doomed celebration -- Aoden

Jeudi 16 juin 2022

Inspirer profondément. Expirer lourdement. La tête entre les mains, assis sur un des canapés du salon, Isaac répète cet exercice plusieurs fois depuis quelques minutes. La soirée devrait bien se passer, il ne souhaite que cela, mais depuis deux jours il est dans un état lamentable. Depuis deux jours, les souvenirs, la culpabilité et le manque ressurgissent, sans qu’il ne puisse lutter contre. Il savait que ça allait arriver, évidemment qu’il s’y attendait, mais naïvement Isaac espérait que ce mal-être ne le possèderait que la journée du 14. 14 juin, date anniversaire du décès de son frère. Et voilà qu’on était le 16 aujourd’hui, date d’anniversaire officielle de son couple avec Aoden. Pourquoi fallait-il que les deux événements soient aussi proches l’un de l’autre ? Leur couple ne datait pas de la mi-juin, ils n’avaient ni échangé leur premier baiser ce jour-là, ni passé une première nuit ensemble. Mais un an plus tôt, c’était à ce moment-là qu’ils avaient décidé de devenir sérieux l’un avec l’autre. D’arrêter de tourner autour du pot, d’assumer leurs émotions, leurs sentiments. Et depuis ce jour-là, Isaac doit bien avouer que la vie semble plus simple. Plus joyeuse, plus méritante d’être vécue. Il ne regrette rien, pas même les événements traumatisants de décembre dernier, parce qu’ils leur ont permis de se rapprocher. Aoden est devenu le pilier de sa vie, et pour ça il mérite de passer la meilleure soirée de sa vie.

Lorsque l’horloge de l’entrée sonne sept heures, Isaac se relève, passe une main dans ses cheveux et lisse machinalement les bords de sa veste. Pas de miroir aujourd’hui. Pas de miroir depuis deux jours. Dans une dernière inspiration, il sort du salon pour rejoindre son homme, un grand sourire aux lèvres. Il cache bien son jeu Isaac, il n’est pas question que ce soir Aoden perçoive quoi que ce soit d’autre que de l’amour et du bonheur venant de lui. « Joyeux un an Babe ! » dit-il en passant ses bras autour des épaules puissantes. Un baiser échangé, pour se donner un peu de courage de continuer. « Tu es prêt ? Concert, nourriture, puis toi et moi toute la nuit. » Maintenant qu’il est prêt de lui, la respiration d’Isaac est plus fluide, son cœur apaisé. Il veut réellement y croire que ce sera un bon programme pour la soirée, qu’il oubliera tout le reste et profitera d’Aoden comme il se doit. « C’est un groupe que je connais, donc on pourra avoir accès aux coulisses, aux loges, à tout le reste. Si jamais t’as envie d’un nouvel endroit. » Il lui adresse un clin d'œil avant de lui prendre la main, et de l’attirer vers la sortie.

Malheureusement, j'ai encore du chemin pour être un parfait petit ami. Me penchant davantage sur mes compétences d'amant. Les déclarations d'amour, le romantisme, les petits gestes. Ce n'est pas naturel, ce n'est pas inné. Il m'arrive d'y penser. De les réaliser. Je suis plutôt celui qui a toujours la libido brulante et qui se dit plus on s'enflamme, plus il saura que j'en suis dingue. L'a-t-il compris ainsi ? Je ne le saurais jamais. Enfin, si. Je me dis qu'on commence suffisamment à se connaitre pour identifier les tics de l'un et l'autre. Les traites qui se froncent, le grain de la voix, les gestes pudiques. C'est détails qui me sont chers. Et les récents évènements ont su nous aider en ce sens. Je n'y croyais pas au début jusqu'à qu'on se confronte ce soir-là. Gravé dans ma mémoire. C'est aussi pour ça que je fais plus d'efforts. Parce que je veux aussi le reconquérir jusqu'à que je crève. Et là, j'aurais le sentiment que j'ai été celui dont il pouvait s'appuyer. Mais les dates, c'est encore une étape au dessus.

Discussion par messages, je dois être à l'heure alors, je rentre. La première phrase de ma moitié me fait froncer les sourcils. Puis la suite de la soirée me fait comprendre que je venais de merder. J'ai pas de cadeaux, je peux même pas faire semblant que je voulais créer du suspens. J'embrasse sa joue, tout de même attendri et impressionné par son initiative. Je ne vais pas te mentir, j'ai totalement oublié. Je l'ai pas noté dans mon téléphone. Et je pensais pas que le temps s'est défilé aussi vite. Mais bravo à toi d'être notre tête pensante. Un baiser pour le remercier. Je te l'ai dit, j'ai encore du chemin à parcourir. Je me lave rapidement, et tu restes ici et je suis prêt à te suivre jusqu'à l'aube. Je claque ses fesses et grimpe rapidement pour aller me doucher.

Escaliers montés quatre à quatre, les fringues créant le chemin jusqu'à moi ; je ramasserais après - méga tard. Cinq minutes top chrono, un petit coup de tondeuse sur la barbe pour que ça fasse plus ordonné, les chicots bien propres, et me voila vêtu d'une chemise et d'un pantalon pas trop serré. D'une blaser pour le côté classe et une paire de basket confortable pour casser le tout. Un clin d'œil dans le miroir et le compliment qui va avec : oui faut entretenir sa confiance en soi. Et je redescends quelques minutes plus tard.

J'ouvre la boite à cléfs. Et entraine bebe Evans au garage, un hall plutôt. J'appuie sur la clé électronique pour allumer les phares d'une Lamborghini rouge pétant. Tu diras que j'en fais trop mais elle a besoin d'être baptiser. Et pour nos un ans, elle ne mérite que ça. Le coller contre le capot pour lui offrir un avant-gout avant d'ouvrir la porte passager et m'installer derrière le volant. Promis si tu es sage, je te laisserais toucher le volant. Ceinture que je gueule dans l'habitacle et à peine a t il le temps d'entrer l'adresse dans le GPS et que les grilles s'ouvrent que je pars en trombe. D'abord rouler pour le plaisir de taquiner l'asphalte.

Si Isaac joue un jeu ce soir, il doit bien avouer qu’il est tout de même un peu plus simple de respirer dès qu’il s’approche d’Aoden. Tout est plus simple en sa compagnie, l’air est plus léger, la vie un peu plus douce. Ironique maintenant qu’il sait ce qu’il se trame réellement dans le quotidien de son amant, mais ça il tente de ne pas y penser. Il se concentre sur les bons moments, comme celui qu’ils devraient vivre ce soir, à l’occasion de leur premier anniversaire de couple. Le premier d’une longue série, c’est ce qu’il espère fortement. « Bravo à toi surtout, de supporter mes envies comme celles-ci. » répond-il avec un sourire. Rien ne les obligeait à faire quelque chose de spécial ce soir, ils auraient pu rester tranquillement au manoir, profiter de la présence de l’autre sans chercher autre chose, mais Isaac voulait faire les choses bien. Peut-être pour se secouer lui-même et sortir de la douloureuse torpeur dans laquelle il s’enfonce depuis plusieurs jours, mais aussi parce qu’il s’agit de la toute première fois, pour l’un comme pour l’autre, qu’ils passent cette étape dans un couple. A bientôt quarante ans il pourrait trouver cela ridicule, mais il choisit de se voir la beauté de la chose. Ils sont mutuellement la première relation de l’autre et ils le marqueront bien ce soir. Isaac se retient de dire quoi que ce soit lorsque Aoden parle de se laver. Il aurait peut-être dû être plus explicite sur l’heure à laquelle ils devaient partir, mais peu importe. Pas de prise de tête ce soir, surtout pas pour quelques minutes de retard. La douche d’Aoden lui donne l’opportunité d’aller boire de l’eau dans la cuisine, continuer ses exercices de respiration, et se persuader une dernière fois que tout ira bien.

« T’es beau comme ça. » Il lui lance le compliment quand son homme redescend les escaliers, essayant d’être un peu galant, romantique. Et dans l’expression de ses sentiments, il laisse échapper un rire quand il se fait traîner vers le garage sous la demeure. Isaac n’y connaît pas grand-chose en terme de voiture, alors qu’elle soit rouge, violette ou avec seulement trois roues, il n’en verrait pas vraiment la différence. Il apprécie seulement ce moment contre le capos, qui le prend un peu au dépourvu, mais lui donne l’envie de voler un baiser au conducteur avant qu’il ne soit trop tard. « Je suis toujours sage. » lance-t-il en attachant sa ceinture de sécurité. « Et tu sais parfaitement quel volant j’ai envie de toucher. » Avant que le moteur ne démarre, il se penche pour poser ses lèvres dans le cou d’Aoden, brièvement. Il n’est peut-être pas entièrement dans cette humeur-là, mais il veut avant tout préserver les apparences de cet événement.

Souffle un peu coupé par la vitesse de la conduite, il s’accroche malgré lui à la poignée de la porte, se concentrant sur les rues un peu floues qui défilent sous ses yeux. « On n’est pas en retard babe, ça va aller. » Mais ce n’est pas une question de retard, il le sait au fond de lui. Ca fait partie d’Aoden, c’est une partie qui le séduit d’ailleurs, alors qu’importe s’il se sent à nouveau nauséeux en arrivant à la salle de concert. Il continue de sourire, ne dit rien d’autre en se dirigeant vers l’entrée. La foule est déjà dense, ce qui ne le met pas tellement à l’aise et le pousse à saisir la main d’Aoden dans la sienne. Un geste rare, qu’ils n’ont généralement pas en public. « J’espère que ça va te plaire. » Il sait qu’Aoden aime le jazz, ils ne se seraient sans doute jamais rencontrés si ce n’était pas le cas. Mais il espère tout de même, souhaitant plus que tout passer une bonne soirée.

Et c’est le cas. La soirée se passe bien, la musique est agréable, Isaac se laisse aller à boire un verre ou deux en écoutant le concert. Il danse un peu aussi, fait en sorte qu’Aoden bouge sans être aussi alcoolisé que cette soirée de Mardi Gras qu’ils avaient passé ensemble. Il rit, il se sent bien. L’espace d’une heure il oublie tout le reste, profite juste de la musique, de l’ambiance, de la présence de l’homme qu’il aime à ses côtés. Puis vient un moment qu’il n’avait pas anticipé. Ses amis jouant sur scène prennent la parole, parlent d’influences historiques et plus contemporaines, d’amitié et de camaraderies. Des messages qu’Isaac comprend, mais son sourire meurt quand ils mentionnent son nom. Les frères Evans. Duo qui a eu une certaine notoriété sur les scènes de jazz. Patronyme qui fait acclamer quelques personnes dans l'assistance. Et les musiciens sur scène, ravis de pouvoir dire qu’un Evans fait partie des spectateurs, se lancent dans un morceau qu’Isaac et Casey ont composé. Il y a fort longtemps. Isaac se fige, sa respiration interrompue, tandis que son regard reste rivé sur la scène illuminée. Il se revoit à leur place, dans ce qui semble une toute autre vie. Revoit les bons moments, la complicité lors des concerts et des moments d’écriture, les rires, puis les disputes. Parce que Casey était en retard, parce que Casey n’était pas là. Physiquement peut-être, mais pas mentalement. Il revoit les yeux vitreux, le teint pâle, puis les spasmes. Il lui faut quelques minutes pour revenir à la réalité, reculer de quelques pas, complètement perdu. Il cherche Aoden du regard, semble l’avoir perdu dans un mélange de lumière, de couleur, de formes. L’angoisse monte, s’empare de lui et il ne peut que chuchoter à son sauveur « Sors-moi de là. »

Je n'avais pas du tout capté que le groupe parlait de ma moitié, de l'homme qui prenait le temps - malgré lui, je suppose - de me rendre plus humain. Amoureux qui avait fait l'effort de se souvenir de notre union officielle. Moi, j'avais en tête cette nuit où nous avions cédé depuis des semaines à se regarder en coin. Dans mon esprit, il n'était que celui qui me plaisait et que je voulais me faire. Il semblait si inaccessible et terriblement séduisant même quand il avait des moments de flottement teintant son visage. Ces temps qui portaient le nom d'un défunt. Et ce soir, j'ai encore une fois pas été à sa hauteur. J'aurais dû le prendre dans mes bras, quand on lui rendait honneur. Mais j'étais là à écouter bêtement. Là, à complimenter le groupe, à applaudir. Alors que Evans - et punaise que je l'appelais souvent comme ça, que je suis con - était en souffrance. Long à capter ses émotions mais jamais quand un ordre est donné. J'agrippe son bras et j'impose un chemin jusqu'à la sortie. - Je te demande pardon, j'ai pas géré. Je continue de l'éloigner et lui laisse de l'espace, sans vraiment savoir si c'est une bonne idée. - Qu'est-ce qu'il y a Ev .. Isaac ? Je devine son malaise maintenant que mes neurones se sont connectés mais je sais aussi qu'il peut fuir le sujet. Pas le choix cette fois, il doit extérioriser. - Ne me mens pas Amour. Je m'adoucie, car ce n'est pas avec mes grands chevaux que je vais l'aider. Ma paume caresse sa joue. - On va demander à prendre à emporter et aller se poser près du feu. Je pense qu'un bain moussant et relaxant peut t'aider également. Je finis par le prendre dans mes bras et embrasser le haut de sa tête, le gardant contre moi. - T'es ok avec ce programme ?

La panique compresse ses poumons, il ne sait plus où il est, qui il est, ce qu’il fait là. Il ne revoit devant ses yeux que les horreurs de son passé, jusqu’à ce que la main d’Aoden s’empare de son bras pour l’attirer vers l’extérieur. L’air frais lui fouette le visage dans un mordant agréable, au moins ça le réveille un peu. Mais la raison n’est toujours pas revenue, même une fois que la musique est trop lointaine pour qu’il puisse entendre quoi que ce soit. Luttant pour respirer, il se penche en avant, mains posées sur ses genoux pliés. Au milieu du parking, Isaac tente de garder un équilibre, de ne pas flancher complètement et de s'étaler au sol. Heureusement qu’Aoden s’approche à nouveau, pose légèrement sa main sur lui et ainsi le ramène à la réalité. Il est difficile de former des mots, mais il entend dans la voix de son homme une inquiétude bien réelle, une demande de vérité qu’il ne peut pas lui arracher. Pas cette fois. « Je pensais que je pourrai oublier, que je pourrai passer outre. Mais cette chanson c’était… la goutte de trop. » Sa respiration est hachée, il fait de son mieux pour prendre de grandes inspirations avant de parler, mais ça reste compliqué pour lui. « Je voulais fêter ça avec toi Ao. Je suis désolé d’être aussi faible. » Ca ne fait sans doute pas sens, mais peu importe pour le moment. Il profite des bras d’Aoden, de l’étreinte qu’il lui donne. Isaac le serre encore plus de son côté, s’accroche à lui comme si sa vie en dépendait. Il se perd dans son odeur, se calme grâce à la respiration du mafieux. « Il y a deux jours c’était la date de décès de mon frère. Et aujourd’hui c’est notre anniversaire à nous. Je voulais pas y penser, je voulais me concentrer sur nous, sur toi, qu’on passe une soirée rien que tous les deux. Mais je ne peux pas y échapper, ça fait des jours que dors mal, que je fais des crises et je voulais pas que tu t’inquiètes. Je ne voulais pas que tu te dises que c’était toi. Parce que ce n’est vraiment pas toi. Toi t’es l’opposé, t’es le miracle, le remède. Tu chasses mes fantômes. Et s’il n’y avait pas eu cette chanson j’aurais pu passer à autre chose. » Il déblatère tout cela en étant collé à Aoden. Ce n’est peut-être pas la meilleure position pour les grandes confidences, mais il ne peut pas faire autrement. « Ton programme est parfait. Pardon de tout ruiner. Tu méritais tellement plus que ça pour ce soir. » Il aurait aimé être l’homme parfait toute la soirée et laisser libre cours aux envies de son compagnon. Mais il a besoin de soutien, aussi pathétique que cela lui semble, il ne peut pas rester seul ce soir.

Je le laisse vider son sac, comprenant qu'il avait pris sur lui. Ca me fait grimacer. Je n'aime pas ce genre d'attitude - alors que je le fais - quand il s'agit de son frère. Enfin non, qu'importe le sujet, le fantôme qui l'étreint, je ne supporte pas quand il me cache quelque chose concernant son état d'esprit. Mais ce n'est pas le moment de lui faire la leçon. Je suis en tort. Je n'ai rien capté. Lamentable petit ami, assurément. On reste quelques secondes dans cette étreinte. Je réalise que nous avions fait du chemin. Il m'aurait été inconcevable l'an dernier de le faire publiquement. A présent, les regards extérieurs m'importent très peu, voire même sont inexistants. Alors je l'enveloppe dans mes bras, de silencieuses excuses, pour ce manque d'attention que je n'ai pas su lui apporter. Je n'ai pas su le protéger et j'ai pensé à tort qu'il allait y arriver. On ne m'y reprendra pas deux fois. Des minutes à nous laisser le temps de digérer ce qui venait de se passer et je me recule, glissant ma main dans la sienne, nous menant jusqu'à la voiture. C'est pensif mais concentré que je roule jusqu'au manoir.

On salue le personnel que nous pouvons croiser, demandant une collation. Je dis ça comme si y'avait du monde, juste trois personnes pour faire tourner les lieux. On arrive dans notre chambre, et je retire chemise et manteau que je jette négligemment sur un fauteuil, me dirigeant vers la salle de bain, concoctant un bain avec des sels pouvant apaiser. Encore des conneries posées là qui vont finalement servir. J'embrasse le front d'Isaac avant d'aller jusqu'à la cave a Vin et récupérant les sandwiches. Deux verres, deux en cas et deux humains ayant besoin de se retrouver. J'observe l'homme réalisant qu'il avait vraiment puisé dans ses retranchements pour paraitre le moins abattu possible et ça me fait serrer les dents. Posant le plateau dans la salle de bain, je reviens face à lui pour l'aider à se déshabiller. Je le laisse s'installer dans l'eau, me posant sur un tabouret. Un croc dans mon gueuleton et je le regarde. - Je t'aime beaucoup Isaac. C'est un bon début, je crois. - Je m'excuse de ne pas avoir remarqué que tu allais mal. Je pourrais me donner des tas d'excuses mais aucune ne justifie de t'avoir négligé. Je marque une pause, repassant ma phrase dans ma tête. - J'aimerais que tu parles davantage, surtout à cette période de l'année. Je ferais plus attention mais je ne veux pas que tu prennes sur toi. T'as pas à le faire avec moi. Tu n'es pas faible. Tu as perdu ton frère et la douleur sera toujours présente. C'est ton deuil, tu as le droit d'aller mal. Je passe une main dans ses cheveux, avant de l'embrasser. Il y a beaucoup de choses que j'aimerais lui dire, lui suggérer mais je ne le ferais pas moi-même et je ne veux pas créer d'injustice entre nous. - Est-ce que ça te gêne que les deux dates se suivent ? Parce qu'on peut s'en trouver une autre et célébrer notre couple comme tu l'envisagerais. Et je dis pas que ça me dérange, en vrai, ça m'importe peu. Mais je te sais très à cheval sur le sujet. Mais ça te permettrait d'avoir un temps pour ton frère et un autre pour nous. Qu'en penses-tu ? Je ne sais pas si c'est une bonne alternative mais c'est celle que j'ai en stock pour le moment.

Une étreinte et tout va déjà un peu mieux. Le savoir là, le sentir proche, c’est un réconfort auquel Isaac ne pensait pas avoir droit un jour - et dont il n’avait pas voulu pendant si longtemps. Tout n’est pas réglé, il sait qu’il y a encore beaucoup à dire et à faire, mais pour l’heure c’est déjà un immense poids en moins de savoir qu’Aoden est là, avec lui, pour partager sa peine. Évidemment qu’il le savait déjà, s’il y a quelqu’un pour partager tous ses fardeaux c’est bien lui, en qui il a une confiance absolue. Mais Isaac a du mal à se confier, surtout sur ce sujet-là, surtout sur ce deuil qu’il porte encore avec lui. Le trajet jusqu’au manoir se fait silencieusement, sans doute ont-ils tous les deux besoin de réfléchir à ce qu’il vient de se passer, mais le musicien pose tout de même une main sur le genou de son homme. Une manière de le sentir proche de lui, sans interférer avec sa concentration sur la conduite. C’est un geste assez machinal en réalité, puisque ce soir il n’arrive pas à réfléchir à grand-chose d’autre. Il se laisse guider à présent, dans la voiture, puis dans le manoir. Il écoute à peine les commandes d’Aoden, il se contente de le suivre dans leur chambre, désireux seulement de se retrouver dans leur bulle et de sentir autour de lui la chaleur d’un bain dont il imagine l’apaisement. Éreinté par la soirée et les épreuves émotionnelles des derniers jours, Isaac exécute des gestes lents, mous, et remarque à peine l’aller-retour que son compagnon fait pour prendre des sandwichs. Ils ont l’air bons en plus, ça lui chatouille l’estomac, mais il se concentre pour le moment sur les vêtements qui tombent et le bain qui l’accueille. Il sent presque immédiatement les muscles se relaxer et les mots d’Aoden aident plutôt dans ce sens également. Il l’écoute, puis ferme les yeux en sentant les doigts dans ses cheveux et les lèvres sur les siennes. Cet homme est bien trop bon pour lui. « Ne t’excuse pas, tu n’y es pour rien. Je ne partage pas cette peine et je sais que ce n’est pas bien. Tu n’attends que ça, tu es là, et je… j’ai vraiment besoin de toi. » Il acquiesce, lui adressant un fin sourire. « Je t’aime aussi, plus que tu ne le sais. Merci de me dire tout ça. Merci d’être là. » C’est déjà beaucoup, Isaac ne peut pas lui demander plus que sa présence et son soutien, mais il est agréable de savoir qu’il a tout ça. Silencieux, il prend quelques instants pour réfléchir à la proposition qui a été faite, souriant un peu plus grand à la remarque d’Aoden. « Ce n’est pas que je suis à cheval là-dessus, c’est que c’est la première fois que je peux fêter ça. Que j’ai envie de fêter ça. Honnêtement… je pense que ça peut être une bonne idée. Je ne sais pas si je serai un jour capable d’être entièrement moi-même à cette période de l’année, et même si je sais que tu veux que je le partage avec toi, je ne veux pas que ça assombrisse une belle étape de notre relation. » Reste la question de trouver une nouvelle date, mais là-dessus Isaac a déjà une ou deux propositions en tête. « Tu veux bien me donner mon sandwich s’il te plaît ? » Manger dans le bain, ça c’est un luxe qu’il ne s’offre pas tous les jours. « Et venir avec moi dans l’eau ? Si tu as envie. » ajoute-t-il en croquant dans le pain. Pour cette fois il n’y a pas d’idée en tête, juste le besoin d’être proche.

Je m'exécute. Donner le sandwich. Se dessaper. Lui demander de s'avancer, pour me placer dans son dos et l'accueillir dans mes bras. Je tape un croc dans le sien, avant de récupérer le mien. - Alors, je n'ai jamais vraiment vécu de deuil de proche, mais je peux tenter de comprendre et t'accompagner et tu n'as pas l'obligation de supporter d'être bien à cette période. Je dirais qu'à vouloir être à l'opposé de ce que tu désires, c'est se manger un retour de flammes. Tu as le droit d'aller mal, de nous envoyer chier. T'as pas de masques à porter, pas avec moi. Doucement, je viens masser sa nuque, espérant vraiment lui apporter un peu de sérénité. Tisser à nouveau notre bulle. - Je voulais quand même te remercier, d'avoir pensé à nous deux dans ce contexte. Je trouve que tu es un homme incroyable et empli de douceurs, toujours prompt à t'occuper des autres. Je suis très admirable de tes capacités. Je le papouille, m'attendrissant pour l'occasion. C'était à moi de lui prouver qu'il pouvait compter sur moi. - Quelle date ?