• rp d'intégration // Eamon & Eliana

C'est grâce à l'invitation d'une ancienne amie d'université qu'Eliana se retrouve mélanger à la foule en délire qui est venue écouter le groupe qui vient de monter sur scène. « Viens ! On se rapproche ! lui crie-t-elle en la tirant par la main. » Réticente depuis le début, Eliana lui fait d'abord résistance. Elle a déjà réussi à trouver le courage de venir jusqu'ici, se mélanger au reste du monde alors qu'elle a encore du mal à se sentir bien ; s'approcher d'une scène l'air enjoué, c'est trop. Elle fait alors non de la tête mais son amie est tenace. Elle tire encore, un merveilleux sourire sur les lèvres. Puis la foule bouge, s'excite, hurle. Eliana n'a donc pas d'autre choix que de suivre le mouvement ; et donc son amie. Mal à l'aise, elle est d'abord tendue. Elle analyse toutes les personnes autour d'elle, s'imagine leur vie, se crée des aprioris. Tout le monde semble si heureux, si euphorique. Alors que dehors, loin de leur bulle, la guerre continue de détruire des familles. Ses souvenirs de guerre la hante encore. Elle est en colère Eliana, contre l'humanité toute entière. Elle a alors du mal à respirer, elle se sent suffoquer autour de toute cette joie qu'elle n'arrive pas à partager. Elle voudrait que Slaine soit là, qu'il la prenne dans ses bras, lui embrasse le front tendrement et qu'ils rentrent tous les deux, dans leur cocon ; quatre ans en arrière, avant que sa mère ne décède.

Mais finalement, après quelques exercices de respiration, après quelques échanges avec son amie, Eliana se raccroche à quelque chose : aux battements frénétiques de la musique. Elle se rappelle alors le plaisir qu'elle a à l'écouter. Voilà ce que sa thérapeute cherche à lui faire retrouver : le goût des choses simples. Timide, Eliana se met alors à sourire, à sautiller aux côtés de son amie. Ce n'est pas encore très naturel pour elle, mais elle sent au fond de son cœur que ça pulse ; et ça lui fait un bien fou. Après quelques chansons, elle finit par chanter, puis sauter. Elles sont presque au premier rang. C'est à ce moment-là que les musiciens cherchent à partager un dernier moment avec leur public. Des personnes sont appelées à monter sur scène, pointées volontairement par le chanteur et le guitariste. C'est le guitariste qui croise le regard d'Eliana et l'invite à monter. Son amie, folle, se tourne vers elle pour la pousser. La encore, elle a un mouvement de recul, elle refuse. Non, pas encore ! Comme un voyage thérapeutique, Eliana est amenée à passer un nouveau cap. Monter sur scène et être observée par la foule. Elle résiste alors encore mais le public finit par la porter, l'encourageant, l'acclamant presque. Pour la musique et ses pulsations réparatrices, Eliana cède ? Elle monte sur scène, les jambes tremblantes et les joues rouges de timidité.

Une fois sur scène, Eliana s'accroche aux regards de ceux qui ont été invité à monter sur scène. Son regard s'accroche sur un visage qui lui semble familier. L'homme en question la fixe également, semblant la reconnaître aussi. Eliana hésite. Elle fuit donc le regard de l'inconnu pour suivre le rythme de la musique. Heureusement, c'est une chanson assez ancienne pour qu'Eliana la connaisse ! Elle chantonne alors aux côtés de la pianiste qui l'encourage à continuer. Mais le regard d'Eliana ne cesse de se balader entre la foule et l'homme en question. C'est alors qu'un éclair la foudroie. Mais bien sûr ! C'est le père de Slaine, le grand-père de son fils, Alden. Plus que troublée, elle en perd le fil des paroles. Elle bafouille des mots incompréhensibles avant de se taire et de se souvenir de la relation de Slaine et de son père, des raisons pour lesquelles elle ne l'a jamais rencontré. Pourquoi fallait-il qu'ils se rencontrent maintenant ? Et ici ? La panique prend de nouveau Eliana qui ne parvient pas à la contrôler. Elle tient bon jusqu'à la fin de la chanson mais avant même que les musiciens ne remercient leurs invités, Eliana s'enfuit de la scène par les coulisses, laissant le chanteur muet pendant quelques secondes. Elle ne peut plus faire face, ni au monde et encore au père de Slaine. Le voir lui a insufflé une vague de panique. Que peut-elle bien lui dire ? Doit-elle lui parler ? Se présenter ? Eux qui se connaissent, sans se connaître. Va-t-elle devoir lui parler de son histoire, son absence ? Voilà ce qu'elle craignait le plus en venant ici, croiser quelqu'un qui la reconnaîtrait et voudrait lui parler, savoir. Non, c'était trop. Dans sa course, Eliana n'entend que son cœur battre à tout rompre. Elle n'entend donc pas que le chanteur reprend ses remerciements sous un tonnerre d'applaudissements. Elle n'entend pas non plus un régisseur venir vers elle pour lui demander si tout va bien. Elle continue alors d'avancer jusqu'à se prendre les pieds dans une gaine technique et tomber, la tête la première au sol.

tw : traumatisme de guerre


Les yeux mi clos, Eliana git sur le sol immobile. Ses oreilles bourdonnent d'un son aiguë et lourd qu'elle reconnaîtrait entre mille. Ce même son qu'elle a entendu quand leur campement a été attaqué. Sonnée par la détonation d'une grenade, elle rampait au sol à la recherche d'un abri. Alors, machinalement, alors que ce n'est pas sur le sol syrien qu'elle git mais sur le sol des coulisses, elle rampe à la recherche d'un abri. Les yeux embrumés par les larmes et ses souvenirs, elle a l'impression de revoir ses camarades allongés au sol, sans vie. Un homme s'agenouille alors près d'elle. Elle ne le reconnaît pas tout de suite. Elle pose sur lui des yeux perdus, effrayés. Le bourdonnement sourd de ses oreilles l'empêchent de comprendre ce qu'il veut lui dire. De sa main sur son épaule, elle cherche un appui tout en balayant les alentours du regard. D'autres personnes s'approchent d'elle pour s'assurer qu'elle ne s'est pas fait mal, que tout va bien. Ce n'est que lors que sa respiration s'accélère et son visage se crispe qu'une personne parmi eux réalise qu'Eliana n'est en réalité pas avec eux. Elle est ailleurs, coincée dans un cauchemar dont elle n'arrive pas à se défaire.

Eamon est alors le premier à se prendre la première vague. Dans un cri terrifié, Eliana le repousse violemment. Elle se redresse ensuite maladroitement pour adopter une posture des plus défensives. « N'approchez pas ! hurle-t-elle. » Des larmes coulent sur ses joues sans même qu'elle ne donne l'impression de pleurer. « N'approchez pas ! hurle-t-elle à nouveau. » Un homme ne l'écoute pas, posant une main lourde sur son épaule. « Allons, calmez-vous, lui dit-il un brin presque énervé de voir une telle scène dans les coulisses. » Grossière erreur. Les réflexes militaires d'Eliana prennent le dessus au moment même où elle sent une pression étrangère sur son épaule. Poings immédiatement levés, elle fait volte-face et lui assène un violent coup droit puis un revers dans une vitesse folle. Dans un cri de surprise, des collègues de l'homme blessé s'empressent de venir le soutenir pour l'empêcher de tomber. Un talkie walkie grésillent. « Sécurité, commence un des gars. » Il s'apprête à appeler de l'aide avant qu'un autre de ses collègues, un grand brun, s'interpose, posant une main rassurante sur l'appareil, le regard rivé sur Eliana. « Cette femme est en état de choc, rien ne sert de ramener la sécurité, ça ne fera qu'aggraver les choses. » Il tente alors de capter le regard d'Eliana pour lui parler, l'apaiser mais cette dernière a les yeux rivé sur Eamon, unique visage connu qui la ramène à la seule chose qui lui a permis de garder pied durant sa captivité : les traits communs qu'il partage avec le visage de Slaine. Les poings toujours levés, elle tremble. Le brun remarque le regard particulier que la jeune femme pose sur Eamon. Il fait alors signe à tout le monde de rester calme et d'un simple regard, invite Eamon à tenter de calmer Eliana. Cette dernière tremble à nouveau, continuant de murmurer presque de manière inaudible : « N'approchez pas... » Mais si on prête bien attention au ton de cette mise en garde, elle sonne finalement davantage comme un appel au secours.

tw : traumatisme de guerre


Prisionnière d'un état second, Eliana ne baisse pas sa garde. Son corps agit sans même que sa tête ne lui ordonne quoi que ce soit, comme si l'entièreté de son être est sous pilote automatique en mode défensive. Toute personne extérieure est une possible menace, qu'il faut éliminer. Car sinon, c'est elle qui sera éliminer. C'est comme ça que ça fonctionne, qu'importe les lois et la justice. La vie est injuste et la loi du plus fort et du plus malin sera toujours celle qui prendra la vie de celui qui la sous-estime. Anesthésiée de toutes réflexions, Eliana ne prête attention ni à l'homme dont elle vient de casser le nez, ni à ceux qui chuchotent une stratégie pour la maîtriser. Tout ce qui compte autour d'elle sont les mouvements dans sa direction, retenus depuis qu'elle a porté les premiers coups. Toutefois, ses yeux ne quittent pas une seule seconde le visage d'Eamon. Lui qui ressemble tant à son fiancé, celui qui a donné une partie des traits du fils qu'elle a porté amoureusement avant de l'abandonner lâchement pour un cauchemar qui lui a paru éternel. Ce cauchemar qui l'a transformé pour toujours. Les souvenirs de la femme qu'elle était restent ancrés dans le visage de ceux qu'elle aimait avant de partir. Et malgré le fait qu'ils ne se soient jamais rencontré, Eamon en fait indirectement parti.

Doucement, son beau-père s'approche. Eliana recule d'abord, incapable de laisser qui que ce soit approcher. Son dos finit par heurter un mur amovible des coulisses. Réalisant qu'elle ne peut plus reculer, elle attend, le souffle court qu'il approche encore. « Eliana, tout va bien. » Au son de cette voix rassurante, c'est le visage de Joe qui lui vient en tête. Les yeux tirés par la fatigue et l'épuisement, le visage noirci par la crasse, les joues encore rouges des derniers coups qu'il a reçu, son coéquipier utilisait les mêmes tournures pour la rassurer quand ils se retrouvaient le temps de quelques minutes. Au souvenir de leur captivité mutuelle, Eliana secoue la tête. Non, non, tout ne va pas bien. « Tu es en sécurité ... » La médecin observe tout autour d'elle, tel un animal apeuré. Les gens autour d'eux ont pris leur distance, observant les avancées d'Eamon. Eliana ferme alors les yeux, tentant tant bien que mal de chasser ses démons. Son esprit balaye les derniers souvenirs traumatisants qu'elle a vécu pendant ses trois dernières années. L'attaque, l'enlèvement, les violences de ceux qui les considéraient comme des ennemis, les jours longs sans voir la lumière parfois, les corvées, le désespoir de ne jamais pouvoir retrouver sa liberté, la peur viscérale de perdre Joe, comme le reste de ses coéquipiers, puis le retour, libérateur, mais brutal, choquant.  « ... à la Nouvelle-Orléans. » Oui, elle est rentrée. Les souvenirs s'effacent doucement pour laisser place à une lumière laiteuse.

En rouvrant les yeux, elle s'accroche au regard d'Eamon. Doucement, il approche, lève les mains vers elle pour les poser sur ses poings toujours autant crispés. Ses ongles ont commencé à traverser la chair. Eliana prend alors une grande inspiration quand elle sent son contact. Elle se met à respirer bruyamment, inspirant, expirant, chassant toute l'angoisse qui paralyse son corps, annihile son esprit ; comme lui a montré un de ses thérapeutes. Doucement, la médecin baisse la garde, ramenant ses mains à la hauteur de ses hanches. « Tu veux que j'appelle Slaine ? » Toujours concentrée sur sa respiration, elle secoue la tête à la négative. Non, non, surtout pas. Il ne faut surtout pas qu'il la voit dans un tel état. Il va avoir peur. Il ne va pas la reconnaître ; ils sont déjà si loin l'un de l'autre. Hors de question d'agrandir ce fossé qui ne fait que les séparer encore plus. « De l'air, hoquette-t-elle, à bout de souffle, de l'air. J'ai besoin d'air. » Elle balaye les environs du regard à la recherche d'un échappatoire. Une personne de l'organisation de l'évènement pointe une éclaircie au bout des coulisses. Eliana n'attend pas la réponse d'Eamon, elle avance dans cette direction, ses mains toujours dans celles de son beau-père. Elle a besoin d'un appui et il serait le sien. Eliana continue d'effectuer ses exercices respiratoires pour garder le contrôle. Embarrassée de son état, elle balbutie sur le chemin de la sortie : « Je suis désolée.. Je.. Je ne vous ai pas fait mal ? » Incapable d'écouter réellement sa respiration, les oreilles toujours assourdies par les battements de son cœur, Eliana s'empresse de descendre les escaliers des coulisses pour rejoindre un petit banc au loin, à l'abri des regards. Elle s'assied, prenant sa tête entre ses mains. Elle essuie nerveusement les larmes qui mouillent encore ses joues. Ses poumons inspirent de toutes leurs forces l'air extérieur dans un effort final pour apaiser son être. Quand elle expire, elle s'efforce de détendre tous les muscles qu'elle peut. La crise est en train de passer. Déboussolée, elle pose son regard sur Eamon. « Merci. » Le seul mot qu'elle est capable de formuler.

Un rayon de soleil traverse l'horizon pour venir caresser le visage crispé de la soldat. Eliana accueille cette sensation de chaleur avec soulagement ; chaleur dont elle a été tant privée lors de ses longues journées de captivité. Aujourd'hui, l'arrivée du soleil sur ses joues, chaque jour, est une bénédiction dont elle peine parfois à prendre la mesure. Ses émotions maintenant décuplées, elle ferme les yeux. Sa respiration s'adoucit, s'apaise, retrouve un rythme normal. Quand enfin le son revient à ses oreilles, elle ouvre les yeux pour regarder les alentours. Les gens qui passent, rient, s'amusent, s’enivrent de l'ambiance d'un tel événement lui semble flou, dérisoire. Toutes les palpitations que cela crée autour d'elle lui semble loin, inatteignables ; comme si elle n'y avait plus droit. Eprise d'un certain désespoir, Eliana soupire. Les beaux jours tardent à venir la cueillir.

« J’ai bien peur d’avoir été en partie la cause de tout ça. C’est moi qu’il faudrait pardonner. » La brune en avait presque oublié la présence de cet homme. Elle pose sur lui des yeux à la fois désolés et tristes. Finalement, un fin sourire navré tire ses lèvres. « Non, non, ne vous inquiétez pas, vous n'y être pour rien. » Les souvenirs de guerre, les cauchemars traversent son esprit en un éclair. Eamon n'en est aucune la cause. Cela serait peut-être plus joyeux s'il était d'ailleurs. « Vraiment. Vous n'y êtes pour rien, insiste-t-elle pour éviter toute gêne. » Elle imite ensuite son beau-père, sondant les alentours. Eamon interpelle un vendeur de bouteilles pour lui proposer de l'eau. Eliana acquiesce sans hésiter. Il est vrai qu'elle a la gorge sèche. Le vendeur s'approche d'eux puis leur tend deux bouteilles. La jeune femme en saisit une du bout des doigts comme si elle venait de courir un marathon. Elle débouchonne la petite bouteille en plastique pour la porter à ses lèvres. Il lui faut de longues et grandes gorgées pour étancher sa soif. Quand elle est rassasiée, elle souffle de soulagement. Les bienfaits de l'eau la surprendront toujours. D'un revers de main, elle essuie ses lèvres humides, le regard perdu au loin. Elle savait bien qu'elle n'aurait pas du accepter l'invitation de son amie à cet événement.

Tandis qu'elle s'efforce d'oublier ce qu'il vient de se passer, son attention demeure portée sur la présence d'Eamon à ses côtés. Ne serait-ce pas la première fois qu'ils se rencontrent ? Après toutes ses années, après ses fiançailles avec son fils, après la naissance de leurs fils, son petit-fils ? La médecin est quelque peu gênée par la situation. Elle ne sait comment se comporter surtout au regard de sa situation actuelle, que ce soit en société ou avec Slaine. Sa vie entière n'est qu'un énorme château de carte bancales qui manque de s'écrouler à chaque coup de vent. Ne tenant plus face au silence qu'il s'installe entre eux, la soldat prend l'initiative de le briser : « C'est donc vous Eamon ? Le père de Slaine ? » Elle boit une nouvelle gorgée d'eau. « On ne s'est jamais rencontré à proprement parlé non ? » Un petit rire nerveux sort de sa gorge. Elle est à la fois gênée et amusée. « Plutôt cocasse comme première rencontre hein ? » Elle avait évidemment imaginé un bien autre contexte pour rencontrer le père de Slaine. Elle plonge son regard dans le sien, essayant de décrypter les réactions qu'elle pourrait lire sur son visage. Après tout, la vie lui offrait une toute autre version alors autant la saisir pleinement !