Just a friendly neighbor (w/ Odelia)

L’honnêteté était une chose qu’on inculquait souvent aux enfants, peut-être de peur qu’ils cachent à leur parent quelque chose de dangereux. Thomas, lui, n’avait pas reçu cette éducation. Son grand-père ne l’encourageait sûrement pas à mentir, mais il ne parlait pas assez souvent pour s’inquiéter de la véracité de ses propos. Quant aux autres… Les autres lui avaient appris que ceux qui prétendaient être les plus honnêtes l’étaient souvent le moins. Ça avait commencé avec les élèves soi-disant paisibles qui s’en étaient pris à lui à cause de son accent, et ça n’avait jamais vraiment terminé. Le problème n’avait fait qu’empirer à vrai dire.

Alors Thomas avait rapidement appris à utiliser cette arme que tout le monde prétendait bannie. Le mensonge, une faute qui apportait plus de récompenses que de châtiments. Son grand âge n’avait pas vraiment nui à son talent dans le domaine, mais il rendait par contre les gens beaucoup moins méfiant. Quel genre de septuagénaire pourrait bien passer son temps à mentir ? La réponse était simple à ses yeux. Le genre d’homme qui avait perdu sa famille trop tôt, et qui n’avait jamais eu le courage d’en reconstruire une autre.

C’est ainsi que lorsque le vieux Cartwright apprit, par hasard, que sa voisine travaillait au FBI, son instinct ne fut pas de s’enfuir mais de sourire. Après tout, ces crimes avaient été commis à une époque où le FBI n’avait pas la même ampleur qu’aujourd’hui, et où la menace communiste les inquiétait beaucoup plus qu’une bande de malfrats du fin fond de la Louisiane. Méticuleux, Thomas avait quand même fait attention de ne jamais passer son permis de conduire, ou d’entreprendre toute autre activité qui risquerait de faire entrer ses empreintes digitales dans une base de données. Il avait été tout aussi professionnel lors de sa carrière de criminel, sans jamais franchir les frontières de la Louisiane ou s’attaquait à une banque fédérale, ce qui l’aurait mis dans le viseur du Bureau.

Non, il n’avait rien à craindre du FBI, mais tout à en apprendre. C’était pour ça qu’il s’était empressé de former une relation joviale avec sa voisine, Odelia. Une jeune femme avenante et pour le moins colorée qui s’était montrée très gentille avec lui. Thomas aurait facilement pu se sentir coupable de tenter de profiter d’une telle gentillesse, mais la culpabilité était un sentiment qu’il avait cessé de ressentir depuis une nuit terrible, des décennies auparavant.

Mais au fil des semaines, le vieil homme et sa voisine avaient fini par se perdre de vue. Lui, occupé à tenter de retrouver l’endroit où il avait caché son butin, avant que la modernisation et l’ouragan Katrina ne transforment la ville. Elle, occupée à… À vrai dire, il n’en savait rien, mais son travail et sa vie sociale la poussaient sans doute à ne pas passer son temps chez elle. Alors, malgré une première impression agréable, il n’avait jamais vraiment eu de tête-à-tête avec elle.

C’est sans doute pour cela qu’après avoir entendu Odelia rentrer chez elle tôt dans la matinée, Thomas décida de sauter sur l’occasion. Il ouvrit tous ses placards, faisant rapidement l’inventaire de ses ressources avant d’entamer la préparation du repas le plus riche et le plus délicieux qu’il puisse accomplir. Viandes, sauces, légumes, pommes de terre, épices, il prépara le tout avec ferveur avant de tout entasser dans ses Tupperware.

Les bras chargés, il sortit de chez lui et alla frapper chez sa voisine, affichant son meilleur air de papy bienveillant. Comme à son habitude, il portait une chemise blanche rentrée dans son jean, lui-même rentré dans ses bottes de travail noires. Pas franchement au top de la mode, le Thomas.