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 un dernier songe (Sabri)

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sous la lampe un dernier songe / (@Sabri Kaçmaz)
▲▲▲ situation : PORT OF NEW ORLEANS

le lent défilé des vagues qui s'écrase sur les troncs soutenant le ponton, le long de la jetée. l'odeur de l'eau, odeur saline qui agresse tes narines alors que, dans les embrumes, tu avances d'un pas lent et silencieux. comme las, fatigué ou blasé par le temps. ce temps qui s'écoule à une vitesse folle sans que tu ne sois vraiment capable de le retenir. ce temps qui devient ton ennemi lorsqu'il s'agit de prendre des décisions ou de choisir.
mais surtout toi.
coincé entre deux époques. comme un gosse qui affronte le monde des adultes ou un adulte qui refuse de quitter celui des gosses. le cul vautré sur un toboggan trop étroit pour te laisser le droit de glisser. comme si tout te poussait à prendre position, désormais. grandir, mûrir, évoluer. ou stagner, encore. le gobelet de caféine à peine chaud entre tes mains, jour off que tu dépenses à flâner ici, dans la solitude des lieux empreint d'une légère aura mystique, presque magique.
toi, l'enfant perdu. oui, c'est ça, littéralement. il y a pas si longtemps, pourtant, tu croyais avoir progressé pourtant. le retour de Jessie a tout remis en question. si elle avait été capable de se positionner, alors pourquoi pas toi ? monde monochrome, ambigüité à peine dissimulée. comme épuisé d'avoir à porter le poids du monde sur tes épaules, tu t'assieds sur le rebord, les pieds qui tombent dans le vide.
là, à l'abri des autres, ou à leur merci, peu importe.
là, entre deux mondes, entre deux univers bien distincts. sans savoir où te situer. te jeter dans l'eau froide et prendre un risque ou rester à quai, en sécurité. un signe, tu n'en demanderais pas plus. juste un signe, et puis, se dessine alors dans un coin de ta vision périphérique une silhouette qui s'avance et que tu crois reconnaître. comme un souvenir qui se réveille, une image qui en appelle une autre.
une école, des commentaires sur la couleur hâlée de ta peau et de la sienne, une complicité.. un goût amer d'absence et d'inachevé, quelque chose d'âcre qui serre ton estomac alors que tes yeux se brusquent dans les siens. comme un appel au passé, quelque chose que tu n'aurais jamais oublié mais dont tu te souviendrais à peine. les traits de son visage, le contour de sa mâchoire. machinalement, ou alors sans t'en rendre compte, tu te redresses sur tes jambes alors qu'il semble enfin te remarquer. sa silhouette qui se dégage de tout le reste, comme l'apparition étrange d'un fantasme égaré. et ce sourire sur tes lèvres qui trahit cette joie latente qui dormait hier encore.
- Sa.. Sabri ? un prénom qui sort des tréfonds d'une mémoire à peine réveillée. sa voix qui raisonne en toi comme une vieille mélodie que tu pensais ne plus jamais entendre. cette chaleur sur le myocarde qui s'y installe comme pour te signifier qu'il a fait partie de ta vie, autrefois. qu'il y avait toute sa place. il a changé, tu te dis alors qu'enfin son attention se porte sur toi. c'est moi.. Eno Brown. tu ajoutes, précises, comme si t'avais besoin - non, envie - de réveiller sa mémoire.
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(#) un dernier songe (Sabri)    Lun 31 Mai - 16:55
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Un dernier songe
Les lueurs de l’aurore nimbent le berceau du Blues. Réduisant en lambeaux les tièdes velours d’une nuit de mai, aux accents estivaux. Une nuit au cours de laquelle Hypnos lui a catégoriquement refusé l’accès à son léthargique royaume. Lui, le galérien harassé à l’échine courbée par le poids des basses œuvres. Et qui n’aurait pourtant pas boudé son bon plaisir, devant la perspective de se délasser et se prélasser entre les plumes du sommeil. La myriade de démons et de hantises se sont affranchis de leurs fers, pour libérer l’inopportune insomnie d’une geôle des plus friables. Liguant leurs pernicieuses forces, ces antagonistes se sont ingéniés à persécuter le manant d’orient. Avec autant d’acharnement que les Erinyes assommant Oreste de tourments. Un combat vain et joué d’avance, au terme duquel le sekban* désarmé n’a pu que sortir défait.

Les prémices d’une déroute annoncée, s’étant esquissées quelques heures avant que la marionnette harnachée au fils du destin, ne regagne précocement l’intimité de sa couche sur les coups de dix heures. Sitôt ses pénates regagnées des suites d’une âpre journée de dur labeur, le forçât a immédiatement su que ses peines n’allaient pas consentir à lui offrir le luxe d’une trêve. Tel un perfide serpent lovant son longiligne corps glacé autour de son épine dorsale, l’appréhension et la tension étreignirent le dernier bourgeon de la lignée Kaçmaz à la vue de son virevoltant colocataire, lestant la table basse du salon de canettes de bières, pizzas et autre profusion de junk food. Entreprise dans laquelle Zéfério, leur invité bénéficiant depuis peu du gîte et du couvert, vint prêter main forte. Assailli par un frisson d’horreur, le manutentionnaire s’éclipsa discrètement en mettant le cap en direction de la cuisine.

Désireux de partir en quête de denrées davantage saines et diététiques. L’éventualité de passer aux yeux de ses compagnons de logement pour un rabat-joie - doublé d’un pisse-froid faisant bande à part – devenant dès lors le cadet de ses soucis. Malheureusement, face à la vacuité des placards et du frigo, l’éphèbe aux fragrances arabiques dut se résoudre la mort dans l’âme à rejoindre le duo d’athlètes affalés sur le sofa, pour prendre part à la soirée Netflix & Chill et chipoter du bout des lèvres d’infimes rognures de la pitance au menu. Incapable de se concentrer sur l’intrigue du film égayant l’écran plat ; l’esprit de la boule nerfs turbina inlassablement à vive allure, dans le but de satisfaire une idée fixe. Calculer et recalculer le nombre pharaonique de calories ingurgitées, et qu’il lui faudra au plus vite brûler. Les dents rongeant jusqu’au sang les cuticules et le genou remuant frénétiquement. Afin de lutter contre les pulsions boulimiques hurlant à ses oreilles, et avivées par l’étalage de malbouffe le narguant.

Le tout sous l’œil suspicieux d’un Edmund, se rapprochant chaque jour un peu plus du diagnostic de la pathologie accablant son camarade de chambrée. En sa qualité de danseur étoile, le titulaire du bail connaît mieux que quiconque les composantes d’une alimentation exempte d’excès. Nonobstant, et ayant été depuis un long moment le témoin privilégié de la nutrition plus que frugale à laquelle s’astreint le byzantin ; l’émule de Barychnikov doit bien avoir conscience que quelque chose cloche. Incapable d’endurer plus longtemps ce supplice fouaillant ses chairs – et soucieux de ne point aiguiser davantage les doutes du Casse-Noisette assis à sa droite – Sabri prit congé de ses aînés, en prétextant une fallacieuse migraine fulgurante, résultat d’une surdose de fatigue. Allongé, les draps rabattus sur son bassin, le serviteur de la flore en nage tourna tel une toupie psychédélique sur le matelas d’un lit démesurément grand et désespérément vide. L’obsession de la graisse plantant ses banderilles dans sa masse musculaire, réduisit à néant toute velléité d’assoupissement.

Le regard fixe et hagard échoué sur la fenêtre. Scrutant les jeux de lumière des lampadaires éclairant la rue. Quand il ne s’accrocha pas au plafond, pour admirer le ballet des ombres chinoises. Les mélopées des volatiles et des entités de la faune urbaine nocturne, inaptes à le guider vers le pays des songes. Le tintinnabulement des cloches de l’église accompagnant le lent effeuillage des heures. Et sonnant la réalisation de compulsives salves de pompes et d’abdominaux, à même la moquette jonchant le sol. Pour une fois, les stridentes rafales de sanglots du "chiard" – comme il l’appelle toutes les fois, où il arbore une humeur massacrante – apporté par Zéf’ dans ses valises, n’auront pas troublé la quiétude de son sommeil. Ayant fait le deuil de ce dernier, et las de tourner tel un fauve en cage, le golgoth se posta devant l’armoire made in Sweden. Portes ouvertes d’un geste sec traduisant un énervement certain, le vizir de la basse extraction revêtit sans tergiverser un tank top en coton blanc et un short anthracite. Chaussettes enfilées et pieds incarcérés dans une paire de baskets grises. Un bandana rubis, réquisitionné en bandeau éponge de fortune, vint parachever et accessoiriser la mise, annonciatrice d’un éminent effort physique.

Petit crochet par la salle de bain réalisé, histoire de se vivifier à grands coups d’eau fraîche aspergée sur la frimousse. Illusion d’ordre remis dans sa tignasse d’ébène, l’insomniaque gagna alors les contrées de la cuisine, en tâchant de ne pas réveiller la maisonnée dormant à poings fermés. Mug rempli d’un fond de café de la veille réchauffé au micro-ondes et promptement lampé d’une traite, le turc quitta dans un silence de cathédrale son humble demeure. Escaliers de l’immeuble dévalés quatre à quatre. Cueilli par la douceur de l’aube, il fit alors battre les semelles de ses chaussures sur le bitume. Amorçant ainsi le prélude d’un footing en petites foulées allongées, aux allures de purge calorique. Hélios, posant les fondements de son règne dans le baldaquin céleste, pour seule compagnie. Courir, courir et encore courir. Qu’importe où ses enjambées le portent.

Les heures s’égrènent. Sans que l’ottoman daigne mettre un frein à sa folle cavalcade. Les sourcils froncés et la mâchoire serrée, afin de faire fi des montées d’acide lactique mordant les membres inférieurs, vastement sollicités et mis à contribution. Le débardeur, transformé en serpillière gorgée de transpiration, épouse et met en exergue les musculeux reliefs de son buste en acier trempé. L’épiderme doré ruisselant, brunissant, et même rougeoyant, à mesure que l’astre solaire approche de son zénith. Les landes de Warehouse District pointent à l’horizon. Longeant la baie et la marina bercées par les flots scintillants, l’aficionado des corps stellaires calfeutré dans sa bulle voit cette dernière éclater, lorsqu’un onctueux timbre de basse prononce de manière hésitante son nom. Décélérant progressivement jusqu’à atteindre l’arrêt, le gaillard oblique le chef en direction du ponton. Sur la structure en planches lambrissées trône un bel  adonis à l’écorce cuivrée. La huppe fuligineuse savamment mise en bataille et structurée à grand renfort de gel. Les mains, aux revers tatoués, enserrant un gobelet de café en plastique, d’où s’échappent quelques faméliques volutes. Deux lagunes de pétrole luisant de stupeur braquées sur le joggeur.

"Ou … i … ?", rétorque-t-il dans une intonation traînante, et illustrant toute son incrédulité teintée de scepticisme. Les charnues entrouvertes. L’haleine, encore chevrotante et saccadée, rendant difficilement audible la stichomythie. Les billes d’onyx contemplant avec circonspection le flâneur. Coude levé et avant-bras épongeant le surplus d’exsudation, dégoulinant du bandana ceignant son front.

Le cerveau irrigué d’endorphines cogite à toute vitesse, et sonde les tréfonds d’une mémoire occise, dans l’espoir de resituer cet inconnu, qui semble vraisemblablement le connaître. Un client du magasin ? Un ancien collègue ? Allez savoir … . Aucun nom à mettre sur ce visage, lui étant pourtant curieusement familier, ne s’impose à l'esprit du méridional. Surpris, et à la fois déstabilisé, le jouvenceau revient sur ses extrémités pédestres. En dépit de la cessation de son sprint matinal, le métronome cardiaque du smicard continue de galoper à bride abattue, alors que son interlocuteur – devant avoir peu ou prou son âge - vient à sa rencontre. La réduction de la distance lui permet d’apprécier toute la beauté émanant de celui-ci. Détail non négligeable, qui ne fait qu'exacerber le rythme de son pouls. Des braises crépitent dès lors dans sa région sub-ombilicale. Barbotant toujours dans le flou, les oblongues enténébrées du rejeton d’émigrés multiplient les navettes, entre la bouille ambrée de son vis-à-vis et son abdomen ciselé en un ravissant "V". Les innombrables motifs et symboles à l’encre indélébile ornant sa peau de bronze, lui confèrent des airs de guerrier aztèque ou inca. Tel un diablotin voulant sortir de sa boîte, le myocarde du musulman impie se fracasse contre sa cage-thoracique, à la seconde où le bellâtre décline son identité. Tant est si bien qu’il en arrive à croire, qu’il pourrait bondir hors de son enveloppe charnelle, pour venir gésir comme une offrande aux pieds de ce fragment d’âme du passé. Une toquade qu’il voudrait pourtant voir devenir réalité.

"Eno … ? C’est vraiment … .", balbutie-t-il totalement désarçonné, d’une voix étouffée. Les iris saturées d’émotion et pétillant comme des feux de Bengale. Le corps et le souffle en suspension, alors qu’une déferlante de souvenirs juvéniles emplis d’une complicité – qu’il croyait inoxydable – le submergent. Les babines tremblant comme une feuille, et dans l’incapacité de conclure cette pitoyable prise de parole, à jamais laissée en suspens.

Bien en peine pour dire si c’est là l’œuvre de la fringale, ou d’une crue lacrymale due à l’émotivité à fleur de peau ; la vision de Sabri s’embue. Le monde autour de lui semble tourner à la manière d’un carrousel débridé. Sinuant sur sa gorge humectée, la jugulaire saille et bat tambour sous l’œuvre de l’afflux sanguin accourant dans un rythme effréné. Flagellants et aussi consistants que de la ouate, ses compas râblés – soutenant par dieu-sait-quel miracle son poids – réalisent l’exploit de se mouvoir. De façon hachée et digne d’un automate. L’amenant au plus près du seul véritable ami qu’il n’ait jamais compté. Celui en incarnant la parfaite définition. Ce frère qu’il n’a jamais eu. Celui qu’il a choisi. Et qu’il aurait – peut-être égoïstement – voulu garder pour la vie à ses côtés. Minois impavide, stoïque et hébété, le binational enroule ses puissantes ailes autour de la charpente de son alter ego. Soudant leur corps, étoffés par la valse des saisons, l’un contre l’autre.

Une paume établie entre ses omoplates. Sa jumelle embrassant l’arrière de son crâne. La pulpe du pouce roulant délicatement sur le cuir chevelu. Le faciès enfoui dans le derme chaud et tatoué de son cou. Sourcils froncés, dents vissées et paupières vigoureusement cadenassées ; les trapèzes proéminents de l’enfant des dunes sautillent légèrement. Bientôt, c’est toute sa carcasse qui se met à trépider, sous les trésors d’efforts déployés pour refouler tout ce qui menace de jaillir. L’envie de chialer comme un gosse orphelin de son ours en peluche. D'hurler comme on miaule sous la lune. A s’en péter les artères. Ces débordements de sensibilité endigués, canalisés et mis sous contrôle ; le subalterne à perpétuité rend partiellement sa liberté à l’indo-pakistanais. Les torses désolidarisés, le dos de ses mains effleure la pilosité naissante habillant les joues de son acolyte de naguère. Dévalant ses épaules, elles font finalement halte sur ses biceps galbés.  

"T-tu … tu n’es pas … . ‘Fin, j’te croyais … .", ânonne-t-il le timbre truffé de trémolos. Décidément bien infoutu, de formuler un propos un tant soit peu clair, organisé et intelligible. La pomme d’Adam hoquetant et escortant une déglutition laborieuse. La faute à une antre buccale tarie et asséchée, où seuls subsistent des reliquats de salive. Alors que s’envient une curieuse impression. Celle d'enfin respirer et se sentir en vie. Après d’assassines années, d’une hibernation contraire et forcée.  

Les mots convergent, s’empêtrent, s’agglutinent et s’embouteillent, dans le filet obstruant ses cordes vocales. Mille-et-une questions pullulent dans l’esprit, encore quelque peu troublé, de l’orthorexique. Une constellation de choses qu’il n’a pas su lui dire. Pas pu vivre. Pas su retenir. A tel point, qu’il ne sait véritablement pas par où commencer. Que fait-on dans ces moments là ? Qu’est-on censé dire ? Aux interrogations, s’ajoute bientôt la honte. Traînant dans son sillage un cortège d’embarras. Un malaise qui trouve son terreau, dans le fait d’apparaître à cet être cher, sous un abord aussi négligé, peu ragoutant et guère flatteur. Minable va-nu-pieds loqueteux, empestant la transpiration et affichant une gueule de déterré, cochant tout les critères d’un avis de recherche. Les traits tirés et les joues légèrement creusées. Le teint rendu cireux par le déficit de sommeil. Au même titre que les yeux rougis, et cernés de noir.    

"’Scuse-moi, j’suis … pas super présentable.", confesse-t-il contrit, les lippes pincées disparaissant en un fin filet. Qui finalement s’aventurent à esquisser une risette timorée. Les empans courant sur son buste, pour éradiquer les plis gondolant l’étoffe du T-shirt d’Eno et ainsi réparer ses sottises. Derniers stigmates attestant de son vif témoignage d’affection, perdu dans un passé encore palpable. Et dont pourtant il se languit déjà.

Le contact de ses pectoraux bombés et de sa ceinture abdominale coulée dans le béton armé, léche ses phalanges et lui fait l’effet d’un agréable électrochoc. Le cœur du malabar moyen-oriental accuse un soubresaut. Par chance, ses joues encore échaudées par sa récente course et tirant déjà sur l’acérola, rendent imperceptible le rougissement de gêne immolant ses pommettes. Son repassage vestimentaire manuel achevé, le natif d’ici aux embruns d’ailleurs réalise – sans doute un peu tard – qu’il serait peut-être bien avenu de réduire quelque peu la distance. Reculade réalisée, et espace vital rendu à son propriétaire, les charnues de l’astrophysicien aux ambitions annihilées décochent plusieurs risettes timides. Ses calots boueux se dérobent nerveusement et par intermittences, aux gemme d’hématite de son conscrit. Pour mieux s’y replonger une poignée de secondes plus tard.

Comme deux sphères ferreuses inéluctablement attirées par un aimant. Le doux souvenir des pleins et des déliés, ornant le buste de la moitié masculine des jumeaux Brown, brûle et danse encore sous ses doigts moites. Errance tactile qui lui fait prendre conscience du cours des années écoulées. Deux adolescents d'antan, que les cruautés de la vie ont séparées. Et qui, à la faveur des hasards dont elle seule a le secret, consent finalement à les réunir. Deux êtres en devenir débarqués sur la rive des hommes. Un homme, mais aussi un ami. Un ami que le turc entraperçoit pour la première fois, sous les lueurs d’un jour nouveau, au sortir de cette accolade et de ce "réajustement vestimentaire". Un jour qu’il préférerait ne pas voir se lever, mais qui est pourtant bel et bien là. Tapis au fond de lui. Attendant patiemment que vienne son heure. Heure qu’il sait inévitable. Imminente. Inquiétante.                                                                                                                                                                                
BY CΔLΙGULΔ ☾



* : Anciens mercenaires au service de l’infanterie de l'armée ottomane.
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(#) Re: un dernier songe (Sabri)    Mar 1 Juin - 2:13
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sous la lampe un dernier songe / (@Sabri Kaçmaz)
▲▲▲ situation : PORT OF NEW ORLEANS

ça sent la pluie, pourtant, il ne pleut pas. peut-être les embruns de l'eau salée qui remontent jusqu'à tes narines et te laisse croire à l'orage qui s'annonce. ou alors juste l'ambiance. morne, presque dépossédée. les lieux peu fréquentés ou simplement cette monotonie qui t'habite depuis longtemps, comme une ombre qui te suivrait à chaque pas. être là sans y être vraiment, traversé la vie à la manière d'un fantôme. toucher sans jamais être touché. des brides de ta dernière conversation avec Jessie qui te reviennent à l'esprit.
tu peux encore changer, affirmait-elle. comme si ça ne dépendait finalement que de toi. fermer les yeux, vouloir et réussir. c'est pas si simple. ancré dans ton quotidien, dans ton job, tes études, pour oublier le reste. ne pas penser à toutes ces occasions manquées, à tous ces trains dans lesquels t'auras refusé d'entrer sous prétexte que t'étais mieux sur l'quai, à attendre un signe ou quelque chose qui pourrait t'aider à prendre une décision. puisque c'est là le plus grand fardeau de ton existence. incapable, tout bonnement, de décider. vouloir grandir sans jamais trouver le moyen de le faire. éternelle Alice emprisonnée aux pays des Merveilles. enfant perdu courant sur les landes du pays Imaginaire, désirant s'en échapper sans jamais trouver la bonne étoile à suivre.
je peux t'aider, si tu veux, comme une proposition. une main tendue que tu auras refusé, une nouvelle fois. m'en sortir seul, finalement. trouver les clés qu'il te manque pour ouvrir les portes qui pourraient te conduire éventuellement là où se trouve ta destination. mais je n'sais pas où je vais, alors comment s'en sortir ? sempiternel recommencement qui n'fait qu'accroître ce sentiment d'abandon. n'appartenir à rien, fondamentalement. et en souffrir, au quotidien. mais serrer les dents. soigner des patients, les rassurer. leur dire que tout va bien, quand toi-même, t'es incapable de t'en convaincre. trouver dans les problèmes des autres une solution au tien ou alors juste une manière détournée de les ignorer. parce qu'on s'occupe toujours mieux des autres que de soit.
te regarder parfois dans le miroir, y voir un homme-enfant incapable de trouver sa véritable place. la barbe de trois jours, le corps taillé et longiligne mais les traits fins et candides. comme si tu gravitais constamment entre deux âges, deux époques. alors serrer l'café entre tes paumes froides et en boire une gorgée. oui, il va pleuvoir, t'en es presque certain..
et brusquement une silhouette. peut-être le signe attendu, finalement, elle se détache de la brume, s'approche. tenue de sport classique surmontée d'un bandana à la couleur qui tranche dans l'atmosphère environnante. tes yeux qui se plissent quand tu crois reconnaître le coureur. alors doucement, tu te lèves. être sûr, et finalement, comme foudroyé, des souvenirs qui remontent à la surface. sans gêne, sans doute un peu trop abruptement pour le conventionnel, tu l'apostrophes. l'obligeant à s'arrêter en pleine course. un simple prénom que tu laisses s'échapper de tes lèvres à peine serrées, comme autant d'images qui défilent dans ton esprit réchauffé par l'apparition.
- ou … i … ? court, sceptique presque. une réponse qui en appelle une autre. un point d'interrogation à peine voilé. c'est pourquoi tu t'annonces, déclines ton idendité. espérant sans doute que ton prénom réussira à rallumer la bobine de vos souvenirs, comme un bouton sur lequel on appuie pour relancer un film qui s'était arrêté des années plus tôt. un court instant d'hésitation, tu penses. comme suspendu, là, entre vous. fil mince et doré qui se retrouve, qui se connecte à nouveau. avant de l'entendre, finalement, te répondre : Eno … ? c’est vraiment … tu opines du chef, ravi. le sourire qui s'étire sur tes lippes distraites alors qu'il s'avance vers toi et t'enlaces.
un premier contact qui te dérange presque, te bouscule. son corps moite qui se serre contre le tien. une main qui se braque derrière ta nuque et l'autre sur ton dos. tu prends un instant pour réaliser ce qu'il t'arrive, pour comprendre la réaction de ton corps qui se brusque contre le sien comme s'il retrouvait un refuge perdu depuis trop longtemps. les yeux qui se ferment, t'oublies jusqu'à la brume alors que tes mains se rejoignent dans son dos, également. premier contact, comme si c'était normal. t'en profites, c'est vrai. comme si tu retrouvais finalement quelque chose que t'avais perdu depuis longtemps. le chemin, sans doute. et puis, il se détache et le contact se perd. mais le fourmillement demeure sur ton derme. s'accentue même lorsqu'il glisse sa main jusqu'à ton visage et caresse de sa paume ta barbe.
- t-tu … tu n’es pas … . ‘fin, j’te croyais … tu lis dans son regard la stupeur, la surprise et puis l'émoi, aussi. quelque chose qui se construit ou se reconstruit. t'y retrouves votre adolescence, votre complicité. un truc réconfortant qui te donne le sentiment de voir une lumière s'allumer dans un coin de ton esprit. sa main glisse sur ton t-shirt et balaie les plis pour repasser légèrement l'étoffe. un nouveau contact qui t'électrise. tes iris qui suivent le tracé de sa main avant qu'il ne la retire définitivement pour ajouter : 'scuse-moi, j’suis … pas super présentable. dans une moue gênée, timorée. alors ton sourire s'élargit, sans pression, naturellement. il recule d'un pas et l'air pourrait presque te manquer tant sa présence te paraissait déjà indispensable. tu passes une main dans ta tignasse, remets de l'ordre à tes penses et sors une cigarette du paquet savamment rangé dans la poche avant de la chemise en jean que tu portais sur ton t-shirt. tu glisses la précieuse entre tes lèvres, l'allumes et tires une première fois avant de reprendre la parole.
- t'excuses pas. tu lui dis en souriant, simplement. le short te sied à merveilles. tu louches, c'est vrai, un court instant. sur la puissance dessinée de ses cuisses sculptées dans le marbre, l'étonnante musculature de ses mollets. tes orbes qui lèchent la silhouette, remontent jusqu'à ses clavicules marquées sous le tank top. et puis, sur un trait d'humour, tu pointes ses cheveux. j'aime beaucoup le bandana.. très.. coloré. tu en plaisantes, le taquines. comme un vieux réflexe. tu n'saurais décrire ce qu'il se passe, là, tout de suite. tu n'saurais pas même expliquer pourquoi ton derme tend à se hérisser, ni pourquoi ton palpitant s'accélère un peu.
le signe, peut-être.
celui qu'il te manquait pour comprendre. peut-être que tu n'as pas grandi comme il le fallait parce que t'avais perdu ton frère d'armes. peut-être que son absence justifiait cet espèce d'entre-deux dans lequel tu te situes depuis que t'as quitté l'collège. nouveau sourire, nouvelle rasade de nicotine avant de demander :
- comment tu vas ? et d'ajouter ça fait tellement longtemps que je ne t'ai pas vu.. t'as.. changé. au-delà de l'aspect physique, c'est vrai. la mâchoire est plus carrée, les épaules sont plus larges. le torse est robuste, musclé. les bras sont épais, la barbe taillée, les yeux plus sombres et profonds que dans tes souvenirs. mais pas que.. il y a cette maturité qui se trahit par quelques rides d'expression sur le front, quelques plis sur les mains. il y a la voix, aussi, plus grave et surtout, le temps. quelque chose d'immuable sur lui qui te donne le sentiment de le redécouvrir. t'étais plus chétif dans mes souvenirs. tu t'amuses, plaisantes. pour masquer l'embarras de cet oeil qui dévisage sa silhouette, pourlèche le contour de sa musculature en rêvant, sans doute, de s'y perdre... comme si, pour la première fois de ta vie, tu sentais une vague de désir te submerger, un léger feu s'allumer.
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(#) Re: un dernier songe (Sabri)    Jeu 3 Juin - 12:07
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Un dernier songe
Le contact soyeux d’une peau flambante, enluminée d’encre et gorgée de soleil, qui cajole ses jointures. Supplantant la suavité de la soie de Médine. Un exquis mesclun de fragrances musquées, enlacées à des tanins d’arabica, de sel et de discrètes notes de nicotine froide, qui chatouillent ses narines. Exaltation du sens olfactif, intensifiant une coupable envie de frémir. Rien que l’aqueux fracas des lames iodées de l’océan, périssant en écume sur la grève, et les soupirs du zéphyr s’engouffrant dans leurs aigrettes brunes, pour draper la nudité du silence. Sous l’œil des mouettes indiscrètes, et de leurs ricanements étouffant le ronronnement du trafic automobile que l’on devine au loin. Jusqu’à ce que le grenat lunatique, niché dans l’écrin de sa poitrine, amplifie la force de son éclat. Annihilant la perception du monde autour, pour asservir ses tympans à un oppressant bourdonnement, provoqué par les véhéments martèlements d’une pression intracrânienne endiablée.

Les heurts d’un robuste abdomen, s’abreuvant d’air saturé d’humidité, qui tonne contre son armature charnelle ruisselante. Dans un rythme anarchique, erratique et chaotique. Puis davantage cadencé, régulier et uniforme, à mesure que le temps suspend son vol. Et que l’étreinte s’enracine, sitôt que Antéros décoche sa flèche de la réciprocité. A leur tour, les solides segments brachiaux du chirurgien en devenir, ceinturent le buste noueux du Yabgu* fangeux. Les mains d’or se cramponnant aux avant-bras opposés. Comme un verrou apposé, lui déconseillant instamment de sonner le glas de cet alliage corporel, impulsé sous son initiative. Idée aux entournures de sacrilège, qui n’effleure pas même l’ombre du quart du commencement d’une seconde, l’esprit attendri du trimeur à l’armure de cynisme fendillée. Lui pour qui l’immortalisation dans l’éternité de cette embrassade, fait office d’unique issue admissible. Grotesque utopie et chimère ridicule pour certains. Quand d’autres y verraient là un caprice de gamin boudeur, ou la lubie saugrenue d’un songe-creux.

Qu’importe. Qu’importe ce que peuvent bien dire ou penser les âmes infatuées et conformistes. Il faudra bien plus que leurs jugements fielleux, pour contrecarrer le dégel qui s’opère d’une connivence endormie. Ainsi que le voluptueux bourgeonnement de sensations troublantes, et qui enserrent épisodiquement le manouvrier, depuis quelques années déjà. Des sensations qu’il s’est perpétuellement évertué à balayer, refouler et réprimer – parfois avec irascibilité. Et qu’il se risquerait pourtant ici, pour la première fois, à écouter. A découvrir. Préférant, au traditionnel claquement rageur, laisser timidement la porte entrouverte. Qu’importe. Ce qui, dans l’hypothèse, s’y trouverait derrière. La joue du membre de l’escouade des blouses blanches, réquisitionne son trapèze ramassé en ersatz d'oreiller, pour s’y blottir. Le souffle s’apaise, s’alanguit, s’anesthésie. Comme un chérubin assoupi, emmitouflé dans ses larges ailes rabattues.

Les secondes s’étirent et s’étendent. La magie de l’instant tend à gommer la frontière entre la réalité – hier encore blafarde – et l’imaginaire. A tel point que Sabri ne sait plus si ce qui se joue sur la berge s’inscrit dans une exactitude irréfutable, ou s’il s’agit de fantasmagorie et d’onirisme barbouillés par une psyché surmenée. L’abrupte reconnexion au charivari urbain néo-orléandais - au sortir de l’accolade appuyée, dont le trépas lui fait l’effet d’un coup de sagaie éventrant le palpitant exsangue - ne tarde pas à lui donner réponse. Gauche et emprunté, l’abcès de l’absence métamorphose le barbu à l’œil de crin, en cocker pataud marchant sur ses longues oreilles pendantes, et menaçant à tout moment de trébucher. En témoigne ses pitoyables et incompréhensibles propos cafouillés, se passant de tout commentaire. Balourdise qui n’est cependant pas sans amuser le futur titulaire, dont les commissures partent à la coquette du lobe des oreilles. Un sourire, certes un tantinet railleur, mais dont il se dégage une infinie tendresse. Accentué par deux orbes cupriques luisant de malice, et un regard aussi velouté que de la guipure de Venise.

Habile, sa dextre exhume de la poche pectorale d’une chemise cintrée et flattant magnifiquement sa carrure, un paquet de vice fumeux. Un bâtonnet à l’extrémité orangée, coincé entre des lèvres gourmandes. Le pouce qui roule sur la pierre d’un zippo. Papier embrasé. Cendres rougeoyantes. Tabac inhalé, encrassant les alvéoles de bronches dilatées. Lippes scindées et arabesques grisâtres expectorées, dans un soupir aux tonalités extatiques. Des souvenirs qui émergent dans la brume. Un temps béni et insouciant, où Aladin chapardait subrepticement des clopes dans la veste du Sultan père. Des psychotropes légaux consumés et consommés en loucedé, derrière la loge du concierge au lycée. Quand les poches étaient trop vides, pour faire l’acquisition de quelques grammes de Ganja d’une qualité laissant grandement à désirer. La tranche des mains jointes accolées l’une contre l’autre pour réaliser des soufflettes. Action qui, rétrospectivement et à posteriori, apparaît à l’exécutant sous les traits d’un frémissement d’érotisme. Ses charnues se déploient par mimétisme. Le cœur décrit quelques sauts périlleux, et une houle de chaleur s’abat dans le creux de ses reins, face à la résurgence patente des souffles qui se confondent et s’unissent.

Accusant mieux le choc de la surprise – à en juger par son phrasé au débit ne souffrant d’aucun bafouillage – Eno se fend d’un compliment en désignant l’objet de son propos ; à savoir le short de son comparse d’autrefois. Tête inclinée, le flatté avance successivement les genoux, pour mieux apprécier l’habit partiellement trempé. Nez relevé, le subalterne s’immerge à nouveau dans les lagunes chocolatées du tatoué. Sourcils transformés en accents circonflexes sous le poids de la perplexité. Bien qu’appréciant l’attention, le méridional s’avère dubitatif quant à la considération – un zeste excessive et enjolivée à son goût – portée à l’accoutrement d’une banalité somme toute affligeante. Tant dans la coupe et le modèle, que dans la coloris. Ce n’est que lorsque viennent les louanges chantées à l’attention du bandana, que le gaillard saisit – enfin – la badinerie gréée au verbe. Et savamment grimée derrière un sérieux qui commence à s’effriter. Laissant entrapercevoir l’affectueuse ironie.

"Ouais, j’ai cédé à l’effet Maluma.", déclare-t-il  le timbre moelleux, en surfant sur la vague de l’autodérision. Un furtif éclat d’hilarité en guise de paraphe. L’objet du délit retiré. Pour mieux laisser aux phalanges le luxe de s’engouffrer et d’ébouriffer la tignasse goudronneuse. L’humidité, conjuguée à la quasi absence du brushing, commence à faire fleurir quelques boucles et ondulations ici et là.

Les doigts gourds et malhabiles doivent s’y reprendre à deux fois, avant de parvenir à dénouer l’étoffe incarnadine. L’accessoire calé à l’arrière du short, à l’aide de l’élastique de ce dernier et d’un boxer noir estampillé Calvin Klein. Sa pseudo dégaine de bad boy hispanique, croisé à un latin lover de bas-étage abandonnée ; le forçat turc semble doucement mais sûrement se ragaillardir, et recouvrer une illusion de consistance. Ces boutades potaches échangées pulvérisent la glace, et favorisent la résurgence de l’aisance. Tout paraît si facile, fluide et d’une simplicité enfantine. Comme si le temps avait attendu qu’ils se rejoignent, pour agiter ses ailettes et raviver les couleurs à l’éclat délavé d’une vie fade et insipide. Dire qu’il était là … . Si loin des yeux mouillés, et pourtant au plus intime du myocarde balafré. Difficile de ne pas être happer par l’avalanche des regrets. Le regret d’avoir laissé la frénésie du quotidien dicter sa loi. Et de ne pas avoir eu la présence d’esprit de saboter les plans de la fatalité, en attisant les braises du contact ensevelies sous les cendres de l’éloignement et du schisme des chemins.

"Foutrement mieux depuis quelques minutes ! Ouais … huit ans, si j’compte bien et dis pas de connerie. Ah ? Pas trop en mal j’espère ; hahaha ! Toi aussi, t’as sacrément évolué. Même si … j’sais pas ; t’as gardé ce petit côté lycéen nonchalant que j’aimais beaucoup. ‘fin, que j’aime toujours à vrai dire. Et qui te va bien, j’trouve.", confesse-t-il d’un ton un rien débonnaire. Les babines mues en une esquisse du même acabit. Et les pommettes qui se rehaussent de carmin, au terme d’un aveu qu’il ne se serait pourtant jamais aventuré à formuler, sur les bancs du collège ou du lycée.

Une révélation trop longtemps tue. Favorisée par un coup d’audace, rendu possible grâce à l’assurance glanée avec la maturité. Confession feutrée, entraînant dans son sillage une prodigieuse sensation de légèreté. Comme si le cadet de la fratrie Kaçmaz se délestait d’une enclume comprimant ses entrailles. Le soulagement est cependant de courte durée, puisque l’appréhension gagne le muscle coronarien. Corseté et broyé par les mâchoires d’un étau invisible. Huit ans … . Comment ne pas redouter la déliquescence d’une amitié dépassant l’entendement, privée de prévenance pendant une aussi longue période ? Arrive le défilé des et si .... Et s’il ne subsistait que ruines et friches ? Et s’ils ne partageaient désormais plus les mêmes convictions ? Les mêmes desseins. Les même aspirations. Les mêmes passions. Et si la vie en avait fait de parfaits étrangers ? N’ayant plus en commun que des platitudes vide de sens, et des insignifiances creuses. Eventualité, qui a elle seule suffit pour glacer l’hémoglobine de Sabri, et faire galoper sur son écorce rissolée un frisson d’effroi. Des craintes soufflées au loin par les mots espiègles du neurochirurgien en herbe. Délicieusement embarrassés, les prunelles du méditerranéen s’écrasent sur la pointe de ses baskets. Un rire aux inflexions puériles accompagne le fard se piquant sur ses joues. La languissante danse improvisée de ses pectoraux aux tétons hérissés, fait frétiller le tissu du tank top moulant sa carcasse.

"J’en avais marre de m’ramasser des râteaux à la pelle. Alors j’ai tenté de remédier à tout ça. Mais très franchement, cela n’a pas changer grand-chose. En tout cas, t’es pas non plus en reste de ce côté là … .", rétorque-t-il le ton mutin. La déclaration entrecoupée d’une nouvelle volée de rire, pour se gausser de sa déveine sentimentale. Les pulpeuses s’animant en un rictus malicieux, pour égayer la réverbération des paroles du disciple d’Hippocrate. Combiné à un soubresaut taquin des sourcils.

Les iris serpentent d’une manière – qu’il espère un minimum discrète – sur la vigoureuse plastique de l’alpha et l’oméga de sa jeunesse envolée. La flagrante et ostensible transmutation physique de l’ottoman, s’avère de fait pour le moins frappante et saisissante. Bien malin celui qui aujourd’hui pourrait deviner, que ce corps était jadis celui d’un gamin efflanqué et gringalet, croulant sous des strates de complexes. Si la chrysalide a bel et bien ressenti le besoin de devenir papillon, pour plaire à ses semblables à la suite d’une peine de cœur ; les raisons de cette mue sont peut-être plus complexes qu’il n’y paraît. De facto, la naissance de celle-ci coïncide également avec la déchirante séparation de cet alter ego, parti vers les cimes de l’université. Qui sait ce qui a dès lors bien pu se passer dans les méandres de son esprit bouleversé … ? Se bâtir une stature de colosse - en qualité d’arme de dissuasion massive – pour être à même de se défendre, désormais qu’il se retrouve esseulé ? Plausible. Difficile de ne pas faire le rapprochement entre la perte de l’être cher, et l’apparition de ce rapport conflictuel qu’il entretient avec son corps et la nourriture. Et qu’il traîne, comme un boulet de bagnard, depuis huit interminables années. Huit années que l’enfant de la tourbe entend bien rattraper. Maintenant que l’allégresse et le besoin de lui, font vibrer jusqu’à la plus infinitésimale fibre de son être.

"Dis-moi qu’au moins l’un de nous deux a réalisé son rêve de gosse, et que tu es devenu médecin. Si c’est l’cas, alors j’suis bien content que tu n’aies finalement pas décidé de partir à Boston pour faire ton internat. J-je … j’t’aurais perdu pour de bon sinon.", conclut-il la voix étranglée par une recrudescence d’émotion. L’amas de guimauve cardiaque quittant sa quiétude, pour s’adonner à d’incoercibles loopings. Le sourire aux mélodies enchantées sculpté sur les croissants de chair.  

Quelques pas de côté réalisés, pour s’asseoir sur l’un des rondins en bois jalonnant les bords du ponton. Le chef légèrement hissé, pour rétablir le contact visuel avec celui qu’il aurait voulu être. Le soleil posté derrière son crâne, et l’auréolant d’un halo de lumière flamboyant. Comme une déité descendue de son Olympe, pour illuminer la vie du plébéien qu’il est. Les volutes et panaches de fumée ondoyant, devant son beau, si beau, visage hâlé. Lui prêtant des airs de mirage ou d’apparition divine. Vacillante, évanescente. Admiration et l’émerveillement tapissés sur la trogne de manant. Suspendu à ses lèvres. Des lèvres qui le tentent, l’appellent et l’attirent impérieusement. Maintenant qu’il s’autorise à écouter ce que son cœur s’échine à lui dire. Depuis trois années passées à se cloîtrer dans la citadelle du déni.
BY CΔLΙGULΔ ☾



* : Titre princier des peuples turcs.
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(#) Re: un dernier songe (Sabri)    Ven 4 Juin - 1:48
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sous la lampe un dernier songe / (@Sabri Kaçmaz)
▲▲▲ situation : PORT OF NEW ORLEANS

comme une latence, une attente. comme si tu n'existais pas vraiment, comme un songe, finalement. le fantôme qui erre sans jamais trouver sa place. enveloppe charnelle qui continue d'évoluer, de mûrir mais l'esprit qui n'suit pas, qui parfois s'échappe et s'arrache. envolées lyriques, oniriques. un monde entier dans lequel tu te sens comme dépossédé, toujours, au quotidien. pas vraiment adulte, plus vraiment enfant. cette sensation vaseuse d'être captif d'un quotidien qui, la plupart du temps, t'échappe et t'oppresse. point sur le coeur.
alors son visage, son sourire, le contour de ses lèvres et de sa mâchoire. c'est comme un tableau qui se dessine à nouveau. comme sorti de l'ombre, vaporeux. une apparition de plus, ou de moins. l'atmosphère tout entier qui dégage un parfum d'illusions, de rêves. peut-être l'imagines-tu seulement. peut-être n'existe-il que dans les tréfonds de fantasmes inavoués. cette amitié adolescente pour laquelle tu ressentais, parfois, du désir, de l'attirance. son corps qui se brusquait contre le tien, dans des étreintes viriles et amicales, mais qui souvent faisaient éclater l'étincelle d'une envie, d'un besoin.
lui, l'étranger et le familier. comme s'il réapparaissait d'un rêve que t'aurais fait alors qu'il t'étreint, à nouveau. contact physique et solide, pourtant ça n'a plus rien à voir avec ce que c'était. comme si le temps vous avait changé, transformé. vous vous êtes perdus dans les méandres d'absences involontaires, portés par des espoirs différents et suivant des chemins adjacents. son teint d'albâtre, presque hâlé, promesse chaude de pays étrangers.
un écho à tes origines, c'est vrai. vous étiez les étrangers, ceux qu'on pointaient parfois du doigt. dans la cours de récréation, vous faisiez front commun. l'un contre l'autre, l'un pour l'autre. s'il était destiné à souffrir du regard des autres, alors t'étais prêt à en souffrir aussi. pour lui, avec lui. c'était vos délires de gosses.
- ouais, j’ai cédé à l’effet Maluma. il te répond dans un léger rire. tu accompagnes ce son d'un rire presque étouffé entre tes lèvres serrées. tu n'es pas certain de connaître la référence mais tu préfères taire tes doutes. il ôte le bandeau et le reflet sombre de ses cheveux qui glissent entre ses phalanges t'arrachent un voile de stupéfaction. son parfum d'ailleurs, comme le souvenir d'un coucher de soleil sur le port de Tunis, te ramène à une sensation de réconfort et de chaleur qui envahit ton abdomen et calme ta respiration pourtant saccadée. détaillant les mèches qui retombent et encadrent son visage dans de fines boucles, tu te perds, contemplatif. l'enfant est devenu un homme. et quel homme. foutrement mieux depuis quelques minutes ! ouais … huit ans, si j’compte bien et dis pas de connerie. ah ? pas trop en mal j’espère ; hahaha ! toi aussi, t’as sacrément évolué. même si … j’sais pas ; t’as gardé ce petit côté lycéen nonchalant que j’aimais beaucoup. ‘fin, que j’aime toujours à vrai dire. et qui te va bien, j’trouve. il appuie là où ça fait mal, depuis quelques semaines. te ramène à cette marche lente que tu sembles opérer depuis des années. ce côté lycéen, comme si tu n'appartenais pas vraiment au monde des adultes. et pourtant, ses mots te font du bien. mais t'arrachent une grimace. tu voudrais le contredire, mais tu n'y arrives pas. tu sais pertinemment que, contrairement à Alice, tu ne t'es toujours pas réveillé.
- huit ans, c'est vrai. tu confirmes le temps, indiqué au marqueur noir entre vous. huit ans, l'absence et le manque, c'est vrai. tu ne le savais pas. la fulgurance te frappe de plein fouet désormais. crois-moi, j'fais de mon mieux pour me débarrasser du lycéen. mais j'y arrive pas. j'ai l'impression d'être emprisonné entre deux mondes. et c'est pénible. en découle une espèce de léthargie qui se traduit par un regard absent, des expressions feutrées. emmitouflé dans du coton. vêtu d'habits trop grands pour ton corps si frêle. frêle et longiligne, bien loin des muscles que tu détailles chez lui. cette masse harmonieuse de veines apparentes et de chairs tendues. ton regard qui s'attarde sur les jambes, les bras, la mâchoire. les épaules, si puissantes, si fermes. réconfortantes ? peut-être. l'alcôve chaleureuse de ses bras robustes. merde.
- j’en avais marre de m’ramasser des râteaux à la pelle. alors j’ai tenté de remédier à tout ça. mais très franchement, cela n’a pas changer grand-chose. en tout cas, t’es pas non plus en reste de ce côté là … bouche sèche, à nouveau. tu recules d'un pas, oses un regard sur ta propre carcasse. tu voudrais lui donner raison mais t'as pas le sentiment d'être à sa hauteur. t'es bien plus fin que tu ne l'étais dans tes souvenirs. tu manges mal, tu dors mal, tu vis mal. à dire vrai, la seule chose de bien que tu sais faire, c'est travailler. et à t'y perdre, t'oublies sans doute de prendre soin de toi.
- difficile à croire. tu lui dis en relevant les yeux vers lui. comme un aveu, sans doute. ouais, enfin, si on aime le genre chétif et faiblard. tu dis en écartant les bras, comme pour te dévoiler. habits trop larges toujours, pour être à l'aise. comme s'il te fallait ça pour te cacher, te masquer. pour ne surtout pas te dévoiler, ne pas te montrer tel que tu es. tu tires sur la nicotine, encore, troublé par ses mots, par son regard. par sa présence.
rêve, réalité.
tu n'sais pas où te situer dans cet échange, perturbé jusque dans les os. chaire de poule, tremblements. il avance d'un pas, te dit :
- dis-moi qu’au moins l’un de nous deux a réalisé son rêve de gosse, et que tu es devenu médecin. si c’est l’cas, alors j’suis bien content que tu n’aies finalement pas décidé de partir à Boston pour faire ton internat. j-je … j’t’aurais perdu pour de bon sinon. avant de marcher sur le côté et s'assoir sur un rondin. tu suis son mouvement avec le corps, comme le tournesol attiré par le soleil. lui, soleil d'orient. non, pensée fumeuse, tu la chasses de ton esprit en te concentrant sur ce qu'il dit. le fond, par la forme. pourtant la forme est attirante, presque aguichante, alléchante. non, tu t'y refuses, te l'interdis. glisses une main dans la poche de ton jean et l'autre accrochée à la cancéreuse comme pour t'encourager. rester debout, ne pas t'assoir. ne pas ressentir les picotements qui parcourent ton ventre, qui grimpent le long de l'échine dorsal. son regard sur toi, comme un scanner. petit sourire sur tes lippes.
- je ne suis pas encore médecin mais je suis bien en internat en neurochirurgie. tu lui dis, avec une once de fierté dans les mots. c'est la seule chose que tu connaisses, que tu saches. la seule chose que tu maîtrises, finalement. écran pour masquer une réalité bousculée par tout ce que tu n'as jamais osé explorer. on s'est plus ou moins perdus, tu n'crois pas ? tu oses, le regard éteint, voilé. un voile de ténèbres sur la voix. ça fait déjà huit ans.. j'aurais voulu te voir plus tôt. je crois qu'au fond, j'ai toujours pensé que je n'étais pas assez bien pour toi. vérité énoncée, écho aux pensées du gosse que tu étais. tu savais déjà, à l'époque, que tu n'serais jamais à la hauteur.
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(#) Re: un dernier songe (Sabri)    Mar 8 Juin - 14:51
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Un dernier songe
Huit ans. Huit années passées à musarder, dans ce tortueux labyrinthe à ciel ouvert nommé la vie. Tel un massif Minotaure atrabilaire, claquemuré dans des abîmes oubliées par la lumière. Où le miroir se déforme. Et les rêves s’endorment. L’âme à l’envers, le cœur à l’étroit. Huit révolutions d’errance dans les méandres d’un dédale sinueux. A chercher le sens d’une existence devenue terne. Sinistre. Insipide. Sclérosée par une pléiade de "Pourquoi … ?" et d’"A quoi bon … ." résignés. Désillusionnés. Désenchantés. A quoi bon se lever ? Et pour qui le faudrait-il dorénavant ? Maintenant que le seul qui vaille s’en est allé. Que la raison d’être s’est envolée. Un Astérios devenu orphelin de sa boussole. Privé de son étoile du berger. Sans cap à suivre. Huit âcres vendanges d’un cépage aux tanins de vicissitudes et tribulations. Eclusés en grimaçant et serrant les dents. Pantin brinquebalé par les cruautés de la fatalité, et s’agitant selon son bon vouloir.

Colosse à l’écorce d’airain et au pied d’argile, qui s’est un temps aventuré à refuser l’inévitabilité du destin. La révolte brièvement sonnée. A travers des coups de bélier assénés contre de volumineux murs inébranlables. Dans l’espoir de créer une percée, qui permettrait de recouvrer le sentier des songes. Des passions. Des engouements. En vain. Armes déposées, abdication proclamée, drapeau blanc érigé. L’abandon l’a emporté. Lui passant les fers d’une amère acceptation, aux poignets et aux chevilles. Renoncement. Captif d’une vie étriquée et monochrome. Subie en simple spectateur. Passent les jours. Tournent les ans. Calciné par le soleil des étés caniculaires. Battu par les hallebardes pluvieuses des automnes larmoyants. Frigorifié par les morsures givrées des hivers rigoureux. Enlisé dans le marasme d’une routine uniforme.

Jusqu’à ce que jaillisse finalement l’étincelle, au plus fort de l’abattement. Comme une brèche anticyclonique dans l’azur d’un firmament criblé d’opaques nues. Permettant au thérianthrope byzantin de retrouver l’extrémité d’un fil infrangible, soumis à la grève du rouet de l’amitié depuis presque une décennie. Un toron remonté hâtivement, et dont le rembobinage se solde par une grisante collision, avec le héros de ses élégies tamisées. Son Thésée aux arômes hindous. Un alter ego vers lequel il se risquerait à s’avancer les bras en croix. Avec pour la première fois, l’impérieuse envie – consciente et assumée – qu’il marque au fer rouge son cœur. En portant une tendre estocade, qui sortirait le palpitant mollasson de sa torpeur. Le désir qu’il appose sa griffe sur cet organe rythmique. Qu’il se l’accapare, s’en empare et en fasse son esclave, battant à tout rompre pour lui. Rien que pour lui.

Et tant pis. S’il le broie, ou l’écrase sous sa semelle comme le mégot accroché à ses lèvres. Tant pis s’il le retourne comme une patate chaude à l’envoyeur, dans un "T’es con." amusé. Convaincu qu’il s’agirait là d’une de leurs énièmes boutades badines. Oui, tant pis. L’incertitude en vaut la peine. Il en vaut la peine. Lui. Eno. Deux gamins réunis aux commandes de leur métier à tisser, pour reprendre leur ouvrage laissé en suspens. L’osmose et la synergie demeurent au rendez-vous. Flagrantes, évidentes, patentes. Bien que quelques accrocs anodins, semblent de temps à autres gripper le prélude de leur concerto pour duettistes. Aux éclats de rire complices, s’intercalent des sourires crispés, tendus et parfois forcés. Aisance et spontanéité, s’entrelacent aux troubles. Des anicroches pouvant certainement être imputées – en totalité ou en partie – aux larsens dissonants, émaillant la partition jouée par le lad au service des roses, iris et autres Dames florales. Lui qui incorpore au tissage de la quenouille, des fibres d’une toute autre nature que l’amitié.

Que faire … ? Faut-il reprendre l’histoire où elle s’est arrêtée ? Ou serait-il plus judicieux de recommencer à zéro – sans pour autant faire table rase du passé – en entreprenant la rédaction d’un nouveau récit à deux mains ? A présent que les protagonistes n’ont sûrement plus grand-chose à voir avec ceux qu’ils étaient naguère. Un savant mélange de spleen, de langueur assaisonné d’une pointe de tristesse, élit momentanément domicile sur le doux minois caramélisé du virtuose du bistouri en devenir. Ses belles prunelles noisette s’assombrissent et perdent leur éclat fripon. Comme si le salarié touchant du doigt le Graal du C.D.I, avait malencontreusement froissé l’amour-propre de l’as des sutures, au détour de quelques mots – qu’il pensait pourtant bien intentionnés. Une déclaration astucieusement maquillé, sous une litote futile. Un "Tu me plais.", resté emprisonné dans les tréfonds d’un cerveau désorienté. Et échappant à la détection des meilleurs scanners, IRM, ou chirurgies exploratrices à coups de scalpel.

"T’es pas obligé de t’en débarrasser à tout prix, si tu penses ne pas être prêt. Après tout, la vie est un marathon. Pas un sprint. Y a rien de mal à prendre son temps pour grandir, se chercher et se construire.", objecte-t-il dans un ton pétri d’indulgence et de bienveillance. Les lippes animées en une esquisse tendre. Affectueuse. Amiteuse. L’ourlet du débardeur empoigné et utilisé, pour éponger à la hussarde les dernières gouttelettes de sueur, zigzagant sur le front ou embourbées dans une barbe de sept jours. Offrant ainsi aux collines abdominales dégoulinantes, une furtive prise d’air frais.

Deux Peter Pan qui ont fait corps, pour affronter ensemble les courants et les tempêtes. Toujours là l’un pour l’autre. Tel des siamois ne faisant plus qu’un, lorsque l’œil du cyclone se refermait sur eux. Un tandem d’inséparables aux plumages d’orient, ayant édifié leur nid au pays imaginaire. Douillet cocon fait d’un entrelacs de rêves, de chimères et de projets se conjuguant à la première personne du pluriel. "Nous". "Nous contre les autres". "Nous et le reste on s’en fout". Ecrin inviolable, imperméable et inaccessible à quiconque. Leur bulle. Ayant résisté – et les ayant protégé - aux acides pluies de haine, de stigmatisation et de discrimination. Souvent assiégée, jamais éclatée. Tel le roseau qui plie, mais jamais ne rompt. Un Eden qui s’est vu scindé par la faille de l’absence et l’éloignement. Et que Sabri a hélas perdu, sous l’initiative d’un père en ayant précipité la chute, pour imposer un passage forcé dans la cour des grands. Se retrouvant ainsi catapulté dans le grand bain. Sans bouée, ni brassards ou ceinture de flottaison.

Le Calife de pacotille en est convaincu ; le garant de ses secrets ne connaît pas sa chance. A avoir réalisé l’exploit de demeurer dans ce havre de paix, où les possibles ne connaissent pas de la limites et les interdits sont étiquetés persona non grata. Pour rien au monde, il ne voudrait voir sa goutte d’absinthe se tarir et franchir l’autre rive, pour devenir comme lui. Un individu désabusé et blasé de tout. "S’il te plaît … reste comme tu es.", l’en conjure-t-il en son for intérieur. Des prières pressées. Empressées. Pour que l’assermenté reste ce beau, si beau, diamant d’innocence. A même de s’émerveiller et de vibrer. Alors que le damné lui faisant face se prend à caresser l’infime espoir, qu’il consente à lui faire une petite place au sein de son monde. Un monde dont il n’est plus digne, et qui fut pourtant jadis le sien aussi. Guère en adéquation avec le constat – aux accents de flirt et rentre-dedans à peine voilés sous la taquinerie - dressé par le manant, Mister Brown déploie son envergure pour illustrer sa répartie truffée de mésestime. Des poussières torpides et songeuses dans le grain de la voix. Mettant en exergue le fervent désir, d’assister au basculement de ce corps d’homme-enfant en funambule du côté escompté.

"Faudra que tu m’redonnes la définition de chétif, parce que franchement là selon moi ; on en est quand même bien loin. Ca viendra, ne t’en fais pas. Puis si tu veux, j’pourrais te donner deux-trois petites astuces. Ou t’embarquer dans mes sessions transpi’, si l’cœur t’en dit.", propose-t-il sur un ton puéril. Presque candide et naïf. Ses phalanges cognant gentiment les abdominaux – certes encore timides, mais emplis de potentiel et de promesses – du médecin de demain. Gondolant ainsi légèrement l’étoffe en jeans de la liquette, couvrant la charpente de l’éphèbe pris, selon son propre aveu, entre deux eaux.

Un nouveau contact clandestin suscité, qui attise tel un soufflet les braises d’un désir défendu. Un désir en passe de s’embraser. Tanguant sur le filin du point de rupture, Aladin ressent soudain l’urgente nécessité d’endiguer des fureurs torrentielles, s’apparentant à ce que ses aïeux lui ont de tout temps présenté comme étant l’un des pêchés les plus inexpiables qui soit. L’éventail des possibilités s’avère en l’espèce relativement restreint. Le mécréant décide de glisser le curseur de la conversation vers un sujet plus prosaïque qui – il l’espère – ne devrait, en toute logique, faire naître aucun émoi en lui. Recours auquel le digne représentant de la caste des Intouchables, joint un étirement de la distance en allant siéger sur un rondin en bois flotté vertical, à quelques pas de là sur le ponton. Ni doté de la curiosité maladive d’une fouine, ni aussi indifférent qu’un autolâtre ; l’Hercules des dunes se montre néanmoins avide de savoir, si les visées professionnelles affichées autrefois par son attrayant acolyte ont été exaucées. Une indicible allégresse l’étreint, sitôt qu’il apprend que c’est peu ou prou le cas.

"Connaissant ton sérieux, ton application et ta rigueur ; j’suis certain que tu franchiras cette dernière ligne droite sans encombre, Doc’. La neuro’, hein ? T’as donc rompu avec la cardio’, si j’comprends bien.", déclare-t-il le verbe goguenard. A des années-lumière des bredouillements ayant secoué sa voix, étranglée par la stupeur et l’émotion, un peu plus tôt. Sourire malin dans les yeux d’hématite aux nitescences cabotines. Tête inclinée et rictus polisson au coin des babines. La moustache humide rapidement essuyée dans l’étoffe de l’habit sans manche, au niveau de l’épaule droite. Petit reniflement nasal, laissant grandement à désirer en matière de distinction, à l’appui en guise de conclusion.

Annonce qui n’est qu’une demie-surprise. Eno a toujours été quelqu’un sachant se donner les moyens de ses ambitions. Un de ceux qui mettent tout en œuvre pour réussir. Quoi qu’il en coûte. Qu’importe les sacrifices et l’abnégation. Savoir qu’il est parvenu à transformer l’idéal en réalité, n’est finalement que justice aux yeux de son infortuné compère d’antan. La fructueuse récolte d’un travail acharné. Et amplement mérité. Des notes de fierté et de satisfaction, viennent cette fois-ci se gréer à la voix chaude du fringant jouvenceau aux parfums du Commonwealth. Et ce pour le plus grand bonheur de son plus fidèle admirateur, qui ne peut s’empêcher de sourire – un peu béatement. Les sequins de contentement luisant dans les iris chocolatées du tatoué vacillent et chancellent, jusqu’à disparaître subitement. Bientôt, un déchirant masque de désolation se plaque sur les traits de sa frimousse ambrée. Regrets et chagrin pincent ses cordes vocales, énonçant une vérité bien douloureuse à entendre mais difficilement contestable. Penaud, le chef du forçât ottoman ploie tel une fleur aux pétales flétris. S’articulant mollement, et à contrecœur, de façon positive face à cette question rhétorique n’attendant pas de réponse. Avant de se redresser impétueusement, dès que l’aberrante absurdité qui suit vrille ses tympans.

"T’en as d’autres des conneries comme ça, ou bien … ?", réplique-t-il presque du tac-au-tac, le timbre passablement indigné. Abasourdi par la dépréciation de lui-même, dont fait preuve l’homme au faciès enfumé par les panaches de nicotine. Des mots qui ne ressemblent absolument pas à l’adolescent qui égaye ses souvenirs. Les prunelles dépitées jetées au ciel, et la tête dodelinant de droite à gauche, pour appuyer tout son désaccord avec la foutaise débitée.

Des termes rudes prononcés par le praticien à son propre encontre. Autant d’inepties qui, outre le fait de foutre en rogne l’ours mal léché made in Turkey, lui font aussi mal que des pointes de bambou implantées sous les ongles. Si seulement … . Si seulement ce compagnon de peines et de joies pouvait, ne serait-ce rien qu’une seule fois, se voir comme lui le perçoit. Peut-être … . Peut-être qu’il est temps de lui en faire prendre conscience ? Peut-être que ces retrouvailles sont l’occasion, tant pour l’un que pour l’autre, de laisser éclore la meilleure version d’eux-mêmes ? Un coup de tête, d’audace et de folie. Stimulé par un fruste coup de sang. Le barbu renoue avec la verticalité. Armé d’un pas lent, lui donnant des faux-airs de flegmatique dandy britannique : il s’approche. Encore. Jusqu’à ce que ses orteils viennent tutoyer ceux de son ravissant interlocuteur. Promiscuité remise au goût du jour. Histoire que les mots s’agglutinant sur le seuil de ses lèvres, s’impriment convenablement dans l’esprit du destinataire.

"A l’époque, on était deux gamins perdus dans la jungle du primaire. On s’est choisi, comme une évidence. Il n’a jamais été, et ne sera jamais, question de valeur. De mérite. De "pas assez bien pour moi", ou je-ne-sais-quoi d’autre. Tu me ressembles. Je me retrouve en toi. T’as toujours été là. Juste ici. Et maintenant que nous sommes réunis, je … je voudrais que tu t’y réinstalles à nouveau et y restes durablement. Définitivement.", enchérit-il dans un phrasé plus assuré qu’il ne l’aurait imaginé. Attrapant sa main et nouant ses phalanges autour de ses doigts. Pour finalement porter sa dextre . Juste ici. Sur le versant gauche de son muscle pectoral. Là où le myocarde bat plus fort.

Quelques phrases offrant au bénéficiaire, une flopée d’interprétations possibles. Le témoignage d’affection d’un ami. La confession d’un béguin balbutient. La révélation d’un crush et d’un entichement bien plus sérieux. Pulpeuses entrouvertes et souffle court. Le palpitant qui vient se fracasser à toute vitesse, contre les lignes habillant sa paume. Quand le pouce roule et caresse nonchalamment, les motifs à l’encre de Chine en ornant le revers. Et les yeux de tourmaline qui se gorgent de larmes, sous les piquantes ondulations des volutes. Ses yeux, par lesquels il voudrait être trahi. Pour qu’ils livrent au neurochirurgien, le fond de ses pensées. Tout ce qui est là. Qu’il voudrait avouer. Mais que la peur bâillonne et muselle. "Serre-moi. Etouffe-moi d’amour. Etouffe-moi de toi. Reste. Ne pars plus sans moi. Pauvre de moi, qui ne saurais à présent survivre loin de toi.".                                                            
BY CΔLΙGULΔ ☾
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(#) Re: un dernier songe (Sabri)    Mer 9 Juin - 18:15
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sous la lampe un dernier songe / (@Sabri Kaçmaz)
▲▲▲ situation : PORT OF NEW ORLEANS

et le temps passe, toujours. il file, il se dérobe. on l'retient pas. tu l'sais mieux qui quiconque. hier encore, t'avais vingt ans. et que reste-t-il de cette époque bénie où les seuls problèmes que tu avais encore à gérer étaient le regard que pouvait porter ta famille sur ta sexualité et tes désirs ? au fond, tu donnerais sans doute tout l'or du monde pour y retourner, t'y retrouver. t'avais beau te plaindre, mais les choses étaient plus simples. tellement plus faciles. il suffisait de suivre des cours, rentrer à la maison, bosser un peu les révisions et te contenter de suivre une ligne toute tracée. les dimanches à l'église te paraissaient monotones et pourtant, aujourd'hui, t'y retournerais bien juste pour avoir le sentiment d'appartenir encore à quelque chose. concrètement, tu t'sens flotter, presque perdu. un navire sur un océan de tracas. tu regardes autour de toi mais n'trouves pas la lumière rassurante d'un phare qui pourrait t'aider à accoster. ou trouver quai, sans doute. tu voudrais qu'on te guide un peu. mais quand l'occasion s'est présentée et que Jessie t'a tendu la main, t'as pourtant refusé de t'y soumettre. besoin d'indépendance conjugué à un besoin viscéral d'être soumis à l'approbation générale pour te donner consistance.
retrouver Sabri, c'est comme retourner à l'église le dimanche matin. c'est revenir sur tes pas, c'est réconfortant. ça t'fait du bien, même si tu ne l'admets pas entièrement ou que tu ne t'en rends pas forcément compte. ce sont des saveurs que tu n'as jamais oublié, finalement. comme un parfum d'orient qui aurait continué de te hanter sans que tu n'l'aies jamais vraiment remarqué.
- t’es pas obligé de t’en débarrasser à tout prix, si tu penses ne pas être prêt. après tout, la vie est un marathon. pas un sprint. a a rien de mal à prendre son temps pour grandir, se chercher et se construire. et pour la première fois depuis longtemps.. tu t'sens rasséréné. peut-être parce qu'il te dit ce que personne n'a jamais voulu te dire. peut-être parce qu'il admet que dans la vie, grandir n'est pas une obligation.. tout du moins, que ça prend du temps. et personne ne te l'avait encore vraiment dit. ton père se fait un sang d'encre au quotidien de te voir rester l'éternel adolescent incompris et indécis.. quant à Jessie, elle semblait prête à tout pour te faire changer. mais Sabri, lui..
et le rouge te monte aux joues.
touché en plein coeur par une flèche invisible.
- je.. tu déglutis, forcément. c'est appréciable de sentir qu'il te comprend, qu'il te respecte pour ça.. c'est compliqué de voir tout le monde grandir autour de moi et m'sentir en total décalage avec ce qu'ils sont. comme si j'étais resté sur le banc de touche, finalement. tu lui dis, confesses. t'as pas peur de son regard, ou alors, t'as oublié d'en avoir peur. par ses mots, il s'est frayé un chemin direct jusqu'à ta propre intimité pour y retrouver une place qu'il avait quitté des années plus tôt. t'es le premier à me dire ça. tu ajoutes en secouant la tête, bêtement. chassant le rouge qui te colore les joues, réchauffe ton visage et engonce ton égo. tu abordes finalement la transformation physique, somme toute, impressionnante dont il a fait preuve et lui te renvoie l'ascenseur en complimentant ce corps que tu as toujours trouvé lâche et fuyard. comme si, là encore, t'avais pas fini de grandir. ni trop mince, ni trop musclé. un entre deux inconfortable que tu n'supportes plus vraiment. tu t'es jamais jugé attirant, encore moins beau. t'estimes être tout juste agréable à regarder, comme s'il suffisait de poser son regard sur quelqu'un d'autre pour t'oublier. fantôme de pacotille, presque invisible, et pourtant, là encore, Sabri semble être à contre-courant.
- faudra que tu m’redonnes la définition de chétif, parce que franchement là selon moi ; on en est quand même bien loin. ça viendra, ne t’en fais pas. puis si tu veux, j’pourrais te donner deux-trois petites astuces. ou t’embarquer dans mes sessions transpi’, si l’cœur t’en dit. tu rigoles un court instant, juste avant que la pulpe de son doigt ne se pose sur tes pectoraux. un frémissement léger. si léger que tu ne le perçois presque pas. il te parcourt l'échine dorsal, te fait presque sursauter. tout du moins te rend fébrile. pourquoi ? tu n'en sais rien et plutôt que de t'interroger, tu préfères imaginer que ça résulte de cette longue absence qui sépare les deux gamins que vous étiez des hommes que vous êtes - plus ou moins - devenus. à ses propos, tu souris aussi, un peu plus.
- mec, regarde tes mollets. tu dis en baissant les yeux avant de relever le regard et d'empoigner - naturellement - son biceps gauche. et ça.. mais là encore, tu rougis. le contact chaud et moite de sa peau contre la paume froide de ta main. pour un peu, tu reculerais d'un pas. j'veux dire.. t'es monté comme un monstre. et le terme monter t'arrache un rire gênant. non.. gaulé... là encore, tu ricanes face à un terme inapproprié. bâti. voilà, bâti comme un Dieu. vraiment Eno ? tu vires cramoisi face à ta bêtise. 'fin.. t'es bien foutu, tout en muscles alors qu'au premier coup d'vent un peu trop fort, moi, j'décolle. et sans savoir pourquoi, tu t'dis qu'avec ses mains puissantes, il saurait sans doute te retenir si ça arrivait. pourquoi ? t'en sais rien, là encore, tu préfères pas t'interroger. t'as peur de la réponse, peur d'avoir à affronter certaines choses comme si ça mettait en exil tout ce qui te manquait pour te connaître enfin.
- connaissant ton sérieux, ton application et ta rigueur ; j’suis certain que tu franchiras cette dernière ligne droite sans encombre, coc’. la neuro’, hein ? t’as donc rompu avec la cardio’, si j’comprends bien. tu souris, la conversation devient plus légère. les contacts physiques s'éloignent déjà et la distance qui vous sépare désormais te semble plus convenable. tu respires mieux, tires sur ta cigarette avec nonchalance. tu t'donnes un genre, une image. tu joues avec, comme tu l'as toujours fait. l'gosse un peu rebelle qui s'moque des conventions alors qu'en réalité, t'es tout l'inverse, à cheval sur c'que pourraient penser les gens d'toi s'ils apprenaient vraiment qui tu croyais être.
- la cardio c'était trop poussé et puis.. avec le décès de ma mère, j'ai eu envie de suivre une voie différente. ça fait longtemps que t'as pas abordé le sujet et pourtant, face à lui, t'as pas peur de te livrer. comme s'il était resté près de toi toutes ces années. facétieuse sauterelle appuyée sur ton épaule qui te soufflerait les chemins à empreinte. au fond, c'est peut-être bien ça le problème, n'est-ce pas ? ce sentiment d'appartenance, comme toujours. comme s'il avait toujours été là, comme s'il avait toujours existé quelque part en toi.
pourtant, cette nostalgie t'habite, c'est vrai. quand tu l'regardes, quand tu l'entends. toujours là mais plus vraiment. abandonné, un sentiment qui t'a poursuit d'puis bien longtemps. comme dépossédé d'une part vitale, de quelque chose de capitale. t'avais besoin de lui. tu t'en rendais compte aujourd'hui. peut-être que ça t'fait du mal, au fond. peut-être que tu l'sous-entends. peut-être même que tu lui en veux. toujours est-il que le retrouver après tout ce temps n'fait qu'accentuer le manque. tu l'expliques pas. et peut-être qu'après tout, s'il est parti, c'est qu'il n'te voulait plus.
- t’en as d’autres des conneries comme ça, ou bien … ? le mastodonte se dresse sur ses jambes, secouant vigoureusement la tête de droite à gauche avec un air désespéré. peut-être que t'es pathétique, au fond, d'avoir besoin d'te comparer toujours aux autres. d'estimer qu'il faille en valoir la peine pour qu'on veuille encore te voir, te fréquenter. au fond, c'est peut-être là le noeud du problème. noeud qui te bouffe et te ronge depuis toujours. Sabri, lui, s'montre pourtant calme malgré un discours plutôt déterminé. à l’époque, on était deux gamins perdus dans la jungle du primaire. on s’est choisi, comme une évidence. il n’a jamais été, et ne sera jamais, question de valeur. de mérite. de "pas assez bien pour moi", ou je-ne-sais-quoi d’autre. tu me ressembles. je me retrouve en toi. t’as toujours été là. juste ici. et maintenant que nous sommes réunis, je … je voudrais que tu t’y réinstalles à nouveau et y restes durablement. définitivement. il y a tout un tas d'émotions qui te submergent. comme une déferlante que tu prendrais de plein fouet.
le temps se fige un instant.
marque une pause.
comme si t'avais besoin d'encaisser tout ce qu'il venait de te dire. je me retrouve en toi, quelque chose d'immuable, un reflet, un écho. quelque chose qui vous rassemblait et vous rassemble aujourd'hui encore. t'as toujours été là, comme lui l'a toujours été. un trait commun, fil d'or qui vous relie, ligne invisible qui ne vous a jamais quitté malgré les années. durablement, comme une promesse sous-entendue. sa main qui attrape la tienne, ses doigts qui s'alignent au tien et ta paume qui s'écrase sur sa cage thoracique, son pectoraux tendu et chaud. tu l'regardes, rougis presque. le bas-ventre qui grésille légèrement, réagit sans que tu n'comprennes pourquoi. le myocarde que tu sens battre sous l'tissu de son haut trempé.. définitivement, ça t'fait peur et pourtant, ça t'attire, t'attrape. ta main se serre, épouse la forme sculpturale de ce pec' si bien dessiné. tes yeux louchent sur le téton qui se dresse fièrement, à quelque mini mètres de ta paume.. la joues que tu mords, sans comprendre ce qui te gêne dans ce détail pourtant insignifiant. et tes orbes qui remontent vers les siennes, y plongent et s'y noient.
le temps qui reprend sa course.
la respiration qui te manque.
- je... les mots que tu cherches alors que ta main ne rompt toujours pas le contact. restant plantée là, sur lui. tes pas qui avancent d'un pas et cette furieuse envie de te blottir contre lui, te cambrer contre lui. tu m'as manqué. que tu finis par articuler, le regard à peine larmoyant. ta main qui glisse le long de son pec', frôle sans gêne les abdominaux fièrement dessinés sous le t-shirt. tes doigts qui tombent sur l'élastique de son short, de manière si naturelle que t'en rougis plus encore et cette envie irrépressible de tirer, juste un peu... non, tu fermes les yeux, secoues la tête de gauche à droite et recules d'un pas. cette main coupable que tu glisses dans la poche de ton jean et l'autre qui attrape la clope à tes lèvres pour tirer dessus énergiquement. merde c'est trop con.. tu t'entends dire en déviant le regard. c'était déjà comme ça avant ? t'essaies d'te souvenir mais jamais il ne t'avait troublé à ce point. pas même une fois t'as l'souvenir d'avoir désiré le voir se dévêtir comme tu l'ressens en cet instant précis. et pourquoi ? t'as jamais voulu quoi que ce soit avec qui que ce soit. mais sa manière de te parler, d'adoucir tes propres défauts pour en faire quelque chose de beau, tu souffles, tires sur la cigarette encore. la nervosité qui monte d'un cran alors que t'affrontes son regard. j'me suis jamais senti gêné avec toi.. pourtant, j'ai l'sentiment de l'être brusquement. il y a ces choses que j'ressens et.. j'comprends pas. tu parles honnêtement, même si tu n'sais pas ce qu'exprimer veut dire. t'es perplexe. j'suis désolé.. on a changé, sans doute. c'est pour ça.
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(#) Re: un dernier songe (Sabri)    Mer 16 Juin - 17:04
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Un dernier songe
Les autres. Ces semblables qui parfois n’en ont que le nom, tant le sentiment de leur être étranger et en total inadéquation brûle plus fort. Une somme d’individualités, massées en une horde à laquelle on ne peut échapper, ni se soustraire. Comme une meute de hyènes cernant et privant un gnou esseulé de toute échappatoire. Des congénères dont il est impossible d’éluder le regard. Pour peu que l’on ne se la joue pas façon Tom Hawks, dans un remake au rabais de "Seul au monde". Ce regard qui analyse, sonde, scanne – voire toise. D’une manière pouvant s’avérer incommodante, lorsque l’impression d’être brutalement mis à nu s’insinue sous la peau et serpente sur les os. Décortiquant, disséquant et passant au crible, jusqu’à la plus infinitésimale fraction d’une essence. Touchant du doigt la substantifique moelle de l’intimité. Une constellation de météores braqués et cristallisés sur un corps céleste, aspirant à ne plus être étiqueté objet volant non-identifié.

Les soit-disant fenêtres de l’âme. Au fond desquelles d’aucuns redoutent de voir crépiter les inquisitrices étincelles d’un jugement péjoratif, fielleux, acerbe et plus corrosif que du vitriol. Sentence mutique ou oralisée, synonyme d’arrêt de mort. Ou tout du moins, de mise au ban et d’exclusion. L’une des pires – si ce n’est la pire – infamie qui soit, dans une société qui se plaît à mesurer la valeur d’un quidam en fonction de sa popularité, son influence et autres followers gravitant autour de lui. D’où le besoin – presque viscérale – pour tout un chacun de quérir l’acceptation, l’adoubement et l’assentiment d’autrui à son encontre. Intuition on ne peut plus compréhensible et légitime, pour ce bipède vertébré portant le nom d’Homme. Lui qui ne saurait désormais vivre privé de sociabilisation et d’interactions. Et qu’un trop-plein de solitude, finit à terme par fatalement affliger. Etioler. Occire. Faire chorus auprès de ses pairs. Comme la condition sine qua non, pour pouvoir se sentir pleinement exister. Pour enfin s’autoriser à déguster les juteux fruits doucereux et gorgés de soleil, que ce capricieux mystère nommé la vie daigne épisodiquement offrir aux bienheureux sachant les cueillir.

Appartenir et être reconnu. Deux désirs ardemment prisés, convoités et recherchés par le commun des mortels. Et qui pour certains font l’objet d’une inexorable quête, vouée à être poursuivie ad vitam æternam. Des préoccupations qui ont été pendant longtemps le cadet des soucis de l’indigent, et qui n’ont fait qu’accentuer la sensation de s’inventer à contre-courant. Jusqu’à ce que les hormones s’éveillent et que les premiers émois mitigés, l’amènent à timidement reconsidérer l’image que ses homologues peuvent avoir de lui. Bien que cela soit imperceptiblement moins le cas aujourd’hui, être dans les petits papiers et en odeur de sainteté auprès de son prochain, sont autant de choses qui l’ont toujours indifférées. L’aficionado des astres n’a en effet jamais attendu de glaner l’estime des autres, pour être au fait de sa valeur, ses qualités, ses défauts et ses aptitudes. Non … il ne les a pas attendu pour vivre – et des fois même survivre. Se contentant de récolter les nèfles blettes mollement accrochées aux branches de l’arbre de la vie, pour se repaître sans broncher de leurs saveurs vineuses et sures.

Sans aller jusqu’à dire que "le petit d’homme à sa maman" se suffisait à lui-même, le fait est qu’il n’a toujours eu cure d’être bien vu de ces impitoyables autres. A quoi bon s’en soucier ? Trouver grâce aux yeux de son supplément d’âme lui suffisait amplement, et valait à son sens tout l’or du monde. Ses yeux noisettes, dans lesquels ce gamin malingre voyait irradier la sympathie, la gentillesse, la complicité. L’affection et la tendresse aussi, des fois. Oui … l’enfant d’Allah a toujours préféré être riche d’un que de milliers. Néanmoins, et bien que le méridional aime à croire que c’était réciproque ; son double a pour sa part toujours caressé le songe de moissonner la considération favorable de leurs "camarades" – avec tout les guillemets possibles et imaginables. De rejoindre les rangs de ces hommes en devenir faisant la pluie et le beau temps, et se checkant de façon virile et musclée. D’être un de ces cadors, que les Lolitas regardent avec des yeux de Chimène et saluent d’une voix mielleuse en piquant un fard.

Et il aurait pu, Eno. Basculer du côté où il fait bon vivre. Combler ces désirs d’appartenance et de reconnaissance, profondément ancrés en lui. Probablement parce qu’il est un petit peu plus facile de ne pas uniquement être résumé à ses ascendances, lorsque l’on s’appelle Brown que Kaçmaz. Pourtant, la moitié gémellaire a refusé. "De larguer le bougnoule qui lui collait aux basks", comme lui ont instamment conseillé les esbroufeurs de l’équipe de football du bahut. Etait-ce par loyauté ? Recherchait-il avant tout de l’authenticité et de la sincérité ? Trouvait-il finalement ces inestimables trésors, auprès de son fidèle alter ego ? A-t-il réalisé qu’il courrait après quelque chose, qui avait en réalité toujours été là ? Au plus près de lui. Enigme dont seul le presque médecin, détient la réponse. Les vents ont tournés, les saisons se sont envolées. Hélas, le mal-être et la souffrance de ne pas trouver l’appréciation méliorative de ses concitoyens à son égard, demeurent palpables chez le britannique aux fragrances des anciennes colonies. Un terreau dans lequel croissent la mésestime et le désamour de soi. Des fléaux qui ne manquent pas de chagriner, et fustiger les chairs du boutiquier lui faisant face. Lui qui désormais peut lui offrir bien mieux qu’un soupir las agrémenté d’un "Je sais … ." criant d’impuissance.

"Qu’est-ce qui te dit que ce ne sont pas eux qui sont en décalage par rapport à toi ? Franchement, qui peut prétendre définir ce qui est normal et ce qui ne l’est pas ? Y a pas une vérité avec un grand "V", qui prévaut et à laquelle il faut à tout prix se plier. J’pense que l’on en trouve autant de déclinaisons qu’il existe de personnes. La tienne t’appartient et n’est pas moins juste que celle d’untel ou unetelle. Personne ne devrait la blâmer, la descendre en flamme, ou pire, t’inciter à en adopter une qui ne te correspond pas du tout. Ah ouais ? J’espère ne pas être le dernier à le penser, mais en même temps … cela ne me déplairait pas complètement d’être le seul.", lui explique-t-il sur un ton calme, posé et se voulant le plus amène possible. Parsemé ici et là de quelques inflexions plus fermes. Décidé à lui faire comprendre qu’il n’a nullement besoin de changer, s’adapter ou se calquer sur "tout le monde". Que c’est à eux de l’accepter tel qu’il est et pour ce qu’il est. Comme lui l’a toujours fait.

Une tirade au sortir de laquelle Sabri espère que son compagnon de veines et de déveines, franchement retrouvé, cessera de s’autoflageller et se rabaisser. Même s’il est bien conscient qu’il faudra beaucoup plus que des mots délivrés du fond de ses tripes, pour le persuader du bien fondé de leur portée. Au mieux, cela peut faire office de déclic sonnant le prélude d’un travail de longue haleine sur soi. Les iris fangeuses du forçat pétillent et un massif sourire bourgeonne sur ses charnus, quand vient le temps de ponctuer son propos. Un essaim de papillons virevoltent dans les contrées de son ventre. Plus vraiment certain que ces dernières phrases entrent dans le cadre du sujet abordé. Pas non plus rassuré à l’idée d’avoir sous-entendu quelque chose de tout sauf anodin et innocent. Comme un aveu intercalé dans la conversation. Sans être vraiment sûr de vouloir qu’il passe inaperçu. Nul besoin pour l’orthorexique d’avoir fait médecine, pour diagnostiquer chez la boule de complexes se tenant devant lui, une dysmorphophobie flagrante et manifeste. Un mal que lui-même ne connaît que trop bien, pour y être aux prises depuis la fin de sa scolarité. Et qui à force de persistance, a fini par favoriser l’émergence de pathologies bien plus pernicieuses.

Sourd aux propos de son compère de naguère concernant sa stature, l’œuvre d’art encrée et montée sur pattes s’obstine à se soumettre au prisme de la comparaison. Œil jeté par dessus son deltoïde noueux et dégringolant en contrebas, le sportif compulsif lorgne en direction des dits mollets. Galbés, situés à mi-chemin entre le cycliste et le footballeur. Attention reportée sur la plus flamboyante étoile habillant ses cieux, le benjamin de la petite smala se contente d’arborer une mine dubitative agrémenté d’un haussement mollasson de ses solides épaules. Histoire de modérer et relativiser la perception que son interlocuteur en a. N’en démordant pas, l’indo-pakistanais enserre le bras de l’article tout en continuant d’en faire le détail. Prunelles momentanément alunies sur les doigts bagués, le titan d’orient replonge dans les étangs de miel de son tendre ami. Fléchissant et bandant son biceps, afin que le muscle se contracte et se durcisse sous les phalanges s’y prélassant.

Des étincelles mutines crépitent au fond de ses amandes boueuses. Amusé d’empourprer – bien malgré lui – les pommettes de son cadet de six jours ; les lippes du Calife des bas-fonds s’animent en un rictus badin. Rictus auquel s’ajoute une métamorphose des sourcils en accents circonflexes, sitôt que le tatoué insinue malencontreusement que la nature s’est montrée très généreuse dans l’octroi de ses attributs virils. Une bénigne bévue que le clopeur s’empresse de corriger. Mais le remède se révèle pire que le mal. Arborant une moue paillarde, "le monstre" incline la tête de manière polissonne. La bouille plus rougeoyante qu’un homard plongé dans son faitout, le digne descendant d’Apollon parvient à verbaliser le fond de sa pensée avec un terme exempt de connotation grivoise. Lapsus révélateur ? Aveu accidentellement formulé ? Et si ... et si lui aussi ressentait la même chose ? Et si elle était contre toute attente partagée ? Cette toquade troublant le péricarde. Les phalanges ratissent la chevelure d’ébène – rendue poisseuse par la transpiration – et un rire allègre germe au fond de sa gorge.

"J’savais bien que t’avais pas les yeux dans ta poche, quand on était dans les vestiaires avant et après les cours d’EPS … ! Non sérieux, être baraqué n’est qu’une conception de l’homme parmi tant d’autres. Ok, c’est peut-être le canon de beauté du moment, mais personne ne peut faire l’unanimité. Pas même les montagnes et les armoires à glace. Il faut de tout pour faire un monde. Pfff, n’importe quoi ! Tu s’rais plus rassuré si j’étais là pendant la saison des cyclones ?", déclare-t-il, en soufflant le chaud et le froid, entre la galéjade et le sérieux. Les orbes d’hématie taquins, ornés de reflets lubriques et frétillants. Avant de recouvrer le chemin de la raison et de la solennité. Pour finalement se colorer à nouveau aux tons de la facétie. Petit clin d’œil malicieux et sourire du même effet, pour ponctuer l’interrogation frivole. Le rouge délaissant les joues de son vis-à-vis, pour mieux établir ses quartiers sur les siennes.

L’exquise et affriolante (re)découverte - tant visuelle que tactile - des plastiques charpentées par le poids des années assassines arrive à son épilogue. Laissant un détonnant goût mêlant familiarité et parfum d’inédit. Les fiévreuses bouffées d’exaltation émoustillant les sens se dissipent, sitôt que la promiscuité s’amoindrit et que la discussion bifurque sur un sujet, somme toute davantage conventionnel et formel. Convaincu que la façon dont il occupe et gagne sa vie ne présente pas une once d’intérêt, c’est donc le plus naturellement du monde que le prolétaire râblé met l’emphase sur ce à quoi son confident d’autrefois dédie ses journées. Sans surprise, et comme il le pressentait, l’aîné de la tribu Brown évolue au sein de la sphère de la santé et du médical. Comme il l’a – aussi loin qu’il puisse s’en souvenir – toujours souhaité. Une ambition en passe d’être exaucée. Même si les circonstances l’ont amené à quelque peu revoir son plan de carrière. Les raisons du pourquoi du comment portées à sa connaissance, Sabri voit ses pulpeuses se résumer à un fin filet. Un élancement aigu étrille son myocarde chagriné. Quelques longues secondes lui sont nécessaires, avant qu’il ne rebondisse sur les propos du neurochirurgien en devenir.

"O-oui, j’ai appris cela. Je me suis permis d’faire parvenir une composition pour les obsèques. Je … j’ai bien voulu vous contacter ou vous rendre visite mais … j’ai pensé que vous désireriez plus que jamais être entre vous. Excuse-moi … j’aurais aimé pouvoir faire tellement plus et être là pour toi. Comme se doit de l’être un ami dans ces moments là. J’te demande pardon … pardon d’être en dessous de la suffisance.", ânonne-t-il piteusement, les pupilles se prenant d’affection pour la pointe de ses baskets. Bien trop pleutre pour pouvoir soutenir le regard enténébré de son héros. Le pouce et l’index de la dextre triturant nerveusement l’un des diams épinglé au lobe de son oreille.  

Une bien triste nouvelle survenue voilà près de trois ans, et dont le byzantin dans la ville a eu vent par l’entremise d’un père, qui ne passe pas une journée sans éplucher la rubrique nécrologique du journal. Peine et tristesse ont rapidement pris le pas sur la stupeur et la stupéfaction. Comme si une tante, voire une seconde mère, s’en était allée. L’Hercule austral garde en effet le souvenir d’une femme douce, avenante et infiniment tendre. Une véritable mama qui leur concoctait de succulents goûters, quand ils rentraient de l’école et faisaient leurs devoirs sur la table de la cuisine. L’archétype de la maman poule. Elle qui horrifiait par sa constitution de gamin malingre, ne pensait qu’à le remplumer en n’ayant de cesse de le resservir lors du dîner, toutes les fois où ‘Umi consentait à ce que sa huitième merveille du monde reste dormir chez les Brown. Bien loin d’être un ingrat oubliant ceux et celles lui ayant témoigné de la bienveillance ; l’alcide du levant n’a pas hésité une seule seconde. Offrir une gerbe florale était l’évidence même. Une manière modique et discrète de signifier, qu’il était malgré tout présent dans la douleur et l’épreuve.

Geste que l’auteur juge négligeable et tout juste digne d’une mention "peu mieux faire". Certain d’avoir failli, l’astrophysicien contrarié ne peut que faire acte de contrition, et se fouailler pour avoir manqué d’initiative – et d’audace, aussi. L’apitoiement n’est cependant que de courte durée, puisque Eno lui ravit le martinet de la dévalorisation pour en abattre les lamelles sur sa propre carne. Comme s’il ne pouvait souffrir de voir son acolyte de jeunesse s’y adonner. Son capital patience sévèrement entamé, et las d’assister à une nouvelle autocritique virulente de la part du maestro du bistouri ; le natif de Décembre à la carrure de cyborg décide de frapper un grand coup, en laissant à son intériorité le luxe de s’exprimer. Allégation à laquelle se joignent la proximité des corps et la palpation du cœur. Quelques mots qui semblent cette fois-ci faire mouche, puisque les oblongues chocolatées s’embrument derrière l’écran de fumée séparant les visages cuivrés.  

"Tu m’as manqué aussi, "p’tit mec".", confesse-t-il en retour, dans un murmure étranglé. A l’instar d’un écho qui s’estompe et trépasse au loin. Les yeux sertis sur les diamants noirs imbibés de l’éphèbe au ravissant métissage. L’index de la main lutinant dans une touche d’espièglerie la pointe de son nez. A l’instar de jeunes chiots goguenards s’ébrouant. Un sourire fringant retrouvant le chemin des labres tressaillantes. Tandis qu’un ange passe, et d’un coup d’ailes efface les angoisses.

Les yeux mouillés et imbriqués communient, dans une osmose qui reconquiert petit à petit ses repères. Jusqu’à ce que le métronome cardiaque du runner s’affole de plus belle, sitôt que la paume de l’homme-enfant se referme et empoigne son muscle pectoral. Le téton s’érige et se raidit sous les lambines rotations, décrits par le pouce du bellâtre à la barbe naissante. L’atmosphère se fait soudain considérablement plus lourde. Presque oppressante et suffocante. Chargée d’électricité et saturée d’humidité. Comme le prélude d’un orage qu’ils seraient les seuls à pouvoir pressentir. La respiration du gaillard moite se fait davantage ronronnante. Les expirations s’appesantissent et deviennent plus sourdes. Tutoyant les soupirs de pur plaisir et les râles extatiques. Tel un bouquet de feuilles automnales virevoltant dans l’éther, les phalanges de son conscrit dégringolent lentement le long des pleins et des déliés de son buste échaudé. Indolentes, elles sinuent et s’attardent brièvement sur les reliefs de sa ceinture abdominale, avant de descendre plus bas. Inexorablement plus bas.

Fébrile, une nuée de délectables picotements improvisent un récital dans le bas-ventre de l’hoir masculin du clan Kaçmaz. L’entrejambe attisé et quittant sa léthargie, dès lors que l’élastique du short se fait harponner. Semblables à un tandem de missiles à têtes chercheuses, les pupilles dilatées du soutier suivent le doux manège opéré par les doigts habiles du membre de l’armada des blouses blanches. Piqué par les éperons du stupre, les incisives ivoirines clouent au pilori sa virgule labiale inférieure. Le palpitant déboussolé donne un frénétique numéro de claquettes, sur les planches de sa cage-thoracique. Une nappe de sueur point à nouveau sur les cimes de son front tanné. Alors que l’esprit en perdition martèle inlassablement une litanie de suppliques dissolues, dans l’espoir que la situation s’emballe. Déraille. S’embrase. Qu’il ose l’attirer là, tout contre lui. Ou qu’il se treuille afin de venir se lover dans ses robustes abattis. La raison rafle finalement les lauriers de la victoire, au nez et à la barbe de la folie.

Groggy et aussi étourdi qu’au sortir d’un tour de grand huit, la marina semble comme emmitouflée dans la brume tant l’acuité visuelle du moyen-oriental vacille. Parasitées par un grésillement – ressemblant à s’y méprendre aux interférences sur une ligne téléphonique – ses oreilles tardent à retrouver la pleine possession de leurs facultés auditives. Au point que Sabri doute d’avoir parfaitement compris les propos du doctorant. Cette émotion troublante … serait-elle en définitive une illusion ? Un mirage. Un feu de paille. Un prétexte invoqué pour expliquer cette faillite de fluidité dans leurs rapports. Un alibi permettant de légitimer cet engoncement dans la camisole de la gêne, et pouvant laisser présager à une résurgence des automatismes de la spontanéité avec le temps. Infime lueur d’espoir encore à même de contrecarrer la plus insoutenable des éventualités, sur fond de "loin des yeux, loin du cœur". La cruel victoire de l’absence sur cette connivence dépassant l’entendement, qui jadis les unissait. Hypothèse à demi-mot sous-tendue par le golden boy de la médecine. Lui qui s’aventure à inciser le myocarde, pour lui offrir l’opportunité de verbaliser ce qui s’y trame. Un élan de sincérité qui bouleverse le fleuriste, slash livreur, slash manutentionnaire, jusqu’aux confins de son être. Réalisant qu’il se doit à présent de lui rendre la pareille. De lui servir la vérité. Sans détour et sans atour. Jouer cartes sur table. Ne pas se cacher derrière une armure de faux-semblants et de faux-fuyants. Oui … il lui doit bien cela. A cet ami pour qui il n’a jamais eu de secret. Et pour lequel il n’entend pas commencer à en avoir.

"N-non, je n’en ai pas souvenir. Cette gêne dont tu parles, j’la partage aussi et … pour tout te dire, j’ai peur également. Peur parce que je ressens … quelque chose que l’on m’a toujours présenté comme étant mal et interdit. On vient à peine de se retrouver, et ce n’est pas peu dire que notre complicité a été sacrément fragilisée. J’veux pas tout faire foirer en ayant envie de "plus"", mais en même temps … j’m’en voudrais de passer à côté de quelque chose qui vaut la peine d’être vécu, avec une personne qui le vaille tout autant.", bafouille-t-il a grand-peine, d’une voix fluette et criante de ressemblance, avec celle du gosse maigrelet qu’il était. Les membres antérieurs aussi consistants que de la mélasse, et tremblant comme un parkinsonien en proie à une crise. Gorge plus aride que le Désert du Thar. Les paumes ruisselantes. Au même titre que les aisselles, accusant une repousse du poil de deux semaines au compteur.

Une pause. Pour calmer les sauts de cabri du démon parqué dans l’enclos de sa poitrine. Juste encore un peu de temps. Pour que la pomme-d’Adam sautille sous l’œuvre d’une déglutition inefficiente. Le temps de chérir ce qui existe et brûle encore. Juste pour se souvenir, au cas où. Bien conscient qu’il n’a jamais été aussi proche de perdre définitivement, cet homme qui lui (re)donne désormais une excellente raison de se lever le matin, de voir la vie du bon côté et de mordre à dents pleines dans sa pulpe. Conscient qu’il se pourrait bien que la fin du voyage sonne incessamment sous peu. Conscient qu’il est fort probable qu’il ne lui reste bientôt plus que ses yeux de crin pour pleurer. Des yeux noyés sous des sanglots mollement endigués. Et qui cueillent l’azur des cieux, au terme d’un amorphe basculement de la tête en arrière. Comme pour y puiser un sursaut de courage, afin que l’artisan parachève la mise à nu du rubis battant en son sein. Aveuglé par la gloire du soleil de midi, quelques larmes perlent au coin de ses mirettes calcinées. Chef rabaissé, ses larges pattes frottent énergiquement sa trogne d’ours mal léché. Nez et bouche pris en étau par des mains jointes en prière, le subalterne à perpétuité abreuve ses poumons d’une profonde inspiration chevrotante. Paupières closes, pour tâcher de convoquer l’apaisement. Poursuivre. Tout dire. D’une traite, comme un pansement que l’on arracherait d’un coup sec. Même si la panique hurle et gronde. Continuer. Et tant pis, s’il court à sa perte tel un dératé se ruant les yeux bandés vers un précipice.

"J’ai peur de perdre à jamais mon ami si … si j’lui avoue que j’ai envie de sentir sa peau se presser tout contre la mienne. De voir son corps frémir sous mes mains. De m’enivrer de son parfum. De … de savourer avec lui des bonheurs que l’on ne vit qu’à deux.", admet-il le timbre s’affaissant et s’affaiblissant decrescendo. Un soupir lourd, comme les complaintes longues des violons, décoché par ses arcs-de-cercle charnus. Soulagé d’avoir extériorisé ces émotions recluses dans les méandres de sa subjectivité, et plus avides de s’échapper qu’une harde de félidés encagés. Même si les spectres de la frayeur et de l’effroi, prennent rapidement le pas sur la délivrance.

Tremblante, la dextre atterrit prudemment sur l’étoffe en jeans de la chemise, habillant l’avant-bras du jouvenceau à l’opaque crinière de lionceau. Nécrosée par la crainte, elle trouve cependant l’audace d’entreprendre une flemmarde ascension. Encerclant et vadrouillant sur les hauteurs d’un biceps timidement renflé. Pour mieux s’accorder par la suite une oisive escale, sur les abords d’un trapèze noué et l’extrémité d’une clavicule peinturlurée à demi-dévêtue. Où se dessinent des rêves défendus. La pulpe des doigts gourds flâne sur le réseau de lignes, d’une espèce de mandala ornant le fin derme hâlé de son cou. Une cajolerie qui dure et perdure. Comme si l’auteur se retrouvait hypnotisé et envoûté par la sublime complexité du motif. Rompant le charme, la paume lèche l’ovale crayonné par une mâchoire et une mandibule un tantinet saillantes. Sacs et ressacs alanguis prolifèrent sur les abords de sa joue caramel.

Cortège de frissons grouillent et pullulent sur l’épicarpe mouillé, au divin contact d’une barbe balbutiante chatouillant les lignes de la main. Tandis que le pouce esquisse hésitant les pourtours d’une bouche fumante. Cossarde promenade qui se conclue par une molle prise en tenaille d’une lèvre inférieure humectée. Envers et contre toute attente, le rejet tant redouté ne survient pas. Aucun mouvement de recul. Pas même une illusion de geste défensif. Alors l’empan libre s’aventure à se faufiler sous son T-shirt. Laissant aux cuticules coupés à ras, la possibilité de tracer des huit lents, enlacés à des boucles de l’infini, autour de son nombril. Là où court verticalement un fin liseré duveteux. Gorge lacée et lippes délacées. Pommettes rougies goûtant le sel lacrymal. Soldat vaincu. Fauve aux abois. Prêt à recevoir le coup de surin et l’hallali du chasseur.                                                                                                                                                    
BY CΔLΙGULΔ ☾
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(#) Re: un dernier songe (Sabri)    Dim 20 Juin - 14:35
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sous la lampe un dernier songe / (@Sabri Kaçmaz)
▲▲▲ situation : PORT OF NEW ORLEANS

peut-être que ce décalage a du bon, finalement. peut-être que c'est ce qui fait ton charme, ce qui définit ta personnalité et l'homme que tu es aujourd'hui. après tout, ce n'est pas anormal d'être coincé entre deux feux. tu connais des tas de gens qui vivent la même situation que toi - tout du moins, tu essaies de t'en convaincre de temps en temps. voir des gens atteints psychologiquement au quotidien t'aide sans doute à relativiser. c'est pour ça que t'aimes ton job, égoïstement. parce qu'en traitant les dossiers de tes patients, t'as l'sentiment de frôler une normalité que tu aurais définie par la force des choses.
c'est malheureux, aussi, quelque part. de savoir que tu te satisfait des handicaps des autres pour justifier les tiens. comme s'il fallait absolument que tu trouves pire que toi pour ne pas avoir à sombrer un peu plus dans les abysses de tes propres tourments. tu refuses de croire que tu n'es pas normal parce que ça impliquerait, quelque part, que t'aies besoin, toi aussi, de consulter. de t'assoir sur un divan inconfortable et de parler de ta vie.
mais parler de quoi ? de tes parents pratiquants ? d'une foi ancrée dans ta famille depuis des générations qui te pousse à penser que les regards que tu portes parfois sur la gent masculine ne sont pas tolérés ou normaux ? ou alors juste l'absence régulière de ta soeur ces dernières années ? cette autre partie de toi qui a quitté NOLA sans même te laisser voix au chapitre ? parler de quoi ? de tes expériences inexistantes ? du fait que tu n'aies jamais embrassé qui que ce soit ou même toucher un autre corps que le tien ? de ce sentiment de culpabilité que tu ressens à chaque fois que tu sens ton sexe s'ériger face aux hommes à moitié nu que tu croises dans les vestiaires de l'hôpital ? plutôt crever que d'admettre tout ça. au fond, c'est pas l'problème d'un psychologue mais bien de ta famille, non ?
- qu’est-ce qui te dit que ce ne sont pas eux qui sont en décalage par rapport à toi ? franchement, qui peut prétendre définir ce qui est normal et ce qui ne l’est pas ? y a pas une vérité avec un grand "V", qui prévaut et à laquelle il faut à tout prix se plier. j’pense que l’on en trouve autant de déclinaisons qu’il existe de personnes. la tienne t’appartient et n’est pas moins juste que celle d’untel ou unetelle. personne ne devrait la blâmer, la descendre en flamme, ou pire, t’inciter à en adopter une qui ne te correspond pas du tout. ah ouais ? j’espère ne pas être le dernier à le penser, mais en même temps … cela ne me déplairait pas complètement d’être le seul. tu souris, malgré toi. ses propos te rassurent, te réconfortent. il y a dans ses mots une sincérité presque touchante qui te donne le sentiment qu'il pourrait bien te dire la vérité, pour une fois. cette normalité à laquelle tu aspires, n'est-elle pas justement faussée par ton regard biaisé ? après tout, tu accordes une importance capitale à des détails qui pourraient être, somme toute, négligés et négligeables en y réfléchissant bien.
alors tu t'laisses apprivoiser, par ce qu'il te dit. comme si ça pouvait suffire à taire cette voix à la con qui n'cesse de te répéter que t'es pas à la hauteur des autres. en retard, en retrait. comme si on t'retenait sur une autre rive alors que tous, depuis longtemps, sont partis à l'aventure au-delà des rivages d'une enfance mordorée dans laquelle tu sembles t'enfoncer.
et puis, vient les compliments sur le physique.
et malgré toi, les gestes qui l'accompagnent. tes mains qui se glissent sur ce corps sans même que tu ne t'en rendes compte. cette proximité qui ferait presque drainer tout ton sang dans une extrémité physique que tu n'maîtrises pas vraiment et qui pourrait, à sa simple évocation, t'donner l'sentiment d'être coupable d'une attirance que tu ne contrôles pas. lui, cet homme baraqué, aux épaules larges, aux mollets puissants et aux biceps taillés dans la roche. biceps qu'il bande quand tu passes tes doigts dessus. une simple pression qui te rend plus mal à l'aise encore. comme si la puissance des muscles de Sabri pouvait te ramener à une position d'enfant fragile, vulnérable. il est bâti comme un monstre, une phrase que tu laisses s'échapper sans même la contrôler et qui te tire un rougissement bien mérité. lapsus révélateur, bien sûr. tu peux pas nier que le ronflement sous le short serré n'attire pas tes yeux, là encore. pourtant, tu n'y fais pas allusion, jusque là. et tu dois bien admettre que l'imaginer sans ses habits ne fait qu'empirer la situation. bien malheureux que tu es, à imaginer cet éphèbe complètement nu.. les muscles bandés. non Eno, surtout pas, mais c'est déjà trop tard, n'est-ce pas ?
et cette culpabilité qui t'arrache une érection.
fais chier.
- j’savais bien que t’avais pas les yeux dans ta poche, quand on était dans les vestiaires avant et après les cours d’EPS … ! non sérieux, être baraqué n’est qu’une conception de l’homme parmi tant d’autres. ok, c’est peut-être le canon de beauté du moment, mais personne ne peut faire l’unanimité. Pas même les montagnes et les armoires à glace. il faut de tout pour faire un monde. pfff, n’importe quoi ! tu s’rais plus rassuré si j’étais là pendant la saison des cyclones ? tu rigoles, comme tu peux. pour calmer ce qu'il se passe dans ta tête ou simplement pour ne pas avoir à te justifier d'avoir soudainement envie d'être déjà en pleine saison des cyclones.
- je s'rai plus rassuré si tu ne partais plus, à vrai dire. tu lui réponds avec une franchise qui te dépasse largement. rougissant à nouveau, comme un con, tu t'empresses de rectifier le tir comme tu peux 'fin, j'veux dire.. tu bredouilles, tu t'sens bête. non pas que j'sois pas rassuré en temps normal, t'vois.. mais j'suis.. merde, tu t'enfonces, comme un gosse. parce qu'il a une emprise sur toi que tu n'contrôles pas. quelque chose qui te dépasse, à commencer par ces putains d'veines qui se dessinent sur ses avants-bras que tu crèves d'envie de parcourir du bout de la langue. non Eno, non ! j'suis content d'te voir. tu dis, simplement, pour clôturer ce sujet un peu brûlant. heureusement pour toi, Sabri change le court de la conversation.
sans doute pour le pire.
parler du décès de ta mère est toujours aussi difficile, malgré le temps, malgré le deuil. t'as fait d'ton mieux pour te relever après toutes ces années. l'absence et le départ de Jessie n'ont jamais vraiment aidé. tu lui en veux toujours, par ailleurs, mais tu fais d'ton mieux pour avancer. t'aurais voulu pouvoir faire plus, quelque part, que te lancer dans la médecine pour venger le décès prématuré d'ta mère.
t'aurais voulu la sauver, bien sûr.
mais à l'époque, t'étais même pas en capacité de comprendre réellement ce qu'elle avait. aujourd'hui, tu voyais les choses sous un angle différent. ça ne te réconfortait pas pour autant, à dire vrai. t'avais appris avec tes études que même si t'étais un expert, t'aurais jamais pu la secourir. décès, ça t'fait mal, crève-coeur terrible. elle était condamnée. personne n'aurait pu y changer quoi que ce soit. pas même toi.
- o-oui, j’ai appris cela. je me suis permis d’faire parvenir une composition pour les obsèques. je … j’ai bien voulu vous contacter ou vous rendre visite mais … j’ai pensé que vous désireriez plus que jamais être entre vous. excuse-moi … j’aurais aimé pouvoir faire tellement plus et être là pour toi. comme se doit de l’être un ami dans ces moments là. j’te demande pardon … pardon d’être en dessous de la suffisance. t'avais vu la composition, le jour de l'enterrement. ça t'avait fait un pincement au coeur d'savoir qu'il n'avait pas eu l'courage de venir. t'aurais eu besoin de lui, tu dois bien l'admettre. mais t'as jamais voulu l'appeler. pas après tout ça. t'avais l'sentiment que vos routes s'étaient séparées et qu'il en était sans doute mieux ainsi. alors tu t'étais contenté d'accepter cette composition et de l'apprécier plutôt que de revenir vers lui.
- j'aurai dû t'appeler pour te remercier. tu lui réponds en baissant légèrement les yeux. j'suis désolé, c'est ma faute.. j'aurais dû t'laisser comprendre que ça m'avait fait plaisir et que t'étais toujours le bienvenue. au fond, c'était toi qui étais parti le premier, n'est-ce pas ?
quel con ! tu t'invectives silencieusement.
au fond, t'es ravi de le revoir. ça t'fait du bien. et sans savoir pourquoi, tu te laisses aller à le lui faire remarquer.
- tu m’as manqué aussi, "p’tit mec". ta main sur son pec, ce contact affriolant qui fait rugir ton myocarde alors qu'il emploie un nickname que t'avais plus entendu depuis des lustres et qui te ramène à vos combats d'gosses. un sourire qui s'épanche sur ses lèvres, puis sur les tiennes. comme le reflet exact de ce que vous avez toujours ressenti l'un pour l'autre. l'éclat brillant qui scintille au fond de ses iris, le monstre touché et abattu par cette sincérité troublante. alors que ta main glisse le long de son ventre, de ses abdos. que tes doigts s'arrêtent sur l'élastique de son short avant de revenir tomber le long de tes hanches. et cette gêne qui s'empare de toi, se noie dans un désir qui ne cesse de te torturer depuis le début de vos retrouvailles.
- n-non, je n’en ai pas souvenir. cette gêne dont tu parles, j’la partage aussi et … pour tout te dire, j’ai peur également. peur parce que je ressens … quelque chose que l’on m’a toujours présenté comme étant mal et interdit. on vient à peine de se retrouver, et ce n’est pas peu dire que notre complicité a été sacrément fragilisée. j’veux pas tout faire foirer en ayant envie de "plus"", mais en même temps … j’m’en voudrais de passer à côté de quelque chose qui vaut la peine d’être vécu, avec une personne qui le vaille tout autant. qu'il te dit alors que tu te mures dans un silence obséquieux. sa main qui se pose sur ton avant-bras, grimpe jusqu'à ton épaule pour ensuite laisser à la pulpe de ses doigts le droit de venir dessiner les contours du tatouage que tu te devines dans le cou. et tes yeux qui bercent les siens, comme attachés à ce qu'ils représentent tous les deux.
opales ouvertes sur un monde inconnu, mais surtout interdit.
- j’ai peur de perdre à jamais mon ami si … si j’lui avoue que j’ai envie de sentir sa peau se presser tout contre la mienne. de voir son corps frémir sous mes mains. de m’enivrer de son parfum. de … de savourer avec lui des bonheurs que l’on ne vit qu’à deux. il ajoute alors que son doigt remonte le long de ta barbe, se cale sur tes lèvres. tu n'bouges pas, ne bronches pas. tu t'laisses submergé par tout ce que ça réveille en toi.
et quand son autre main soulève le bas de ton t-shirt pour se poser contre le derme de ton bas-ventre, t'as l'sentiment que quelque chose explose en toi. tes yeux attrapent cette main avant de remonter jusqu'à son regard. ta bouche s'entre-ouvre, comme pour accueillir le doigt qui s'y trouve. et ta langue. putain ta langue qui vient se poser sur la pulpe de son doigt, comme pour l'aspirer à l'intérieur même de ta bouche ouverte. tu fermes les yeux, humes le parfum de ce doigt salé que tu suces délicatement avant de te reconnecter à la réalité, comme brusqué dans un monde que tu ne maîtrises plus. rougissant, tu fais un pas en arrière.
sa main quitte ton ventre.
son doigt quitte ta bouche.
- je.. tu passes une main sur ton visage, pris entre deux feux. tu peux pas nier l'effet qu'il te fait. non, j'peux pas. pas avec l'érection à peine masquée qui gonfle sous ton jean. j'ai envie aussi.. tu peines à articuler. c'est la première fois que tu te positionnes, c'est vrai. mais avec lui, t'as le sentiment d'y avoir droit. comme si l'fait qu'il s'abandonne à ce désir coupable te donnait le droit de t'y abandonner aussi. tu avances alors d'un pas. mais.. j'ai jamais.. si près de lui, tu sens presque sa respiration qui s'écrase sur tes lèvres. ta main glisse le long de sa cuisse, remonte délicatement le tissu de son jean et s'arrête à l'élastique. je sais pas si je.. ton regard le supplie. dis moi ce que je dois faire, explique moi, que tu t'entends lui hurler alors que ton doigt glisse sous l'élastique, délicatement. qu'il glisse vers toi, viens frôler la légère toison qui se dessine sous le short, là, juste sous le nombril. et ta verge qui se tend, encore. alors que de ta main libre, tu soulèves le bas de son t-shirt et dessines du bout des doigts le contour de ses abdominaux. jamais jamais.. tu comprends ?! tu insistes.. comme si c'était important. mais avec toi, je me sens en sécurité. je sais pas pourquoi, on s'est pas vu depuis si longtemps. mais on était tellement pareil, toi et moi. alors.. j'ai l'impression que si tu oses.. moi aussi, j'ose. tu souffles entre tes lèvres étirées dans un léger sourire.
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(#) Re: un dernier songe (Sabri)    Lun 28 Juin - 15:53
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Un dernier songe
Les mecs montés comme des monstres et gaulés tel des barbares belliqueux, peuvent avoir le monde à leurs pieds en un sourire gingival, encore plus éclatant que le Koh-i Nor. Info ou intox ? Postulat et axiome irréfutables ? Ou vue de l’esprit et idée reçue galvaudées ? Bien qu’il n’ait pas la fatuité et la prétention de se considérer comme un malabar à la plastique, somme toute avantageuse ; s’il devait se baser sur son expérience personnelle, pour édifier un jugement et se forger un avis sur la question, le loqueteux de la basse extraction verrait plus cela comme un fantasme, un mythe et une légende très surfaite – pour ne pas dire erronée. Surfaite, erronée, et pourtant admise dans l’inconscient populaire, depuis que le monde est monde. Les sceptiques n’ont qu’à se pencher sur la conception de l’homme au sein des civilisations grecques, romaines ou égyptiennes de l’Antiquité, pour en être convaincus. L’indigent prêtant ses mains au service des élégantes montées sur tiges du règne floral en est persuadé ; ce cliché a du plomb dans l’aile, est éculé et usé jusqu’à la corde.

Si l’engouement soulevé par une personne équivaut à la splendeur de ses attraits physiques … alors, le champ des possibilités en ce qui le concerne, se réduit au nombre de deux. Soit son âme-frère de la première heure, vantant et louant aimablement la volupté de ses charmes, leur prête des qualités usurpées et des vertus dont ils ne disposent pas. Soit il fait figure d’exception qui confirme la règle, eu égard à son cercle d’amis se résumant à peau de chagrin, et son insignifiant tableau de chasse, relevant de l’anecdotique et prêtant plus au rire moqueur qu’au sifflement admiratif. Quant au préjugé décrétant que les dimensions de la charpente d’un individu porteur d’un chromosome Y, sont révélatrices et concomitantes avec celles de ses avantages péniens … le damoiseau à la huppe aveline laisse aux quelques âmes ayant eu le courage de parcourir un bout de chemin avec lui – et à celles qui, il l’espère, égayeront son futur – le soin d’en attester. Nonobstant, un simple regard impudique en direction de l’hémisphère sud de l’Apollon du Belvédère ou du David de Michel-Ange, suffit pour faire vaciller cette présomption.

Stature costaude est-il inéluctablement synonyme d’amant vigoureux et de bon coup ? Toujours au regard de son vécu, le préposé aux basses œuvres doute grandement de la véracité et l’exactitude de cet à priori. Egoïste obnubilé par son seul plaisir et incapable d’en procurer, froid, frigide, pas très créatif, guère imaginatif et inventif, peu ardent et fougueux .... Petit recueil, non-exhaustif, des appréciations que lui adjugèrent une poignée d’épigones d’Aphrodite, quand sonna le glas de la rupture et vint le temps de lui cracher au visage ses quatre vérités. Fait avéré et irréfragable, ou venin frelaté vitupéré rageusement sous le coup de la hargne, de l’affliction et de l’amertume, afin de garder la face ? Mystère, dont seules les malheureuses éconduites détiennent les clefs. Fondées ou vaseuses, ces allégations, quant à la prétendue médiocrité de ses compétences et prouesses charnelles à la verticale – ou non – ont quoi qu’il en soit fini, par conforter le besogneux dans l’idée qu’il compterait des carences dans ces domaines, ô combien cruciaux pour la pérennité d’une idylle. Et que les quelques amourettes, un tant soit peu sérieuses et suivies qu’il ait pu apprécier, ne doivent certainement pas leur longévité à sa vigueur dans l’intimité.

De quoi tordre encore un peu plus le cou aux opinions préconçues. Mais qu’importe. Qu’importe les poncifs admis dans l’imaginaire collectif, et la glose qui s’y rattache. L’homme qu’est prématurément devenu l’enfant du Bosphore, semble de toute évidence être au goût de cet autre si familier, et qu’il n’a eu de cesse de considérer comme un prolongement de lui-même – ou un reflet enjolivé de ce qu’il est, selon les jours et son humeur. En témoigne les subtiles teintes grenadines, qui envahissent les divines provinces bistrées de sa frimousse. Ainsi que le plaisir qu’il retire à laisser crapuleusement vagabonder ses doigts, pour mieux découvrir et se délecter des proéminences s’érigeant sur les alentours des son abattis. Plaisir que l’impécunieux manouvrier stimule et exacerbe – plus ou moins – sciemment, en bandant un biceps moite, luisant et criblé d’un lacis de veines saillantes. Lui qui au détour d’une boutade gouailleuse, confesse à demi-mot nourrir l’espoir d’être son roc quand la tempête se déchaîne. Son bunker lorsque les nuages d’orage foncent et grondent. Son ancre résistant aux fureurs de la houle et des courants.

Un sourire béat, lui prêtant un air niais et ahuri, s’établit sur ses lèvres face au souhait émis par le dandy british aux fragrances exotiques. Qu’il reste. A jamais. Qu’il ne parte et ne le quitte plus. Rester. Être là. Pas seulement pour affronter les épreuves, les malheurs et les peines. Mais aussi pour cueillir et se régaler des bonheurs. S’abreuver et s’enivrer des joies. Se shooter et se défoncer, à grands coups de barrettes de plaisir. Pur et dénué d’altération. Tel est le programme des édéniques réjouissances, ici sous tendu en filigrane par le super-héros des temps modernes, revêtant une blouse blanche en guise de cape. Bien qu’il s’empresse de se reprendre cahin-caha, afin de clarifier et préciser son propos. Perdant ses accents de ravi de la crèche, le sourire incrusté sur les lippes du gaillard demeure néanmoins. Le chef s’articule positivement d’un air bonhomme, invitant ainsi la boule d’hésitation à lui faire part du fond de sa pensée. Sobrement exprimée, à travers la joie de célébrer des retrouvailles sur la jetée.

"Tu dois sûrement t’en douter, mais sache et sois certain que c’est totalement réciproque.", lui garantit-il d’une voix plus affirmée et résolue qu’il ne l’aurait imaginé. L’étirement des commissures refusant catégoriquement de péricliter, et imposant un surcroît de travail à ses zygomatiques. Rétorque en miroir ponctuée par une prompte ondulation des sourcils. Une marque de complicité et d’affection, qui se pare de quelques nuances aguicheuses et cajoleuses.

Un petit jeu du chat et de la souris – perdant amplement en innocence, à mesure que les minutes s’effilochent – qui se voit interrompu, par l’hommage portée à la mémoire d’un être cher, parti bien trop tôt retrouver la pléthore d’anges, chérubins et autres séraphins, peuplant l’immensité de l’empyrée. Ces entités ailées, auréolées et toutes de blanc vêtues, qui peuvent enfin profiter du retour au bercail de leur semblable. Car Sabri n’en démord pas ; Madame Brown n’appartenait pas au monde des Hommes, tant elle irradiait de bonté, de gentillesse et de douceur. Une belle âme comme on n’en voit – et n’en fait – plus. Bien trop bonne pour que ce monde pourri la mérite. Une de ces âmes qui sont cruellement – et injustement – toujours les premières à partir. Même si cela fait cliché de le dire. Drame qui aurait pu rassembler ces deux garçons perdus, et favoriser leur réunion. Les rapprocher et les souder d’une manière incommensurable. Au lieu de cela, ce décès inopportun n’a fait que les séparer et les éloigner davantage. Lien désuni. Disloqué. Désagrégé. Comme le coup de grâce asséné à une connivence, elle aussi portée au tombeau. Une perte symbolique, dont les protagonistes se partagent respectivement les torts.

"Non, t’y es franchement pour rien, j’t’assure. Dans ces moments là … on se sent comme vidé et hors du monde. C’est normal d’oublier ou de passer à côté de certaines choses, quand on essaye avant tout de reprendre le dessus sur le chagrin. Eh puis, ton père nous a envoyé une carte de remerciement, au nom de toute votre famille donc … dans un sens, tu m’as déjà remercié.", le rassure-t-il, en tâchant de faire preuve d’une tendresse qu’il peine à manifester. Et qui lui confère des allures d’éléphant dans un magasin de porcelaine. Les mains harpant l’étoffe du short, et les quatre-vingt kilos se répartissant nerveusement d’une jambe à l’autre.

Rétrospective sur une page noircie à l’encre du spleen et du vague à l’âme, que l’orphelin de mère tourne en soufflant un surprenant élan de sincérité, de franchise et de candeur. Aussi doucereux que le sirocco léchant les dunes du Sahara. Ne gardant pas le souvenir d’une personne très expansive et disert quant à ses états d’âme, le tas de muscles ambulant se retrouve soudain pris de court et totalement désarçonné, par la touchante et désarmante débauche de spontanéité déployée par l’homme-enfant. Il n’en fallait pas moins pour que les remparts gardant sa forteresse intérieure s’écroulent. La façade s’effondre. Les défenses s’émoussent et s’affaissent. Défait et vaincu, Aladin se rend. Sans son emblématique cuirasse, qui le protège de la souffrance autant qu’elle l’isole du plaisir. Le barrage cède et noie le tatoué sous des déferlantes d’aveux. Mais … qui mieux que lui – l’ami de toujours et le principal intéressé – pour recueillir ses peurs et ses craintes irraisonnées ? Pour avoir la primeur d’un coming out feutré et voilé. Et réceptionner tout ce qui brûle ici. Ces sentiments à son encontre supplantant l’amitié.

Confessions balbutiées. Déclaration d’un amour, dont il n’ose dire le nom, bredouillée. Entrecoupées de caresses languissantes sur un derme ambré en fusion. Et un délicat minois à l’ovale tenant en respect la perfection. L’esquisse tentatrice d’une bouche qui l’appelle impérieusement. Indignation ? Acerbité ? Répulsion ? Les armes à la disposition du chirurgien de demain ne manquent pas. Il n’a de facto que l’embarras du choix pour occire sur le vif, ce mécréant tanguant sur le fil de la décadence. Plutôt que l’aisée fustigation ; l’exquis métis préfère suivre cet acolyte, l’ayant fidèlement accompagné tout au long de ce tortueux parcours du combattant, que fut leur scolarité. S’égarer lui aussi dans la fosse de l’avilissement. Cils tressés, ses labres s’entrouvrent et aspirent le pinceau digital courant sur le seuil de son antre buccale. Les joues creusées corsètent la phalange capturée. Alors que la serpentine s’enroule et s’entortille autour de la proie fuselée.

Hébété, le méridional ânonne un chapelet de sonorités inintelligibles. Les bajoues virent au vermillon, et le diablotin myocardique s’adonne à un festival de farces. La douleur pulsant dans les veines. Paresseux et indolent, l’index prisonnier tourne et suit le délicieux supplice, auquel le soumet l’appendice s’improvisant tortionnaire. L’écroué décrit de cossards va-et-vient au sein de sa geôle humide. Manège grivois qui dresse et rigidifie le vit de l’impénitent. Quittant sa torpeur, la paume alanguie sur le bas-ventre de l’assermenté, bifurque pour aller crapahuter dans le creux de ses reins. Finaud, l’empan dévale la cambrure avivée et s’inhume dans la poche arrière d’un denim un tantinet lâche. Paillarde, la dextre empoigne en propriétaire le muscle fessier. Flatté, malaxé et licencieusement pétri. Jusqu’à ce qu’Eno accuse une leste reculade. Rendant par la même occasion sa liberté au songe-creux lui faisant face. Frappé à retardement par ce qui vient de se jouer, ce dernier se fend d’une hâtive dérobade en arrière. Equilibre, sur des jambes ankylosées et flagellantes, rattrapé in extremis.  

"E-excuse-moi, je … j’sais pas ce qui m’a pris. J’n’aurais pas dû … c’était déplacé et … ‘fin, j’te demande pardon.", bégaye-t-il le timbre étranglé et mortifié. Les mains tremblotantes empoignant la tignasse trempée. Prunelles de suie effarées, écarquillées et menaçant de sortir des orbites. Les feux de la honte carbonisant les joues blêmes. L’haleine courte et irrégulière. Le chef remuant mollement de manière négative. Encore atterré par ce qui vient de se produire.

Paniqué, le regard asphyxié par les larmes fuse de tous côtés. Un abrupt retour à la réalité, au terme duquel Sabri ressort plus déboussolé qu’un crash d’avion – bien qu’il n’ait pas la moindre idée, de ce à quoi cela ressemble. Tel deux papillons pris dans un abat-jour, ses yeux affolés n’ont de cesse de balayer et se heurter aux environs, lorsqu’il réalise – enfin - où il se trouve. Les quais. Le port. La jetée. Un endroit où ‘Abi est connu comme le loup blanc. Dockers, marins d’eau douce et pêcheurs en haute mer. Tous connaissent – et apprécient à un degré disparate – l’inflexible patriarche. Par chance, aucune âme ne semble arpenter les lieux en cette heure méridienne. Personne. Personne pour ébruiter et éventer ce secret, qu’il s’ingénie à garder depuis près de trois ans. Personne. Personne pour révéler à un père aussi craint qu’admiré, ses vilains petits penchants pour la mâle engeance.

Des excuses. Voilà bien tout ce que le damné à offrir au diamant d’innocence, pour avoir eu l’audace outrancière de l’entacher de son vice. Des excuses mâchonnées. Médiocres et qui sonnent faux. S’excuser. D’avoir effleurer le rêve de pulvériser ses rotules au sol, pour l’accueillir à pleine bouche. D’avoir tutoyer le songe de le prendre tel une place forte, et de mordre dans sa chair. D’avoir voulu se faire putain ou homme-objet, afin de le laisser disposer de sa charogne comme bon lui semble. Une offense qui, aux yeux du maestro de la neuro’ en puissance, n’a vraisemblablement pas lieu d’être. Un rien bouleversé, la moitié masculine des dizygotes concède penaud et troublé, partager et aspirer lui aussi à ces desseins prohibés. Avant de confier, tout en euphémisme et d’une voix maculée de quelques inflexions piteuses, n’avoir jamais croqué dans le fruit de la luxure. Une révélation qui enserre le cœur du paria, tel un nœud coulant accroché à la potence. Et qui achève de le convaincre, qu’il est tout sauf celui.

Assassinant la distance, l’indo-pakistanais vient se lover et se blottir tout contre le torse musculeux de son conscrit. Il admet être prêt. Pour ce grand saut de l’ange dans l’inconnu. Un plongeon que le fleuriste est tout bonnement pétrifié, à l’idée de réaliser. Les doigts habiles maniant avec dextérité le scalpel et le bistouri, renouent avec l’élastique du short en polyester. Un frisson enfiévré mord sa peau tannée, au contact des cuticules s’empêtrant dans les poils coiffant son pubis, et caressant la base de sa hampe hérissée. Dans un incertain jeu de miroir, le pouce du méditerranéen ondoie sur le bouton du jeans, habillant la déité trônant en majesté au sein de son panthéon. Les quatre autres phalanges flagornent la braguette et caracolent le long de son chibre gonflé par le stupre. Paupières closes, l’addict au sport appuie délicatement son front contre celui de son héros. Les pointes du nez se lutinent. La chaleur des corps se mélangent, les souffles s’enchevêtrent. Les lèvres se frôlent, sans se presser ni communier. Et les larmes qui roulent. Coulent et s’écoulent. Des sanglots qui ne sont guère contenus et maîtrisés bien longtemps. Inextinguibles ondées qui pleuvent bruyamment. Comme un gosse, à qui l’on aurait confisqué son hochet et qui chialerait à la mort.

"J-je … j’voudrais t’avoir pour la vie à mes côtés. M’endormir et me réveiller avec toi, chaque jour qu’Allah fait. M-mais … j’veux pas que tu aies des regrets en te levant un matin, et que tu t’interroges sur ce qu’aurait pu être ta vie, si tu avais fait d’autres rencontres ou réaliser d’autres choix. J’veux pas … j’veux pas … j’veux pas être celui qui te prive d’opportunités. Tu … tu mérites ce qu’il y a de meilleur, tatlım*. D’autant plus si tu n’as … jamais, jamais. Tu mérites quelqu’un de … de drôle, d’attentionné, de tendre, qui te fera te sentir spécial et unique. Quelqu’un qui ne te fera pas honte en présence de ta famille, de tes amis ou de tes collègues. Une personne qui aura une belle situation, de l’éducation, de la culture et un bagage intellectuel digne de ce nom. Quelqu’un de meilleur que je ne le serai jamais. Cela me tue, parce que j’te … y a pas de mot pour exprimer à quel point j’te veux.", parvient-il à admettre entre deux crises lacrymales. La respiration courte, effrénée et suffoquente. L’agitation portée au pinacle et frisant par moments l’hystérie.

Les pleurs s’assèchent, se tarissent. Larmes ravalées à grand-peine, la respiration s’apaise et se calme pianissimo. Le palpitant terrorisé recouvre une illusion de rythme de croisière. Nerfs domptés et matés, c’est la mort dans l’âme et le cœur atomisé, que Sabri se résout à faire le deuil d’un amour qu’il sait trop bien pour lui. Avec la force du désespoir, ses lippes se scellent à celles de son opium humain. Comme une introduction et une conclusion à cet éphémère "nous" avorté. Douloureuse géhenne, néanmoins indispensable pour espérer fouler le chemin de l’acceptation. Dernier et ultime affront impunément commis par le dévoyé aux yeux rougis. Ali Baba profanant la caverne aux merveilles. Le byzantin part à l’abordage de la fourchue de l’as de la trépanation. Tel des fleurets croisant le fer, les langues joutent et s’entrechoquent. Sonnant la fin des hostilités, les muscles de la parole valsent et tournoient en un lent ballet synchronisé.

Une paume trémulante escalade le buste à la musculature sèche, de l’homme friand de modifications corporelles à l’encre de Chine, et pose ses bagages sur une nuque hâlée. Quand dans le même temps, l’asymétrique jumelle saisit le col de son t-shirt, comme un naufragé se cramponnant à une bouée. Reclus dans leurs bastions de tissu, les ithyphalles levés se frottent et s’astiquent langoureusement l’un contre l’autre. Désireux d’abreuver à nouveau ses poumons d’air, les incisives de l’instigateur mordillent la babine inférieure de son cadet de quelques jours seulement. Glissant en direction du menton, les pulpeuses de l’artisan ornent la mâchoire urticante du médecin d’une guirlande de baisers. Avides, elles dégringolent pour se bâfrer dans le creux de son cou. Ponctions et succions se donnent la réplique, pour dessiner un délébile tatouage sur l’écorce mordorée témoignant de son évanescent passage. Aux prises avec la furieuse envie de déchirer le t-shirt couvrant la sculpture de l’adonis, pour s’abandonner à monts et merveilles de turpitude ; ses mains assoupies sur des pectoraux timidement bombés appliquent une légère pression. Distance et éloignement remis au goût du jour, l’ottoman positionne honteusement son priape afin de dissimuler au mieux son émoi. Un revers de la patte gauche réalisé, pour essuyer et éponger les aqueuses perles séchées aux coins de ses yeux.

"T-tu … tu dois sans doute avoir un tas de choses à faire qui t’attendent, alors … j’vais pas t’accaparer plus longtemps. En tout cas, cela m’a fait énormément plaisir de te revoir. Bon, eh bien, euh … à la prochaine.", affirme-t-il dans un ton fluet, digne d’un môme craignant les ires d’une figure d’autorité. Le regard torve et fuyant. Infoutu d’établir un contact visuel décent. Les charnues ratatinées et s’escrimant pour s’animer en un furtif sourire. Conscient qu’il n’y aura probablement pas de "prochaine fois". A moins qu’il ne soit contraint de faire un détour par la case hosto pour se faire rafistoler. Ce qui, au vu de ses propensions à céder facilement à l’emportement et à la rixe, n’est pas une éventualité à totalement exclure.

Talons péniblement tournés, le joggeur reprend tant bien que mal sa course et prend congé de cet ami – élevé fugitivement au rang d’amant. Sitôt retrouvé, sitôt perdu. Les membres antérieurs absorbent des mètres de bitume. A bonne distance et loin des yeux de son bel et tendre, la trogne du moyen-oriental se crispe en un masque de rogne. Furieux envers son insondable bêtise, le sordide pêcheur se blâme en s’administrant une véhémente tape sur le front. Encore une fois, il aura préféré torpiller et saborder le galion du bonheur, plutôt que d’embarquer à son bord par peur d’être heureux. Si un bon génie venait à se dresser sur son chemin, il ne formulerait qu’un seul et unique vœu. Disparaître à jamais. L’envie de se jeter dans l’océan et de se laisser sombrer dans les profondeurs vrille ses tympans. Envie qu’il est trop lâche et couard pour accomplir. Alors il court. Encore et toujours. Traverser la ville. Pour gagner la banlieue et les quartiers dits chauds. Pour quoi faire ? Pousser la porte de la mosquée et se confondre en repentance. Que lui reste-t-il d’autre, après tout ? Si ce n’est le refuge offert par ce lieu d’asile. Dernier bastion accueillant encore les âmes égarées de sa trempe. Où d’autre peut-il encore être le bienvenu ? Lui, le paumé en mâle d’amour. En mâle de vie. En mâle de lui. En mâle de tout.                                                                                                                                                                                                                                                            
BY CΔLΙGULΔ ☾



* : Mon ange, en turc.
/ awards session
(#) Re: un dernier songe (Sabri)    Mer 30 Juin - 1:58
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sous la lampe un dernier songe / (@Sabri Kaçmaz)
▲▲▲ situation : PORT OF NEW ORLEANS

parler est assez compliqué quand toi-même tu n'sais pas vraiment sur quel pied danser. tu t'sens mal à l'aise et pourtant, tu t'laisses aller à quelques confidences. bien sûr, tu pourrais lui dire que t'es juste heureux de le revoir après toutes ces années mais tu mentirais. il subsiste en toi c'gamin qui r'gardait son pote parfois d'un peu trop près, quitte à fantasmer parfois sur les courbes sèches et raiches d'un corps que t'aurais sans doute pris plaisir à parcourir. ce que tu fais, désormais, n'est-ce pas ? puisque tes mains sont incontrôlables. même si ça reste léger et innocent, c'est suffisamment révélateur pour que tu prennes pleinement conscience de tout ce qui traverse ton esprit et de tout ce que t'as toujours tenté de refouler du mieux que tu le pouvais. né dans une famille trop conservatrice pour comprendre qu'aimer un homme pouvait être normal à notre époque, t'as fait d'ton mieux pour repousser un maximum cette réalité pour ne surtout jamais avoir à l'affirmer, à l'assumer. ne pas choisir, c'est en quelque sorte sauver l'honneur de ton nom de famille et des tiens. et tu t'en veux, c'est vrai. coupable de désirer sans oser l'admettre réellement. mais Sabri, face à toi, et tes mains qui frôlent sa silhouette.. c'est sans équivoque, n'est-ce pas ? alors tu t'laisses aller à une certaine vulnérabilité, lui confiant sans craindre une seule seconde son jugement que tu t'sens plus rassuré maintenant qu'il est là et tu rougis, malgré toi. parce que t'es c'gosse, tu l'seras toujours. un peu pris en étau par des responsabilités qui te dépassent. aimer un homme, ça se répète dans ta tête et pourtant, ton myocarde s'emballe.
- tu dois sûrement t’en douter, mais sache et sois certain que c’est totalement réciproque. tu souris, en coin. sans mentir, sans déprécier ce qu'il fait ou ce qu'il dit, tu ne peux qu'admettre que ça te touche, te fait plaisir. Sabri a toujours été un pilier sur lequel tu pouvais te reposer et t'es triste de savoir que le temps vous a fait défaut. à l'époque, t'avais préféré rester à l'écart pour ne surtout pas avoir à concevoir qu'il pouvait représenter plus qu'un simple ami. alter égo, ou alors peut-être même âme soeur. finalement, vous étiez tous les deux les mêmes. vous vous compreniez mieux que quiconque. vous auriez dû l'accepter, tu aurais dû l'accepter. t'aurais pas dû le repousser. alors quand vous abordez le décès de ta mère, tu te rembrunis. ça te ramène à tout ce que t'as manqué avec lui. tout ce que t'as jamais osé vivre. tu t'en veux, bien sûr. toujours coupable. comme s'il fallait te blâmer pour tout, au fond. comme si t'étais l'unique responsable de ta propre latence. tu souffles, demandes pardon. il ne rigole pas mais sourit pour te rassurer. non, t’y es franchement pour rien, j’t’assure. dans ces moments là … on se sent comme vidé et hors du monde. c’est normal d’oublier ou de passer à côté de certaines choses, quand on essaye avant tout de reprendre le dessus sur le chagrin. eh puis, ton père nous a envoyé une carte de remerciement, au nom de toute votre famille donc … dans un sens, tu m’as déjà remercié.
mais tout s'bouscule encore. bien sûr. puisque rien n'est offert gratuitement, que rien de beau n'existe sans que quelque chose meurt. ici, là, tu fais tes adieux à l'innocence de ton enfance bercée d'illusions. à peine est-il entré à nouveau dans ta vie que l'adulte en toi se réveille doucement. celui qui désire avec ardeur, celui qui veut, celui qui ressent le besoin de se lier, de se conjuguer, d'aimer et de s'éprendre. alors oui, tu t'laisses aller à une certaine liberté presque coquine et sensuelle. deux termes dont tu ignorais tout hier encore. mais Sabri réveille un instinct presque animal dont tu n'connaissais pas même l'existence. sa main sur ta mâchoire et ce doigt que tu avales.. putain, comme si c'était un bonbon qu'on te tendait, comme si tu crevais d'faim. comme si jamais on t'avait donné l'occasion de goûter à quelque chose d'aussi excitant. et tu vas pas mentir, ton corps tout entier se contracte. quand son doigt se glisse sur ta langue, c'est comme si tout se mettait doucement en place. ce sexe qui se réveille c'est comme une évidence, comme la providence. et tu n'te mens pas, les yeux clos. tu sais pertinemment que son doigt n'est qu'un substitut. qu'il remplace quelque chose d'autre. les yeux clos.. oui, des images qui vacillent sous tes paupières. son corps chaud, son derme luisant et... son sexe, oui. sec, dur. là, entre tes lèvres. putain, tu ouvres les yeux, rougissant comme un con alors que tu réalises qu'il a glissé sa main dans la poche arrière de ton jean et qu'il était entrain de palper tes fesses.
- e-excuse-moi, je … j’sais pas ce qui m’a pris. j’n’aurais pas dû … c’était déplacé et … ‘fin, j’te demande pardon. il s'excuse aussi, comme pris au dépourvu de votre excès animal. mais la distance crève très vite. après la gêne et le malaise, il y a le désir qui pulse contre tes tempes. tu n'veux pas reculer. parce que t'en as marre d'attendre, t'en as marre de mentir, t'en as surtout marre de te retenir. alors tu avances d'un pas, ton doigt qui remonte le long de sa cuisse alors que Sabri glisse les siens sur ton jean. il frôle le bouton, frôle la braguette. tu sais qu'il sent.. le sexe tendu sous le denim. et ça t'arrache un sourire. quelques confidences également. tu t'sens en sécurité, presque lové dans une étreinte qui n'a rien de physique. enveloppés par une douce sensation de confort, comme pelotonnés dans les nuages. tu souris, malgré tout. et lui pose son front contre le tien. vos mains qui jouent avec vos fringues tandis qu'il te dit : j-je … j’voudrais t’avoir pour la vie à mes côtés. m’endormir et me réveiller avec toi, chaque jour qu’Allah fait. m-mais … j’veux pas que tu aies des regrets en te levant un matin, et que tu t’interroges sur ce qu’aurait pu être ta vie, si tu avais fait d’autres rencontres ou réaliser d’autres choix. j’veux pas … j’veux pas … j’veux pas être celui qui te prive d’opportunités. tu … tu mérites ce qu’il y a de meilleur, tatlım. d’autant plus si tu n’as … jamais, jamais. tu mérites quelqu’un de … de drôle, d’attentionné, de tendre, qui te fera te sentir spécial et unique. quelqu’un qui ne te fera pas honte en présence de ta famille, de tes amis ou de tes collègues. une personne qui aura une belle situation, de l’éducation, de la culture et un bagage intellectuel digne de ce nom. quelqu’un de meilleur que je ne le serai jamais. cela me tue, parce que j’te … y a pas de mot pour exprimer à quel point j’te veux. des mots qui font écho, qui raisonnent en toi. te font rougir, malgré tout. des sentiments presque partagés, sans pour autant qu'ils soient parfaitement assumés.
alors quand Sabri avance le visage vers toi..
tu n'réagis pas, tu restes de marbre, prêt à recevoir ce qu'il s'apprête à te donner.
oui, ses lippes s'écrasent contre les tiennes et ta bouche s'ouvre malgré elle. tu ne réfléchis pas, pour la première fois depuis longtemps. tu te laisses porter par le parfum qu'il dégage, ce parfum d'ailleurs et d'orient. comme un voyage, long voyage. sur des dunes ensablées, ensoleillées. loin de tes préceptes et de tes idéaux. ou ceux de ta famille. loin de ce que tu connais, de ce que tu sais. ta langue danse avec la sienne, accompagne ses gestes experts. il se cabre contre toi, son torse qui pèse sur le tien tandis que tu sens son érection répondre à la tienne. un drôle de sentiment te gagne, comme une satisfaction que tu sais à peine réfréner. il attrape ton t-shirt, attrape ta nuque. il t'embrasse comme il aspirerait tout l'air que ton corps peut contenir avant de se détacher. ses lèvres qui cherchent un chemin sur ton cou, sur ta mâchoire. ta tête qui se penche en arrière pour l'accueillir. tes paupières closes. ta main droite qui se brusque dans son dos alors que ta main gauche vient délicatement se poser sur le short, trouvant à tâtons le sexe durcit. tes doigts s'étirent sur une verge forte, large... et tu gémis, très faiblement. c'est la première fois et pourtant, tu t'sens l'envie de l'empoigner. alors affamé, sans doute, tu glisses ta main sous le tissu de son short pour venir caresser lentement le tissu fin de son boxer, moulant à la perfection un sexe qui pointe, droit, vers toi. léger rictus sur tes lèvres alors que tu te découvres une flamme qui brûle, brûle.. et puis, là encore, il se détache, recule d'un pas.
comme pour couper court à cette échange.
comme si tu manquais à nouveau d'air.
- t-tu … tu dois sans doute avoir un tas de choses à faire qui t’attendent, alors … j’vais pas t’accaparer plus longtemps. en tout cas, cela m’a fait énormément plaisir de te revoir. bon, eh bien, euh … à la prochaine. et il ne te laisse pas le temps de répondre, non. comme s'il se sentait responsable de ce qu'il venait de se passer, comme s'il le regrettait. tu le vois qui tourne les talons et qui reprend sa course et toi, tu restes con.
le souffle court, le corps tiraillé.
un feu qui brûle, un vent qui glace.
tu croises les bras sur ta poitrine, comme pour frissonner alors que tu regardes sa silhouette s'en aller, disparaître au loin. tu ravales un sanglot, stupide, et pourtant, t'as l'coeur qui s'émiette un peu. tu t'attendais pas à le retrouver et pourtant, tu n'espères déjà qu'une chose, le revoir. tu fermes les yeux, soupires. tu allumes une nouvelle cigarette et puis, tu fais demi-tour à ton tour. partir, pour mieux revenir, quelque chose dans c'goût là, non ?
oui, partir.
mais déjà, prendre ton téléphone portable et prier tous les Dieux du monde pour que tu aies conservé son numéro, toutes ces années.
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(#) Re: un dernier songe (Sabri)    Mar 27 Juil - 11:14
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