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Jour ensoleillé qui surplombe la Nouvelle Orléans, les rues s’agitent, dans un train quotidien qui se ressemble de plus en plus. L’afflux des touristes est chaque jour un peu plus présent et dense, certains habitants s’agacent, les pickpockets en sont ravis. Austyn elle, elle tente de trouver de quoi s’occuper. Cela fait environ un mois qu’elle a terminé les cours, sa première année universitaire s’est terminée, sans grande passion de son côté mais peu importe. Elle continue, elle s’accroche, espérant trouver sa voie au fil des cours et des lectures. Mais puisqu’elle est enfin libérée des examens, elle compte bien prendre du temps pour dévorer les romans qu’elle a envie de lire, pour explorer les rues qui lui manquent tant. Finalement dans la foule, elle se sent à l’aise, en sécurité. Ce n’est qu’une illusion, il suffirait de se retrouver dans la mauvaise rue pour qu’à nouveau tout le monde ferme les yeux à sa détresse. Mais les cauchemars s’estompent et elle reprend du poil de la bête, gardant ce secret partagé avec son beau-père, celui qui l’a le plus épaulé, qui l’a aidé à se remettre en selle.
Sac à la main, elle ressort de sa boutique préférée avec un nouveau livre sur l’histoire vaudou et de l’encens pour parfumer la maison. Ce n’est pas vraiment au goût de sa mère, elle le sait, mais ce qui était au départ un moyen pour faire fuir Sasha est devenu un réel attrait avec le temps. Elle se sent passionnée Austyn, au moins par ça. Dans les rues elle papillonne, regardant les touristes, les vitrines, les rares nuages laiteux qui traversent le ciel. Elle se sent bien au soleil, dans son élément. Sa peau parsemée de taches de rousseur est un peu moins d’accord, mais elle est grande maintenant, elle peut décider de ce qu’elle veut sans prendre en compte les appels de sa mère pour qu’elle se couvre de crème solaire. Elle le fait d’elle-même en vérité, l’enfant grandit.
Du coin de l'œil un mouvement l’attire, silhouette bien connue qui la fait sourire, un peu trop vite. Elle ne saurait dire qui du cœur ou des jambes s’emballent plus rapidement, mais elle s’élance à la suite de Parker, tournant dans des rues un peu moins fréquentées, jusqu’à pouvoir se placer tout juste derrière lui. « Avoue que je t’ai manqué ! » dit-elle trop fort dans son oreille. Elle espère bien le surprendre Austyn, peut-être même lui faire peur. Sourire immense qui étire les lèvres roses, elle le regarde avec cette lueur espiègle dans les yeux. Ca fait un moment qu’ils n’ont pas passé de temps ensemble, qu’elle ne l'a pas suivi dans les recoins de la ville. Faute aux examens, c’est ce qu’elle lui dira s’il demande. Faute à ce fameux jour dans le tramway, celui qui la hante encore. Mais elle n’y pense pas, elle ne lui dira pas. « Tu vas où avec cet air si sérieux ? » C’est bien plus drôle de se concentrer sur lui, ses petites boucles, son sourire quand il daigne le lui offrir.
Le soleil tape sur la ville depuis quelques jours maintenant. L'été s'est enfin installé, chassant la pluie quelque peu maussade et déprimante. Il a troqué son sweat habituel contre un simple tee-shirt, sa casquette toujours vissée sur la tête - éternel accessoire cachant ses bouclettes. Les touristes affluent et les rues semblent bien plus animées et colorées, pleines d'opportunités - et de gens insouciants. L'université est fermée, les étudiants rentrés chez eux, les soirées terminées, son business quelque peu ralenti. Il serait presque en vacances si Aoden ne lui refilait pas des petits boulots. Récupérer des marchandises. Réclamer de l'argent. Apporter des documents. Suivre un client. Trouver de quoi le faire chanter. Des activités auxquelles il s'adonne avec peu de plaisir, préférant sillonner les soirées dans les grandes demeures, caresser du bout des doigts le marbre et une vie qu'il n'aura jamais.
14:30, faubourg Marigny, Washington square. Même sms, mêmes infos que la semaine passée, même endroit, même paquet. Aucune réelle surprise à la lecture des quelques mots d'Ao. Son quotidien estival se résume principalement à se trimbaler à travers la ville avec des sac à dos dont le contenant reste une énigme - parfois pas trop difficile à percer. Aller d'un point à un autre sans poser de question, encaisser les quelques billets en échange. C'est simple, facile, tranquille. Presque trop parfois. L'effervescence des soirées lui manque. Comme d'habitude, le type est assis sur le banc, sac à dos à ses pieds. Comme d'habitude, Parker s'installe à ses côtés, allume une clope, observe une fille passer en courant. Un legging rose moulant. Des cheveux noirs attachés. Les écouteurs vissés aux oreilles. Ses yeux la suivent, apprécient les courbes féminines, la regardent disparaitre au coin du parc. Comme d'habitude, l'inconnu finit par s’éclipser, abandonnant le sac. Il récupère l'eastpak, l'enfile, écrase sa clope, balance le mégot et disparait à son tour - la poubelle est probablement bien trop loin.
A de suite. Un bref sms pour Ao, l'informant qu'il est en route. Un souffle sur son oreille, quelques mots presque hurlés le font sursauter. Plongé dans ses pensées, il n'a pas vu venir la tornade rousse. « Powers, quelle... surprise.» Sa chevelure de feu, sa peau tachetée, son sourire trop brillant lui ont, en réalité, presque manqués. Mais il ne l'avouera pas. Il s'était habitué à sa présence à un tel point qu'il la cherchait et s'est inquiété quand elle n'a pas daigné lui donner signe de vie - frôlant l'envoi d'un sms à plusieurs reprises. Se faire ghoster par une stupide étudiante de première année, risible. Durant UN MOIS entier. S'il n'avait pas un peu de dignité et son légendaire caractère de merde à entretenir, il la sermonnerait probablement, lui reprochant son étrange silence. Peut-être s'est-elle enfin trouvée des amis mieux que lui ? Qu'importe. Pourquoi s'en soucier ? Pourquoi la considère-t-elle comme une amie putain ? « C'était bien la colonie de vacances ? » Le ton est peut-être un peu acerbe pour quelqu'un qui s'en fiche. Il n'attend pas vraiment de réponse de sa part, reprenant son chemin non sans jeter un oeil pour vérifier qu'elle le suit. Il ne sait pas ce qu'elle a fait durant le mois passé. Il ne veut pas savoir - ou peut-être que si ? Des vacances en famille aux Hamptons ? Un road-trip jusqu'au Canada ? « J'suis occupé, j'ai pas le temps de baby-sitter. » Il râle pour la forme, parce que c'est son habitude. Il sort son paquet de clopes, en allume une, tend le tout à la rousse à ses côtés. « J'suis toujours sérieux, Brin d'acier. Une clope ? » Sourire en coin.
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L’été est long, déjà. Elle pourrait profiter des vacances, profiter du soleil pour dorer un peu, faire des grasses matinées et explorer d’autres contrées. Elle repense parfois à l’année passée, à ce voyage qu’elle avait fait avec sa mère, loin d’ici, loin de tout, juste toutes les deux. Peut-être que ça leur ferait encore du bien de s’exiler de la sorte, mais évidemment Austyn l’évite encore. Pas à cause de Sasha cette fois, pas à cause de ce mariage qu’elle n'appréciait pas. Son opinion a un peu changé là-dessus, et au fond elle voudrait peut-être que ça ne soit pas le cas. Sa relation avec son beau-père s'est améliorée, c’est vrai, mais pour un secret qu’elle ne veut pas partager avec sa mère. Elle en meurt d’envie la gamine, elle en a besoin, mais elle reste muette. A nouveau les rues deviennent son royaume, elle arpente les paysages qu’elle connaît déjà par cœur, avec ou sans ses amis, selon qui est disponible. Un peu lasse la gamine, enfermée dans cet univers sans relief.
Puis il y a Parker. Celui qui chamboule tout, elle le sait. Autant dans sa manière de faire, de parler, que dans les pensées qu’il provoque chez la rousse. Lui il est l’aventure-même, la surprise qu’elle est toujours heureuse de croiser. Elle lui court presque après aujourd’hui, lui saute presque dessus. Et lui, quand il se retourne, il ne sourit pas. Comme si ça l’éreinterait. Ce surnom, il est bien le seul à le lui donner, mais ça lui plaît. Elle n’a pas vraiment la référence Austyn, les films des années quatre-vingt-dix ne sont pas ce qui la passionne le plus. Mais elle aime la sonorité du nom. Powers. Oui, elle est puissante la gamine, du moins c’est comme ça qu’elle aimerait qu’il la voit. Raison pour laquelle elle ne lui a pas parlé de ce qui lui est arrivé. Elle ne l’a pas contacté pendant un moment - trop long - et maintenant qu’elle est de retour, elle restera sans doute muette. Avec lui aussi.
Elle lui adresse une grimace enfantine à sa réplique. C’est bien Parker ça - tantôt lui donner de l’importance, tantôt la traiter comme une gamine immature. Elle l’est un peu, au fond, mais elle refuse de l’admettre Austyn, elle garde la tête haute et une fierté sans limite. « Tu sais si je te manquais à ce point-là, t’avais le droit de m’envoyer un message. » Sa voix de je-sais-tout ressort, elle veut le coincer, lui faire dire qu’elle est importante. Il ne le dira pas, évidemment, lui non plus il n’admettra rien, mais peut-être qu’elle aimerait un signe la tornade, elle voudrait juste savoir qu’il tient à elle. « Ah ouais ? Et tu fais quoi de si important ? » demande-t-elle, pleine de curiosité. Elle veut réellement savoir Austyn, parce que peut-être qu’elle pourrait se joindre à lui. S’il arrêtait d’être aussi buté, il pourrait voir qu’elle est pleine d’atouts, qu’elle pourrait l’aider dans quelque activité qu’il doit faire. Bien qu’il ne semble pas chargé, avec seulement son sac à dos et son éternelle casquette. « Ca doit être fatiguant d’être sérieux à ce point. Sourire ça ne fait pas de mal, tu sais ? Bien au contraire même. » Haussement d’épaules, pour se donner de l’assurance. En vérité elle fixe le paquet de cigarettes qu’il lui tend, bien incertaine sur la marche à suivre. Elle aime briser certaines règles Austyn, comme le couvre-feu ou celle des cinq fruits et légumes par jour. Rebelle de pacotille, certes, mais elle s’y croit. La clope, ça lui semble un peu trop extrême comme décision, parce qu’elle serait hors la loi. « Je ne fume toujours pas. Il va falloir tout te réapprendre ! » finit-elle par déclamer. C’est plus simple de tourner la faute vers lui, peut-être qu’ainsi il ne fera pas trop attention à son innocence. « Bon alors, on va où ? » Lentement elle fait quelques pas, dans la direction que Parker semblait emprunter avant qu’elle n’arrive. Maintenant qu’elle l’a trouvé, elle ne compte pas le laisser filer sans elle.
Spoiler:
Pardon pour le délai, je suis de retour maintenant
Elle a quelque chose de solaire. D'attirant. Elle brille Austyn. Depuis leur première rencontre. Elle est tout ce qu'il n'est pas. Si différente. Si parfaite. Et il ne comprend pas Parker. Il ne comprend pas pourquoi elle lui tourne autour, lui, si insipide, si terne en comparaison. Il ne comprend pas pourquoi sa présence le perturbe autant. Tiraillé entre l'envie de la faire fuir et celle de l'enchainer à lui. Alors il jongle, soufflant le froid, soufflant le chaud. Des vérités à demi murmurées pour ne pas avouer ô combien il l'apprécie, pour essayer de l'éloigner. Et elle est toujours là. Imperturbable, le sourire aux lèvres, le regard espiègle, la langue acérée. C'est déstabilisant. Lui, qui habituellement se sert et jette juste après, sans une once de remords, collectionnant les histoires d'un soir, sans jamais vraiment chercher à s'attacher - Scar étant l'exception. Elle aurait pu être l'une de ces filles. Mais elle est différente. Elle est Austyn. Il se demande parfois si tout ça n'est qu'une tentative misérable de faire rager papa et maman en le fréquentant ? La crise d'adolescence tardive ? L'envie de pimenter sa vie en trainant avec le bas de l'échelle sociale ? Au fond, il n'est peut-être qu'une passade.
« T'aurais pu m'envoyer un message toi aussi. » Combien de fois a-t-il hésité ? Il ne sait plus. Fixer le numéro de la rousse, ouvrir un nouveau sms, taper quatre mots : t'es morte Powers ? et ne jamais les envoyer. Tu fais quoi ? T'es où ? Réponds où je descends dans ton palace. Des tentatives rapidement avortées par sa petite fierté et l'idée stupide qu'elle ne veuille plus le voir. Après tout, ils ne sont ni amis, ni amants. Pas de promesse stupide. Elle fait ce qu'elle veut. Partir en vacances sur la côte est et stupidement tomber amoureuse d'un surfeur pour l'été si elle le souhaite. « J’ai pas l’impression de t’avoir manqué non plus. » Il lui jette un coup d'oeil, tentant de lire les émotions traversant son visage. Est-ce qu'il lui a manqué ? Au moins autant qu'elle lui a manqué ? Est-ce qu'elle aussi a hésité à lui envoyer un message ? Est-ce qu'elle a surveillé ses stories insta comme lui a pu le faire ? Il l'ignore. L'idée qu'elle n'ait juste pas eu le temps pour lui a quelque chose de légèrement vexant, réveillant de vieux démons. La certitude de ne pas être assez bien pour qu'on tienne à lui. De ne pas valoir assez pour qu'on lui offre du temps - merci maman. Peut-être que tout ça n'est qu'un jeu pour elle. Une lubie passagère, histoire de combler ses journées et l'ennui, faire craquer le type taciturne. Jouer les héroïnes de romans à l'eau de rose.
« J'vais poser un truc chez un pote.» Tellement précis. En réalité, lui-même ne sait pas ce qu'il fait, se contentant d'échanger un sac contre un autre, sans poser de question. Être trop curieux n'est pas toujours une qualité et il est parfois préférable de se taire. « J'voudrai pas que tu tombes amoureuse de mon sourire, ça ferait désordre. » Il hausse les sourcils dans une mimique comique, lui offre finalement un sourire - et une clope. Elle décline, si sérieuse, alors qu'il en allume une, alimentant son futur cancer. Elle fait quelques pas, s'éloigne de lui. Il la regarde, la suit des yeux, incapable de s'en détourner. Il souffle la fumée de sa clope avec une fausse lassitude, comme si sa présence l'embêter. Cette journée qui s'annonçait si morne semble avoir trouvé un regain d'intérêt. Juste parce qu'elle est là. Il la rejoint, lui passe devant, ouvrant la marche. Les premiers pas se font dans le silence. Lui, tirant sur sa clope, elle, perdue il ne sait où. Ce n'est pas pesant, ni gênant. Mais ce n'est pas habituel, comme si quelque chose avait changé. Il balance son mégot sur le trottoir, l'écrase par habitude, ne le ramasse pas - si sa soeur le voyait. « T'étais passée où alors ? » Son regard se braque sur elle, attentif et scrutateur. Où étais-tu Powers ?
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