. « C’est mieux comme ça. » Il soupire. Il ne risque plus d’insister auprès de ses parents pour aller au bar maintenant. Il irait par lui-même et si ses parents veulent l’accompagner, il se débrouillerait pour être à l’opposé d’eux dans la salle. « Cool. » T’as adoré, du début jusqu’à la fin. Mais l’enthousiasme ce n’est pas une humeur que tu as l’habitude de laisser transparaître. Du coup, ce simple mot avait une signification importante pour toi. « Je dois partir, c’est ça ? » Tu te lèves de ta chaise, la remets délicatement à sa place. Les mains dans les poches, tu en sors un billet que tu déposes sur la table. Le respect de l’œuvre dont tu as pu profiter ce soir-là.

/ awards session

[ You don’t have to smile to be passionate ]

@Octavian Elmore & @Isaac Evans
L’ambiance du bar se calme, la musique n’est plus live et empli donc l’espace avec une autre douceur, plus artificielle, mais plus propice aussi à la fin de soirée. Les clients partent, tu salues quelques uns que tu reconnais, des habitués qui occupent pas mal de leur temps dans ce lieu, perchés sur un des hauts tabourets du bar, ou installés à l’une des tables plus proches des musiciens. Le temps passe, bientôt six ans que tu as ouvert le Snug Harbor et tu es heureux de voir que depuis tout ce temps, certaines personnes ne cessent de revenir. Il y a des nouveaux régulièrement aussi, des visages de touristes que tu ne revois jamais deux fois, mais tu aimes ça. La diversité des gens, toutes les origines qui se mélangent simplement autour de cet amour de la musique. Ca te redonne un peu de vie de voir ça. Cet endroit, c’est une des rares choses qui te permet encore d’avancer, de rester en vie, alors tu en prends soin. Être agréable avec les clients est une chose, tu es habitué maintenant à entendre des histoires plus folles les unes que les autres. Donner des conseils bidons à des gens bourrés, c’est devenu ton quotidien, tu as rapidement compris qu’ils avaient juste besoin d’une oreille attentive. Mais si tu veux que ton bar soit un havre de paix pour n’importe qui, tu le protèges également des quelques vautours qui veulent y faire leur nid. La proposition qui t’a été faite plus tôt par un père de famille était plutôt flatteuse en vérité, mais tous les compliments du monde ne te feront pas changer d’avis. Ce bar est le tien, un hommage à ton frère, et tant que tu ne seras pas endetté jusqu’au cou, personne n’aura son mot à dire. Pourtant tu es resté cordial avec l’homme et, maintenant qu’il n’est plus là, tu t’approches de son fils avec bonne humeur. T’es un peu surpris qu’il soit resté seul, mais en entendant sa réponse tu ne peux t’empêcher de rire légèrement. « Au fond c’était un compliment. » Tu peux facilement comprendre que le jeune homme soit embarrassé du comportement de son père, beaucoup de gens le seraient. Mais il semblerait que ce soit un aspect universel des parents de gêner un peu leurs enfants en public, et tu ne lui en tiens pas du tout rigueur. Ils ne sont plus là maintenant, alors autant parler d’autre chose. Il est clair que le gamin n’est pas très bavard, les mots sortent de sa bouche de manière monotone, et seuls. Toi ça te fait sourire, tu le trouves amusant sans réellement savoir pourquoi. Si n’importe qui d’autre t’avait dit que le concert était “cool”, en utilisant ce simple mot, tu aurais dit que cette personne n’avait rien écouté, qu’elle n’y connaissait rien. Mais lui, ce n’est pas son cas. Il revient, encore et encore, pour écouter les groupes qui jouent dans ton bar. Têtes d’affiches comme noms obscurs, il est curieux, il aime le jazz. Il doit simplement être timide, c’est ce que tu te dis. Rapidement, il pose une question en se levant, et comme s’il n’attendait pas de réponse, il sort de l’argent. « Il n’y a pas le feu. Le concert est fini alors les gens commencent à partir, mais t’es loin d’être le dernier et on est encore assez loin de fermer. Si tu veux rester, tu peux. » Quel commençant serais-tu si tu mettais la clientèle à la porte ? Tu ne veux pas le forcer à rester en disant cela, il est libre du reste de sa soirée, mais tu ne veux pas qu’il ait l’impression de devoir décamper sur le champ. « T’as l’air de t’y connaître plutôt bien, tu joues ? » En posant la question, tu passes un coup de chiffon humide sur la table à côté de celle où il était assis. Loin de toi l’idée d’envahir sa vie privée, tu es simplement curieux. Tu l’as vu trop souvent ici, un intérêt flagrant sur son visage, pour ignorer ce goût qu’il ressent sûrement. Il aime cet univers, il aime la musique, et tu cherches simplement à décrocher quelques mots de sa part.

/ awards session

/ awards session