i'll look after you (sacha)

i'll look after you

Le souffle court, le front brûlant, elle se réveille en sursaut totalement paniquée. Il lui faut quelques minutes pour calmer les pulsations de son cœur. Un regard vers le réveil qui affiche trois heures du matin, elle comprend qu'elle a de nouveau fait un cauchemar. Elle s'y habituerait presque si ce n'était pas si douloureux. Chaque fois c'est la même chose, elle voit son frère au bout d'une rue qu'il lui supplie de venir l'aider. Elle s'avance, court vers lui mais plus elle approche plus un brouillard semble l'envelopper. Et quand elle arrive, il n'y a plus personne, juste le murmure d'Isaac prononçant son nom qui se perd dans l'air. Et chaque fois, elle a l'impression que son cœur s'arrête de battre et qu'elle ne parvient plus à respirer. Des mois. Des mois que c'est comme ça. Des mois qu'elle se réveille la nuit apeurée. Des mois qu'elle ne dort quasiment plus, trop effrayée à l’idée de vivre à nouveau cette scène pour arriver à fermer les yeux.

Mais elle se sent coupable Sacha. Terriblement coupable même. Pourtant, elle n'est en rien responsable de ce qui arrive à leur famille. Aucun d'entre eux ne l'était d'ailleurs. Mais ça la quitte pas. Ça reste là, ça l'écrase de tout son poids. Si elle était allée le chercher. Si elle était rentrée plus tôt. Alors peut-être, peut-être qu'elle aurait pu le sauver… Et cette idée la brise chaque jour un peu plus. Parce que l'enquête n'avance pas. Parce que les pistes se font plus minces et les indices moins nombreux. Le temps passe, réduisant leur chance de retrouver l'enfant. Pire : de le retrouver vivant. Tout le monde le sait… Elle voit les jours défiler et sa peur grandir, l'impuissance comme un lourd fardeau sur ses épaules. Et putain, ça me tue…

Plus tard dans la journée, elle arrive au commissariat, trempée à cause de la tempête qui fait rage. Elle avait reçu quelques jours plus tôt l'appel d'un certain McGuire qui s'occupait lui aussi de l'enquête concernant la disparition de son petit frère. C'était la première fois qu'elle était en contact avec lui, ayant eu affaire à d'autres de ses collègues pour son interrogatoire. Elle se souvient encore de cette sensation désagréable d’avoir l’air d’être coupable d'un crime qu'elle n'avait pas commis. C'était le protocole, elle le savait bien. Parler à la famille était pour eux le meilleur moyen d'en savoir un peu plus sur Isaac et d'obtenir des pistes sérieuses sur sa disparition. Mais au fond, elle sait aussi qu’ils devaient vérifier qu’ils n’étaient pas les responsables. Que ce n’étaient pas eux les bourreaux. Aucune pistée ne devait être bâclée, pas même lorsqu’il s’agissait de ceux qui ne cessaient de pleurer son absence.

Installée dans la salle d’attente, sa jambe s’agite frénétiquement, tic nerveux qui n’est que le témoin de l’inquiétude dont elle fait preuve. Elle sait pas trop ce qu’elle fout là Sacha. Elle avait dit tout ce qu’elle savait, elle avait donné toutes les infos. Puis elle devait l’admettre, revenir ici était une réelle source d’angoisse. Elle saisit son téléphone, profite d’avoir quelques minutes d’avance pour envoyer un message à @Bran Sussex. Hey, c’est moi. Ca y est, j’suis au commissariat. J’attends qu’on vienne me chercher… Je t’appelle après, je t’aime. Il lui avait proposé de venir. Il avait voulu être présent pour elle. Mais Lewis, elle préférait se débrouiller seule. Elle voulait pas l’entraîner dans toutes ces histoires. C’est déjà bien assez difficile à vivre tu comprends… Téléphone rangé, le silence qui règne dans la pièce n’a rien de rassurant. Elle n’entend plus que l’orage qui gronde dehors, donnant à ce moment une atmosphère très singulière. Puis il arrive… Et y a un truc qu’elle pourrait pas expliquer qui se passe en elle. Comme si de son regard il avait réussi à calmer un peu ses peurs. « Oui, c’est moi. » Elle se lève, peu confiante, comme si elle attendait que le couperet tombe. Elle le suit jusqu’à son bureau, les regards de ses collègues rivés sur eux sans qu’elle comprenne pourquoi. Elle s’installe, un peu mal à l’aise, un peu perdue. « Y a un souci avec ma déclaration ? Vous savez, j’sais pas trop ce que je pourrais vous apprendre de plus, j’ai déjà dit tout ce que je savais à vos collègues… » Elle débite ça à toute vitesse, lui laisse même pas le temps d’en placer une. Mais putain ce qu’elle est stressée Lewis.

i'll look after you

Il l'intimide le flic. Il l'intimide autant qu'il la fascine. Sensations étranges qu'elle sent naître au fond d'elle. Il a le regard qui captive, qui envoûte. Elle l'avait jamais vu, ça c'est certain. Parce qu'elle sait qu'elle n’aurait pas pu oublier ce visage et l'aura qu'il dégage. C'est bizarre. Perturbant même. Il est beau... C'est puéril. Peut-être même ridicule. Mais c'est ce qu'elle a pensé quand elle l'a vu arriver dans la salle d'attente. Comment elle peut avoir ce genre de choses à l'esprit quand elle sent pourtant son corps tendu sous l'angoisse ? Elle est mal à l'aise Sacha. Et les regards pointés sur eux ne l'aide clairement pas à se détendre. Il tente de la rassurer pourtant, précisant qu'il n'y a rien qui ne va pas, se présentant par la même occasion comme pour instaurer un climat de confiance. Elle ne sait pas trop quoi penser de lui pour le moment, elle veut juste pouvoir aider, peu importe qui se trouve face à elle. Elle est hésitante, peu sûre d'elle, pas bien certaine de comprendre pourquoi tous les autres les observent. Elle ne peut pas s'empêcher de se dire qu'elle a fait un truc de mal et ça la bloque. Elle n'est qu'une victime dans cette histoire. Qu'un dommage collatéral. Elle est tellement en souffrance qu'elle est à mille lieux de se douter que c'est simplement sa beauté qu'ils observent. Elle n’a que 19 ans la petite. Et si elle a toujours été consciente de son charme, à ce moment-là elle pense même pas à ça. L'officier doit sentir sa détresse car il lui propose rapidement d'aller ailleurs. Elle le remercie du regard, osant même lui adresser un léger sourire. « Je vous suis. »

La salle d'interrogatoire n'est clairement pas la pièce la plus agréable du poste, elle doit l'admettre. Mais au moins, ils ne sont plus que tous les deux et elle saurait pas dire pourquoi mais ça la rassure. Elle le connaît pourtant pas ce McGuire. Elle sait juste ce que ses parents lui ont dit, c'est à dire pas grand-chose… En tout cas, ils ont oublié de me dire à quel point vous êtes charmant… Elle s'en veut instantanément de penser ça. Elle a pas le droit de faire ça. Putain Sacha, sérieusement ? C'est à ça que tu penses ? Évidemment qu'ils t'ont pas balancé ça. Ton petit frère a disparu, tout le monde s'en fout de savoir qu'un des flics est pas mal. Elle sait pas si c'est le stress qui lui fait perdre les pédales. Comme si elle essayait de se concentrer sur autre chose pour oublier le bordel tout autour. C'est sûrement ça. Ça doit être ça. Mais elle y arrive pas… Elle arrive pas à pas le regarder, à pas le détailler. « C'est pas grave y a pas de souci. Vous faites au mieux. Je veux bien un café oui même si j’suis pas certaine que ça m'aidera à me détendre… » Elle échappe un rire gêné et détourne le regard, fixant ses mains comme une enfant timide. « Excusez-moi je suis un peu nerveuse je vous avoue. » Elle sait pas trop pourquoi elle lui dit ça. Elle ressent juste le besoin d’être honnête quitte à être vulnérable. Parce que j’sais pas pourquoi mais j’ai pas peur d’être comme ça face à toi.