- évent › confinement au centre commercial (flashback tempête aidan)

Peut être était-il imprudent, mais Ford ne s'était pas formalisé des mises en garde qui tournaient en boucle depuis quelques jours. Les tempêtes, la Nouvelle-Orléans ne les connaissait que trop bien, et si elle en avait parfois payé le prix fort, Ford n'était pas du genre à tomber dans la panique au moindre avertissement. Alors que ses concitoyens se rationnaient aux quatre coins de la ville, Ford s'était estimé suffisamment équipé pour quelques jours cloîtré chez lui si ça en venait là. La liste de ses proches en ville se limitant à une seule et unique personne, il n'était pas non plus bouleversé d’inquiétude pour autrui. Tout cela pour dire que Ford s'était rendu au centre commercial pour une toute autre raison : la flemme monumentale de se préparer le moindre repas. C'est en passant devant l'établissement qu'il avait pris la décision de dernière minute de venir se restaurer dans l'un des fast-food. Il réalisa bien vite son erreur en observant la foule, mais celle-ci se pressait principalement vers l'hypermarché. Ford haussa les sourcils en croisant certaines personnes avec des chariots débordant de produits secs et boîtes de conserve. Il y avait de quoi nourrir une petite armée, et Ford n'était pas sûr s'il devait être inquiété ou amusé par cette hystérie collective. Peut être avaient-ils raison. Peut être que c'est Ford dans son arrogance qui prenait les choses à la légère. Mais l'un dans l'autre, il se sentait bien incapable de bouffer uniquement des pâtes pour les jours à venir, donc il était prêt à prendre ce risque. C'est dans un timing qui aurait pu être amusant que Ford s'approcha de sa destination au moment même où le rideau de fer du fast-food se fermait et qu'une annonce retentissait dans les haut-parleurs. Super. Eh, au moins il était déjà sur place, pensa-t-il en se laissant tomber d'un air maussade sur un banc, observant déjà les autres personnes se rassembler autour de lui.

Les mises en garde avaient été nombreuses, encore ce matin sa mère l’avait rappelé les recommandations officielles mais Asani, fidèle à elle-même, s’était contentée de soulever les épaules, nonchalante. S’il y avait bien un état habitué aux déferlements météorologiques, c’était bien la Nouvelle-Orléans et jusqu’ici, ils s’en étaient bien sorti. Pourquoi pas cette fois. Sa mère avait lourdement insisté, si bien que la quadragénaire n’eut d’autre choix que d’obtempérer, elle savait qu’il valait mieux céder, la matriarche mettait tout en œuvre pour arriver à ses fins. Elle avait donc été missionné d’aller acheter les premières nécessités qui pour sa mère correspondait à une liste interminable d’articles qui pourraient être utiles. Yasiin devait la rejoindre, mais en retard comme d’habitude, elle comprit en l’absence de réponse qu’il ne viendrait pas. Il trouvait cette démarche tout aussi ridicule et il savait qu’elle saurait se débrouiller sans lui. Se promettant de le lui faire payer au centuple, elle se mit au travail, persuadée qu’elle en aurait des heures au vu de la panique environnante. Il ne restait plus grand-chose et elle sait déjà que sa mère la rendrait coupable, elle aurait dû y aller plus tôt. Heureusement pour elle la radio du centre commercial cracha une excuse qui saurait contenter sa génitrice. Elle rejoignit le point de rassemblement, l’angoisse faisant une percée dans ses entrailles. La tension était palpable, de quoi lui extirper un soupir. « j’y crois pas, coincée dans un centre commercial, mon rêve de gosse est enfin réalisé » cependant dans son rêve, elle avait le loisir de profiter des boutiques et jouets mis en vente. « J’espère qu’ils ont prévu de quoi passer la nuit, au cas où » où beaucoup se demandaient combien de temps cela durerait, Asani était persuadée qu’ils en avaient au moins pour la nuit. Elle sortit son téléphone pour prévenir sa famille et surtout Isaiah qui devait lui déposer Imani dans la soirée.

Il y avait de tout, évidemment. Certains, comme Ford, observaient une nonchalance affichée, bien que prudente face à cette situation plutôt exceptionnelle. D'autres s'inquiétaient déjà plus, l'esprit sans doute déjà portés sur leurs proches. Ce climat anxieux suffisait à attiser les braises d'angoisse qui s'étaient accumulées depuis l'annonce de la tempête. En l'état, la foule qui s'amassait au fur et à mesure dans la zone de restauration ne craignait rien, si ce n'est de l'ennui et une potentielle nuit très inconfortable. Rien de plus. Le colosse d'acier qui les contenait dans son estomac était fait pour résister aux aléas du climat, surtout dans une région telle que la leur. C'est effectivement au sujet de leurs pauvres concitoyens encore à l'extérieur qu'il fallait s’inquiéter. Ford, dans la pression de la foule, se décida finalement à envoyer un rapide sms à Karim pour s'assurer qu'il était à l'abri et pas en train de vadrouiller en ville sous la météo capricieuse. Son meilleur ami avait, après tout, tendance à multiplier les choux douteux dernièrement. Un beau petit monde avait fini par s'accumuler autour de lui, et Ford balaya la foule du regard. Peut être connaissait-il quelqu'un, ce qui l'aiderait définitivement à passer le temps. Quoiqu'il soit assez sociable pour se trouver des compagnons d'infortune parmi ces inconnus. Ce fut d'abord une voix non loin de lui qui attira son attention. Ses lèvres s'étirèrent en un sourire, amusé par la remarque, avant qu'il ne reconnaisse son émettrice. Asani, une bonne amie de Karim qu'il croisait parfois à la salle de gym. Quel monde minuscule. « j'pense pas qu'on va nous laisser aller jouer dans les rayons malheureusement » rétorqua-t-il, car n'avaient-ils tous pas en effet rêver de ça étant gamins? Dans le même temps, un jeune homme remarquait avec jugeote que les batteries de chacun avaient de grandes chances de mourir avant qu'ils soient libérés. « obligés à parler aux gens pour s'occuper, l'horreur » plaisanta-t-il dans un sourire complice, conscients que beaucoup préféraient s'évader dans l'univers confortable de leurs téléphones plutôt que d'être coincés avec des étrangers et forcés d’interagir avec eux.