All happiness depends on courage and work.

[ All happiness depends on courage and work. ]

w/ @Zolah Dickens
« Ça n’arrête pas depuis hier ! » J’entends gémir au loin ma partenaire d’ambulance, elle qui est en charge de nous conduire pour la énième fois à l’hôpital le plus proche. J’ai les mains occupées sur ce patient, un vieillard très fortement alcoolisé qui s’est fait renverser par une voiture en voulant traverser sur un coup de tête, mal en point, la tête rivée sur des constantes qui ne sont, ma foi, pas mauvaises en dépit des circonstances. L’homme empeste, si bien qu’il est même difficile de respirer sans avoir l’impression d’ingurgiter sa saleté au fur et à mesure. Plusieurs relents manquent de me vaincre mais je tiens le coup malgré tout, et cela pendant dix minutes, d’une longueur comparable à une éternité. « Combien de temps avant d’arriver ? » J’hurle, le souffle court, à ma partenaire qui se retourne et grimace, elle aussi confrontée à cette odeur. « Trois minutes supplémentaires, quatre si l’abruti devant nous refuse de se détourner pour nous libérer le chemin. » J’acquiesce vivement et me remet au travail, forcé de lutter avec moi-même et de trouver la concentration là où je le peux, en restant fixé sur cette vie à sauver. Nous ne tardons pas à arriver à destination et j’ouvre les deux portes arrière du véhicule en un souffle libéré. « Seigneur, ce n’est pas trop tôt ! » Je laisse l’air s’engouffrer en de gigantesques inspirations jusque dans mes poumons, oubliant l’espace de quelques instants la présence de cet homme dont les gémissements me ramènent bientôt à la réalité. Ah oui, tu as un homme à escorter jusqu’aux urgences. Je m’amuse déjà de leur réaction, lorsque nous débarquerons et que cette pourriture qui flotte dans l’air les gagnera à leur tour. We’re all in this together, comme le dirait si bien une chanson d’High School Musical. Le brancard préparé, je me place à l’autre bout de ma collègue, en position de force puisque le vieillard est plutôt lourd. « On peut y aller ! » Je referme les portes de l’ambulance en vitesse et m’accroche aux deux anses afin d’impulser un rythme régulier, ni trop lent ni trop rapide.

Nous sommes bientôt assaillis par le personnel urgentiste qui se rue sur nous et à qui nous dictons les informations dont nous disposons. Je repère dans le tas une infirmière qui ne m’est pas inconnue. Personne ici, ne l’est, mais Zolah est différente des autres… C’est elle, qui a fait la différence. Elle, à qui je dois beaucoup même si je ne l’ai sans doute jamais suffisamment exprimé. Le vieil homme est pris en charge et je m’amuse de tous les voir grimacer face à l’odeur qu’il dégage. Tu savais qu’ils seraient dégoutés, eux aussi. Comment ne pas l’être, franchement ! Je me penche près de mon ancien ange gardien et susurre, taquin. « Bon courage, vous en aurez besoin ! » Oh que oui. En ce qui me concerne, la garde touche à sa fin. Plus qu’une petite demi-heure et je serais libre de rentrer m’affaler sur mon canapé devant Netflix. Un bref regard porté sur les urgences s’avère suffisant pour m’indiquer qu’eux aussi, ils saturent face à une affluence que rien ne peut véritablement expliquer, comme d’habitude. « Les appels se multiplient ces derniers jours, nous avons rarement été aussi sollicités en si peu de temps pour autant de motifs différents ! »

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