Jaloux ? Ca se mange ?

@Isaac Evans | Dimanche 29 Aout - 21h20 | Je ne lui ai rien dit par messages pour ne pas assombrir notre entente, laisser des quiproquos aggraver notre situation. Alors, je me suis tue. Je savais qu’on se voyait ce soir. Dans mon antre. Un repas a quatre mains puis lézarder sur le rooftop. C’est mignon sur le papier, en sera-t-il de même en pratique ? Parce que la rage enfle dans le poitrail. Etre en couple, cet étrange fantasme avoué en catimini. Des mots couchés comme preuves. A relire quand je me dérobe. Je l’admets, ce soir, après ce que j’ai vu, il y a ce sentiment ; nouveau, qui me taillade de l’intérieur. Mais pas le temps de me prélasser. Je dois me saper pour illuminer les mirettes du brun. M’enfin, pas dit qu’il veuille encore de moi. Je le sais qu’il doit être avenant, chaleureux avec sa clientèle. Mais l’autre, je l’ai entendu. Il n’y avait rien d’innocent dans ses propos. Et le propriétaire ne l’a pas véritablement pas repoussé mais suffisamment a mes yeux. Avais-je envie d’écraser sa gueule contre le comptoir ? Pas de mon brun, jamais je le violenterais. Pas contre sa volonté. Relent de violence, quand des flash de leur échange me reviennent en tete. Je ferme les yeux et coupe court avant de véritablement m’énerver au point de tout annuler. J’enfile ma tenue de serveur, tout de noir et tablier d’une teinte plus claire. Crayon calé sur l’oreille. Je verrouille le bureau, active les cameras. Il n’y aura que les gardiens et nous deux. Je descends l’accueillir. Un sourire en ouvrant les portes. Un baiser plus timide quand il met les deux pieds dans ma seconde maison. « Bienvenue » Tout est si calme et l’ambiance demeure néanmoins agréable dans cette ambiance plus intimiste. Le guider vers le bar, tâtonner jusqu’à trouver la télécommande et mettre en fond sonore, un peu de blues. « Je te sers quoi pour débuter ? » Tout pendant que je l’écoute, je sors shaker et glaçons pour me faire une citronnade mêlée a une germe de whisky. « Comment va ? »

C’est avec un sourire aux lèvres qu’Isaac envoie son sms au propriétaire des lieux, l’informant qu’il est devant la porte d’entrée. Dans une conversation qui ne s'arrête jamais, ils pourraient s’y perdre, mais c’est sans doute le dernier message qu’il enverra ce soir. Lorsque la porte s’ouvre, il réalise finalement que c’est dimanche, qu’il n’y a aucun autre client. L’ambiance du lieu est différente et Isaac ne sait dire si le vide lui semble paisible ou inquiétant. Il n’y a personne, pas de musique, aucun bruit. Dans son propre bar, il est habitué à ce silence dérangeant qui pèse sur un lieu fait pour accueillir la vie, mais c’est peut-être la première fois qu’il observe le club de quelqu’un d’autre plongé dans une telle pénombre. Pourtant il suffit de voir le sourire d’Aoden pour qu’il se sente bien. C’est niais, oui, mais il apprend à l’être avec cet homme qui complète à présent sa vie. « Merci. » répond-il avec un sourire amusé avant de s’approcher pour s’emparer de ses lèvres. Un simple bonjour, qu’ils ne font qu’ensemble. Par moment ça lui fait encore peur, il n’est pas habitué à une telle proximité et intimité avec une seule et même personne, mais il ne peut pas nier que ça lui fait du bien. La complicité qui est née entre eux n’est comparable à rien d’autre qu’il connaisse. Il le suit à travers l’espace, se retenant de lui prendre la main. Ils sont seuls pourtant, aucun regard à craindre. Mais il hésite, sachant bien qu’Aoden n’est pas un habitué - peut-être même pas un amateur des petits gestes tendres. « Juste une bière, c’est très bien. S’il te plaît. » Il se rattrape, ajoutant la formule de politesse un peu trop tard. Un peu gêné, il prend place de l’autre côté du comptoir, s’asseyant sur l’un des sièges hauts pour regarder l’homme - son homme - préparer les boissons. « Ça va bien. Je profite de la vue, c’est assez rare que je puisse reluquer le barman. » Parce qu’il ne sort pas beaucoup et que la plupart des soirs de la semaine, c’est lui-même qui se trouve dans le rôle du remplisseur de verres. Depuis leur rencontre, il lui est arrivé de venir deux ou trois fois au Masquerade Club, mais là c’était Aoden qui était occupé. « Et toi ? Tu as l’air tendu. Tout va bien ? » Il prend une gorgée en fronçant un peu les sourcils. L’alcool ou l’inquiétude pour Aoden, qu’importe puisque son attention est bien tournée vers lui.

J'ouvre la chambre froide intermédiaire pour en sortir une bière, également au citron. Maintenant que j'ai découvert le double sens de lemon, j'ai envie de faire passer des messages plus subtils. Même si entre nous, il n'y en avait pas besoin. Tout est si limpide entre nous. Effrayant. Délicieux. Attention, on dit que le barman est déjà heureux dans les bras de quelqu'un. Et il s'y tient. Un clin d'oeil. Etrange de m'avouer .. en .. couple. Enfin, je crois que c'est une vision réciproque qu'on a. On en avait parlé par message alors, ça devrait l'être. Le doute. Pour autant, un gout de reviens y dont je ne peux plus limiter les effets sur mon quotidien. Je termine mon cocktail, lui proposant de gouter pour au final trinquer avec lui. A notre soirée. Au fond, j'attendais ce moment. Me dire qu'il était sur mon territoire et que cette entrevue allait pouvoir calmer ses ardeurs à sortir en public. Je ne pouvais pas lui expliquer qu'il était devenu une cible ambulante. Je n'avais pas besoin d'une confirmation. On nous avait vu. Si les miens l'ont vu, d'autres ont pu faire pareil. Mais je ne pouvais pas non plus le prévenir. Personne n'avait encore agit et je veille, au mieux. Cela ne m'empêche pas de limiter les sorties. Je bois plusieurs gorgées avant de reposer mon verre sous un dessous et le fixe quand il me questionne. Je mords ma lèvre pour réfléchir à comment aborder le sujet. Je fouille dans mes poches et en sort mon téléphone. Je cherche une photo et lui présente le fameux homme qui m'avait gâché ma semaine. Je pousse le cellulaire vers lui, laissant le temps de découvrir. Tu couches avec ? La question sort abruptement, sans détail, sans sourire. Comme avec le gang. Alarme de la conscience : être doux ! Je me racle la gorge, baisse la tête, pour me calmer. C'est Isaac. Je le regarde. Je veux dire .. Tu .. Main dans la nuque. Bon, j'ai l'air con mais tu lui souriais .. Et tu riais avec lui .. Souvent. Et il semblait sacrément encouragé. Je me recule, me sentant très gauche. Après .. Tu peux .. Si tu veux .. Je crois que je vais me taire.

Il sourit doucement en sentant le goût acidulé du citron se mêler aux bulles légères du liquide ambré. Il ne s’y attendait pas, mais c’est une agréable surprise qui donne un petit plus à la bière. Parce que ça ne l’étonne pas qu’Aoden voulait lui servir plus qu’une simple bière. Mais la joie se lit plus ouvertement sur le visage d’Isaac en entendant l’insinuation du barman. « Ce quelqu’un est vraiment chanceux. » S’il avait haussé un sourcil pour répondre, sa voix trahit tout de même une sincérité profondément ressentie. Il se sent bien avec Aoden, ça ne fait aucun doute. S’il peut parfois avoir peur de ses propres sentiments, il sait tout de même qu’il ne se sent aussi complet avec personne d’autre et cela faisait des années qu’il n’avait pas ressenti une telle chose. Avec lui il trinque à la soirée, hochant la tête pour simplement goûter au cocktail de son amant. Pour un propriétaire de bar, Isaac est un piètre connaisseur d’alcool puisqu’il ne boit que rarement. Mais il reste curieux, encore plus depuis qu’il a Aoden dans sa vie pour lui faire découvrir de nouvelles saveurs. Il pensait que cette soirée servirait également à cela, mais la conversation est à peine commencée que déjà des tensions se font sentir. Il commence à le connaître Aoden, à savoir décrypter ses expressions, ses réactions. Les muscles de ses épaules semblent contracter ce soir, son visage fermé et c’est assez pour l’inquiéter. Sa question reste sans réponse pendant quelques secondes, jusqu’à ce qu’il se penche sur le téléphone pour voir une photo de Raphaël Watts. Il pourrait croire à une blague de la part d’Aoden, si son ton n’était pas aussi brutal. Le regard d’Isaac se braque à nouveau sur l’homme face à lui, essayant de comprendre d’où lui vient cette idée. Mais l’explication n’est pas assez pour le rassurer. « Pardon ? » Il se sent de plus en plus perplexe et insulté par les mots qui sortent de cette bouche que d’ordinaire il aime tant. « Je peux si je veux ? » répète-t-il ahuri. Il n’arrive pas à croire qu’Aoden le croit capable d’une chose pareille, mais soudainement il prend peur, parce qu’il pense à ce que ça peut bien signifier pour lui. « Tu couches avec d’autres personnes toi ? » Sa voix est plus blessée que accusatrice, mais au fond il se demande vraiment s’il n’y a pas une part de vrai. « Ça fait des mois que je ne vois que toi Ao, depuis bien avant qu’on officialise quoi que ce soit. J’ai aucune envie de coucher avec lui ou avec un autre. » Vexé, il se lève de son siège pour prendre un peu de recul, mais garde son regard bien planté sur le visage d’Aoden. « Et tu sais parfaitement que c’est mon boulot de sourire et rire avec les clients. Ce n’est rien de plus. Je n’arrive pas à croire que tu penses ça. » Et pourtant s’étaient-ils réellement dit, à un moment donné, qu’ils ne verraient personne d’autre ?

Chaque mot qu'il prononce, surtout vers la fin devrait me calmer mais je ne sais pas, l'accusation déguisée me déplait franchement. Tu n'arrives pas à y croire ? Y'a quoi que tu n'arrives pas à croire que je puisse pas supporter qu'un homme te fasse des avances ? Non parce que c'est ce que j'ai vu, un homme qui voulait coucher avec toi. C'était pas des verres Evans, mais tes fesses. Et aussi belles soient-elles, moi j'aime pas ça. Alors commence à y croire sinon, je vais aller leur faire croire à tes prétendants de merde moi que je n'aime pas. Et épargne moi ton air horrifié de dramaqueen, je n'ai pas encore tué de chatons. Je finis par me servir un whisky sec pour me calmer et serrer le contenant entre mes doigts. Je couche avec personne, autre que toi. Je ne veux que toi... Aussi hallucinante que cela puis paraitre. Avec tout ce qu'on a vécu, je n'aurais jamais songé m'attaquer à quelqu'un, me projeter dans des trucs sérieux, avouer certains sentiments. Fin, on a fin plein de trucs de couples et tout que je n'aurais pas cru capable. Et maintenant, j'ai envie de briser des nuques quand .. on commence à te trouver à son gout. Nouveau verre pour délier ma langue, oubliant de cacher ma véritable nature. J'ai menti .. Tu peux pas aller voir ailleurs. Et je veux pas que tu ailles ailleurs. Mais .. Je me sens pas légitime de te dire gros tes fesses sont miennes je vais y tatouer mon prénom. Troisième verre. Bon il est possible qu'au sixième je finisse par le demander en mariage. Je réalise qu'on avance plutôt pas mal. Mais je sais pas trop comment gérer quand tu interagis avec les autres. Et je veux pas être ce type qui interdit son mec de parler aux autres. De toute façon t'es barman, c'est ridicule. Enfin voila, à part m'énerver et faire confiance, je vois pas trop comment faire. Je souffle longuement. Je suis vraiment entrain de jalouser un de ses clients ? J'ai l'air d'un gros con là ? Est-ce que tu vas me dire que tu vas prendre tes distances, parce que tu es déçu ? Je dois dire pardon pour que tu le fasses pas. Suis nul Isaac. Mais .. J'aime beaucoup ta compagnie et les moments qu'on passe ensemble. Je me dis juste que tu dois me trouver pas très fun par moment .. Et tu risques de te faire chier. Tu veux pas qu'on essaye le comptoir plutôt que de me voir m'enfoncer dans .. Je sais pas trop quoi. Je me pince les lèvres et passe une main sur ma nuque.

La soirée avait pris une tournure dramatique bien trop rapidement, et Isaac avait du mal à comprendre pourquoi ils en étaient arrivés là. Tout allait bien entre eux, depuis des semaines, des mois, ils n’avaient pas eu de vraies discordes. Des taquineries, des petites vexations, mais aucune accusation qui n’allait si loin. Parce qu’avant on n’avait pas le droit d’être jaloux. La voix de la raison chuchote dans la conscience du barman, il sait au fond qu’il devrait être le plus calme de la situation et calmer leurs ardeurs. Il devrait, mais Isaac non plus n’est pas parfait et il lui arrive de s’emballer lorsqu’il les gens le cherchent bien. Et Aoden l’a trouvé. « Le problème c’est pas que tu t’énerves contre les mecs qui ont envie de moi, le problème c’est que tu penses que moi j’ai envie d’eux. Habitues-y-toi à mes airs de drama queen, parce que si tu me sors des conneries comme ça tu vas les voir souvent. » Ego froissé pour la pire des âneries. Ca l’énerve qu’Aoden ait soulevé ça, qu’il se moque de lui et de ses expressions dans un moment pareil. Il l’observe alors qu’il se sert verre sur verre et débite des paroles à toute allure. Au fond il ne comprend pas, parce que les paroles d’Aoden le rassurent, lui prouvent qu’ils sont sur la même longueur d’onde, qu’ils tiennent l’un à l’autre de la même manière. Alors pourquoi tout ce cirque ? Sont-ils vraiment obligés de se hurler dessus pour s’avouer leurs sentiments ? « Je ne vais pas voir ailleurs ! J’en ai aucune envie, d’accord ? Il faut que je te le dise combien de fois ? » répond-il d’une voix forte alors que le propriétaire enfile son troisième verre d’affilé. « Ouais, c’est ridicule. » lâche-t-il en réponse directe à ses paroles. « T’as pas le droit de réagir comme ça. Parce qu’on fait le même boulot et tu sais ce que ça implique de garder sa clientèle.  Dans mon bar tu y viens quand tu veux, et je crois t’avoir fait comprendre plus d’une fois que tu pouvais aussi contourner le comptoir et venir m’embrasser. J’ai pas honte d’être avec toi Aoden, j’ai envie de l’être. Mais là c’est toi qui m’invite le seul soir de la semaine où il n’y a personne autour. Donc je sais pas à quoi tu veux jouer, mais ça me donne l’impression que c’est toi qui a quelque chose à cacher. Arrête les accusations. » Il sait parfaitement qu’il a tort. Que certaines paroles prononcées sont injustes et cruelles, parce qu’ils ne sont pas au même stade tous les deux. Isaac est à l’aise depuis des années avec sa sexualité. Ses proches sont bien au courant et il ne craint pas que la réputation de son bar pâtisse de ses relations privées. Mais s’il ne connaît pas toutes les raisons d’Aoden, il a tout de même bien compris que lui n’était pas prêt à montrer au monde qu’il était en couple avec un homme. Réalité qu’Isaac comprend, accepte, et pourtant utilise contre lui maintenant, avec des remords déjà présents. Dans un soupir la tension redescend d’un cran, il lève des yeux à la fois tristes et sévères vers Aoden. « J’ai pas envie d’essayer le comptoir. J’ai pas non plus envie de m’éloigner. » Au contraire, il fait un ou deux pas en avant, pour se rapprocher de lui. La distance est toujours importante, il ne veut pas la réduire complètement au cas où ils repartent de plus belle. « On s’engueule, c’est pas pour autant que je vais claquer la porte et ne jamais revenir. Je suis pas doué pour ça, les relations j’ai jamais su les garder, mais avec toi je veux essayer. J’aime les moments qu’on passe ensemble, j’aime ce qu’on a, ce qu’on partage. Toi. Je ne sais pas où on est censé aller, comment on doit faire et évoluer. J’en ai sincèrement aucune idée. Mais j’ai pas envie de baisser les bras. Tu… tu me manquerais trop. » Dans ses yeux, la colère a laissé place à l’embarras. Il lui brûle également les joues, parce qu’il réalise qu’il dit des choses qu’il ne lui a jamais dites avant. « Tu n’as pas à être jaloux de qui que ce soit, je t’assure. » Tout en parlant, il s’est tout de même rapproché, ne pouvait rester éloigné plus longtemps. Et doucement, il lève la main pour la poser sur la joue d’Ao, caressant sa peau, sa barbe, avant de la remonter dans ses cheveux.

On m'aurait parlé de la sorte, j'aurais déjà envoyé le corps de l'autre côté de la pièce. Mais lui .. C'est agneau que je suis. Impossible de lui faire du mal. Même involontaire, ça me tort le bide. J’en aurais des choses a lui redire. Gueuler plus fort .. alors que je suis en tort. Y’a bien un truc que je retiens.. Il pense que j’ai honte de lui. Je ne peux pas lui donner tort - je n’ai pas honte ! - mais je ne peux confirmer les doutes des ennemis. J’ai accepté que je pouvais l’avoir dans ma Vie mais pas d’en faire une cible ambulante. Ouais j’avais envie d’être le plus grognon. Masquer la vérité sous des inepties. Mais aucun son ne sort de ma bouche. J'enregistre chacun de ses propos. Continue de m'enfiler des verres. Ca s'agite dans la boite crânienne. Comme une sensation d'être pris dans des phares. Les vérités font mal. Je m'en veux de lui infliger une telle vie cachée alors qu'il semblait prêt à annoncer au monde entier notre relation. Je me questionne sur le fait que ce soit une bonne chose de continuer à se voir. Je devrais l'éloigner un jour. Lui faire une crasse, qu'il me haïsse. Ca me tuerait le cœur mais au moins, il ne reviendrait pas. Un jour, il faudra que je le fasse. Dernier verre comme pour acter ma décision dans ma tête. Cela dit, il met tant de principes à mal mon petit gars.

Comment pouvoir appliquer cette décision quand un seul geste de sa part me fait tout oublier. Une chaleur qu'il me fait sourire malgré notre dispute. J'aurais pu le rejeter. En profiter maintenant. Mais ça m'est impossible. Que je le veuille ou non, sa présence est devenue une ancre à mon quotidien. Il me rend heureux. Et si ça n'était pas le cas, on se serait embrouillé et je l'aurais jeté dehors. Mais non, c'est du silence par peur d'avouer la vraie raison de notre relation cachée et un profond respect pour sa personne. Je le laisse faire et finis par le serrer contre moi, visage niché dans son cou. La Squad se foutrait bien de ma gueule, à me voir ainsi ; dépendant d'une aussi belle âme qu'est Evans. Je peux pas m'excuser. Je .. Je sais pas faire quand .. Ca me touche. J'ai pas envie de te voir partir avec un autre, que tu réalises que je suis .. Fin qu'il existe mieux que moi. Je sais que tu vas me dire que ça n'arrivera jamais. Mais bon, nous ne sommes pas devins. Je finis par me reculer, front contre le sien. Ce que je peux te promettre, c'est de râler contre les gens qui veulent de tes fesses mais gentiment, sans hausser le ton. Parce que je le sais, faut que j'extériorise ce .. truc qui se passe dans ma tête. La jalousie Ao .. Prononce le ja-lou-sie purement et violement. Tu veux toujours passer la soirée avec moi ?

Entre les cris et les déchirures de coeur, Isaac ne sait plus comment faire. Il voudrait continuer à hurler sur Aoden parce que c’est plus simple ainsi, parce que ça fait du bien. Il voudrait pouvoir lui reprocher des choses, remettre en question leur relation comme tant d’hommes l’ont fait avec lui, par le passé. Et autrefois il laissait faire Isaac, il y participait à ces engueulades parce que ça lui permettait de retrouver sa liberté. Pas d’attache, pas de complication. Mais aujourd’hui les complications sont déjà là et il ne veut pas donner à Aoden des raisons d’en finir avec lui. Les sentiments qu’il éprouve lui font incroyablement peur. Il veut rester, il veut se battre pour eux, il veut lui dire ce qu’il a sur le cœur. Toutes les angoisses qu’il ressent, tous les doutes et les démons qui le hantent. Il en partage une partie, il l’accuse d’avoir honte, de se cacher, parce que c’est en partie ce qui se passe. Lui-même n’a pas toutes les clés en main et bien qu’il puisse comprendre que ce soit difficile d’assumer qui on est, difficile de sortir d’un placard dans lequel la société veut nous enfermer, il sent qu’il y a quelque chose de plus. Quelque chose qu’il n’apprendra pas ce soir non plus. La jalousie d’Aoden, il la comprend. Lui-même l’a ressenti face à des hommes qui ne sont pourtant pas une menace. Mais il envie la proximité que Lex entretient avec son boss ; il jalouse la complicité que certains de ses employés plus jeunes ont avec lui. Isaac est humain, lui aussi, mais ce n’est pas Ao qu’il remet en cause.

Finalement il se rapproche de lui, pas à pas, avant d’être assez près pour caresser son visage. Un geste tendre qui se veut drapeau blanc, pour marquer une trève dans le combat qui faisait rage. Isaac le veut lui. Tout entier. A demi-mots il ose même lui dire ce qu’il ressent, mais Aoden ne relève pas cette partie et peut-être est-ce pour le mieux. Il l’étreint et c’est seulement entre ses bras, avec le souffle de son homme contre son cou, que Isaac peut enfin respirer. Il ne devrait pas se laisser aller ainsi. Faire dépendre son bonheur de quelqu’un d’autre. Quelqu’un qu’il pourrait perdre. Mais déjà son coeur lui appartient. « C’est vrai, nous ne sommes pas devins. On ne sait pas ce qui va se passer, comment notre relation va évoluer. Mais Ao… je sais ce que je ressens pour toi, là, maintenant. Alors autant profiter de ce qu’on a actuellement avant de s'inquiéter de ce qui se passera plus tard, non ? » Il garde les yeux fermés tandis que leurs fronts se collent l’un à l’autre. Au fond il sait qu’en cas de rupture, il lui faudra longtemps pour ressentir à nouveau ce qu’il ressent maintenant. Peut-être même qu’il n’en sera jamais capable, puisqu’il partira du principe que c’est un nouveau signe de l’univers. Isaac Evans est fait pour être seul. Mais il laisse cette pensée de côté quand Aoden le fait rire et dans un geste doux il tire légèrement sur les cheveux qu’il a gardé entre ses doigts. « Très bien. Si tu ne hausse pas le ton et que tu restes gentil, tu peux râler. Je ne voudrais pas que ta tête explose. » Ouvrant à nouveau les yeux, il recule son visage pour observer celui de son amant. « Évidemment. On m’a promis une soirée entière et une visite du toit… je ne pars pas maintenant. » Il esquisse un sourire doux avant de se pencher pour capturer les lèvres de l’homme. C’est un échange bref mais rassurant, qui lui fait du bien pendant quelques secondes. « Ça va mieux ? Est-ce que… tout va bien entre nous ? » Isaac ne veut plus crier, mais s’il faut reparler de tout cela, il est prêt à le faire. Tant qu’il peut s’accrocher un peu plus à Aoden.

Ses dernières questions me font sourire. Il était si prévenant alors que je pouvais lui apporter le Chaos à tout moment. Un jour, je vais payer d'avoi cru à cette idylle et il risque d'y avoir du sang. Parce qu'on ne pardonne pas qu'on s'en prend à la moitié d'un bandit. Moi le premier, je n'hésite pas à faire pression alors je vais un jour me prendre un retour de flammes et me cramer de la tête aux pieds. Rien qu'à cette idée, je m'approche de lui et l'embrasse longuement. J'aimerais tellement tout lui avouer, lui demander pardon. Tout comme fuir me traverse trop de fois en ce moment. Mais jamais, je ne quitterais le bateau, je me suis tellement battu pour asseoir mon vieux cul sur ce trône. Je me détache, front collé au sien. Tout va toujours bien avec toi. C'est pour ça que je ne m'éloigne jamais bien trop longtemps, à tort.

Main glissant dans la sienne, on quitte le bar pour prendre l'ascenseur. On emprunte un couloir et on arrive dans les cuisines privés. Je ne suis pas le meilleur dans ce domaine mais je peux me débrouiller. Alors ça va être une recette extrêmement simple. Des pates, des gambas, du saumon et beaucoup de crème ! En plat de résistance. En entrée, ca va être .. Merde j'ai un trou de mémoire .. Je regarde autour de moi et attrape les fiches que les chefs m'ont sorti. Pêche et thon. J'ai déjà gouté, c'est vraiment bon ! Je te le promets. Et en dessert, fondant caramel cœur coulant et toi. Enième baiser et je lui tends un second tablier, pendant que je mets le mien.

J'accroche les fiches recettes contre un mur, sors une bouteille de vin et deux verres. Les remplis et trinque avec lui. On va confectionner notre repas, en entier. Alors je te promets pas d'être le meilleur mais je peux tout donner pour toi. Un clin d'oeil, une gorgée. Je sors tous les ingrédients. Un plan de travail, une recette pour ne pas se tromper. J'évite de penser au nettoyage. Par quoi veux-tu commencer ? Je le laisse réfléchir pendant que mes dents attrapent son cou, je sens que ça va être compliqué de me tenir à carreau en fait.

Première engueulade de passée. La première sur une liste de combien ? Aucun d'eux ne peut le savoir, mais la tension baisse et il est agréable de pouvoir passer à autre chose. Tout va bien entre eux, tout va toujours bien apparemment. Les mains glissent alors l’une dans l’autre, et Isaac suit son homme à travers les lieux. Il n’y a eu aucune réponse sur le fait que le club est vide, que leur relation reste cachée, mais à ce propos il ne fait que réprimer un soupir. Un combat à la fois. Adresser la jalousie qu’ils peuvent ressentir était déjà une grande étape, il sera assez tôt de revenir sur les affections en public une autre fois. Aoden est déjà passé à autre chose de toute façon, il picore ses lèvres à la recherche de baisers entre chaque phrases qu’il prononce, et Isaac ne peut s’empêcher de glousser un peu. C’est niais, c’est rose, mais il se sent bien malgré ce qu’il vient de se passer. Tout est derrière eux, oublié, et un instant l’invité songe à tout envoyer valser pour ne faire qu’un avec son amant. Pourtant il lui parle, capture son attention sur le menu de la soirée et il doit bien avouer que son estomac s’impatiente. Le vin pourra peut-être aider à ne pas y penser, mais préparer trois plats juste avant de manger, avec un homme beau comme un Dieu face à lui… c’est une mission difficile qu’il s’apprête à relever. Encore plus si Aoden s’approche comme il le fait, mordillant la peau de son cou. Isaac se presse alors contre lui, laissant sa tête glisser sur l’épaule musclée pour lui donner plus d’accès. Quelques secondes, c’est tout, avant que ses mains ne passent sur les hanches qu’il aime caresser, cette fois pour l’éloigner. « Si on doit préparer tout ça, hors de question qu’on commence par le dessert ! » Il se retourne pour lui faire face, un sourire amusé aux lèvres. « Je te connais en plus, si on fait ça maintenant, tu auras faim après et tu n’auras plus envie de cuisiner. On va finir par manger n’importe quoi, alors que tu nous as prévu un très bon menu. » Ce qui commençait sur le ton de la blague se termine d’une voix plus douce et charmée. Parce qu’il ne réalise pas qu’une équipe de chefs professionnels se cache derrière les fiches recettes accrochées au mur, et il imagine Aoden devant son ordinateur à recopier soigneusement des idées de plats en pensant à ce soir. Naïf Isaac. Isaac amoureux…

« Mieux vaut séparer les tâches, non ? L’un peut s’occuper de l’entrée, pendant que l’autre commence à faire revenir les gambas et le saumon. Les pâtes vont vite cuire donc on n’a pas besoin de s’en occuper tout de suite. » Tout en parlant, le brun termine de nouer le tablier dans son dos et regarde les ingrédients posés là. Il ne s’est jamais retrouvé dans une cuisine aussi sophistiquée, mais il ne doute pas qu’il arrivera bien assez vite à s’y repérer. « A voir ton expression, j’ai l’impression que éplucher et découper les pêches ça va être dans tes cordes. Tu veux bien faire ça ? » Et pour l’inciter à dire oui, il s’approche et l’embrasse, se demandant déjà quel goût auront ses lèvres quand l’arôme des fruits s’y mêlera subtilement. « Fais attention avec le couteau par contre. Il a l’air aiguisé. » Ce n’est pas un enfant qu’il guide, mais il ne peut s’empêcher de voir Aoden comme un nounours inoffensif, même après cette explosion qu’il a eu un peu plus tôt.

Je fais la moue quand il refuse de commencer par le dessert. Et heureusement ! Je crois qu'il sait que j'aurais même pas poursuivi une fois que ça aurait été prêt. Juste le dessert et lui, ça m'allait parfaitement bien. Mais non, il ne tombe pas dans le panneau. Comme tu voudras petit homme, je te suis. Il commençait vraiment à me connaitre .. Effrayant, je vous dis. Si plaisant et rassurant à la fois. Je perds la Raison, purement et simplement.

Je savais que cuisiner à quatre mains allait lui plaire mais je ne pensais pas que je finirais par devenir son commis. Je réponds à ses baisers, rapproche les ingrédients vers moi. Je hoche la tête à tous ses propos. Je ris à sa dernière phrase et joue avant le couteau, le passant entre mes doigts tout en le regardant. Petit tour où je m'étais sanguinairement et longuement bien entrainé avant d'y parvenir. Je ne m'appelle pas Cloé, respire. J'embrasse sa joue, rinçant vite ma main commençant à saigner du fait d'avoir frôler un brin trop près de la lame.

Je lave les pêches et me concentre pour les éplucher. Vraiment de la merde.. En fait, il a fait exprès de me flatter parce que c'est chiant .. Le coquin ! Lèvre supérieure attrapée entre mes dents en guise de preuve d'une concentration ultime, à croire que je jouais ma Vie sur ces fruits à la con. Les noms d'oiseau sortent en gaélique inconsciemment. Mais j'y parviens. Sourire de gosse sur la tronche et je m'applique à couper en lamelle. Je relis consciencieusement ma recette pour tout mettre en vérine. Préparer le temps et la sauce épaisse qui va avec. En oublier presque l'homme avant de me mettre à hurler, faisant semblant de mettre couper le doigt. J'ai besoin de soin, c'est urgent, je vais mourir.

Isaac a envie de répliquer face au surnom donné, mais il se contente de rire un peu avant de donner ses indications pour suivre les fameuses recettes. Il ne s’attendait pas à un tel planning pour la soirée, pas après la dispute qu’ils venaient d’avoir, ni même en général. Jour après jour, le mystère qu’était Aoden s’éclairait un peu et il avait fini par comprendre que l’homme aimait manger, sans forcément faire attention au contenu de son assiette. Alors le voir cuisiner ainsi, prêt à mettre les petits plats dans les grands pour lui faire plaisir, ça le touche sincèrement. A choisir, il aurait évidemment préféré que son amant se mette à la tâche sans faire le malin avec des couteaux, mais que peut-il dire à un adulte qui se trouve chez lui ? « T’as trente ans de plus, et tu te blesses quand même. Jeu de main, jeu de vilain ! » Un proverbe enfantin qui n’arrêtera pas les bêtises d’Aoden, mais il ne peut s’empêcher de le dire.

Finalement le calme se fait dans la cuisine, ou le silence du moins. Isaac va d’un ustensile à l’autre, commence à faire revenir saumon et gambas. Les protestations du brun le font rire discrètement, mais il ne relève pas, continuant ses tâches. Ca lui plaît cette familiarité dans laquelle ils se trouvent, cette simplicité d’être ensemble, sans rien dire. C’est nouveau pour lui, il n’a jamais eu l’habitude de ça dans ses anciennes histoires et peut-être qu’au fond, c’est ce qui rend sa relation avec Aoden si spéciale. L’atmosphère est détendue, il se sent heureux, jusqu’à ce qu’un cri lui fasse lâcher la spatule qu’il avait en main.

« Qu’est-ce qui t’arrive ? » D’un geste vif, il coupe le feu sous les poêles et court jusqu’à Aoden. En une seconde, son cœur s’est mis à battre beaucoup plus vite, sa respiration s’est affolée et il cherche des yeux la source du mal. « Tu t’es coupé ? » Il ne voit rien sur la main d’Aoden, qu’il observe d’abord sans toucher. Puis finalement, il pose les doigts sur sa peau, retournant sa paume pour en inspecter chaque centimètre. « Je vois rien. » Dans cette constatation qui se devrait rassurante, la voix d’Isaac tremble d’angoisse. Pour eux qui ne sont officiellement en couple que depuis peu, c’est sans doute excessif d’avoir peur ainsi, mais il ne peut contrôler la panique qu’il ressent soudainement. Une fois quasiment certain que la main de l’homme va bien, il inspecte du regard le reste du corps, espérant ne pas voir le couteau planté dans un membre. « Où est-ce que tu as mal ? Tu veux que j’appelle les urgences ? » Déjà, Isaac sort son téléphone, n’attendant qu’une explication de plus de la part d’Aoden.

Je le regarde m'inspecter, paniquer, me tâter. Je me mords la langue pour ne pas rire. En vérité, je n'aurais jamais songé qu'il s'impliquerait autant. J'ai cru qu'il entrait vraiment dans mon jeu. Puis quand il sort son téléphone, je l'attrape pour le déposer sur une paillasse. N'allons pas nous attirer des problèmes.

Je tire sur son t-shirt, pour lui voler un passionnant baiser concluant par une claque au cul. Non, je n'ai rien. Juste voir comment tu allais réagir. Et je ne suis pas déçu. Le sourire s'affiche. Je ne l'admettrais pas mais ça me touche qu'il ait réellement pu s'inquiéter pour ma misérable personne. Je me sens rassuré de me dire que je compte à ses yeux. Alors, je continue de l'embrasser, me faisant violence pour ne pas le désirer dans ces cuisines. Je voudrais pas me manger une révolution de ma brigade. Alors je me recule après un énième baiser.

Alors chef on fait quoi ensuite ? Parce que je me suis bien fait chier avec tes pêches alors que c'est la tienne que j'aurais aimé éplucher. Œillade sur sa personne. Tu m'en veux ou tu es sous le choc de cette petite blague .. ? Bon, j'espère ne pas avoir jeter un froid sinon, j'allais souiller les cuisines pour bonne entente à rétablir.