Le cœur a ses raisons que la raison ignore... [Jordan]

Le cœur a ses raisons que la raison ignore...

Qu'est-ce qui m'avait pris ? Pourquoi avais-je couché avec elle ? Pourquoi Jordan ? Pourquoi m'étais-je confié en parti à elle ? Pourquoi m'étais-je fait berné ? Le pire dans tout ça, c'est que je ne savais même pas si j'avais eu raison ou tort de jouer au mort après cette histoire. J'étais mal en point. En temps normal, je n'aurais eu aucun état d'âme pour aucune gonzesse que ce soit. Mais pourquoi pour elle ça me faisait mal... ?

Enfourchant ma moto, j'enfonçai mon casque sur ma tête et parti tout moteur vrombissant en direction de l'université. Arrivant en moins d'une dizaine de minutes sur le campus, n'ayant pas réellement prêté garde à la vitesse impensable à laquelle j'avais roulé tant j'étais préoccupé, je descendis de mon bijoux noir, payé grâce à l'argent de mes concerts, poussai la béquille et la bloquais avant de m'éloigner de ma bécane pour entrer dans l'université de médecine, sac sur le dos et casque sous le bras. Je priai intérieurement le ciel - en lequel je ne croyais plus depuis la mort de ma mère cela dit en passant - de ne pas croiser Jordan. Seulement, je savais parfaitement que c'était là chose impossible, et comble de l'horreur : je n'allais non seulement pas trouver la fille ce matin, mais également la mère. Mère qui sort donc avec mon père, et avec qui j'ai couché avec sa fille. Je vous refais le résumé, vous êtes sûrs ?

Bref, je rentrai dans le laboratoire d'étude et de dissection, et saluai Susan avec un sourire que j'espérais être crédible. Mais à peine eus-je le dos tourné, ce fut un visage empreint d'une dépression sans pareille qui le remplaça aussitôt.

« Hayden ? Tu te mets avec Jordan, s'il-te-plaît ? » Me demanda Susan avec sa douceur habituelle.

Certainement trouvait-elle cela plus pratique pour que l'on continue à bosser son cours en dehors des heures... Quelle poisse... Relevant lentement la tête pour la repérer, j'aperçus Jordan assise à la troisième table au fond à droite, près des fenêtres. Poussant un long soupir, je me dirigeai vers elle et posai mon sac et mon casque par terre, sans que cela ne puisse gêner le passage. Je retirai mes affaires de cours de ce premier et les posai sur la table, et me risquai un léger regard transversal vers elle.

« Salut... » Tentais-je de l'aborder.

J'allais très certainement me faire jeter, mais bon... Qu'est-ce que je pouvais bien faire d'autre, de toute façon ? L'ignorer royalement ? Non, cela faisait déjà quatre jours que l'on jouait à ce petit jeu-là, et ça n'avait que trop duré. D'un autre côté, je n'étais pas le seul à ne pas avoir donné signe de vie. La princesse non plus ne m'avait pas envoyé le moindre message. Je n'étais donc pas le seul fautif dans l'histoire après tout !

Ragaillardit par cette idée, je retrouvais un peu confiance en moi, et m'apprêtais à écouter le cours qui n'allait plus tarder à commencer. Juste l'affaire d'une dizaine de minutes !

lumos maxima

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Hayden & Jordan

Leur moment de fougue n'avait pas duré bien longtemps. L'arrivée précipitée de sa mère et de Jim les avait projetés bien loin de l'orgasme tant attendu. Ils s'étaient rapidement habillés et avaient quitté la chambre de la jeune femme. L'étudiante avait prétendu aller voir Kyle pour fuir la maison et ne pas avoir à vivre le malaise qui s'était installé entre les deux. Fuir, c'était ce qu'elle avait fait pendant les jours qui ont suivi. Elle avait à peine adresser la parole à son petit-ami, prétendant manquer de temps, et n'avait pas contacté Hayden pour discuter de ce qui s'était passé entre eux. Pourtant, cet après-midi fatidique la hantait. Elle n'avait aucuns remords ni regrets, mais elle ne savait pas comment gérer la situation et sa relation avec son désormais demi-frère. N'avoir que deux cours ensemble permettait de limiter les périodes où ils se croiseraient, bien qu'elle se doutait qu'il retentirait tôt ou tard chez elle avec son père. D'ici là, elle souhaitait toutefois l'éviter et réfléchir à la situation. Comprendre comment elle se sentait par rapport à ce qui s'était passé. Mais surtout, elle ne voulait pas céder une deuxième fois. Elle s'était fait prendre à son propre jeu.

Attendant le début de son cours avec la fameuse professeure Reeves, Jordan regardait à travers la fenêtre. Elle ne voulait pas croiser le regard d'Hayden et préférait se perdre dans ses pensées. Elle devait voir Kyle ce soir-là et elle ignorait si elle devait prétendre que rien ne s'était passé entre elle et un autre homme ou mettre fin à cette relation qui, soit dit en passant, ne représentait rien de particulier à ses yeux. Certes, elle appréciait Kyle, mais elle n'en était pas amoureuse. Et ce qu'elle avait fait avec Hayden le prouvait hors de tout doute.

L'arrivée bruyante d'Hayden à la table la fit sortir de ses pensées. Sa tête se tourna instantanément pour observer son collègue prendre place à côté d'elle. Voyant sa mère lui sourire au loin, elle comprit qu'elle les avait jumelés ensemble. Jordan soupira, se maudissant d'être venue à l'école cette journée-là. « Hey », répliqua-t-elle d'une petite voix. Elle l'observa s'installer sans rien dire, faisant cognant nerveusement ses doigts contre la table. Ses yeux firent un tour d'horizon pour voir si des oreilles indiscrètes se trouvaient à proximité. Voyant que le peu d'étudiants qui étaient déjà arrivés prenaient part à des discussions animées, elle se décida d'engager la conversation avec Hayden. « Je te dois des excuses. » Elle tourna légèrement son corps vers lui pour lui faire face. « Je ne savais pas comment gérer la situation et je suis partie. Je.. hmm.. Je n'ai pas revu Kyle non plus. Je ne sais pas quoi faire avec tout ça... » Elle soupira. La femme forte en elle s'était réfugiée loin, laissant place à un voile de vulnérabilité. « En tout cas. Tu dois t'en foutre de toute façon. Ce n'était qu'une connerie, rien de plus. » Elle tentait de se convaincre elle-même. Elle voulait se faire croire qu'elle ne voulait pas que cela se reproduise et pourtant, elle en avait même envie là, maintenant. Il avait gagné, elle avait perdu.

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Le malaise entre nous était plus que palpable. Pourtant, j'osais rompre ce foutu silence en la saluant. A ma plus grande surprise, elle se tourna vers moi et me salua à son tour. En psychologie, le placement du corps est très étudié. Un dos tourné indique un refus de la conversation. A l'inverse, une personne qui ose se tourner vers nous indique qu'elle désire, même brièvement, faire une bribe de conversation. Tournant la tête vers elle, je l'écoutais attentivement me dire qu'elle me devait... Quoi ? Des excuses ?

« Mais euh... Pourquoi ? Je suis tout aussi fautif que toi, alors... On a qu'à dire « égalité parfaite ». » Lançais-je en haussant les épaules, triturant nerveusement ma trousse posée devant moi.

Elle me raconta ces problèmes qu'elle rencontrait avec Kyle, et franchement entendre parler de ce mec... ça m'énervait. Ça m'exaspérait. Je ne voyais pas en quoi cela pourrait être de la jalousie, évidemment, mais... Je n'en sais rien, en fait. Je n'ai jamais ressenti ce sentiment auparavant, moi.

« Je ne sais pas quoi te dire. Je ne suis pas franchement un pro de l'honnêteté, mais... Après ce qu'il s'est passé, je ne suis pas sûr que ce type soit celui qui te fasse le plus vibrer. Il doit bien y en avoir un qui t'attend quelque part et qui te rendra folle de joie. Ne te précipite pas. Sauf si tu veux du sexe. Là, le choix t'appartient. »

Je lâchai un soupir, quittant ma trousse des yeux pour plonger les miens dans les siens :

« C'était comment entre nous, pour toi ? Si tu penses que Kyle est mieux, reste encore avec. Par contre si ça t'a fait vibrer... Tente ailleurs. Qu'est-ce que tu risques à part d'être heureuse ? Putain... C'est moi qui donne des conseils, là ? » Murmurais-je, moi-même premier surpris.

Cependant, les dernières paroles qu'elle eut me firent clairement mal. Fronçant les sourcils, je lui répondis :

« Qu'une connerie dont je dois m'en foutre ? T'as vraiment une vision bizarre de moi, toi. Ou alors c'est moi qui n'y comprend plus rien. Ce qui est plus que probable. Enfin bon, on s'en branle. » Répliquais-je, vexé.

Mais vexé par quoi ? Par cette putain de vérité que je ne pouvais pas lui dire. Et par ce chamboulement intérieur qui me rendait malade et qui faisait que depuis ce jour où on avait couché ensemble, je ne m'étais nourrit que de deux pommes en tout et pour tout.

« De toute façon je ne suis qu'un immonde connard, c'est bien connu. » Lâchais-je entre mes dents, griffonnant quelques paroles sur un papier avant d'arracher la page et de la chiffonner pour la jeter un peu plus loin sur la table.

lumos maxima

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Hayden & Jordan

La jeune femme ne savait pas où se placer. Elle avait l'impression qu'elle ne pouvait être adroite dans ses paroles, ses pensées et ses gestes. Elle ne voulait pas le brusquer ni le vexer, ce qui la surprit d'ailleurs. Depuis quand se souciait-elle de ses sentiments et de ses émotions? La paire avait réellement partagé un moment. Un moment qui, bien malgré eux, les unissait désormais d'une façon différente. Ils avaient ouvert une porte qui menait vers une chose interdite, mais ô combien convoitée. « Je m'excuse d'être partie en trombe. Pas pour le coït. Ça je m'en excuse pas, en fait... » Si la jeune femme avait elle-même à ce moment-là, elle lui aurait fait un clin d'oeil ou tout autre signe aguicheur. Mais à cet instant-là, elle était vulnérable et absente de toute confiance. Elle n'était qu'un petit pion sur un jeu d'échec.
Lorsqu'elle se confia, sans trop savoir pourquoi, sur sa situation avec Kyle, elle l'écouta exprimer son point de vue. « Je ne cherche pas le grand amour, non plus. Je pense qu'on est pareil, toi et moi. On veut prendre notre pied, pas s'engager dans la plus belle histoire d'amour. » Elle se mordit les lèvres. Comment pouvait-elle être certaine qu'ils désiraient la même chose, à vrai dire? Peut-être était-ce parce qu'Hayden ne lui semblait pas être le type d'homme à tomber amoureux. « En toute honnêteté... c'était excitant. Pas parce que ce que je vis, sexuellement parlant, avec Kyle ne l'est pas mais... mais c'était différent. Je crois que c'est l'adrénaline. La peur de se faire surprendre en sachant que c'est mal, ce qu'on a fait.» Quelques images de leurs ébats lui revinrent à l'esprit. Elle s'affaira à les chasser rapidement, ne voulant pas raviver des sensations qui n'avaient plus lieu d'être. Ce qui était arrivé n'allait pas se reproduire : ils étaient tous deux en couple et, qui plus est, leurs parents formaient un couple. « Et pour toi, c'était comment ? Tu en as parlé à Nora ? » La conversation changeait désormais de côté. Elle osa lui demander ce qu'il en était avec sa copine. Sentant qu'elle touchait peut-être un sujet sensible (et qui ne la regardait pas), elle tenta de mettre un terme à leur conversation. Or, sa maladresse sembla vexer le jeune homme. « Ce n'est pas ce que je veux dire... Je ne sais juste pas comment m'y prendre avec toi », lui dit-elle en mettant sa main sur son bras. Lorsqu'elle réalisa ce geste banal mais trop invasif, elle remit immédiatement sa main sur la table. « Ne le prends pas mal. Je suis trop habituée à tes mesquineries et tes remarques à mon égard. Je découvre une nouvelle facette de toi, il faut croire. » Elle lui sourit légèrement et se tourna vers sa mère qui annonça le début du cours.

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J'eus un léger rictus lorsqu'elle me dit qu'elle s'excusait d'être parti si vite, mais qu'elle ne me demandait toutefois pas pardon pour le coït.

« A quelques secondes près tu aurais encore moins regretté, crois-moi. » Lui dis-je, mon éternel petit sourire en coin.

Cependant, comment pouvait-elle pouvoir affirmer savoir qui j'étais ? Moi-même je ne le savais pas. Est-ce que je ne recherchais vraiment que des relations sexuelles, ou un engagement ? Je me mis alors à repenser pendant quelques instants de silence à ce que mon père avait vécu. Il s'était marié avec une femme qu'il avait éperdument aimé, et il l'avait perdue, s'engageant dans une vie de souffrance innommable. Ce qu'il avait vécu avec ma mère, cet attachement, je ne voulais pas le vivre. Alors oui, Jordan avait raison.

Me redressant sur ma chaise, je lui dis avec froideur :

« T'as raison. Le grand amour, c'est clairement pas pour moi. Je ne veux m'attacher à personne. Et si je dois changer de partenaire tous les deux jours, une heure et trois dixièmes de seconde, et bien ça m'ira tout-à-fait. »

Je fus surpris qu'elle me parle de Nora, du moins qu'elle se souvienne de son prénom. Même moi après avoir couché avec elle le premier soir je ne m'en souvenais plus. Je passai ma langue sur mes lèvres pour les humidifier, me mordiller la lèvre inférieure au passage, et lui répondis :

« En fait, je ne sais pas vraiment quoi lui dire. Ce n'est pas la première fois que je la trompe et elle m'avait demandé de ne pas l'en avertir. Donc je fais un peu ce que je veux, tu vois. Enfin je doute qu'elle apprécie le suçon que tu m'as fait à cet endroit... là. Je l'ai eu au téléphone quelques fois. Elle va bien, mais je lui ai dit que j'avais beaucoup de travail et donc que l'on ne pouvait pas se voir en ce moment. C'est tout. » Lui dis-je en montrant vaguement du doigt l'emplacement du suçon mal placé, un sourire amusé sur les lèvres.

Cependant, mon sourire disparut aussitôt qu'elle me dit que de toute manière ce qu'il s'était passé entre nous n'était qu'une connerie dont je devais me foutre. Je n'appréciais absolument pas ce genre de propos, et le lui fis ressentir. Réalisant sa gaffe, la blonde s'excusa et m'avoua qu'elle ne s'avait tout simplement pas comment s'adresser à moi car elle ne savait pas comment s'y prendre.

Je lâchai un soupir, ne sachant pas vraiment quoi lui répondre. Les yeux rivés sur mon trieur, je tournai à nouveau la tête vers elle et lui dis sans détour :

« Fais comme tu veux que je fasse avec toi : sois honnête et sincère. Ecoute, franchement on ne sait rien l'un de l'autre, et qu'il y ait du sexe entre nous ou plus jamais, je crois que si nos parents se mettent ensemble il va falloir collaborer. Alors pourquoi ne pas faire connaissance au lieu de se tirer des coups dans les pattes ? Oui c'est moi qui propose ça, profite avant que je ne change d'avis. L'offre est limitée dans le temps. »

lumos maxima

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Hayden & Jordan

Décidément, la conversation se déroulait mieux qu'elle ne l'aurait cru. Certes, elle eut quelques instants de maladresse, mais elle ne pensait pas être en mesure de trouver les bons mots pour s'exprimer. En fait, elle ne croyait pas qu'elle serait en mesure de s'exprimer tout court. Elle se surprit ainsi d'avoir la conversation avec lui tout en évitant que la classe au complet ne les écoute... du moins, sans que sa mère entende. « Oh, je n'en doute certainement pas! » Elle n'en avait pas eu assez; elle aurait voulu se rendre jusqu'à la fin. Vivre l'expérience jusqu'à son paroxysme et jouir jusqu'en perdre ses cordes vocales et effrayer son chien. Elle cacha son petit sourire coquin et le regarda du coin des yeux avant de poursuivre la conversation. « Bon la polygamie, c'est peut-être moins ce que je recherche, mais je ne veux pas me prendre la tête. Je ne veux pas d'un petit-ami qui m'écrit à toutes les heures. » Kyle était décidément le pire. Ce comportement dépendant et jaloux l'avait éloignée et l'avait repoussée vers un autre homme. Elle n'était pas capable de respirer dans une relation aussi demandante. Elle avait besoin d'espace.

Lorsqu'il mentionna la petite marque coquine laissée par elle, elle ne put s'empêcher de sourire. « Oups », dit-elle en se prétendant désolée. Elle se mordit la lèvre inférieure lorsqu'il pointa l'emplacement de son suçon, tout près de son entre-jambe. Les images qu'elle avait en tête d'eux collés l'un contre l'autre sur son lit s'affichèrent à nouveau dans son esprit. Elle passa sa main dans sa longue crinière et tenta de penser à autre chose. Ils avaient peut-être une relation compliquée, mais physiquement, il la rendait folle. S'il la rendait indifférente auparavant, c'en était désormais tout autre. « Qu'il y ait du sexe entre nous ou plus jamais...», répéta-t-elle. Elle fixa son stylo bien posé devant elle pendant quelques instants. « Tu veux que je sois honnête? », lui demanda-t-elle d'un rythme rapide, voyant l'heure du début du cours approcher à toute vitesse. « Je crois que si on arrête nos conneries, on peut bien s'entendre. Je crois pas que t'es un connard, je crois juste que c'est une façon de te protéger. On est pas si différents, toi et moi. » Elle lui fit un clin d'oeil et se retourna pour faire face à l'avant de la classe. Toutefois, elle se tourna une dernière fois avant que sa mère ne prenne parole pour lui dire : « Oh et, tu m'as laissée sur ma faim. » Elle se sentait enfin reprendre contrôle d'elle-même et recouvrer sa confiance.

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« Si on arrête nos conneries, on peut s'entendre toi et moi ». Oui, c'était vrai. Probablement. Nous l'avions déjà démontré quatre fois, la première en discutant dans sa chambre, la seconde à la piscine, la troisième dans sa chambre, et à présent ici. Nous n'en étions pas venu aux mains, nous ne nous étions pas arrachés les cheveux et le bain de sang n'étais pas pour tout de suite, alors honnêtement je commençais à le croire moi aussi. Et quand à cette attitude de connard protectrice...

« Ecoute, je n'aimerais pas que tu crois que je me cache derrière des excuses pour oublier mon comportement, ... Mais oui, j'essaie de me protéger. De toi, en fait... Il n'y a que pour mon père que j'éprouve une réelle aversion. C'est une confidence que je te fais alors s'il-te-plaît, garde-la pour toi, tu veux bien ? » Lui dis-je en levant des yeux presque suppliants.

Je ne m'étais jamais confié à personne. Pas même à mon meilleur ami Matt. Il était pourtant une excellente oreille attentive et avait toute sa place en études de psychologie, mais je ne pouvais pas parler. A personne. Hormis à elle... Et encore, mais c'était déjà trop pour moi. Il fallait que j'en reste là. Je préférais que l'on me déteste pour ce que je ne suis pas plutôt que pour ce que j'étais réellement. Voilà pourquoi je ne pipais pas mot.

Susan s'apprêta à débuter son cours, nous saluant tous avant d'expliquer le programme d'aujourd'hui. Toutefois, je ne pus m'empêcher de sourire enfin lorsque la princesse me dit que je l'avais laissé sur sa faim. Je pris alors une page de mon trieur et écris dessus :

Ce genre d'appétit peut encore offrir un délicieux plat qui peut se déguster froid...

Lui jetant un coup d’œil coquin discret, je repris ma feuille et gribouillais dessus mon adresse ainsi que la proposition suivante :

J'ai un deuxième casque dans ma moto. Si un tour te tente je t'emmène un de ces quatre chez moi. Mon père finit de bosser jusqu'à minimum vingt heures, vingt-et-une heures. Là, tu pourras crier autant que tu le voudras...

Je lui tendis le papier, le regard bien appuyé dans le sien, puis me mis à écouter le discours de Susan, qui nous laissa sages pendant une petite heure... Du moins sages jusqu'à l'heure de permanence dans le laboratoire. Rien que sa fille et moi. Pourquoi ça me donnait de suite des milliards d'idées ? Si elle savait ce que je voulais lui faire... Mais je ne le pouvais pas. L'heure était peut-être aux éclaircissements, après tout. Peut-être fallait-il faire ce pas d'honnêteté l'un envers l'autre que nous n'avions jamais fait envers personne ? Mais pourquoi ? Parce que nous allions être frère et sœur, certainement ? Ou parce qu'elle représentait déjà quelque chose de... spécial ? Je n'en savais fichtrement rien du tout...

lumos maxima

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Hayden & Jordan

Cette confidence qu'il venait de lui faire la prit par surprise. Elle ne s'attendait pas du tout à ce qu'il lui mentionne qu'il tentait de se protéger d'elle mais qu'en plus, il ressentait de l'aversion pour son père. Elle ne comprenait pas. Son père semblait être un homme bon et aimant. Comment pouvait-elle le détester autant? Et surtout, pourquoi? Voyant le début du cours approcher à grands pas, elle se souvint de garder cette information. Une conversation sur le sujet devait s'imposer, car elle désirait comprendre les raisons derrière l'existence de ces sentiments. Il ne s'agissait pas d'une simple curiosité qui l'habitait; elle souhaitait comprendre pourquoi il se sentait ainsi et, peut-être, l'aider à cheminer vers une réconciliation avec ces sentiments dont l'aveu la rendait triste. Aussi étrange que cela pût être, elle se sentit triste qu'il avait le besoin de se protéger d'elle et de ne pas avoir une relation épanouie avec son père. Tout comme elle, il n'avait qu'un parent. Pourquoi tant de hargne envers cette personne qu'il devrait chérir comme la prunelle de ses yeux? « Je te promets que je n'en parlerai à personne », se contenta-t-elle de lui répondre, non sans accompagner ses mots d'un sourire sincère. Son regard tardait sur lui ; la jeune femme souhaitait tant poursuivre cette discussion, mais la voix de sa mère s'éleva et interrompit le moment. Ses yeux dévièrent leur trajectoire pour se poser sur la professeure qu'elle se mit à écouter, tentant tant bien que de mal de chasser toutes les pensées qu'elle avait à ce moment-là. Elle repensait à la conversation qu'il venait tout juste d'avoir, à cette tension sexuelle qui ne semblait pas se calmer et à ces confidences qu'il venait de lui faire. Hayden était un homme mystérieux et elle avait en elle un puissant désir de le déchiffrer.

À peine quelques minutes après le début du cours, elle reçut un petit message gribouillé à la main. Elle sourit légèrement à la lecture de ces quelques mots et s'empressa d'agripper le petit bout de papier pour y écrire au verso :

J'ai particulièrement aimé déguster un certain plat. Crois-moi, j'ai les yeux plus gros que la panse.

L'étudiante fit glisser le petit mot vers lui et redirigea son attention à l'avant de la classe où sa mère expliquait le déroulement du cours ainsi qu'un projet d'équipe qui s'amorçait. Sans grande surprise, ce dernier se ferait avec notre collègue de table. La petite ruse de sa mère était on ne peut plus évidente. Malheureusement, elle ignorait l'historique qu'avaient les deux jeunes. Elle pensait bien faire en les amenant à se connaître et à apprivoiser cette nouvelle dynamique ''familiale'', mais elle était loin de se douter ce qui s'était passé entre la paire que quelques jours plus tôt.

La réception d'un second message de sa part la fit déglutir. Il s'agissait là d'une réelle proposition qu'elle ne pouvait refuser. Elle se mordit la lèvre et prit possession du papier pour y écrire à son tour.

C'est quand tu veux. Tu verras à quel point la princesse peut être bruyante ;)

De ses fins doigts, elle fit glisser le petit bout de papier vers lui. Tout en vérifiant qu'aucun regard n'était posé sur eux, elle glissa sa main contre la cuisse d'Hayden et la fit monter jusqu'à son entre-jambe avant de lui jeter un regard remplit de sous-entendus. Toutefois, ne voulant pas risquer d'être surpris dans ce petit jeu déplacé, elle retira sa main et tourna sa tête vers l'avant de sa classe pour éviter de louper les instructions du laboratoire qui allait s'amorcer.

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Ce petit jeu des messages que nous nous écrivions sur un petit bout de papier avait quelque chose d'excitant. Enfin... C'était surtout ce qu'elle me répondait qui me donnait particulièrement chaud. Retirant ma veste en cuir que j'avais laissé ouverte, je dévoilai une chemise aux manches courtes qui révélaient mes quelques tatouages aux bras. Un sourire amusé aux lèvres, je lui répondis par un dernier message écrit avant que nous ne nous fassions surprendre par sa mère et professeure au passage :

Fais autant de bruit que tu veux, poupée. Plus ça monte dans les décibels, plus je suis performant.

Et alors que je prenais un stylo pour pouvoir commencer à prendre des notes sur un cours dont nous n'avions pas suivi un traître mot depuis un bon quart d'heure maintenant, la sensation de sa main qui se posa sur ma cuisse me fit avoir un léger sursaut à peine perceptible. L'interrogeant du regard, je sentis mes joues s'empourprer au fur et à mesure qu'elle remontait le long de mon anatomie. Toussotant légèrement pour essayer de retrouver un certain naturel, je sentis mon cœur imploser et mon membre se durcir lorsqu'elle vint le caresser de ses doigts experts.

« Je t'en supplie, arrête... » Lui demandais-je entre mes dents, sentant mon sexe devenir plus vigoureux.

C'est dingue l'effet qu'elle pouvait me faire, celle-là... Heureusement pour moi, elle interrompit sa douce torture, et se concentra à son tour sur son cours. Lorsque celui-ci prit fin, nous restâmes à notre place pour travailler tandis que les autres élèves se dirigeaient vers leurs cours optionnels, ou vers d'autres salles qui leurs étaient réservées. Susan resta cinq minutes avec nous pour prendre de nos nouvelles avant de s'éclipser, ayant des travaux dirigés à orchestrer.

Me voilà donc avec la tigresse. Qu'allait-il se passer ? Je n'en avais pas la moindre idée. Nos hormones allaient-elles à nouveau reprendre le pouvoir sur nous ? Allait-on discuter de tout et de rien ? Ou allions-nous travailler comme les élèves modèles que nous étions ?

« OK. Donc on bosse sur les ventricules du cerveau du coup, comme on l'avait dit, ou tu as une meilleure idée ? » Lui demandais-je, sérieux.

Mais vu la manière dont elle avait de me regardait, je voyais qu'elle pensait à tout autre chose. Rebouchant mon stylo et le posant sur la table, je croisai les bras que le posai sur la table et lui demandai avec un petit sourire en coin :

« Allez, vas-y, dis-moi : à quoi tu penses ? »

lumos maxima

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Hayden & Jordan

Lorsque le cours prit enfin fin, Susan vint leur piquer une petite conversation. Inutile de dire que l'étudiante se sentait mal à l'aise et tentait tant bien que de mal de chasser les pensées perverses qui essayaient de monopoliser son esprit. Ils échangèrent quelques minutes avec sa mère avant que celle-ci ne s'éclipse pour répondre à ses autres obligations. Jordan put souffler enfin et se tourna vers Hayden, réalisant au même moment que la classe était désormais complètement vide. Elle enfouit son matériel scolaire dans son sac à dos et appuya ses fesses contre la table pour faire face à son coéquipier. « Ça me va. Il faudrait passer demain sur l'heure du midi pour le laboratoire, car je bosse après. Ça te convient? », lui demanda-t-elle. La paire conclut une entente pour le lendemain, question que le travail ne tarde pas trop. En plus d'effectuer des recherches laboratoires, ils avaient à écrire un rapport. Ils ne s'en sortiraient ainsi pas de si tôt avec ce travail qui, de toute évidence, allait les forcer à coopérer et travailler ensemble. À cet effet, il semblait qu'une nouvelle dynamique commençait à s'installer entre ces anciens ennemis qui apprenaient lentement mais sûrement à se connaître sous un nouveau jour.

Prise dans ses propres pensées, Jordan ne put s'empêcher de réfléchir à la confidence d'Hayden. Depuis le décès de son père, sa mère et elle s'étaient grandement rapprochées. Elles partageaient une douleur indescriptible et savaient qu'elles devaient compter l'une sur l'autre. Jordan n'avait pas une famille nombreuse. Sa tante, la soeur de sa mère, vivait avec sa petite famille au New Hampshire. Ils ne se voyaient qu'à Noël, une fois aux deux ans. Quant à ses grands-parents, Jordan n'avait plus que la mère de son père de qui elle était très proche. Or, souffrante d'une cancer, elle ne savait pas combien de temps il lui restait avec elle. Sa mère était ainsi l'unique famille proche qu'elle avait et elle partageait un lien très serrée avec celle-ci. Elle le devait. « J'aimerais te poser une question. Enfin, deux questions. Peut-être suis-je déplacée d'oser te demander ça, car ce n'est pas de mes affaires, mais bon. J'ose. » Jordan prit une courte pause. Malgré qu'ils s'étaient un peu plus ouverts l'un à l'autre, elle demeurait hésitante à son encontre. Il demeurait une certaine distance entre les deux jeunes qu'elle ne voulait pas fermer prématurément. « Pourquoi tant d'aversion envers ton père ? », osa-t-elle lui demander. Et avant même qu'il eut le temps de répondre, elle se lança avec sa seconde question afin que celle-ci ne lui file pas entre les doigts. « Et pourquoi sens-tu le besoin de te protéger de moi? » Malgré qu'elle se sentait libérée d'un certain poids en osant l'interroger sur ces sujets, elle craignait d'avoir tenter de plonger dans des eaux sinueuses. La jeune femme, malgré sa confiance éloquente, ne savait pas sur quel pied danser lorsqu'elle était avec Hayden.

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Enfin seuls. Je ne savais pas si je devais redouter ce moment ou si je devais le vivre comme n'importe quel autre. Après tout, notre relation était spéciale : elle était ma rivale, mon ennemie, ma demi-sœur, mais également la nana avec qui j'avais couché il y a quatre jours... Les choses étaient on ne peut plus complexes.

Jordan me demanda tout naturellement si elle pouvait passer une heure de laboratoire à l'heure du déjeuner demain. M'étirant de tout mon long sur ma chaise en faisant craquer mes cervicales, je lui répondis naturellement et sans agressivité, là où s'aurait pu être le cas quelques jours à peine plus tôt :

« Ouais, pas de problème. De toute façon je ne mange pas en ce moment... »

La chose était exacte, mais commençait à dater. J'avais perdu l'appétit depuis le jour où mon géniteur - depuis combien de temps ne l'appelais-je plus "père" ? - m'avait présenté à sa nouvelle petite-amie. Et quand bien même j'appréciais vraiment Susan, je ne pouvais pas le nier, je ne pouvais pas accepter qu'il remplace Maman. Alors depuis ce jour où j'avais claqué la porte de la voiture et où Jordan m'avait retenue et implorée de ne pas partir, j'avais entamé un jeun. D'autres appelleraient cela "anorexie". J'étais néanmoins dans un déni total du refus de nourriture, et ça n'était que lorsque je faisais ma musculation à outrance quotidienne et que je frôlais le malaise que je me demandais ce qui n'allais pas chez moi, ne remettant jamais en cause la nourriture, mais peut-être le surmenage.

Un silence s'installa entre nous tandis que je feuilletai un manuel de neurosciences que j'avais acheté afin de voir s'il pouvait nous être d'une quelconque utilité. Remarquant cependant le regardant insistant de la princesse, je l'interrogeai sur la raison d'une telle observation. Apparemment, me dit-elle, elle avait deux questions. Refermant le bouquin, je lui répondis :

« Vas-y. Je vais essayer de faire ce que je peux. »

Pourquoi j'éprouvais de l'aversion envers mon père ? Je lâchai un soupir, levant les yeux au ciel.

« Eh ben... T'attaque fort, toi. »

Nouveau soupir, cette fois plus long et plus profond. J'attrapai un stylo et jouai avec, par nervosité. Le fixant pour ne pas avoir à croiser le regard de Jordan, je pris quelques instants avant de me lancer.

« Ma mère est morte d'un cancer foudroyant du sein. J'avais trois ans quand ça a été déclaré donc, bien sûr, je ne m'en souviens pas. Mais les auxiliaires de vie qui se sont occupées d'elle me racontaient que je restais toujours avec elle, allongé près d'elle et de ses machines, à lui tenir la main. Mes souvenirs de ma mère, je les ai quand j'avais cinq ans. Je la revois branchée de partout. Je revois Anna et Jenny, ses auxiliaires qui la soignaient tous les jours, toutes les nuits. Mais mon père n'était nulle part. Ce gros lâche, il l'a laissé tombé. Du moment où son cancer a été diagnostiqué, il a eu peur et il est parti. Il est allé s'occuper de son métier de merde, pour ramener trois pauvres dollars de merde alors que sa femme crevait et qu'elle ne demandait qu'un fils et un mari. J'ai tout vu à cinq ans. Tous les soins qu'on lui faisait. Et je l'ai même vu fermer les yeux pour la dernière fois. Et lui... Et lui n'était pas là. Tu crois qu'il aime ta mère, mais à la première difficulté ce clown va la lâcher. C'est la seule chose qu'il sait faire. C'est pour ça que je le déteste. Non, c'est pour ça que je le hais. »

Des larmes naissaient au creux de mes yeux, mais je les effaçaient d'un revers rageur de la main. Je n'avais pas le droit de pleurer. Je n'en avais jamais eu le droit. Je me l'étais interdit. Même le jour de l'enterrement de Maman j'étais resté fort.

« Elle s'appelait Kate... Et je n'aurai jamais aucun autre souvenir d'elle autrement que branchée à un monitoring, chauve, squelettique et sans ses seins... »

Je sentais que la princesse ne savait plus où se mettre. Je me mis alors à légèrement rire, et lui demandais :

« Deuxième question ! »

Pourquoi ressentais-je le besoin de me protéger d'elle. Ah ! Ça c'était une bonne question !

« J'avais pas prévu de répondre à ça un jour, m'enfin... Puisque je t'ai promis d'être honnête, je vais être honnête. Tu m'as dit qu'au lycée j'étais ton genre. Et bien figure-toi que tu étais le mien. Le truc, c'est que dès que je sens une attraction pour une fille, j'ai l'impression que j'encours un danger. Je vais vers elle pour voir car je ne suis pas idiot, et si la plupart du temps je n'éprouve que des envies de sexe pour elles, quand je suis venu te parler à toi... J'ai ressenti plus. Bien plus. Et là, je n'ai pas aimé. Pourquoi ? Parce que je ne veux pas aimer de fille. Ni de garçon, c'est pas ce que je veux dire ! Entendons-nous bien ! Ce que je veux signifier c'est que se permettre d'aimer une femme, c'est lui porter des sentiments forts. Et le jour où cette relation se brise pour une raison X ou Y, que ça soit une rupture, un accident ou bien... un cancer du sein, je sais que je ne m'en remettrai jamais. Je ne veux pas aimer. Je ne veux pas tomber amoureux. Je ne veux pas perdre celle que j'aime. Voilà pourquoi je ne veux prendre aucun risque avec toi... »

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Le coeur a ses raisons que la raison ignore...

Hayden & Jordan

Les deux étudiants entraient enfin dans les confidences, laissant les armes de côté. Jordan se mit à l'écouter d'une oreille attentive, désirant comprendre le fondement de la haine qu'il portait vis-à-vis son paternel. Elle reprit place sur la chaise pour l'écouter. Elle appuya son menton dans la paume de sa main et le fixait, sans le lâcher des yeux.

« Lui as-tu déjà demandé ? La raison pour laquelle il était absent ? Peut-être que tu le diabolises plus que tu ne le devrais. » Ne voulant pas le brusquer ni l'offusquer, l'étudiante prit une courte pause avant de s'expliquer. « Ma mère ne m'a jamais présenté aucun homme. Elle aimait tellement mon père et m'a toujours dit ne jamais penser trouver quelqu'un qui serait aussi aimant et fort que lui. Et la voilà qui me présente ton père. Quelques semaines seulement après avoir entamé une relation sérieuse avec lui. Peut-être que ton père n'a pas été des plus présents lorsque ta mère était à l'hôpital. Peut-être était-ce sa façon de survivre avec cette tragédie ou peut-être a-t-il tout simplement mal agi de A à Z. Mais pour que ma mère en soit tombée amoureuse, c'est qu'il est un homme bon et que, aujourd'hui, il est quelqu'un de meilleur. Ma mère ne voit pas l'argent ni le statut. Elle voit le coeur des gens et c'est ce que j'ai toujours admiré chez elle. » La main de la jeune femme glissa sur la table jusqu'à celle d'Hayden, osant serrer ses doigts contre les siens.

« Mon père est mort quand j'avais 7 ans. Il était en Irak depuis quelques semaines déjà et il a été tué au combat. Quand j'étais jeune, je chantais, je dansais... J'étais une vraie boule d'énergie. Ça m'a beaucoup changée. Mais j'ai continué d'avancer, car je sais que mon père aurait voulu que je continue d'être la petite fille dynamique et souriante que j'étais. Je ne le suis peut-être plus, mais j'essaie de faire mon bout de chemin comme je le peux. » Encore une fois, elle prit une courte pause avant de poursuivre ses confessions. « Ce que je veux dire, c'est que malgré que ta mère soit décédée et le mal que cela te cause encore aujourd'hui, tu te dois d'avancer. Pour elle, mais pour toi aussi. Je suis persuadée qu'elle aurait souhaité te voir t'épanouir. Et bien franchement, et je l'ignore pourquoi, mais cela m'attriste de voir tout le mal que de rester dans le passé te cause. »

Délicatement, Jordan retira sa main de celle d'Hayden lorsqu'ils sautèrent à la deuxième question. Avec toujours autant d'intérêt et de curiosité, Jordan l'écouta se confier. Une partie d'elle se réjouit de ses confidences. Pourquoi était-elle heureuse de savoir qu'au fond, il avait toujours porté un intérêt à son encontre? Avec cette même sagesse qui lui était propre, elle lui répondit d'une voix douce et réconfortante :

« Rien ne peut être prévisible dans la vie. De la naissance à la mort, aussi subite soit-elle, nous sommes exposés à la souffrance. Elle nous guète comme l'épée de Damoclès. Je crois que l'amour peut nous aider à faire face aux craintes quotidiennes et à la peur d'être affligé d'une souffrance certaine. Tous les beaux moments que l'amour peut nous faire vivre, qu'ils soient courts ou longs, valent la peine d'être vécus. »

Tout en agrippant son sac, la jeune femme se leva précipitamment de sa chaise. « Allez, viens. On va aller casser la croûte. C'est moi qui t'invite! » Elle prit sa main pour qu'il se lève à son tour. « Et peut-être que si tu finis toute ton assiette, tu auras le droit à un dessert...», lui dit-elle en clôturant ces paroles suggestives avec un clin d'oeil furtif.

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Le cœur a ses raisons que la raison ignore...

La princesse m'avait écoutée avec la plus grande attention du début jusqu'à la fin de mon discours. Pour commenter le premier, elle me demandait, sans vouloir me froisser, je le sentais, si je ne possédais pas une image erronée de mon père de par le fait que je lui reprochais son absence du début de la maladie de ma mère jusqu'à sa mort. Je restais muet, le regard rivé sur un point de la table sans le voir. Je ne pouvais nier que je m'étais déjà posé la question, mais à peine mon regard se posait sur lui, je sentais sitôt ma haine viscérale me monter à la bouche. Pardonner était quelque chose que je ne savais que difficilement faire, je l'admettais. J'avais la rancune tenace, et cela m'avait bien des fois porté défaut. Mais je l'assumais entièrement, car j'étais profondément têtu et borné, ce qui ne me mettait pas à mon avantage.

Jordan commença à parler de mon père sous de meilleurs hospices, et honnêtement cela m'agaçait. J'avais envie de me lever brutalement, de taper du poing sur la table et de lui demander ce qu'elle connaissait franchement de mon père. Mais au lieu de cela je l'écoutais attentivement. Pourquoi ? Qu'est-ce qui m'empêchait de réagir de façon sanguinolente ? Je n'en savais rien. Peut-être parce que je commençais à éprouver ce que l'on nommait du respect pour elle. Alors refermant nerveusement mes poings sur la table, je lui demandais d'une voix aussi calme et posée que tendue et menaçante :

« Je reçois tout ce que tu me dis, je t'assure. Mais ne me parle plus de lui au moins pour aujourd'hui. Je ne sais pas ce qui m'enfonce dans cette haine que j'ai pour lui. Je l'aime, bien évidemment. C'est mon père après tout, mais il y quelque chose chez lui qui fait que je ne peux que le détester. Je n'y comprends rien, mais je t'en supplie : au nom de toutes ces qualités que je trouve sincèrement chez toi, arrête de me parler de lui. Ça me met vraiment en colère... Pas contre toi, mais... Contre moi. »

Le contact de sa main sur la mienne depuis tout-à-l'heure me réconfortait énormément. C'était peut-être là ce qui m'aidait à tenir le coup et à ne pas être hors de moi sur ce sujet profondément houleux. Sauf qu'elle avait une deuxième question. Et vu la rudesse du premier, je ne pouvais craindre que le pire ! Toutefois, je jouais le jeu. N'était-ce pas ce que je lui avais promis ? Ça m'apprendra, tiens ! Ah ? Le besoin de me protéger d'elle ? C'était une excellente question. Qui méritait une bonne réponse, honnête et sincère. Mais comment tourner les choses ? Le plus simplement possible, tout bêtement.

J'avouais donc que depuis le premier jour où je l'avais croisée au lycée, Jordan m'avait tapée dans l’œil. Et pas qu'un peu ! Seulement ma terreur légendaire d'être abandonné par une personne à laquelle je pourrais potentiellement tomber amoureux était une chose qui me rebutait littéralement. Ainsi, je l'avais passée de la case de "plan cul, ou potentielle petite-amie" à "ennemie public numéro un". C'était bien moins dangereux et plus confortable comme ça. Et le meilleur dans tout ça, c'est que si je n'avais jamais perdu de vu l'idée de me la faire, je n'avais plus le moindre sentiment pour elle si ce n'est une aversion des plus totales. Mais comme dirait n'importe quel grand sage, l'amour et la haine sont issus d'un seul et même sentiment...

La princesse ne partageait pas le même point de vue que moi sur la question de l'amour. Pour moi il était destructeur lorsqu'on le perdait, pour elle il était l'unique raison qui rendait la vie valable sur Terre.

« Je demande à voir... Mais je ne suis pas sûr d'être prêt. » Lui avouais-je avec un petit sourire.

« Qui sait, peut-être que ma mère, La-Haut, me mettra ma future chérie sur mon chemin. Et ton père le tien. Qui sait ! » Lui dis-je en souriant un peu plus, haussant les épaules d'un air de dire qu'on verra bien.

Se levant d'un bond, la princesse attrapa ses affaires puis, à ma grande surprise, ma main pour m'inviter à aller manger un bout et, si je finis mon assiette, peut-être même un dessert. Riant de bon cœur, je rapprochai ma bouche de son oreille et lui murmurai chaleureusement :

« Ça dépend... C'est toi le dessert ? »

- FIN -

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