i'd rather pick flowers instead of fights · (natasha)

“ make everyday a little less ordinary "
· · @natasha sorensen

La journée avait été éreintante, comme toutes celles qui l’avaient précédées en fin de compte. Métro, boulot, dodo. Voilà à peu de choses près le quotidien qui rythmait la vie de Tina depuis quelques semaines. Les sorties étaient rares, pour ne pas dire inexistantes, et les quelques heures supplémentaires qu’elle parvenait soigneusement à grappiller ici et là lui permettraient peut-être de s’accorder un restaurant ou deux le mois prochain. A moins qu’une nouvelle facture ne vienne frapper à sa porte sans qu’elle ne s’y attende… Quoiqu’il en soit, c’est armée d’un discret sourire qu’elle salua chaleureusement ses collègues avant de quitter l’hôpital et regagner les ruelles toujours aussi bondées de la Nouvelle-Orléans. Deux jours de repos s’offraient enfin à elle. Un court weekend où elle pourrait se prélasser sur son canapé ou bien les coudes appuyés contre un bar en bonne compagnie et entrain de siroter quelques verres. Quant à comment elle comptait occuper sa soirée aujourd’hui, n’importe qui aurait convenu qu’elle avait tous les droits du monde à aller s’enfoncer dans son lit pour finir devant un film bidon sur Netflix. Il n’en serait pourtant rien parce qu’encore une fois ici, Tina songeait aux autres avant de penser à elle. Son téléphone à la main, elle pianota quelques mots à destination de Natasha sans prendre le temps de passer par quatre chemins. Un simple sms lui indiquant qu’elle était en route pour chez elle. Non, elle n’était pas passée à côté de sa visite au sein des urgences cet après-midi. Encore un pauvre type ramassé ivre sur la voie public - et par miracle, ne s’agissait pas du père Callahan pour une fois. Sauf que voilà, d’ordinaire la lieutenant passait toujours rendre visite à son amie. Si pas, un signe de la main et un sourire chaleureux suffisaient généralement à la saluer. Et là, rien. Elle était venue, avait déposé son colis entre les mains des soignants, et s’en était allée sans un regard pour elle mais visiblement contrariée. Les deux femmes se connaissaient depuis quelques temps désormais. Parti d’une rencontre plutôt maladroite suite à un litige dans un bar, il n’était pas rare désormais de les voir partager une après-midi ou une soirée ensemble. Ensemble, elles avaient choisi d’abandonner leurs problèmes du quotidien et de délaisser leurs tenues de boulot l’espace de quelques heures pour s’accorder un peu de temps loin de leurs vies chaotiques. Aussi et surtout, Natasha était une confidente. L’une de ces rares personnes au courant de l’état de son père et sur qui elle pouvait largement compter sans la crainte d’être jugée. Parce qu’ils étaient nombreux à voir ce type comme un déchet de la société, à l’insulter voire le provoquer et faire de cet homme désespéré un vulgaire clown l’espace d’une soirée. Pour le protéger, il n’était pas rare qu’il soit ramassé au cours de la nuit puis accompagné en cellule de dégrisement en attendant que sa seule fille puisse venir le rechercher. Un quotidien comme un autre finalement… Lorsqu’elle débarqua devant la porte d’appartement de son amie, c’est avec toute la délicatesse du monde que Tina se mit à tambouriner contre la boiserie jusqu’à ce qu’on finisse par lui ouvrir. Les sourcils arqués, ses deux grands yeux bruns se posèrent machinalement sur le visage de la blonde à qui elle adressa un charmant sourire. — Suuuurprise ?! Lança-t-elle d’une voix enjouée, peut-être un trop compte tenu de la situation. Et parce qu’elle ne faisait jamais dans la dentelle avec qui que ce soit, elle entreprit même de pénétrer dans l’appartement sans attendre qu’on l’y invite. Le culot par excellence. — Tu vas me snober encore ce soir ? Fais gaffe hein, je suis susceptible. Très susceptible. Ou sinon tu peux juste m’expliquer cette horrible gueule que tu tirais quand je t’ai croisée aux urgences cet après-midi ? Elle avait prononcé ses paroles en croisant ses deux bras au dessous de sa poitrine, les sourcils arqués et visiblement prête à ne rien lâcher tant qu’elle n’obtiendrait pas de réponse. Elle était comme ça Tina, et personne ne pourrait lui reprocher. Ses bonnes intentions prenaient très souvent le dessus sur la vie qu’elle essayait de maîtriser tant bien que mal. Et de toute évidence, quelque chose ici n’allait pas. — Et si t’as besoin qu’on aille boire, on peut, on y va, toujours chaude pour ça tu sais bien. Cette fois-ci, elle laissa un sourire sincère venir courber la commissure de ses lèvres. Après tout, elles n’étaient pas obligées de passer une soirée à se lamenter sur tous les malheurs du monde en buvant de l’eau et en grignotant des chips. Là où généralement les confidences devenaient intéressantes, c’est lorsqu’une bouteille de vin et / ou d’alcool fort venaient se joindre à la conversation. Elles étaient expertes en la matière, à quoi bon priver les verres de leur compagnie ?

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