can we just talk (roan)

can we just talk ?

C'est étrange non ? D'appréhender ta venue, ton arrivée. De sentir l'angoisse monter à l'idée de te retrouver. Car même si on a réussi finalement à s'apaiser, à se parler sans se déchirer, je sens toute la tension qui continue d'exister. Amour qui s'étiole face à la colère qu'on semble partager. Et je te vois, à travers la baie vitrée. Le cœur est serré, pris dans l'étau de l'anxiété. J'ai peur de cette nouvelle confrontation, peur qu'on se laisse submerger par nos désillusions. Peur aussi, des sentiments qui grondent toujours au fond de moi. Souvenirs d'une nuit salée qui ne me quittent pas. Je te regarde entrer et réalise doucement à quel point tout a changé. À quel point ce que nous étions semble être envolé.

Son cœur s'arrête un instant, souffle qui se coupe sous l'angoisse qui la saisit. Puis le palpitant reprend la cadence, s'emballe dans sa poitrine. Elle est nerveuse Olivia, craintive même mais tente de ne rien laisser paraître. Elle espère seulement une chose : qu'ils parviendront à sortir de ce café en s'étant mis d'accord. Communiquer, enfin, pour trouver la meilleure solution pour eux certes mais avant tout pour leurs filles. Car il n'y a que vous qui importe, que votre bonheur qui compte. Le reste, ça n'a pas d'importance. Et au fond, elle sait bien qu'aucun d'eux ne veut de cette bataille. Qu'ils n'ont jamais voulu se déchirer plus qu'ils ne le sont déjà. Deux âmes en peine qui cherchent la lumière dans une vie devenue sombre. L'espoir d'une rédemption, l'envie d'un pardon. La communication comme seul espoir, comme unique solution.

De loin, elle lui fait un signe de tête, lippes étirées dans un sourire léger bien que crispé. Et alors qu'il s'approche, elle inspire un bon coup, espérant pouvoir calmer ce myocarde aux battements effrénés. « Bonjour Roan. Je t'en prie installe toi. » Pas de bise ou d'accolade. Distance étrange mais nécessaire. Habitude qu'ils devront prendre mais qui laisse un gout amer. Ils ont presque l'air de deux étrangers. Moi qui ai pourtant passé près de vingt ans à tes côtés… Le constat est terrible mais représentatif de la réalité. Leur réalité. C'est donc ça de divorcer. « Bon, je pense qu'on a pas mal de choses à se dire non ? Il est temps de parler du divorce et des papiers… » Aborder pour de bon ce sujet trop longtemps ignoré ou survolé. Au final, ils n'ont jamais pris le temps d'en discuter sans écran interposé. Il va pourtant falloir faire de notre mariage une histoire terminée, un amour enterré. Et même si je l'ai décidé, réaliser que cette page se tourne risquerait bien de m'achever.

can we just talk ?

Le guerrier observe son reflet dans le miroir accroché. La lame du rasoir passe de sa joue au jet d’eau qu’il a laissé couler et glisse sur la mâchoire progressivement lissée. Les gestes se succèdent, mécaniques, involontaires et répétés, le militaire fait semblant de se concentrer sur la barbe naissante qu’il a décidé couper… Mais ses pensées sont focalisées sur le rendez-vous provoqué.

A-t’il vraiment bien fait de la convoquer, de l’inviter et malgré tout le soin qu’il semble accorder à l’entrevue annoncée il n’est toujours pas prêt. Pourtant il potassé le gros dossier où les papiers, les relevés se sont entassés, il les a même personnellement classifiés, rangé dans des pochettes colorées. Diligent il a également aligné les vêtements qu’il compte porter, personnellement repassé sa chemise, prévu de se vêtir comme s’il se rendait à un entretien d’embauche corsé. Avoir l’air sérieux pense que ça pourrait l’aider mais n’a aucun effet sur sa nervosité. Et plus l’heure tourne sur le cadran, plus l’angoisse va en grandissant. Pour se rassurer il rabâche mentalement des phrases toutes faites, comme un discours qu’on répète…

Roan n’a cependant pas d’autres choix que d’abandonner son nouvel appartement et d’emporter sous le bras son imposant dossier. Malgré le temps passé à le préparer il n’a pas su comment le nommer, ni noter le mot divorce en encadré. Un dernier geste lent avant de fermer à clé et le voilà parti décidé et à pas précipités. Il n’hésite pas même en ouvrant la porte du troquet, ne faiblit pas face au sourire désabusé…

- Bonjour Olivia… Apparemment ils n’ont plus le droit de s’embrasser, de se serrer l’un contre l’autre ou même de demander de simples nouvelles… Les tu vas bien, les tu es belle à en crever sont proscrits désormais ! Il s’assoit sur le siège désigné et lève négligemment un bras vers un serveur qu’il ne regarde pourtant pas. Un café s’il vous plaît ! Tu veux quelque chose ? Roan se racle la gorge mal à l’aise et sous la table qui se met à tressauter, sa jambe bat une mesure inventée. C’est comme ça qu’on s’la joue dorénavant Liv… Pragmatique… Détaché ?! Très bien allons-y puisque nous sommes là pour ça… Pour la maison, toi et ton avocat avez prévu de me la laisser. J’ai l’intention d’en faire une donation à la majorité de Maia les filles en feront ce qu’elles voudront. En attendant je me charge de sa location, à moins bien entendu que tu préfères t’en occuper… En ce qui concerne la pension alimentaire tu n’en réclames aucune, mais il est hors de question que je n’assume pas les frais, voilà ce que mon conseil à calculé, à toi de me dire si c’est assez… Si tu es d’accord avec tout ça reste le point épineux Olivia… La garde de Maia… Il a tout déballé sans s’arrêter le nez plongé dans les papiers. À bout de souffle il relève la tête et attend avec anxiété une réaction de l’unique femme à qui il jurera une éternelle fidélité…