another eggplant emoji -- Jed

Depuis le départ d’Eloïm, le quotidien de Bram est devenu vide, plat, et un peu trop à son goût d’ailleurs. Il a du temps pour sortir avec des amis, profiter des moments libres de Reid et réarranger leur appartement comme bon lui semble, mais pour l’ambitieux qu’il est, ce ne sont pas des activités qui le remplissent d’une grande joie. Ses supérieurs lui ont pourtant demandé ce qu’il souhaitait faire : suivre Eloïm dans ses aventures et continuer à le guider sur ses prochains écrits, ou rester à la Nouvelle Orléans, faire du travail de recherches un peu trop léger, en attendant qu’un nouveau talent sorte de l’ombre. Il a hésité quelques jours, avant de préférer rester sur place. L’entente avec l’auteur français n’a jamais été au beau fixe, ils n’ont pas trouvé de longueur d’onde sur laquelle se caler et ça ne servait à rien de persévérer. Et bien que l’envie de travailler soit forte, il ne pouvait pas laisser Reid moins d’un an après l’avoir retrouvé. Ils n’ont pas encore trouvé de rythme tous les deux, les disputes continuent d’être plus fréquentes que lorsqu’il vivait en Floride, mais ils essaient tout de même. Chacun à leur manière, ils font de la place pour l’autre, trouvent des activités à faire ensemble, des choses à se dire le soir en rentrant du travail. Parce qu’ils s’entendent toujours bien tous les deux, et Bram sait parfaitement que ses sentiments pour son petit-ami sont toujours là, forts et présents. Alors pour son couple et par peur qu’une nouvelle distance leur fasse du mal, il reste là, à tourner en rond. De temps en temps on lui donne des manuscrits à relire, des recherches à faire pour s’assurer que les informations historiques ou scientifiques sont correctes. Ce n’est pas désagréable comme travail, mais il manque un peu de piquant pour réellement lui plaire. Et puis, finalement, après une semaine particulièrement longue, on lui a donné un contact.

Jed Wyler. Il n’a qu’un nom et un numéro de téléphone. On lui a dit qu’il était doctorant, actuellement en train de travailler sur une thèse particulièrement intéressante et qu’il fallait absolument s’entretenir avec lui. Bram a cherché, épluché quelques sites pour trouver des informations sur l’homme et la thèse en question, mais les quelques articles qu’il a trouvés lui ont fait l’effet d’une blague. Le seul site qu’il ait vu à l’air un tant soit peu professionnel était un site de vente de sex-toy, et dans l’esprit de l’éditeur il était inconcevable que les deux noms soient liés. Alors sans trop savoir comment s’y prendre, il a décroché son téléphone, s’est présenté lui ainsi que la maison d’édition, et a proposé un rendez-vous. Par chance l’homme a accepté, et c’est dans un starbucks comme tous les autres que Bram a fixé l’entrevue.

Vêtu d’un de ses costumes favoris assorti à une cravate bleue foncée et muni de ses lunettes habituelles, Bram attend. Il est arrivé en avance, comme toujours pour des rendez-vous professionnels. Il ne sait pas vraiment à quoi ressemblera cet homme, il n’a trouvé aucune photo récente dans les recherches trop rapides qu’il a mené. Un café est posé devant lui, dont il a déjà bu la moitié et il replace sans arrêt devant lui la pochette contenant divers documents sur des contrats et des outils éditoriaux. C’est la première fois qu’il rencontre seul un potentiel client pour le convaincre de se lier à la maison, et ce n’est pas une mince affaire. S’il réussit, il gagnera forcément des points auprès de ses supérieurs et pourra peut-être enfin gravir quelques échelons. Peut-être. Chaque fois que la porte s’ouvre, il jette un coup d'œil à la personne qui entre, jusqu’à ce qu’un homme lui rappelle quelque chose. Dans les quelques articles lus, il avait vu une photo de lui, datant de quelques années sans doute. De quoi parlait l’article ? Mentionnait-il un sujet de recherche ? Bram n’en a aucune idée. Mais il se lève, sourire aux lèvres et interrogation dans les yeux. « Bonjour. Monsieur Wyler, c’est bien ça ? » On ne peut jamais être trop sûr. « Je suis Bram Gardiner, nous nous sommes parlés il y a quelques jours au téléphone. Ravi de vous rencontrer. » Les formules de politesse ont toutes leurs places ici, mais encore une fois il s’agit d’un homme qui doit avoir son âge, à quelques années près. Peut-être pourraient-ils être amis dans un autre contexte, et ainsi se parler plus simplement, mais Bram garde les leçons bien fixées dans son esprit. « Je me suis installé ici. Je peux aller vous commander quelque chose ? » Mettre le client à l’aise, lui offrir un verre. Ainsi commencent toutes les bonnes négociations.