sharing pillows - Callum

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@Callum Dunne

Depuis des heures maintenant les dossiers ont été repoussés loin sur le sol, l’atmosphère s’est détendue, réchauffée légèrement. Laurie a dénoué la cravate autour de son cou, la laissant pendre dans un nœud lâche. Ses joues pourraient lui faire presque mal, s’il ne se sentait pas aussi bien en train de rire depuis quelques minutes. Assis à même le sol, ses yeux restent rivés sur Callum qui lui parle d’une œuvre dont il n’a même pas retenu le nom, sans doute une émission télévisée dont il n’avait jamais entendu parler. Pourtant Laurie reste attentif, il écoute, il rit, parce que même s’il n’y connaît rien les propos de Callum font bel et bien échos au sujet de leur conversation.

Ce voyage dans les Hamptons était censé être professionnel - il l’est toujours d’ailleurs. Toute la journée une grande partie de l’équipe de campagne assistait à des conférences et autres réunions dans le cadre d’une convention démocratique. A croire que le parti a organisé ça à côté de la plage simplement pour donner l’illusion que les politiciens ont droit à des vacances eux aussi. Il n’en est rien, Laurie travaille d’arrache pied même dans cet endroit agréable, sauf le soir. Que ce soit un verre avec quelques collègues, ou un dîner plus intime avec Callum, il a su s’octroyer quelques moments pour décrocher de l’élection imminente. Mais ce soir, c’est certainement le soir qu’il préfère depuis qu’ils sont arrivés ici. Cartons de pizza vides et une bouteille de vin dont il ne reste que le verre, ils ne sont pas sortis de cette chambre depuis des heures. Il n’y a aucune tension entre eux, ou s’il y en a elle est trop satisfaisante pour que le brun puisse vouloir s’y soustraire. Aux côtés de son premier amour, il se sent bien, complet, serein. Des sensations qu’il n’éprouve pas souvent, surtout ces derniers temps tandis que le stress grandit de jour en jour. Pour le moment il n’y pense plus, se concentrant sur les paroles qui sortent des lèvres du cadet. Lèvres tentatrices, qu’il voudrait capturer pour un baiser comme il en a repris l’habitude. C’est devenu courant entre eux, ces soirées passées en tête à tête, des moments volés qui n’appartiennent qu’à eux. Personne n’est au courant, du moins Laurie n’en a parlé à personne. Dans ces moments-là il ose dire ce qu’il pense, il se livre à Callum plus intimement peut-être qu’il le faisait avant. Mais l’aveu régulier de ses sentiments ne change rien, le professeur reste distant, une part de lui inatteignable. Malgré les je t’aime, malgré les baisers.

Laurie n’écoute plus vraiment les paroles, son sourire s’est perdu dans ses pensées et lorsqu’il reprend contenance, il change complètement de sujet. « Il reste un dernier biscuit. Prends-le. » Il anticipe déjà la réponse de Callum, il le voit séparer le cookie en deux pour prendre la partie tendre du milieu - la plus sucrée. Ca le fera sourire, le fera se sentir comme un gamin qui a droit à un traitement de faveur. Comme quoi, avec lui, il n’a pas changé, Laurie prend tout, sans poser de questions. « Qu’est-ce que tu veux faire ? » demande-t-il avec un sourire. Sans quitter le sol, il se redresse doucement, tendant la main vers celle de Callum pour la caresser du bout des doigts, avant de remonter vers son poignet et lire l’heure à sa montre. Il est suffisamment tard pour qu’ils puissent sortir sans être vus, marcher le long de l’eau, côte à côte. Pas que Laurie ait particulièrement envie de bouger, seulement l’envie de l’embrasser devient un peu trop forte.

Les dossiers sur le sol, répertoire des prochaines conférences étendu avec tout le reste, Callum léchait son pouce pour en retirer les miettes de biscuit au chocolat qui étaient restés collé sur sa peau. Cette soirée n’avait rien de similaire avec celles qu’il avait pu passer jusqu’à présent. Loin de leur collègue, loin de ces autres démocrates qui s’étaient déplacés dans le but d’assister comme eux à ces conférences, ce soir il n’y avait qu’eux. Détendu par le vin qui coulait désormais dans ses veines, l’ancien républicain laissait tomber les barrières. Il en oubliait de faire le point sur ses pensées, ce qui était plutôt rare. Toujours entouré de ces briques protectrices, murs d’acier qui l’empêchait de se perdre, de flancher, d’être envahi de ces cauchemars étouffants. Il profitait simplement de cette soirée, aussi douce que jadis. Son regard observait le sourire pendu aux lèvres de son ex. Il était loin le temps où ils avaient échangé un moment tel que celui-ci. Seul à seul, détendu, peut-être même qu’ils n’y en avaient jamais eu… Eux qui étaient abonnés aux disputes, aux cris et aux rabibochages physiques. Callum finissait de raconter cet épisode d’une série qu’il avait vu sur Netflix quelques jours avant d’être dans les Hampton.

Laurie semblait à des années lumières et le cadet allaient l’interroger sur ses pensées lorsque le politicien retrouva la parole. Déviant ses prunelles, il les laissait tomber sur le dernier oreo. Il ne fallait pas lui proposer deux fois, loin de là. Sa main se précipita pour cueillir le biscuit et tel le gamin qu’il était, il divisa chaque partie. Sa langue léchant la crème au moment où le brun s’adressait de nouveau à lui. Que faire ? Il jeta un coup d’œil à la fenêtre observant le soleil couchant, un tableau de sang et d’or qui s’étendait à perte de vue. Absorbé par ses pensées, perdu dans ses réflexions qui cherchaient une activité à faire, Callum sursauta en sentant un contact sur sa peau. Ce doigt aventureux qui irradiait d’une chaleur agréable. Se laisser toucher n’était pas chose courante, généralement il ne le laissait pas faire. Mais cette fois, ce fut un tout autre vertige qui l’envahi. Posant son regard sur son patron, il ravalait doucement. Cette chaleur contre son poignet le fit rougir et sachant qu’il était mis en échecs, il baissait la tête ainsi que son regard. De son autre main, il tendait une moitié de biscuit, celle épargner par sa langue. « Tu le veux. » marmonnait-il avec légèreté, mais incapable à cet instant de relever la tête pour observer l’homme près de lui. Faire le grand saut n’avait rien de facile, il observait le lac de leur relation sous ses pieds et craignait d’y plonger pour découvrir la froideur de l’eau et non sa chaleur. Les choses n’étaient pas si simples en vérité, mais pour la première fois, Callum désirait un peu plus que seulement un contact volatile. « Je… J’aimerais… » Les mots mouraient sur sa langue, alors qu’il fermait ses paupières dans l’espoir d’échapper à cette gêne, de redevenir celui qu’il était autrefois. Ce gamin qui savait ce qu’il voulait et ne se gênait pas pour le prendre. Dissimuler, disparu même, Callum continuait d’observer le sol, biscuit tendu au bout des doigts.

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@Callum Dunne

Laurie n’aurait pas pu imaginer meilleure soirée. A travers la fenêtre, le ciel s’enflamme et les berce d’une lumière dorée, virant sur le rouge. A côté de lui, Callum se lèche les doigts dans un geste innocent dont il ne mesure même pas la portée érotique. Et lui, il rit. Parce qu’ici, tout est simple. Pourquoi ne sont-ils pas venus dans les Hamptons quinze ans plus tôt, quand ils auraient pu être dans leur bulle, construire quelque chose d’autre, qui n'appartenait qu’à eux ? Pourquoi ont-ils attendu si longtemps, que des barrières se dressent et qu’un fossé se creuse pour trouver ce coin de paradis où règne l’illusion qu’ils pourraient retrouver leur idylle d’antan ? Il pourrait y avoir beaucoup de questions ce soir, mais au milieu des dossiers restés intouchés depuis des heures, avec du vin dans le sang et du sucre au coin de la bouche, plus rien n’a d’importance. Laurie ne peut détourner son regard du magnifique Callum. Il l’écoute sans vraiment faire attention, laissant ses pensées divaguer vers des espoirs lointains. Jusqu’à revenir à la réalité.

Évidemment que son ancien amour se saisit immédiatement du biscuit offert. Comme prévu, il le divise en deux, lèche la partie blanche, comme si sa vie en dépendait. Ça aussi, ça le fait rire Laurie, et il ne peut s’empêcher de caresser les doigts, la main, puis le poignet de Callum. Il dissimule cette tendresse dans un geste banal et cherche une échappatoire pour ne pas céder à la tentation ambiante. Parce que là, ce soir, c’est un effort surhumain de ne pas tenter de capturer les lèvres roses entre les siennes. Le professeur rougit de plus en plus, prend également le pauvre oreo en diversion pour tenter de gagner du temps, mais Laurie apprécie grandement ce qu’il voit. Si Callum voulait partir, il le dirait simplement, directement, sans chercher d’excuse. Mais il est là et il cherche apparemment comment exprimer ses idées. Elles butent contre sa langue, refusent de sortir et pourtant elles sont là, presque divulguées par ses gestes et ses yeux. « Qu’est-ce que tu aimerais Callum ? » demande le politicien en le regardant intensément. Leurs regards ne peuvent se croiser puisque celui de l’analyste est rivé au sol. Il espère peut-être dissimulé ainsi la gêne qu’il ressent, mais la rougeur de ses joues est bien visible, Laurie ne peut pas la manquer. « Parle-moi. Dis-moi ce que tu veux. » Et comme pour démontrer qu’il est tout ouï, il s’empare doucement du biscuit dans les mains de Callum pour le mettre en entier dans sa bouche. Ainsi il ne peut pas parler, aucun jugement, aucune question ne sortira de ses lèvres, à condition que l’autre homme s’exprime sur le champ. Son esprit va vite, se questionne, le rend fou. Il imagine tout ce que Callum peut avoir par la tête en cet instant, en restant plus longuement sur les idées qui lui plaisent. Parce qu’il le connaît, Dunne pourrait dire avoir envie de regarder les Muppets dans l’espace ou de continuer à travailler sur tel ou tel dossier. Mais Laurie n’a aucune envie de ça, et le simple fait d’être dans une chambre d’hôtel, avec vue sur la mer, seul avec lui, lui donne des idées peu catholiques.