what a horrible thing yellow is (maverick)

[ what a horrible thing yellow is ]

À bord de sa Range Rover, moteur éteint. Toujours les mains sur le volant et le regard perdu sur ce couple qui s'engueule au loin. Comme un signe du destin, elle se demande si ce n'est pas l'une de ces manifestations divines qu'il ne faut pas manquer de prendre au sérieux. Alors elle les fixe, le dos bien droit. Elle plisse les yeux et n'ose pas vraiment se mouver, par peur de faire grincer le faux cuir de sa veste contre celui des sièges - comme si elle pouvait entendre quelque chose d'ici, toutes vitres fermées. Qu'importe. Elle reste bien cinq ou six minutes dans cette même position, avant qu'ils ne se cachent derrière un bus dans lequel ils sont peut-être montés, parce qu'une fois que l'engin redémarre, impossible de les retrouver. Alors elle s'affale et ses mains se détachent pour faire le tour de ses poches et déverrouiller l'écran de son téléphone. Pas de massages ni d'appels, seulement l'heure qui vient de changer. Dix-neuf heures et quarante-sept minutes. Plus que treize et elle sera en train de commander un Jambalaya végétarien à la brasserie qu'elle est en train de scruter, tout en rangeant à l'aveugle son smartphone dans la poche arrière de son jeans - non sans se tortiller. Et elle souffle (et souffre). Elle pose sa main sur la poignée de la portière et saisit son sac de l'autre avant de se raviser. Et l'envie de souffler revient, quand elle se convainc enfin de sortir de cette voiture en rangeant prestement les clefs dans son blouson comme pour s'empêcher de changer d'avis. Pourtant elle n'a qu'une envie, c'est de composer le numéro de l'amie qui l'a inscrite sur ce site de rencontre qui promet monts et merveilles - ou plutôt de trouver le match parfait - et de lui jurer de lui faire la peau. Mais au lieu de ça elle se force à accélérer le pas, et ce même si elle ne cesse de penser que c'est une belle connerie. Ce site et surtout ce qu'elle est en train de faire. D'ailleurs elle desserre le foulard jaune qu'elle porte autour du cou parce qu'il commence à l'oppresser et tant pis pour le froid - ou est-ce pour pouvoir l'enlever dare-dare si le prétendu homme de sa vie, qui est censé porter quelque chose de cette couleur lui aussi, soit surtout affublé d'une tête de détraqué ? Sûrement un peu des deux, qu'elle songe en luttant pour ne pas rebrousser chemin une fois devant le comptoir de l'établissement. J'ai réservé une table au nom de Morris qu'elle commence à épeler si faussement pleine d'assurance que ça la rend dédaigneuse. Et elle fixe le jeune homme qui tapote sur un clavier, tout en espérant que ce satané site l'est bien mise de côté à leurs noms et non au leur. Par tous les saints comme jurait sa grand-mère paternel, elle sent une angoisse poindre à cette idée. Mais le garçon - qui ne doit pas avoir plus de vingt et un ans - lève bientôt les yeux de son écran et lui donne le numéro de table ainsi que son emplacement. Sept. Près de la fenêtre. Pour fuir plus facilement, qu'elle songe tout en se forçant à sourire à tous les gens qui la matent à mesure qu'elle serpente entre les chaises. Avant de laisser s'évanouir le rictus, lorsqu'elle croise le regard de l'unique homme seul dans le périmètre indiqué - et qui porte du jaune, merde. Sympa ta chemise, et elle se met à rire. De nerfs évidemment. A défaut de savoir quoi faire d'autre en fait, et sans vraiment réaliser ce qui est en train de se passer. D'ailleurs ça doit se sentir parce qu'elle n'a même pas le réflexe de s'asseoir. Faut dire que la situation n'est pas réaliste, que le gars de l'accueil s'est sûrement trompé de chiffre et que celui qui est censé la séduire doit fulminer en la voyant se fendre la poire avec un autre type.

/ awards session

âge : 36 ans || 13.06.86

[ what a horrible thing yellow is ]

w/ @leni morris

Une nuit mouvementée, c’est ce qu’avait vécu Maverick, non pas comme celle qu’on pourrait se l’imaginer. Il ne l’avait partagé avec personne, restant seul avec ses maux, cette douleur persistante sur sa mâchoire, irradiant jusque dans ses molaires. Il savait que sous sa barbe de plusieurs jours devait s’y trouver un hématome de la grosseur d’un poing. Ils avaient voulu disputer un combat à la fermeture de sa salle, qui pourrait mettre Maverick KO, leur orgueil comme leur virilité mis en jeu, le coup franc sur sa mâchoire l’avait désarçonné. Multiplier les cachets ne lui avait pas semblé judicieux et avec raison. Ingérer autant pour camoufler sa douleur, non, il avait trop d’orgueil pour cela. Au petit matin c’est un sac de glaçon qu’il avait posé sur sa bouche enflée. Il n’avait pas eu la force d’aller courir rompant ses propres engagements pour rester chez lui, il prendrait un smoothie sur la route, oubliant que ce soir-là de toute manière il n’avait pas à cuisiner, puisqu’il avait un rendez-vous. Milieu de la journée, son portable semblait se faire un plaisir de lui rappeler. Par chance, la douleur s’était estompée pendant la journée – enfin ce n’était peut-être pas de la chance puisqu’il aurait eu l’excuse pour annuler. Redoutant ce repas, comme tous les autres qu’il avait eu jusqu’à présent depuis l’instant où son meilleur ami l’avait inscrit sur des sites de rencontre. Cette idée… Il ne comprenait pas et malgré tout, il y participait au lieu d’éluder les rendez-vous, peut-être qu’il cherchait quelque chose que lui-même ignorait ? Il n’en savait trop rien en vérité. Relisant les détails que lui avait envoyé le site, il avait dû retourner chez lui pour se vêtir d’un vêtement jaune… Qui avait dit que le jaune serait appréciable ? Et pourtant, Mav possédait quelques pièces de cette couleur, les morceaux surtout offerts par des exs – un détail capital – très vite il se donnait des airs d’une abeille ou d’un immense tournesol, ça n’avait rien de bien valorisant. Arrêtant son choix sur une chemise du Sud, c’était jaune et ça retirait tout possible magnétisme de sa part – tout du moins pour lui alors qu’il observait son reflet – mais c’était ce qu’il avait de plus potable dans sa garde-robe. Laissant son véhicule chez lui, il avait plutôt fait appel à un taxi. C’est une vingtaine de minutes d’avance qu’il arrivait au restaurant, indiquant son propre nom pour qu’on puisse lui dire où se trouvait sa table pour ce soir. En pleine lecture du menu, il ne portait pas vraiment attention aux personnes entrant dans le restaurant. L’horloge tournant malgré lui, il relevait la tête de ce menu cajun pressentiment pointant le bout de son nez dans ses tripes. Une brune sillonnant entre les tables. Brune qu’il reconnaissait, difficile de l’oublier lorsqu’elle avait connu une place importante dans la vie de son meilleur ami. Observant Leni, il venait à se demander ce qu’elle faisait ici, le hasard parfois, elle rejoignait peut-être des amis. Voilà ça ne pouvait être que cela, mais ses orbes se posèrent sur ce foulard se nouant autour de son cou. Jaune. Ça sentait le drame satyrique… « Merci. » disait-il malgré tout en se levant de sa chaise, passant sa langue sur sa lèvre inférieure pour l’humecter. Puisqu’elle ne bougeait pas, il s’approchait pour lui faire la bise, si ça devait tourner au ridicule, autant qu’il se montre poli, courtois. Après tout, Maverick était charmeur en tout temps, rendez-vous ou non. Lui offrant un baiser rugueux contre sa joue, il prenait un peu de distance, laissant ses doigts prendre l’écharpe entre ses doigts. « Tu as un rendez-vous ? » demandait-il espérant encore que son rencard était simplement en retard et qu’elle arriverait d’une seconde à l’autre, le libérant de ce malaise qu’il ressentait alors qu’il s’imaginait déjà avoir une blind date avec l’ex de son meilleur ami…

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