(Louise) Let my love open the door

Il enfonce sa clé dans la serrure de la porte d’entrée encore verrouillée, signe que la maison est une nouvelle fois vide. Le silence l’étouffe et accentue son envie brûlante de prendre un verre. Encore un. Il sait que tout cela finira mal, que la chute sera brutale et douloureuse, et pourtant, chaque silence force sa main vers la boisson.
Il pose négligemment son téléphone et ses clés sur la table d’appoint de l’entrée, frottant son visage d’une main lasse, et se sert une bière tout droit sortie du frigo, puis se laisse s’écraser sur le canapé. Il fait noir et la pénombre lui va bien, finalement. Un coup d'œil à sa montre lui indique vingt-trois heures passées, un soupir s’échappe de sa bouche. Il a envie de la voir. Non. Il a besoin de la voir. Depuis quand n’ont-ils pas vraiment discuté ? Comment va-t-elle ? Quand l’a-t-il vraiment vue ces derniers temps ? L’angoisse monte alors qu’il réalise que les réponses à ces questions sont bien trop tristes pour les formuler. Que leur est-il arrivé ? Il ose un regard sur la porte. Cette porte qu’ils ont refermée immédiatement, pour ne plus jamais la rouvrir. La pièce taboue de la maison, celle dont il ne faut pas parler et qui recueille tous les espoirs du couple, évanouis bien trop tôt. Une nouvelle gorgée pour oublier.

Minuit passé. Il fait les cent pas en espérant entendre le bruit de la porte s’ouvrir, ce son qui n’arrive jamais. Ce n’est pas normal. Rien de tout ça n’est normal. Sa bière est terminée depuis de bien longues minutes et il serre les poings pour s’empêcher de céder à la tentation d’en ouvrir une autre. Il déteste ce silence. Il voudrait que tout redevienne comme avant, voir Louise sourire et retrouver leur insouciance d’avant. Même leurs anciennes disputes commencent à lui manquer, si différentes de celles d’aujourd’hui.
Il a besoin de la voir.
Et il sait parfaitement où elle peut bien être à cette heure. Il n’est pas complètement aveugle, même s’il ne sait pas comment réagir. Il s’empare alors à nouveau de ses clés, de son téléphone, et fonce à l’endroit où elle trouve son refuge : son atelier.

Il est pratiquement une heure du matin lorsqu’il arrive en face du bâtiment encore allumé, confirmant son intuition. Elle préfère vraiment rester ici que rentrer à la maison. Cette constatation lui déchire le cœur, mais après tout, lui a choisi l’alcool et le mutisme. Finalement, lequel des deux a fait le meilleur choix ?
Arrivé devant la porte de son atelier, il hésite. Elle refuse depuis des mois de lui montrer son travail, pourtant autrefois premier spectateur et admirateur. Que peut-elle bien peindre, aujourd’hui ? Il inspire pour se donner un peu de courage, frappe quelques coups à la porte en lui glissant quelques mots pour ne pas l’inquiéter. « Louise ? C’est moi. » Il laisse quelques secondes passer, espérant qu’elle lui ouvre, mais non. Le souvenir de cette nuit-là le hante encore, et la peur s’empare soudain de lui. Et s’il lui était arrivé quelque chose ? « Je peux entrer ? » Il fait de son mieux pour ne pas être pressant, mais l’angoisse l’empêche bien vite de réfléchir correctement, et sa voix tremble. Il laisse traîner encore quelques secondes, espérant qu’elle lui ouvre elle-même avant qu’il ne le fasse, de crainte de revivre une scène qu’il préférerait oublier.