frail state of mind (orlane&roni)

Un flou artistique et coupable : voilà ce qui l’avait conduite à proposer ce rencard, la première fois, sans regard ni pour Micah, ni pour Charlie, ni pour sa propre intégrité ni pour quoi que ce soit qui ne fut sa jalousie, sa confusion permanente, son envie d’en finir - quoi que cela veuille dire. Elle ne connaissait Orlane ni d’Eve, ni d’Adam, n’avait échangé qu’une dizaine de messages suffisamment tendancieux en eux-mêmes et ça ne l’avait pas dérangée pourtant de la retrouver le soir-même dans l’endroit possiblement le plus glauque de la ville, potentiellement pour profaner des tombes en couchant avec ladite inconnue dessus, quitte à se retrouver au final séquestrées dans l’arrière du pick-up d’un tueur en série à la dérive. L’impulsivité maladive à son paroxysme.
Au final, la rencontre avait été calme, sinon même apaisante - au lieu de se jeter droit dans le feu, Roni avait reculé à la dernière minute en se mettant à pleurer comme une gosse. Du tout, sauf classe, comme elle en avait le secret ; et Orlane, plutôt que de fuir à toutes jambes, avait pris le temps de l’écouter, de la réconforter même. Au final, pas de sous-vêtements perdus derrière une pierre tombale ni de regret pesant le lendemain d’une partie de jambe en l’air censée remplir inadéquatement un vide : des conversations au fil de l’eau et une envie grandie de retourner au cimetière et d’y perdre ses sous-vêtements, cette fois. Non qu’elle y songe sérieusement en y retournant - cette fois, elle a amené de la vraie charcuterie, des vrais joints, des pots de glace et elle s’est promise de se contenter de ça, et de leurs discussions. Elle a déjà suffisamment compliqué sa vie seule comme une grande pour ajouter un élément de plus à l’équation nommée désastre.
Une nouvelle fois, elles ont convenu de se retrouver dans la voiture de Roni à 19h devant la caserne, direction le cimetière. Une nouvelle fois, Roni a chargé la banquette arrière de conneries en tout genre, dont une réplique d’une arme Ghostbuster (pour la sécurité). Une nouvelle fois, Roni a la sensation étrange d’être devant la caserne pour toutes les mauvaises raisons. Et, à nouveau, elle n’en fait rien, et balance un grand sourire à la tronche d’Orlane quand celle-ci se pointe : « Salut, toi », lâche la rouquine, se penchant pour ouvrir la portière passager depuis sa place. « C’est parti pour devenir un rituel, de se retrouver au cimetière, j’crois. » Comme rituels, pense-t-elle pourtant, il y a pire.

@orlane scoresby  

Arrow avait mis Roni sur mon passage et je l'en remerciais. Drôle d'échanges qui s'était passé mais visiblement les atomes s'étaient crochetés. Assez pour que moi la froussarde finisse par boulonner dans un cimetière. Je ne faisais pas vraiment la maligne la première fois. Mais la fraicheur de la demoiselle et tous ses déboires - ainsi que ses larmes et son rire communicatif - m'avaient rapidement fait oublier où nous étions. Bon, au moindre bruit, je sursautais mais ce n'est qu'un petit détail. J'avais survécu. Et le pire dans tout ça, c'est qu'on y retourne. Le cerveau s'est définitivement fait la malle en sa présence. Mais bon, ne plus être conventionnelle n'a jamais fait de mal. J'avais quand même enfiler un ensemble molletonné rose pétant, sait-on jamais les zombies prennent peur et je l'avais attendu devant la caserne. Large sourire en l'apercevant, le fessier dans sa bagnole. Les salutations faites et un rire en guise de confirmation à sa phrase. Je raconterais ça à mes enfants. A un certain degré. Route qui se fait. Je préviens mes frangines, on n'est jamais trop prudente. Et je l'aide à sortir toutes les munitions. Tu sais donner le change pour un rendez-vous dis donc. Je joue des sourcils. Bon, il était peut-être possible, de ne pas rester impassible. Mais rien de folichon non plus ! On fait quelques mètres, puis on s'installe et j'ouvre le premier paquet, parce que j'ai franchement faim ! Bon raconte moi tes malheurs ? Tes amours ? Tes emmerdes ? T'es de quelle humeur ?

Tu sais donner le change pour un rendez-vous dis donc. Ça la fait rire autant que ça la flatte, heureuse qu'Orlane l'ait remarqué – parce qu'après tout, date platonique ou non, ce rendez-vous avec la jeune femme reste le premier date qu'elle a en quinze ans et elle a tant peur de ne pas savoir s'y prendre qu'elle met le paquet sur tout. Elle est toujours un peu comme ça, Roni, perfectionniste jusqu'à outrance par peur du ridicule, et surtout par envie de plaire. Les compliments sont assez rares pour qu'elle crève d'envie d'en recevoir davantage. « C'est pour mieux te plaire », elle réplique avec un large sourire, fière de son panier et de tout ce qu'elle a pensé à y foutre, du fromage à la viande séchée en passant par les trucs au chocolat. Orlane se jette presque dessus et ça la fait sourire, toujours de fierté. Les météorologistes prédisent que Roni sera une maman chiante qui achète en boucle des trucs trop bons à ses gamins au premier signe qu'ils aiment bien, et ce jusqu'à la fin de leur existence. « T'sais quoi ? Ça va mieux. » Elle hoche la tête avec aplomb alors qu'elles s'installent sur un carré d'herbe. Coup d'oeil à la sépulture à côté d'elles : « Bon app, Bastian », qu'elle lâche au résident en lui faisant un check avec son poing. Elle reprend, plus sérieuse, occupant ses yeux sur l'étendue de nourriture : « Je l'ai revue. Plusieurs fois. Et c'est mort : c'est toujours le feu, je me lasse pas, j'ai toujours envie de passer plus de temps avec elle. » Elle hausse les épaules, impuissante : elle avait pourtant assuré, la dernière fois, qu'elle se lasserait sûrement. Quelle naïveté. « J'ai toujours rien dit à mon mec. » Elle se pince les lèvres, puis change promptement de sujet : « Mais on s'en fout. T'en es où, toi ? T'as rencontré des gens depuis ? »