hunt you down, eat you alive (billy)

hunt you down, eat you alive
feat @Billy Voster    

C’est comme le vélo : ça ne s’oublie pas. Les hommes ont tendance à utiliser cette expression pour tout et rien, de nos jours. Edern vient de se la dire à lui-même en se faufilant entre deux bouts d’un grillage qui a été bien trop malmené. Par des personnes ou par le climat, ça, il n’en sait rien. Il ne se pose pas la question d’où il va – d’où ils vont, il se contente de la suivre. Pas à pas, il croit en apprendre un peu plus sur elle. Une personne banale aurait rejoint un café, à cette heure-ci de l’après-midi. Elle aurait commandé un matcha latté pour être originale – boisson que toutes les personnes en mal d’originalité commandent – et se serait mise à pianoter sur son téléphone durant de très longues minutes. Elle aurait fini par boire cette boisson infâme, se serait plainte intérieurement de sa vie insipide et aurait recommencé la même chose le lendemain. Mais Billy n’est pas comme tous ces gens-là, non. Elle est vraiment originale, elle. Elle n’a pas besoin de faire semblant, voilà ce qui plaît le plus à Edern. Elle est comme elle est, sans fioritures, sans sens caché. Si elle a décidé de venir jusqu’ici aujourd’hui, c’est parce qu’il y a une raison pure là-dessus. Pur, oui, et non comme l’air qu’ils respirent depuis qu’ils sont entrés dans l’immeuble. Une vieille usine désaffectée, voilà le lieu de leur rendez-vous. Il y a quelques courageux qui sont passés dans le coin, en témoignent les graffitis sur à peu près tous les murs, les vitres cassées, les meubles restants retournés. Que se passe-t-il dans sa tête à ce moment-là ? Edern a envie de lui poser la question. Plus que jamais, il se sent proche d’elle. Ça fait quelques semaines qu’il a recommencé à aller aux mêmes endroits qu’elle, en même temps qu’elle. Il n’ose pas s’avouer qu’il la suit, il préfère mettre ça sur le compte du destin. Le destin est étroitement lié aux storys du compte instagram de Billy, sur lesquelles Edern reconnaît des endroits de la ville et s’y rend à chaque fois le plus vite possible. Dès qu’il l’aperçoit, son palpitant s’active comme au premier jour, comme lors de leur première – et dernière – nuit ensemble. Si ce n’est pas de l’amour, ça, qu’est-ce que c’est exactement ? La question vaut d’être posée, cette fois-ci. Et pourquoi pas le faire, réellement ? Ouvrir la bouche, former des mots, s’entendre résonner entre les murs de cette ruine. Il aimerait. Et il le peut. Il n’est qu’à quelques mètres d’elle, enfoui dans une obscurité réconfortante. Elle semble chercher quelque chose quand, lui, il a trouvé tout ce qu’il lui fallait : du courage. « Ce n’est pas très sécuritaire de se rendre seule dans un endroit comme celui-ci. » Elle pourrait se blesser, ou pire. « Tu pourrais croiser un fou. » Ce qu’il n’est vraiment pas, lui. En parlant, il s’avance de quelques pas pour sortir de l’ombre et lui faire face. Il voit sur son visage qu’elle a eu peur ou, du moins, qu’elle ne s’attendait vraiment pas à être dérangée ici. Il ne s’excusera pas. Si fou il y a, il pourra la protéger.