Les jours passent et sa présence devient de plus en plus logique. Comme s'ils étaient fait pour se côtoyer ses deux là, eux qui se comprennent si facilement, sans prononcer un seul mot. Il est là, devant un bar dans lequel il n'est jamais rentré avant sans savoir s'il doit pousser la porte. En vrai, il sait pas ce qu'il fout là ce con, juste parce qu'elle a dit : y'a une soirée pour l'anniversaire d'Andy, vous devriez passer. Tu parles, il connait un peu Andy mais pas plus que ça et personne n'a envie de voir son boss débarquer à ce genre de trucs. Non, c'était vraiment débile de se pointer. Il regarde au travers de la vitre dans l'entrée et la voit s'égosiller, un micro à la main et il ne peut empêcher un sourire. Putain elle a toujours autant de pouvoir sur son cœur. Il ne l'a jamais oublié en vérité. Ses sentiments étaient là, dans un coin de son être, prêt à ressortir mais lui, est ce qu'il est prêt à donner autant une seconde fois, rien n'est moins sûre. Vous savez ce qu'on dit, chat échaudé craint l'eau froide. Monsieur Wilson ? Une des employés de son père qui est là, sur le pas de la porte elle aussi et il se retrouve confronté à l'inévitable. Il va devoir entrer.
Il pousse un soupire et reste dans le fond de la salle, accoudé au bar. Une blanche s'il vous plait. qu'il demande à la serveuse dans un sourire poli et il continu d'observer, les yeux rieurs rivés sur la blonde qui ne l'a pas encore remarqué. Elle est belle ce soir, pas que son tailleur ne mette pas ses formes en valeur mais le naturel lui va tellement mieux. Lui, il s'est vêtu d'un jean et d'un tee shirt noir uni. Il n'a jamais trop aimé les artifices. Il vient avaler une gorgée de sa bière sans se mêler au groupe. Lui n'a jamais été très doué pour tout ça, il n'a jamais su faire comme tout le monde. Il se sent vite à l'étroit en groupe, mal à l'aise. Lui, il préfère les bons vieux tête à tête. Et finalement, elle se pointe devant lui sans qu'il ne la voit débarquer. Il en avale une gorgée de travers et toussote avant de dire : c'était... inspiré. Un sourire en coin. Il a envie d'prendre ses jambes à son cou, lui et sa carte cadeau totalement impersonnel pour la fnac qu'il a acheté en sortant du boulot tout à l'heure sans trop savoir quoi prendre.
Tu finis par t’habituer à ce nouvel emploi. Ton travail devient plus naturel, tout comme tes interactions avec Oscar. Et puis tu rencontres les autres employés du service et tu fais ta place, comme on dit. Tu évites de parler de ta vie privée, cependant, parce qu’on est jamais à l’abris d’une oreille indiscrète, mais tu te sens bien, dans cette nouvelle ambiance de travail. Vous avez tous décidé d’organiser une soirée dans un bar karaoké du quartier pour l’anniversaire d’Andy. Tu lui as acheté une cravate colorée parce que tu as remarqué qu’il en avait une bonne vingtaine, et puis ce n’était pas trop cher. Et tu ne sais pas vraiment ce qu’il t’a pris, mais tu as invité Oscar. Peut être parce que c’était toujours toi, qui le trainait en soirée. Peut être parce ça te faisait de la peine de l’imaginer entrain de travailler seul, dans son bu-reau, alors que vous faites tous la fête en bas de la rue. Ou peut être simplement parce que tu avais envie de l’y voir, et qu’importe qui cela plait à Andy, ou non. Et puis ça tombe bien parce qu’une camarade de classe d’Ollie l’a invité à une pyjama-party le même soir. Alors tu n’as pas besoin de payer une baby-sitter ni de regarder ta montre toutes les dix minutes. Ce soir, tu peux t’amuser, et boire pour la première fois depuis un bon moment. Alors tu n’y vas pas de main morte et tu commences déjà avec une bière forte, offerte par un collège. Tu attrapes très vite le micro pour t’éclater sur une chanson d’imagine dragon, comme si tu avais 14 ans à nouveau. Tu t’éclates, même si tu sais très bien que tu chantes comme une casserole. Tu n’as jamais eu peur du ridicule, de toute façon, et il est clair que tes collègues sont surpris. Après tout, même si tu les aimes bien, tu ne leurs a montré que la Zola du boulot, en tailleur, talon et cheveux relevé, celle qui essaie de rester professionnel et d’aligner trois phrases sans jurer. Ce soir, tu es toi-même avant ton jean déchiré au genou, ton tee-shirt de groupe trop grand pour toi et tes deux chignons blonds, relevés sur le haut de ton crâne. Tu as toujours été un vrai caméléon, en matière de fringue, et tu trimbales toujours tes vêtements du lycée, de toutes manières. Une fois la chanson terminée, tu descends de la scène, récupère ton mojito -la tournée d’Andy- et te diriges vers Oscar qui tu viens d’apercevoir, seul dans son coin. Tu souris en coin, il a l’air aussi mal à l’aise qu’aux soirées de votre adolescence. « Mon interprétation était fabuleuse, tu veux dire ? Je suis une rockstar » tu dis avant de te reprendre. « Pardon, vous. Je suis contente que vous soyez venu. J’espère que vous allez nous chanter quelque chose. » tu lui souris en buvant une gorgée avant de sursauter légèrement. « Oh j’adore cette chanson ! » tu dis en t’émerveillant. T’es ravis de redevenir une gamine de 22 ans le temps d’une soirée.
Sa présence ici risque d'être perçu étrangement. Quelques semaines maintenant qu'il est présent dans les murs de l'entreprise et il n'a jamais trop porté d’intérêt aux employés, plutôt concentré sur son travail, il s'est contenté de respecter les formules de politesse, un bonjour, un merci. Il a rien à foutre ici de toutes façons, c'est une réunion entre collègues et non avec le "boss". Il se sent con sauf qu'on l'a vu alors il ne peut plus vraiment s'éclipser sans au moins lui dire bonjour. Puis rien qu'à la regarder, il n'a plus aucune envie de partir. Elle est belle putain. Cet abruti est en train de retomber amoureux d'elle. Y'a ce truc qui s'éveille en lui quand elle est là. Paix intérieure. C'est de la folie de s’éprendre de ce bout de femme, il a déjà essayé et s'est brûlé les ailes. Il sait pourtant qu'elle ne le verra jamais avec le regard que lui porte sur elle. Il sait qu'elle pourrait avoir de l'affection pour lui, la même que l'on porte à un ami au mieux mais voilà, il ne peut pas refouler ce qu'il ressent. Et peut être qu'un jour... La naïveté d'enfant qu'il nourrit toujours de temps en temps le laisse à penser qu'elle pourrait l'aimer elle aussi. Il veut y croire mais sait que c'est impossible. Paradoxe insoutenable qui fait mal.
Elle s'approche, le sourire qui irradie son visage. Alors lui, il peut pas s'empêcher de faire pareil. Rappel à toutes ses années oubliés. Celle où elle le traînait en soirée, elle avec son aisance naturelle à entrer en relation avec lui autres. Lui, toujours dans un coin d'la pièce. A sa place seulement parce qu'elle est là. J'imagine que dans ce contexte, on peut se tutoyer. Ça semble tellement plus naturel. Il ne compte plus les fois où il a failli le faire aussi, il l'a surement déjà fait d'ailleurs. Bref. Oh non, je préfère regarder. qu'il dit en fixant ses pieds. Pour rien au monde il ne voudrait monter sur cette estrade et prendre le micro. Mon dieu, il en est bien incapable. Il se mettrait à trembler et sa voix partirait en couille. Parce que sous ses airs de chef arrogant se cache la douceur d'une timidité maladroite. Et déjà, elle commence à se déhancher sur une chanson de Britney Spears et une foule de souvenirs viennent le hanter. Peut être plus tard. qu'il finit par dire devant le regard suppliant de la blonde. Il replace sa chevelure sauvage en arrière et rit tendrement quand elle annonce qu'elle adore cette chanson. Va y, si tu veux. qu'il dit simplement, ne voulant pas jouer les rabats joie et l'empêcher de s'amuser. Le concept de fun a toujours été surfait chez Oscar. Il n'a jamais pris une cuite de sa vie dans cette optique de toujours garder le contrôle. Il a du mal à lâcher prise, qu'on se le dise.
Tu n’as pas vraiment réfléchi à ce que pourrais penser les autres, Zola, lorsque tu as invité Oscar. C’est votre patron, après tout, et dans d’autres circonstances, tu n’aurais pas être franchement ravie non plus. Mais le fait est qu’Oscar, c’est plus qu’un simple patron, et que même si tu sais que tu dois rester éloigner de lui pour préserver votre lui, et le préserver, lui aussi, d’ailleurs, tu ne peux t’empêcher de vouloir retrouver cette osmose que vous aviez, tous les deux. Oscar, ça n’a jamais été n’importe qui, pour toi. Et être séparé de lui si longtemps a été difficile et douloureux. Les premiers mois, tu voulais lui envoyer un message tous les jours, mais tu savais qu’il fallait couper le lien pour le bien de tout le monde. Il était si loin, et toi, tu allais donner naissance à son enfant, alors qu’il pensait que tu avais avorté.
Alors tu n’as pas vraiment réfléchi et en le voyant, seul, adosser contre le bar, tu souris de toutes tes dents en t’approchant de lui. Comme tu pouvais aisément le deviner, il se moque de toi et tu souris toujours, parce que tu sais que ce n’est pas bien méchant, mais surtout, tu sais que tu es loin d’avoir une voix de cantatrice. Au contraire. Ta langue fourche, lorsque tu t’adresses à lui et immédiatement, il t’affirme que dans ces circonstances, vous pouvez vous tutoyer. Il n’a pas tort, mais ça reste bizarre. Vous étiez amis, c’est devenu ton patron, et ce soir, tu ne sais pas vraiment sur quel pied danser. Tu lèves un sourcil circonspect lorsqu’il t’affirme ne pas vouloir chanter. Ça ne t’étonne qu’à moitié, mais ton regard insiste tant et si bien qu’il te balance un peut être, et ça te suffit, pour le moment. « Ça marche, » tu réponds en dansant sur cette musique que tu adores et qu’il aime, lui aussi, même s’il a toujours refusé de l’avouer. Quand il te dit que tu peux aller danser, tu fais la moue. Et puis l’alcool jouant un peu, tu finis par attraper son bras pour le tirer vers la pseudo-piste de danse. « Viens avec moi ! »
Ils ont grandi, évolué. Chacun de leurs côtés et pourtant l'alchimie entre eux est toujours là. Ils parviennent toujours à se comprendre d'un simple regard. Les années ont pourtant creusé un fossé, un gouffre qui se referme doucement plus les jours défilent. Une chose est certaine, lui vivant, il ne chantera pas seul sur cette estrade. Il en est bien incapable et elle et son aisance naturelle ne se rendent pas compte du challenge qu'elle lui propose. Elle doit se souvenir de sa peur panique de parler en groupe. Quand ça arrive, il est tétanisé. Les exposés qu'il a du faire devant la salle de classe étaient les défis les plus grandioses qu'il a réalisé. Et contre toutes attentes, elle vient lui attraper le bras pour l'attirer avec elle au milieu de la piste de danse. Il cherche à s'esquiver mais elle est persévérante Zola et il est bien placé pour le savoir. Il abdique dans un sourire timide, peut être que comme ça, elle ne reviendra pas sur le fait qu'il doive monter sur sa scène. Danser n'est pas vraiment sa tasse de thé non plus à dire vrai. En fait, il est plutôt mal à l'aise dès que les regards peuvent être portés sur lui. Ceci dit, y'a du monde qui se déhanche sur la piste et personne n'a les yeux posé sur lui.
L'assurance en moins, il commence tout de même à bouger au rythme de la musique. Ses gestes saccadés. Son sourire presque forcé. Mais Zola vient l'aider, comme elle le faisait dans le passé, elle se déplace en rythme et accompagne les gestes d'Oscar en lui prenant les mains. Putain, il doit vraiment avoir l'air d'un handicapé mais à cet instant précis. Il n'y a qu'elle. Eux. Il parvient même à relâcher la pression et se laisser aller sans réfléchir. Cette bulle qu'elle arrive à créer autour de lui, ça lui a toujours donné l'impression d'être vivant à Oscar. En vérité, y'a qu'avec elle qu'il se sent important, qu'il a l'impression de compter, d'être quelqu'un. Pas que sa famille n'ai pas de bons côtés, c'est juste qu'ils ne parviennent pas à communiquer. Leurs mains se touchent, leurs corps se frôlent parfois, de façon tout à fait enfantine. Ca doit faire six ans que j'ai pas dansé comme ça, d'puis la soirée pour tes seize ans. Il en a surement trop dit. Le contexte qui se prêtait à la confidence, aussi parce qu'il a presque oublié qu'il était son boss ce soir. Erreur mélancolique.
Vous avez toujours été très différents. Toi qui n’hésites jamais à se montrer, à rire à gorge déployer, à parler à tout le monde et lui qui s’excuse presque d’exister, parfois. Pourtant, vous vous complétiez à merveille et Olive en est le parfait exemple. Elle est sociable et casse-cou, comme toi, mais elle sait se montrer réfléchie, exactement comme son père. C’est fou comme cette petite fille peut être l’exemple même du mélange génétique, même si, il faut l’avouer, elle ressemble beaucoup plus à Oscar, physiquement parlant, tant et si bien que parfois, on peut se demander si tu es bien sa mère biologique. Tu finis par l’attirer, ou plutôt le tirer vers la piste de danse aménagée et tu te mets à bouger au rythme de la musique. Tu ne sais pas chanter, mais tu sais bouger, c’est déjà ça. Oscar, lui, ressemble à un véritable robot et tu vois bien qu’il peine à feindre la bonne humeur. Il n’est pas dans sa zone de confort et l’en sortir a toujours été très compliqué. Mais il fait des efforts, tu attrapes ses mains, lui montre le rythme et il finit -tu crois- par se détendre et à sourire. Il te regarde, tu le regardes, et plus rien n’existe autour de vous. Comme avant. Et ça fait du bien, de le retrouver. Et t’aimerais le prendre dans tes bras, et lui demander de ne plus jamais partir. Mais c’est impossible, parce que tu as faire l’erreur de lui mentir, il y a 6 ans maintenant, et aujourd’hui, plus rien ne pourra réparer ça. Non pas que tu regrettes ta fille, bien au contraire. C’est de l’avoir caché à Oscar, que tu regrettes. Mais c’est trop tard, à présent. Quand il parle de ta fête d’anniversaire, tu vrilles. Parce que tu t’en souviens tellement bien. Il était déjà à Harvard depuis quelques semaines et n’était revenu que pour ton anniversaire. Tu étais enceinte, déjà, et tu ne lui as rien dit. Tu t’mords lèvre avant de sourire. « Le temps passe vite… » et puis tu essaies de changer de sujet. « Si on s’inscrit pour un duo, tu chanteras avec moi ? » tu lui fais les yeux doux, parce que tu sais que l’oscar d’avant n’aurait jamais pu dire non. Et puis, il est encore là, non ?
Zola, y'a six ans, elle a coupé les ponts, du jour au lendemain. Elle a juste arrêté de donner signe de vie. Il a bien évidemment vérifié qu'elle était encore sur cette planète pour ensuite oublié jusqu'à son existence. Ou faire comme si en tout cas. La vérité, c'est qu'il l'avait juste engouffré au fond d'lui et qu'il avait feint. Pas facile quand on a le cœur brisé mais il s'était dit qu'il devait être bien insignifiant pour qu'elle tire un trait sur leurs relations si vite. Si facilement. Les habitudes reviennent vite. Une chanson ? Ensemble ? Souvenir du bon vieux temps hein ? Son regard vient se poser sur ses lèvres et il comprend qu'il est foutu, elle a tissé sa toile et le vulgaire insecte qu'il est est coincé. Et d'un coup d'un seul, le sourire qu'il affiche s'éteint. Il s'en veut d'être là, de s'être laissé prendre au jeu. Après tout, c'est un peu facile non ? Il sait pas. Il sait plus. Il est paumé à cet instant précis et le manque de sa présence lui revient en pleine gueule. Il a tellement souffert, il s'est terré dans sa chambre étudiante pendant des jours, mettant en péril ses études à cause d'elle. Elle qui agit comme si rien ne s'était passé. Il passe une main dans ses cheveux, quitte le bar vivement. Coup de tête.
Merde, il a pas payé. Il s'arrête d'un coup et fait marche arrière pour la voir là, qui le fixe sans trop comprendre. C'est le bordel, trop compliqué, trop réel. Il veut pas redevenir son ami. Il est pas sûre de pouvoir endosser ce rôle à nouveau, de donner son corps et son âme à une fille qui ne ressent pas la même chose. Et il lui en veut pas d'pas l'aimer, pas comme lui en tout cas. On ne choisit pas de qui on tombe amoureux après tout, il est bien placé pour le savoir. Je peux pas faire ça Zola, désolé. Et il ne parle évidement pas de la chanson, parce que le soucis est plus profondément ancré. Il pousse un soupire, passe devant et va donner un billet au barman. Trop gros mais il lui dit de garder la monnaie avant de sortir à nouveau. Elle a pas bougé. Immobile. On devrait se contenter de relations professionnelles. même si ce cap est dépassé depuis des jours déjà... Le stade de simples collègues est devenu obsolète.
Tu n’sais même pas pourquoi tu lui proposes cette chanson, ce n’est pas bien, tu le sais, parce que ça va raviver es vieux souvenirs, parce que tu devrais rester éloigner de lui, parce que, parce que, parce que…Mais t’y arrives pas, Zola, t’as besoin de lui dans ta vie, et il t’a cruellement manqué pendant 6 longues années. Aujourd’hui, tu aimerais rattraper le temps perdu et faire comme rien n’était arrivé, mais c’est impossible, Olive prend une place énorme dans ta vie, et ça, tu ne peux pas en parler à Oscar. Alors sur quoi baser votre amitié nouvelle si tu n’es pas totalement franche avec lui ? C’est impossible. Toutes ses pensées tournent et tournent dans ta tête alors que tu lui as déjà demandé, s’il voulait chanter avec toi. T’aurais aimé tourner sept fois ta langue dans ta bouche. Encore plus après ce qu’il suit. Il te plante, là, au milieu de la piste. C’est d’abord son sourire qui s’évapore, et puis ses mains qui quittent les tiennes. Tu n’comprends pas, tu continues à sourire bêtement en regardant partir, pour la seconde fois de ta vie. Tu lui en as voulu, de partir à Harvard en sachant que toi, tu ne pourrais jamais quitter la Louisiane. Tu lui en as voulu sans jamais le lui dire, parce que tu étais tellement fière de lui, en même temps. Tes points se serrent, il revient parce qu’l à oublier de payer, la situation est presque comique. En passant près de toi, il daigne enfin t’expliquer, si on peut appeler ça des explications. Il peut pas, qu’il dit, et toi, tu comprends pas. Il veut qu’ça reste professionnel, et toi, toi, ça t’énerve, parce que c’est lui qui t’a proposé d’aller manger un morceau, c’est lui qui t’a proposé de le tutoyer, c’est lui, lui, lui. « Bien. » tu dis, froide comme la glace. « Fallait y penser avant. » et tu lui tournes ne dos. T’as envie de frapper quelque chose, ou pleurer, ou les deux. Mais tu te contentes d’attraper un verre, au hasard, et de le vider. Tu grimaces, c’est pas lui qui va gâcher ta soirée.
Elle doit rien comprendre la pauvre Zola. Lui qui souffle le chaud et le froid. Il vient et repart aussitôt sans explications. Il l'invite à dîner pour finalement demander à ce que leurs relations soit strictement professionnel quelques semaines plus tard. C'est à en perdre la raison. C'est même pour ça qu'il choisit de s'éloigner ce soir. Il est en train de perdre la raison à nouveau, à ses côtés, il est plus heureux c'est un fait mais il est aussi plus triste à chaque fois qu'elle s'éloigne, à chaque fois que son regard se pose sur un autre. Et il n'a pas l'droit d'exiger quoi que ce soit d'elle puisqu'ils ne sont rien. Pas même des amis. Et en vérité, il n'est pas persuadé de vouloir redevenir son ami. Et elle est en colère, il le voit bien, il le sent. Il devrait même s'en tenir à ça et partir mais putain son cœur bat trop fort. Ses entrailles le font souffrir. Il aurait pas du venir tout simplement. Cette soirée est un échec cuisant et ces qualités sociales n'ont pas aidé. Il sait pas quoi faire. Et il la voit s'échapper en vidant un verre. Les yeux qu'il lève au ciel devant cette scène, capacité d'auto-destruction assez massive. Elle a toujours su comment se saboter. Ceci dit, elle a pas vraiment besoin de lui donner des cours sur la matière, il se débrouille très bien tout seul.
Quelques regards sont tournés vers eux tandis qu'il s'approche d'elle. Pas vraiment son genre à Oscar de faire une scène en publique et s'donner en spectacle. Il ferme les yeux une seconde, une seule. Le temps de reprendre ses esprits, tout est un peu flou. T'as pas l'droit d'me dire ça qu'il finit par dire à haute et intelligible voix, persuadé qu'il l'a entendu. Elle a tiré un trait. Elle l'a blessé et lui n'est plus certains de vouloir se replonger dedans. Y'a six ans, il aurait pas hésité une seule seconde. Parce que Zola a toujours été la seule variable qu'il pensait ne pas voir changer dans sa vie. Persuadé qu'ils finirait vieux assis sur un banc à bouffer des bonbecs. T'as arrêté de répondre ! Les larmes lui montent presque aux yeux mais il les refoulent. Tu m'as rayé d'ta vie alors si y'en a un de nous deux qui a le droit de dire : fallait y penser avant. C'est moi. Il lève les yeux au ciel. Il sait que c'est pas cool de lui faire ça mais putain, il l'a attendu pendant toutes ses années lui. Juste un signe et rien. Elle débarque à nouveau et rien, pas une excuse ou un semblant d'explication.
Ce n’est même pas étonnant, au final, qu’il t’indique le nord et le sud. Il a toujours été comme ça, sans savoir ce qu’il veut. Et toi, toi ça t’agaçait tellement, gamine, mais t’as fini par faire avec, tu n’avais pas l’choix, il parait qu’on aime quelqu’un non pas grâce à ses qualités mais malgré ses défauts. Et c’était le cas, pour toi, pour vous. Mais ce qu’il te dit, le fait qu’il part, ça t’brise, parce que tu l’as attendu, dans un coin de ta tête pendant 6 ans, même si tu n’voulais pas te l’avouer. Et tu refuses de lui montrer que tu es blessée, Zola, parce que depuis toujours, tu es incapable de montrer tes faiblesses, tu préfères de détruire plutôt que montrer tes failles, c’est ce que tu fais, d’ailleurs, en t’enfilant ce verre de bière forte. Tu ne tiens pas l’alcool, ce n’est un secret pour personne, et pourtant tu cherches à te mettre une mine dans le simple but d’éviter de penser à ce qu’il vient de se passer. Tu aimerais qu’il parte, qu’il te laisse tranquille, que vous redeveniez des étrangers, comme il le souhaite, mais encore une fois, il n’est pas logique, Oscar, et il reste, il te suit dans la foule. T’as pas l’droit, qu’il dit, et tu détestes qu’on te dise quoi faire ou quoi dire. Et tu détestes quand il le fait, lui, surtout. Alors tu te retournes, vivement, et tes yeux lancent des éclairs. « On va rester sur le vouvoiement monsieur Wilson, je ne suis que votre boniche après tout. » tu croises les bras en le toisant, ton regard se veut fière mais ton attitude fermée révèle la petite ville cachée en toi, celle qui n’a pas su grandir correctement dans ce monde. Tu sers la mâchoire et secoue la tête quand il t’assène une nouvelle balle. Toi, tu t’en fiches, de faire une scène, tu es enivrée et tu ne t’en rends pas compte, de toutes façons. « Non mais je rêve, je te signale que c’est toi qui es partie dans une autre putain d’état. » Tu dis en levant la main et en jetant sur lui un doigt accusateur. « Ouais, c’est ça, lève les yeux au ciel, j’dirais rien » -c’est la mère qui parle- « C’est toi qui m’as rayé de ta vie en premier, en m’abandonnant. Moi, j’ai tout fait pour survivre, ici, d’accord ? alors je t’interdis de faire ta victime. » Tu sers le poing finalement. « Maintenant, laisse moi tranquille, j’veux plus te voir, j’appellerais ton père pour lui dire que j’veux plus travailler avec toi. De toute façon, c’est lui qui gère tout, non ? » t’es méchante, Zola, et pas vraiment honnête. Mais t’a bu, t’es blessée et surtout, en colère. Et dieu seul sait à quel point tes paroles dépassent ta pensée lorsque tu es en colère.
Aie, il a plutôt mal joué son coup. Si le regard de Zola pouvait parler, il serait déjà agonisant sur le bord du trottoir. La noirceur fait peur mais il ne se démonte pas pour autant, il le soutient ce regard sombre. Boniche ? Bordel, elle est sérieuse là ? Il s'est toujours montré professionnel et ne lui a jamais demandé de faire des tâches qui ne lui incombait pas du genre aller lui prendre un café. C'est elle même qui a choisi de le faire. Après tout, si le job ne convient pas, elle n'a qu'à partir. C'est pas compliqué. Ces pensées divaguent, froides et mélancoliques. et baisse d'un ton, tout le monde nous regarde. qu'il ajoute, même si dans le fond, il le sait que ces simples mots vont la faire vriller. Comme s'il cherchait à la faire réagir, comme pour voir s'il peut encore susciter une réaction chez elle. Mais quel con. Au lieu de fuir comme il l'avait prévu à la base, il s'enfonce dans une engueulade qui n'a ni queue ni tête. Il se mordille la lèvre tandis qu'elle continu d'asséner des mots, de lui balancer des propos presque injurieux en pleine tronche. Il hausse les sourcils en la fixant, essayant de comprendre. alors c'est pour ça ? T'as arrêté de me répondre parce que je suis parti faire mes études dans un autre état ? Et lui, il s'en ai longtemps voulu vu la situation mais après tout, elle lui avait promis que tout irait bien. Parce que sans s'en rendre compte, c'était elle le roc sur lequel il se reposait, c'était elle qui prenait les décisions et elle lui a dit de partir, de suivre sa voie.
Il se sent terriblement seul à cet instant précis, ne sachant pas trop comment réagir. Lui qui voulait fuir n'a maintenant plus qu'une envie : la prendre dans ses bras. Enfin, c'était jusqu'à ce qu'elle prononce ces mots, la méchanceté qui file sur ses traits abîmés par la vie mais pourtant toujours angéliques. Il se bloque, il s'immobilise une seconde en essayant de comprendre pourquoi. Pourquoi ces mots. Pourquoi elle veut le blesser gratuitement. Parce que si une personne sait pertinemment que cette relation au paternel est complexe, c'est elle. Et lui, il est resté calme tout ce temps, les mots qu'il prononce sans élever la voix. Et il ne prend pas la peine de lui répondre face à cet affront d'une méchanceté inestimable. Il se contente de lui dire adieu : OK Il arrive pas à faire mieux tandis qu'il tourne le dos à son tour dans cette partie d'échec qu'il a visiblement perdu. Échec et mat. La fin. La fin de quelque chose qui n'a jamais vraiment commencé. Recommencé. Ou peut être est ce le point final à une amitié qui a vu des haut et des bas ?
Tu as toujours eu le sang chaud, Zola, ce n’est pas nouveau. Et tu ne sais pas gérer ta colère ni tes sentiments en règle générale. Oscar, il l’a toujours su, et Oscar, il faisait en sorte de te ménager, il acceptait tes défauts comme tu accepté sa timidité maladive que tu gérais toi aussi. Mais cet Oscar doux et bienveillant que tu as connu autrefois ne semble plus vraiment existé, ou alors, i lest bien caché derrière ce masque de rigidité et de rigueur. Tu n’en sais rien, mais ça ne te plait pas. Tu pensais que ce soir, tu allais réussir à le faire sourire, comme avant. Mais non. Il ne veut plus sourire ni pour toi, ni avec toi, et ça te met en colère. Tu croises les bras, tout est facile, pour lui avec ce boulot trouvé par papa. Il ne se rend pas compte à quel point c’est humiliant d’être sa secrétaire, d’être celle qui toi se plier en quatre pour lui rendre la vie encore plus facile. Et si tu l’pouvais, tu ferais autre chose, même si tu ne sais pas vraiment quoi. Parce que la vie ne t’a pas donné la chance de réfléchir à ce que tu aimes. Tu fais ce qu’on te donne, et c’est tout. Tu sers les poings, et c’est comme si l’Oscar qui te connaissait par cœur n’existait plus, c’est comme s’il faisait tout pour t’énerver. « Je suis désolée d’avoir besoin de m’exprimer ! » tu dis en montant dans les aigus. Tu regretteras, dès demain, cette scène que tu fais, en plein milieu de vos collègues, c’est certain. Mais pour le moment, tu n’y penses pas du tout.
Tu te mords la lèvre quand il te demande si c’est pour ça que tu as arrêté de lui parler. Et tu peux pas lui balancer, là, au milieu de tout le monde, que c’est parce tu portais son enfant. Non, tu n’peux pas, tu ne le feras jamais.
« Mais qu’est-ce que tu crois ? Que j’ai arrêté de te parler par plaisir ? ça nous menait à quoi, dis-moi ? Qu’on s’envoie des sms bateaux tous les soirs alors que tu étais à des centaines de kilomètres ? ça menait à rien, putain, et…et… » tu n’arrives pas à finir ta phrase, Zola, y’a toutes ces émotions qui t’prennent à la gorge et t’as juste envie de tout envoyé péter, comme tu le faisais, avant, quand la tension devenait ingérable. Mais t’es responsable, maintenant, tu n’peux plus faire ça, tu n’es plus une enfant. Tu croises les bras en jetant un coup d’œil autours de toi. Ouais, comme tu le pensais, tous le monde vous regarde. Fantastique. « Ouais, c’est ça, ok. » tu dis parce que s’il y a bien une chose qui te mets hors de toi, c’est de ne pas avoir le dernier mot. « Casse-toi, y’a que ça qu’tu sais faire, de toute façon. Et puis j’imagine que tu remettras la faute sur moi, ou que t’ira pleurnicher dans ton coin, comme d’habitude. » Et t’as l’impression d’avoir 10 ans de nouveaux, et de te disputer avec lui pour des broutilles.
Il a réveillé la furie. Ce n'était pourtant pas son objectif à Oscar de la blesser. Il a juste chercher à s'exprimer. Pour une fois. Parce qu'il renferme trop de choses, il refoule des sentiments depuis trop longtemps et il est pas loin d'exploser. Et même si ces mots font terriblement mal, il ne la blâme pas, simplement parce qu'elle doit être paumé et ne pas comprendre. Comment le pourrait elle y'a des jours où il ne se comprend pas lui même. Il a passé sa vie à se chercher Oscar, sans jamais se trouver. Et ce soir, il a chercher à fuir. Ouais sauf que sa raison veut quelque chose mais son cœur lui, n'a aucune envie de mettre les voiles. Puis ce qu'elle peut être agaçante avec ces remarques mesquines qui ne lui ressemblent pas. Il l'a souvent vu faire ça lui, quand ils étaient gosses, la colère qui traîne, jamais dirigé contre lui avant ce soir ceci dit. Et lui, il la trouve injuste. Parce qu'Oscar revenait aussi souvent que possible pour la voir elle, juste elle. Parce qu'Oscar n'a jamais considéré ces messages échangés comme bateaux. Non. Ils étaient plutôt vitaux. Oscar n'a jamais trop su comment évoluer sans elle, il pensait même que c'était impossible. Il a attendu un signe pour le ramener en vie pendant des années. Parce que lui aurait pu revenir aussi souvent que possible. Il aurait suffit qu'elle le lui demande. Et elle le savait putain. Elle le sait qu'elle a ce pouvoir sur lui.
A cet instant précis, il n'a qu'une envie : hurler. Aussi fort que possible mais il se retient. Il se retient toujours Oscar. Il peine à s'exprimer, à dire. Il garde tout à l'intérieur, fermé à double tour. Les murs qu'il a finalement érigés autour de son cœur, juste pour se protéger et qu'elle est en train d'abattre doucement depuis quelques semaines. Alors quand elle l'achève de ses mots, il se bloque une seconde, toujours dos à elle. Waoh, à cet instant j'ai du mal à comprendre pourquoi j'étais si amoureux de toi au lycée. qu'il lâche à voix basse, sans trop savoir si elle a entendu ses mots. Lui qui a su rester calme tout ce temps sans hausser le ton une seule fois. Pas si honnête dans le fond, parce qu'il se cache la vérité à lui même mais il est toujours complètement accroc. Les sentiments qui n'ont pas changé d'un iota toutes ses années. Mais après tout, peut être que c'était de ça qu'il avait besoin. Le point final. Celui qui achève une histoire à peine entamé.
Tu as toujours eu un caractère compliqué et difficile à cerner. C’est pour ça que tu as été trimballé de famille d’acceuil en famille d’acceuil. Tu es incapable de faire confiance aux gens, en règle générale, et tu te braques pour pas grand-chose. Et puis pour te protéger, tu n’hésites jamais à attaquer, quitte à blesser. C’est sournois, mais c’est comme ça que tu as réussis à survivre dans le système, et dans cette vie qui ne voulait pas de toi. Y’avait que lui, que lui dans ce brouillard opaque qu’était ta vie, pour te faire espérer. Que lui que tu ne voulais en aucun cas blesser. Et pourtant, et pourtant te voilà, les yeux serpents, face à Oscar, face au fantôme de ton passé, et tu es incapable de te contrôler. Tu sais que tu es méchante, mauvaise et injuste, mais tu n’arrives pas à te calmer. Tu n’as jamais su le faire, sauf grâce à lui. Et aujourd’hui, il est clair qu’il n’essaiera en aucune cas de te calmer, Zola. Parce que tu lui fais du mal, parce que tu viens de le blesser, et tu le vois, dans ses yeux, et tu sais que tous ce que tu viens de lui cracher à la gueule aura de lourde conséquence, mais tu es trop fière pour dire quoi que ce soit d’autre, pour essayer d’arranger la situation. Alors tu croises tes bras sur ta poitrine, tu te fermes, et la tête haute, tu attends qu’il parte. Et alors qu’il te tourne, tu crois entendre quelque chose, mais ce n’est qu’un murmure, tu en es sûr. Ça ne peut en être autrement. Pourtant, ce murmure te trouble plus qu’il ne le devrait. Et tu finis par te retourner, à ton tour, pour foncer vers le bar. « Allez, on a un anniversaire à fêter ! » tu te dis, mais l’entrain dans ta voix n’est plus. « Qu’on sorte les shooter ! »
Jamais ça n'a été aussi froid entre eux. Mal de chien. La situation qu'il a causé dans le fond. Après tout, il a fait semblant pendant des mois, des années. Il a joué le jeu du meilleur alors qu'en réalité, il a toujours voulu être plus. Les mots dépassent les pensées. Ou peut être que pour la première fois de sa vie, il est véritablement honnête avec elle. On ne peut pas dire à proprement parlé qu'il ai menti sur toute la ligne ceci dit. La plupart de ce qu'ils ont partagé ensemble a été fait avec sincérité et amour, seulement pas celui qu'elle pensait. Enfin bref, il sait pas ce qu'il s'est passé mais il a presque honte de lui avoir révélé ce secret enfoui depuis trop longtemps. Surtout qu'elle l'ignore totalement. Il essaie de se convaincre qu'elle a pas vraiment entendu mais sa tête semble prétendre le contraire. Et là voilà qui s’éclipse et qui rejoint le groupe comme si de rien n'était, l'alcool qui coule trop vivement dans ses veines.
Un soupire. Une envie de tout brisé qu'il refrène. Son regard, il le croise une dernière fois mais se défile trop vite en se dirigeant vers la sortie. Ce qu'il aurait du faire quelques minutes plus tôt. Ca lui aurait éviter ce sentiment atroce de suffoquer qui est en train de l'envahir. En sortant, il prend le temps de respirer. Il aurait pu essayer de se battre plus fort, de lui tenir tête mais ce n'est pas réellement dans sa nature. Oscar, c'est le gars bien. Celui qu'on a tendance à oublier parce qu'il ne se fait jamais remarquer. Un dernier regard à l'intérieur tandis qu'elle s'enfile un shooter, celui qu'elle regrettera probablement demain. Et lui, il s'échappe là où il aurait autrefois attendu pour ramener la jeune femme chez elle ensuite, quand elle aurait terminé. Putain, il est vraiment pathétique quand on y pense. Tant pis. Tant mieux. Franchement il sait pas quoi penser de cette soirée en dehors du fait que ça l'a bien foutu en vrac.
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