talking hardships (tomas)

talking hardships / @TOMÁS BULHÕES

Un jour comme celui-ci, où Reid ne faisait qu’un avec son ordinateur portable pour préparer un reportage, il pouvait croire qu’il n’y avait rien de particulièrement décalé ou spécial dans son job. Du journalisme classique, à mettre en lumière et en forme des faits susceptibles d’intéresser une audience. À interviewer des personnes de tout horizon, prêtes à délivrer secrets et explications. Reid estimait ne pas être trop mauvais dans ce qu’il faisait. Peut être un poil scolaire, sa crainte maladive de l’échec lui assurait néanmoins un travail efficace. Pour la plupart des gens, passer d’un nom discret sur un article de journal à une émission tv populaire serait sans doute un accomplissement. Pour Reid, verbaliser la chose restait encore emprunt d’une certaine gêne. Pourtant, il aimait ce qu’il faisait. Il aimait le côté rafraîchissant et imprévisible de la chose. Il aimait la complicité de son équipe, lui qui avait toujours eu du mal à voir ses collègues comme quelque chose de plus. Doté d’une vanité discrète, il aimait aussi la popularité gagnée par l’émission. Malgré tout ça, Reid peinait encore à sortir de sa carapace, à explorer davantage de chemins inexplorés suite à la perte de ses repères.

Il était seul dans le bureau aujourd’hui. Préparer une émission sur le surnaturel n’était plus aussi bizarre qu’avant pour Reid, loin du scepticisme et du jugement discret qu’il avait l’habitude d’apporter avec lui à chaque enregistrement. Bercé depuis maintenant plusieurs années par les histoires et mystères de la Nouvelle-Orléans, il n’en restait pas moins une personne très rationnelle. Les témoignages présentés dans leur émission l'avaient rendu plus ouvert, mais son rôle dans leur émission restait celui du gars peu convaincu qu’on s’amusait à effrayer sans prévenir. Ça le sortait de sa zone de confort. Ca le sortait de sa routine et de sa réserve, et ça lui faisait du bien. Une note positive à laquelle s’accrocher lorsque l’angoisse de ne pas être à la hauteur et d'embarrasser ses proches menaçait de l’étouffer.

Un bruit à la porte lui fit dévier la tête de son script. Billy ne toquait jamais, débarquant toujours avec fanfare comme la boss qu'elle était. Peu curieux de la personne venant déranger sa solitude, Reid ne s'embarrassa pas d'inviter l'anonyme à entrer. Après un battement de silence, le mystère fut résolu. Tomas, de quoi le faire se redresser sur son siège, comme un élève que son professeur surprend à faire preuve de paresse. Le visage du jeune homme lui donnait toujours l’impulsion de détourner son regard. Un réflexe problématique lorsqu’on savait qu’il n’était ni un étranger et que, en tant qu’ami de Billy, ils étaient destinés à se croiser fréquemment. Reid n’avait rien contre lui personnellement. Il avait juste la fâcheuse tendance de lui rappeler son licenciement passé, un témoin constant d’une mauvaise période que Reid n’a pas envie de ressasser. Se retrouver en tête à tête avec lui n'était pas une situation qu'il appréciait particulièrement. « Oh. Salut. Billy n’est pas là » dit-il, une tentative de couper court à toute tentative de conversation, de l’orienter à se mettre en chemin pour une autre destination où il trouverait une véritable amie. De toute manière, Reid était en plein travail, il n'était que poli de le laisser vaquer à ses occupations.