Table n°4 : Silas & Yaël

(outfit) Silas, il n’était définitivement pas un grand fan de la saint-valentin. Même quand il était en couple, il avait l’impression que c’était surtout un truc hyper commercial qui servait surtout à se faire du fric sur le dos des amoureux un peu naïfs qui jugeaient que c’était le jour idéal pour mettre les petits plats dans les grands. Il n’était pas du genre à se faire avoir là-dessus le brun, n’en déplaise à ses compagnons, il n’hésitait pas à le dire, qu’il trouvait ça complètement bidon. Pourtant ce soir, il n’avait pas du tout eu envie de rester seul dans son coin à zapper à la télévision sur les deux-cent films d’amour qui pouvaient passer. Il pensait un peu trop à Ainoa le brun. Il pensait toujours trop à elle. La situation le rendait fou. Il n’avait pas choisi cette rupture et pourtant, il était celui qui l’avait imposée à la blonde. Maintenant, elle trouvait toujours un moyen de le lui faire payer et de lui prouver à quel point elle pouvait le détester, alors que lui, même s’il n’avait pas le droit de le dire, il l’aimait encore. Il avait fini par quitter la dépendance des Bolivar dans laquelle il vivait, pour se rendre à un speed-dating dont on lui avait parlé. Il se disait qu’il avait touché le fond pour aller là-bas quand même. Peut-être qu’il rencontrerait quelqu’un de sympa au moins. Un coup d’un soir, même, au point où il en était, il prenait Silas, tout pour ne pas être seul ce soir, dans cette putain d’ambiance trop romantique à son goût. Il s’était installé à la table qu’on lui avait indiquée où il fut rapidement rejoint par un autre homme. « Hey. » C’était vraiment bizarre comme situation d’après lui, devoir faire connaissance en un temps limité avec un parfait inconnu. Ça n’avait pas grand chose de naturel. « Silas. » Il répondit, esquissant un léger sourire, sans doute que ça devait se voir qu’il était tout sauf à l’aise dans ce genre d’endroit. « Alors, qu’est-ce que tu fais dans la vie ? » Il fallait bien commencer quelque part, même si la question était probablement mauvaise, puisqu’elle risquait aussi de lui être posée et que ce serait l’occasion de voir qu’il était du genre gars paumé lui. Il se tirait une balle dans le pied, le pauvre Silas.

Il était fatigué Silas de son histoire avec Ainoa avait une trop grande incidence dans sa vie. C’était une histoire compliquée, une histoire qui avait complètement échappé à son contrôle dès lors que le père de la blonde était venu mettre son nez dans leurs affaires. Il l’aimait Ainoa et il avait du mal à tourner la page, sans doute parce qu’il avait rompu avec elle sans en avoir la volonté. Techniquement, aucun d’eux n’avait voulu mettre un terme à leur histoire, c’était la preuve que tout fonctionnait pour le mieux entre eux et qu’ils avaient la volonté d’aller plus loin dans leur romance. Ils n’avaient pas eu cette chance, parce qu’il avait cédé sous les menaces du père d’Ainoa. Il n’avait pas eu le choix. Maintenant, il se sentait mal et très con en prime, pour être assez désespéré pour se pointer à un speed-dating. « Okay, c’est un bar sympa. » L’endroit idéal pour faire des rencontres d’après lui, lui qui recherchait des histoires courtes ces derniers temps, il y trouvait son compte parfois, au moins quand le moral était au rendez-vous. « Intéressant. » Il répliqua aux précisions apportées par Yaël. Cinéaste, c’était plutôt classe d’après lui, même si ce n’était pas forcément un milieu qu’il connaissait lui. Il avait arrêté les études après le lycée de toute façon, alors il avait tendance à se dire que ça faisait de lui un pauvre type qui manquait probablement de culture et de connaissances. Les universités coutaient une fortune et chez les Hawkins, on n’avait pas les moyens. « Qui je suis ? » Il ne pu s’empêcher de ricaner nerveusement avant de passer les doigts dans sa tignasse. Il n’avait pas une très bonne estime de lui le brun et sans doute que c’était encore plus marqué depuis que le père d’Ainoa lui avait fait comprendre qu’il n’était pas assez bien pour sa fille. Pas question de mélangé des torchons et les serviettes après tout. « Je suis chauffeur pour un riche gars de la ville et je fais des petits travaux ici et là. Rien d’exceptionnel. » Il haussa les épaules. « Je suis un peu monsieur tout-le-monde, je crois. » Un type perdu au milieu de le fil, qui ne faisait pas de vague, qui ne se remarquait pas, qui ne sortait pas du moule. « Je suis certain que c’est pas ton cas. » Il sourit à son interlocuteur, c’était peut-être un jugement hâtif, mais il avait l’impression que lui, il n’était pas monsieur-tout-le-monde. Peut-être qu’il se trompait, mais c’était à son interlocuteur de le lui prouver.

Il n’était pas forcément à l’aise quand il était question de parler de lui Silas. Il avait une vie banale, rien d’extraordinaire. Son père s’était barré un beau matin pour ne jamais revenir. Sa mère avait galéré à élever seule ses deux enfants. Il n’avait jamais eu beaucoup d’ambitions, beaucoup de volonté pour avancer dans la vie. Il avait souvent l’impression d’être du genre insipide comme type. C’était étrange qu’une fille comme Ainoa se soit intéressée à lui alors qu’il n’y avait pas plus banal sur terre, d’après lui en tout cas. La question de son interlocuteur l’avait mis légèrement mal à l’aise alors, quand bien même il avait essayé d’y répondre du mieux qu’il pouvait. « Ça va, le gars peut être un peu terrifiant parfois, mais en principe, il est plutôt cool avec moi. » A part quand il lui demandait de rompre avec sa fille, il était là le côté terrifiant. Il n’avait pas pris ses menaces à la légère le brun. Mais le reste du temps, il s’entendait plutôt bien avec le patriarche Bolivar, heureusement, parce qu’à le conduire partout, ils en passaient du temps ensemble. « Probablement, la mienne est juste banale à souhait. » Il répondit, vraiment persuadé que sa vie était tout ce qu’il y avait de plus normal. C’était même ennuyeux d’après lui, même s’il pouvait se réjouir de n’avoir pas connu trop de malheurs dans son parcours. « Cinéaste, déjà pour commencer. » Même amateur c’était assez classe. « Et puis, c’est pas tout le monde qui vient à un speed-dating tout de rose vêtu. » Rose ou autre couleur qu’on remarque. Silas, il avait tendance à penser que le style vestimentaire d’une personne en disait long sur le caractère d’une personne. On disait souvent qu’il ne fallait pas juger un livre sur sa couverture, mais l’observer pouvait quand même donner un premier avis. Les couleurs vives comme ça, elles étaient pour ceux qui sortaient du moule. Ce n’était pas un jugement pour autant, ça lui allait bien ce rose à Yaël, mieux que ça ne lui irait à lui c’était certain, parce qu’il était trop banal, lui pour ce genre de couleurs.

Silas, ce n’était pas un type qui avait un égo surdimensionné, bien au contraire. Il était même plutôt du genre à avoir une mauvaise estime de lui-même. Peut-être que c’était ce qui arrivait quand on grandissait dans une famille comme la sienne et qu’on finissait par travailler par un type comme Bolivar. Au moins, ce soir, il ne savait pas ce qui allait ressortir de ce speed-dating, mais Yaël l’aurait au moins aidé à redorer un peu son égo. Ils ne se connaissaient pas, mais le brun avait l’air d’avoir une meilleure estime de lui que lui-même. « Peut-être bien, ouais. » Il lui sourit à Yaël. Il espérait bien qu’il avait raison, ça avait un côté rassurant de voir les choses comme ça. Il devait trouver les vies des autres plus intéressantes, normal aux côtés de la famille d’Ainoa. « C’est vrai, mais ça ne va pas à tout le monde. » Il lâcha un léger rire le brun. Non, ça n’allait pas à tout le monde et pourtant, son interlocuteur le portait plutôt bien. Le rendez-vous touchait à sa fin alors que Yaël lui faisait une révélation à laquelle il ne s’attendait pas, surtout à un événement comme celui-là. Ça eu le mérite de le faire rire au moins. « Okay, tant pis pour moi. » Il haussa les épaules, il n’allait pas se mettre à pleurer pour ça, au moins, ils avaient passé quelques minutes à discuter et ce n’était pas une mauvaise chose.

Rose jaune, alors, parce qu’il n’allait pas marcher sur les plates-bandes de quelqu’un d’autre ou se prendre un râteau dans la tronche. « Pareil, j’ai pas envie de me mettre entre vous deux. » Il sourit à nouveau. « Merci, j’y penserais. » Il répondit en attrapant le papier avec le numéro de Yaël, peut-être bien qu’il se lancerait du coup, si ce n’était pas l’amour qu’il trouverait ce soir, ce serait peut-être un ami et ce n’était pas plus mal. « Merci, toi aussi. » A son tour, il quitta sa table pour se rendre à une autre table, plus ou moins prêt pour le prochain round.