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 living in midnight. / julian

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[ living in midnight ]
@Julian Nash & @Rachel Gardner
Les lumières vacillantes, les chocs de couleurs étouffant les visages embrumées, la musique empoignait son coeur tandis que l'alcool remontait tel un poison dans ses veines, alimentant ce qui lui restait d'ardeur et de vie avant de la consumer. Les stroboscopes, flashant leurs visages d'une lumière blanche toutes les secondes comme un appareil photo qui immortalise leur ivresse, la mettaient au bord de la crise d'épilepsie tandis que les basses assourdissantes faisaient battre son coeur à la limite de la tachycardie. Son souffle saccadé, emprisonnant ses poumons d'une chaleur brûlante, se fondaient dans l'écho de la musique à ses propres tympans tel un hymne à la liberté. Jouissance ultime de ne plus avoir ses chaînes à ses pieds, celles des convenances et d'une famille bien aisée, Rachel s'éveillait dans cette obscurité. Elle qui avait toujours était si invisible et effacée, s'oubliant à petit feu au profit de ces êtres innocents et d'autres qui se sont avérés ne pas l'être avec le temps. Ravivant une jeunesse éclatante d'antan où son sourire illuminait la nuit, son corps se perdait dans la musique et parmi la foule. Ses cheveux bouclés retombant sur ses épaules dénudées, ils valsèrent comme des vagues déchaînées dans un ouragan. Hymne folle et pourtant mélodieuse, elle s'enivrait de la légèreté et la souplesse d'une alliance retirée et de ses conséquences. Cet anneau qui pesait son poids et qui marquait aujourd'hui sa peau par son absence. Une réalité qui ne peut être oubliée.

Mais alors que son corps et son coeur vacillèrent dans d'autres songes éveillés et de souvenirs exaltés, un homme au loin d'observait. Concours de circonstances prometteuses, dans un détour, ses yeux happaient les siens comme attirés par un murmure. Alchimie parfaite dans une union d'âme. Regard dévoreur, prêt à se laisser aller à une dévotion éternelle dans les abysses profonds de l'enfer. Sans s'en rendre compte, son corps s'était figé par ce seul regard qui l'hypnotisait. Une connexion inébranlable. Chaleur étouffante qui glissait sur sa peau des perles de sueurs, la rendant brillante comme la porcelaine. Aussi fragile que désirable, une merveille d'art. C'est alors que Siobhan s'enquit de contempler à son tour la raison d'une telle perturbation chez son amie. Dans la pénombre, il était méconnaissable. Cet inconnu pas si méconnu qu'il n'y prétendait. Une ombre planait sur son visage, comme un avertissement au danger sans précédent. Une prophétie sadique d'un désir limité, d'une aventure extatique surplombant le royaume des Dieux. L'annonce d'un jeu dangereux duquel il n'y ressort aucun gagnant. Et pourtant... Un sourire en coin s’immisçait sur ses lèvres désireuses. Dans une gestuelle qui paraissait lente, la quarantenaire s'éclipsait de la foule et de son regard pour rejoindre le bar. S'appuyant de ses coudes sur le bois lustré du comptoir, ses mains rejoignaient son visage avant de se frayer un chemin à travers les mèches de ses cheveux, redoutant cette attraction qui lui faisait crépiter pourtant le coeur. Que faisait-elle ? "Je vais prendre un verre d'eau, s'il vous plait." Passait-elle commande, embrassée par la température élevée ou par autre chose...

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(#) living in midnight. / julian    Mar 14 Jan - 17:10
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adrenaline in the bones
--- @rachel gardner & julian nash

Le repli avait été stratégique, exil dans l'ambiance endiablée de la plèbe vers la tranquillité illusoire d'un bar délaissé. L'ultime palissade sur le territoire des saouls- la tentation avait été trop grande, entre les éclats de voix et l'agression des lumières électriques ; volontiers oublié, à lambiner dans son coin, avachi les deux coudes contre le comptoir il aurait presque pu zapper le décor. Et pourquoi pas fuir complètement, la nuit pour libération et le froid pour emporter quelques fumets de nicotine dans le néant de l'inconstance nocturne. Il était tard, mais encore tôt pour lui, Julian l'habitué de ces décors-là ; la foule délirante, sa meute en d'autres circonstances. Cette tranquillité difficilement obtenue était un vague luxe, malgré la musique qui continuait de vibrer aux tympans, les rires et les voix qui bourdonnaient contre les murs ou l'effet capricieux des verres qu'il avait arrêté de compter. Les vices, toujours lovés trop profondément dans ses chairs pour qu'il ne s'en défasse complètement, l'animal noctambule qui flirtait avec ses pairs : il aurait pu jurer avoir tout vu déjà, dans les endroits comme ça. Y'avait toujours quelque-chose de nouveau, l'inattendu au tournant, mais l'apparition de ce soir était inédite, elle. Une silhouette connue, le calque diaphane de ses souvenirs à travers les rideaux de secrets qui n'appartenaient qu'à lui. La voisine n'était plus vraiment voisine depuis quelques années maintenant, le fils prodigue ayant pris son envol, joyeusement quitté le nid. Mais elle avait habité les songes assez longtemps pour qu'il en soit un dessinateur addict. Tantôt mirage qui n'avait appartenu qu'à lui, d'autres fois la présence bel et bien palpable, dans le carcan d'une société qui lui avait fait détourner les yeux. Naguère. Ce soir, dès qu'elle capta son attention, inconsciente de l'attraction dans chaque gestuelle – il s'en prit à rêver. La Reine d'un royaume sans nom, la silphe des secrets qu'il avait passé tant d'années à opprimer, jusqu'à l'agonie. Ce soir, elle était libre, merveille d'un hasard, à séduire un monde à ses pieds, à se plaire dans le décor.
Rachel était la chimère d'un autrefois ramené droit au bord de ses yeux, les iris incapables de s'échapper : elle le remarqua, même et si prompt à la rébellion, il n'en fit rien. Observateur, reluqueur, charmeur comme c'était son genre dans ces endroits-là, les établissements de vices où il vivait toute une part de vie que ses parents préféraient ignorer. Comme s'il avait pu en être autrement : c'était un monde trop vaste pour qu'il se contente de rien. Et probablement que pour les amies de sa mère, il n'était ni débonnaire, ni volage, ni cruel et inconstant ; un gosse de bonne famille, fruit de la narration mensongère de sa propre mère. La réalité était toute autre, aussi désastreuse que les années qu'elle masquait derrière ses sourires, la brune- l'absence évidente de l'alliance à son doigt, le déchirement du cœur derrière l'éclat joyeux dans les prunelles. L'habitude aurait voulu qu'il cherche à se tailler dès qu'elle eut ses premiers pas vers lui, qu'il cherche une échappée quelconque, une compagnie saisie à la volée pour faire mine de rien. Mais il était toujours là, prédateur ou proie impossible de dire, désormais à demi-tourné vers elle, bien content d'avoir toujours le soutien silencieux du verre qu'il avait commandé il y a peu. Au pire, y'aurait toujours l'ivresse pour aider. Il était trop insolent pourtant, le rôle de sa vie ; il l'entendit réclamer un verre d'eau, ricana d'un sarcasme acerbe : « Faut faire gaffe à ça. Dans les endroits comme ça, ils seraient capables de faire payer de l'eau du robinet au même prix qu'un cocktail. »  et qui sait, peut-être qu'avec son divorce, elle avait trop de frais d'avocats dans les pattes pour se la jouer comme ça. Riche, quand bien même c'était tout ce qu'ils avaient toujours été. Elle s'en foutait, du prix de son verre d'eau- et il s'en foutait tout autant, malgré le regard critique qu'il eut vers le barman qui avait entendu la rixe. Il était de trop. Et pas assez à la fois. « Je suppose que les rumeurs que j'ai entendues sont vraies, alors. » même pour lui, normalement plus calculateur, ç'avait été trop tentant- une morsure sur la langue malgré le miel de son ton. Madame Gardner cherchait une liberté, depuis trop longtemps sacrifiée. Et quelque part le hasard avait décidé que ce serait ici et maintenant, trop d'univers clashant ensemble en quelques secondes éperdues.
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(#) Re: living in midnight. / julian    Mar 14 Jan - 18:53
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[ living in midnight ]
@Julian Nash & @Rachel Gardner
Cette soirée s'annonçait être surprenante et exaltante. Des jeux interdits qui se veulent dangereux mais tout autant qu'irrésistibles. Comme un aimant qui la fait plier à sa volonté, la tentation s'éprit de son esprit. Un détonateur sur lequel il avait appuyé, déclenchant alors cette curiosité à entamer quelque chose d'incongrue, une marche vers l'obscurité jusqu'à se perdre dans le labyrinthe des limbes. Une âme égarée qui cherchait un chemin, un peu de lumière, seule chaleur réconfortante dans ces ténèbres. Elle s'était perdue dans ce cocon familial, une douce sécurité de femme docile et d'une mère protectrice, oubliant sa propre féminité. S'effaçant à petit feu, elle ne devenait que le pâle souvenir d'une femme d'antan dont on peine à se rappeler, une triste illusion déformée. Ironie du sort, cette trahison ne fût pas surprenante. Réanimée par une puissante gifle, elle remonte à la surface et s'éveille après tant d'années d'un coma profond. Désireuse aujourd'hui de désirer et d'être désirée, elle aspirait à la fougue des premiers instants et à ressentir à nouveau ces mécanismes de la passion. Au fur et à mesure de son chemin vers le bar, son visage se dessinait plus distinctement dans la lumière bleutée des néons, comme un appel à le dévisager et redécouvrir ses traits qu'elle avait pourtant déjà contemplé. Un jeune garçon qui avait bien grandi et qui apparaissait à ses yeux sous un tout autre angle. Il se dévoilait, adoptant un regard charmeur tout autant que joueur. Mais quel sacrilège de le convoiter.

Son sarcasme eût le don de lui arracher un sourire au coin des lèvres. Son verre d'eau en main, elle le portait directement à ses lèvres pour en ingérer son contenu. Une voix dans le creux de son oreille la suppliait de tourner les talons et de fuir cette périlleuse tentation. Mais l'euphorie de cette liberté fraîchement acquise et de cette insensibilité face aux regards critiques jugeant ces quarantenaires amusées lui chuchotaient : et pourquoi pas ? S’abandonner à quelques petits plaisirs de la vie qui nous rendent vivants. Soulignant l'absence d'un bijou à son annulaire marquée par la différence de teinte, ses yeux se portèrent instinctivement sur ses doigts enlacés autour de son verre. Sa peau portait désormais le poids de ses années perdues et incomprises, comme une cicatrice qui peine à partir et rappelle tous les jours les épreuves subies. Portée par l'alcool qui rendait ses paroles plus volatiles qu'elle ne l'aurait espérer, ses pensées s'échappaient sans retenues. "Ce sont vraiment des rumeurs ou juste ta mère qui a la langue bien trop pendue ?" Suggérait-elle, détournant alors son regard malicieux vers sa personne. Julian. Jeune garçon qui était devenu un homme. Un conquérant prêt à saisir son coeur et son corps. Son assurance inébranlable s'attachait d'une posture imposante de par son charisme. Il avait bien changer le jeune voisine qui osait à peine lui adresser la parole. "Et ce que tu as entendu est sûrement vrai." Haussait-elle les épaules nonchalamment, sans trop s'attarder sur un sujet aussi accablant que l'infidélité de son époux. L'histoire banale d'une mauvaise comédie romantique détournée d'un drame satyrique. L'image de la parfaite desperate housewife accablée par la trahison prévisible de son mari.

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(#) Re: living in midnight. / julian    Ven 24 Jan - 22:24
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adrenaline in the bones
--- @rachel gardner & julian nash

Silphe parmi l'armée de mortels- l'apparition inattendue d'un songe qui s'était enfin matérialisé. Mrs Gardner, affublée du nom d'un autre, l'existence ténue toujours lointaine ; une chimère de fumée qui s'était évaporée d'entre ses mains à de bien nombreuses reprises. Un fantasme qui n'avait existé que dans le secret de rêves, instants dérobés dans l'inconstance d'une jeunesse insatiable : il prenait tout c'qu'il voulait. Là étaient les habitudes avec lesquels il avait conquis sa Nouvelle-Orléans, un terrain de jeu où il n'était plus pion depuis belle lurette : des insécurités d'adolescence oubliées, noyées sous des litres d'alcool et des soirées entières à s'esquinter. Contre les refus devenus de plus en plus rares, un charme naturel coulant comme une seconde peau à l'être qu'il avait toujours été. Et finalement, pour beaucoup le fils Nash n'avait été que l'utopie de sa propre mère- portrait craché d'une perfection qu'il n'était pas ; la vérité percée de défauts que ses géniteurs n'avaient jamais été prêts à admettre. Ne demeurait que l'humain- celui qui faisait tant défaut au patronyme qu'il portait, joueur d'un monde auquel on aurait voulu qu'il se soumette, plutôt. Un moule d'exigences dans lequel il aurait crevé, s'il était resté : bordel, ouais, il serait devenu fou s'il avait dû devenir l'humble reflet de son père, de sa mère, ou même de sa sœur cadette. Le carcan bourgeois, devenu prison dorée : c'était ironique vraiment, de voir une des reines du quartier descendre de son petit cosme habituel, pour venir jusqu'ici. Traîner et s'échouer dans des endroits comme celui-ci, de ces coins de NOLA où il n'avait que trop rarement croisé de visages familiers. Le portrait de l'intrus trop rebelle pour leur rue proprette et leurs maisons si bien rangées : finalement, c'était presque comme s'ils l'avaient toujours envié.
Un savoir orgueilleux logé en bordure de l'esprit – ce soir, elle n'était que Rachel, l'ex-femme en instance de divorce, son bonheur fragmenté et éparpillé n'importe où : sa petite bulle protectrice devenue une vraie prison de laquelle elle s'extirpait, effervescente de découvrir un monde bien plus vaste que celui auquel ils s'étaient limités pendant si longtemps. Quel gâchis ; tant d'années sacrifiées à une cause qui n'avait jamais eu le moindre intérêt. Tout ça pour qu'elle se fasse cocufier- la pauvre ; un jugement défait de toute pitié, surtout un sarcasme qu'il avait bien du mal à réprimer sur une langue sévère. Il l'avait bien toujours pensé ainsi, leur univers à eux : rien de plus qu'une vaste blague, un mensonge ambulant paralysant l'air qu'ils avaient tous respiré là-bas, pendant trop d'années. Et la porte grande ouverte était une bouffée d'air frais sur tant de nouveautés ; putain, il était content d'avoir capté tout ça bien avant d'atteindre les quarante ans. « C'est bien mal connaître ma mère, alors. Elle met un point d'honneur à n'pas répandre les moindres rumeurs sur qui que ce soit. » l'amertume d'un rire soufflé, pas uniquement réservé à la matriarche qui s'accrochait tant à l'orgueil d'être mieux que tout le monde, mais à Rachel tout autant. Madame Gardner qu'il dut se rappeler froidement, comme une douche glacée qu'elle lui avait elle-même balancé à la gueule en mentionnant si tôt la matrone qu'il préférait oublier. Son statut de 'fils de' qui lui collait à la peau aux yeux de la brune – la voisine. C'était bien la première fois que cette famille qu'il laissait si volontiers derrière lui, le suivait jusqu'à des endroits pareils. La musique, pour un instant étrangère au tête à tête : pourtant, ils venaient déjà de plus se parler que tout c'qu'ils avaient échangé par le passé. Quel paradoxe. Un putain de constat qu'il fit couler plus facilement dans sa gorge en vidant son verre, d'un signe de la main alpaguant le barman pour qu'il le lui remplisse à nouveau. « Tant pis pour lui. » à son tour d'être nonchalant, une indifférence feinte passant sur son visage avec son haussement d'épaules à lui – Julian qui pouvait si facilement prétendre n'en avoir rien à faire, des histoires de mariage des autres. Elle, c'était différent ; dommage que ce soit arrivé si tard : l'audace de mots qu'il ne prononça pas au-delà du regard qu'il fit vriller vers elle, l'entendu de ses prunelles claires assagies pour l'obscurité ambiante. « Mais vous pourriez faire beaucoup mieux que ça, à la Nouvelle-Orléans, pour passer le temps, et oublier tout ça. » à peine du subtil dans les mots, un jonglage entre illicite et sage, alors qu'il feignait l'innocence. Un simple constat : cet endroit était fun, pour quelques poignées d'heures, et la Nouvelle-Orléans restait plus vaste que ça – une étendue de possibilités desquelles elle avait été privée pendant si longtemps. Un triste constat, que le mariage.
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(#) Re: living in midnight. / julian    Lun 3 Fév - 18:51
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@Julian Nash & @Rachel Gardner
Cela lui rappelait sa jeunesse volée, néanmoins sans aucun regret, par ses enfants. Rachel regardait un instant ces visages parmi la foule. Certains yeux la dévisageaient depuis son arrivée et encore maintenant, ils la suivaient jusqu'au bar comme si sa présence n'était pas la bienvenue, ou tout du moins perturbante en un tel lieu. Une activité qui ne rentre pas dans les mœurs d'une dame de la quarantaine passée, comme si les jeunes s'en étaient réservés. Après tout, là moyenne d'âge n'était pas en sa faveur. Toute la jeunesse insouciante de la Nouvelle-Orléans se retrouvait dans cette discothèque pour chercher ceux qui n'ont pas encore acquis l'âge de raison. Mais il est temps pour la brune de retrouver une liberté bien longtemps privée. Si autrefois elle aurait pu se sentir mal à l'aise, il y a longtemps qu'elle ne se soucie plus du regard des autres, oubliant même son propre regard sur elle-même. Mais la chenille finit toujours par se transformer en un magnifique papillon. Tout est une question de temps. Mais elle ne pouvait de s'empêcher de ressentir une pointe au cœur à l'idée que son sablier était déjà bien entamé, contenant plus de grains de sable dans la partie inférieure, annonçant inéluctablement la fin.

C'est ainsi les années ont défilé sans qu'elle le sache les retenir, lui faufilant entre les doigts, sans même faire un arrêt sur image. Les souvenirs s'effacent peu à peu avec le temps, devenant de plus en plus impossible à se remémorer. Les visages se déforment. Les voix deviennent monotones. Tout devient de plus en plus flous, y compris la temporalité. Impossible de revenir en arrière. L'environnement devient noir. Alors que sommes-nous censés faire quand il devient inévitable d'oublier ? Une seule chose compte : profiter et de se créer des sensations, ici et maintenant. Et sa nouvelle compagnie pourrait s'avérer bien utile pour un tel challenge. Délier les langues pour mieux s'exprimer.

Alors quant à sa remarque sur son époux ou, elle devrait commencer à s'y habituer, futur ex-mari, un léger rictus s'échappait de sa gorge tandis qu'elle buvait d'une traite son verre d'eau. Un haussement d'épaule en guise d'incertitude. Non, après tout, il n'était pas nécessaire de juger cet homme qui avait partagé plus de vingt ans de sa vie. Le père de ses enfants et son premier grand amour. C'est d'ailleurs bien pour cela que son cœur n'en est que plus brisé. A-t-il été con ou tout simplement malhonnête car incapable d'exprimer son envie de stopper une relation qui n'avait que trop durée ? On prend tous des chemins différents dans nos vies et parfois, ils se séparent alors qu'ils avaient si bien commencé ensemble. Triste réalité de ne plus pouvoir se contenter, ni même d'accepter, les projets de l'autre. Au final, est-ce lui qui a été trop con ou elle trop conne d'avoir été à ce point aveugle et de n'avoir vu venir ce qui était finalement inévitable ? Voire même, prévisible. Au fond d'elle-même, elle le savait. Tout n'est toujours qu'une question de temps. Accoudée sur le bar, elle baissait les yeux vers son doigt marqué par une tâche blanche comme si son alliance avait laissé un tatouage.

"Oui sûrement. Ta mère t'a donné les détails ?" Un brin curieuse de savoir à quel point les nouvelles vont vites dans le quartier de wharehouse district et surtout si ses mésaventures matrimoniales sont déjà connues de tous. "Je t'offre un verre ?" Finit-elle par lui proposer, sans pour autant attendre la réponse du jeune homme. Sensation étrange de lui offrir un alcool, elle qui l'avait connu tout petit garçon. Elle faisait signe au barman de lui remettre la même chose et commandait en plus un short drink pour ses papilles. Mais parler ou juste évoquer son mariage qui n'est plus n'était pas dans ses intentions de ce soir. Rien ne sert de se lamenter sur son propre sort, de penser à ce qui aurait pu être fait autrement, de qui a tord ou raison. Passant sa main dans ses cheveux pour les remettre en arrière, ses doigts agrippaient à quelques mèches entremêlés par ses boucles, lui donnant par la même occasion un peu de volume. Cela fait un long qu'elle ne s'était pas apprêtée ainsi. Et si les autres la dévisageait, ce n'était pas le même regard auprès de son interlocuteur. Une chose qui pour, on ne sait quelle raison, avait tendance à lui plaire. L'alcool qui parle ou un désir peut-être plus profond d'expérimenter de nouvelles choses ?

Et que devrais-je faire dans ce cas ?  S'empressait-elle de lui demander, intriguée par les diverses idées qui pouvaient lui traverser l’esprit, comprendre les mécanismes de ses pensées. Car après tout, il est bien loin de ce jeune garçon qu'elle avait vu grandir. Celui-là même qui courait dans son jardin, s'amuser parfois avec son fils et qui osait à peine lui adresser la parole. Rachel, Madame Gardner, la voisine. Et voilà qu'aujourd'hui, ils se retrouvaient tous les deux autour d'un verre. "Tu as bien changé avec les années." Soufflait-elle dans un sourire, peut-être même nostalgique.

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(#) Re: living in midnight. / julian    Mar 11 Fév - 18:39
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adrenaline in the bones
--- @rachel gardner & julian nash

Un soupir et déjà, la vie était passée à toute allure ; critique acerbe faite au monde qui transpirait dans l'air, suintait des murs de la maison dans laquelle il avait grandi, pendant tant d'années. Où étaient-elles passées, toutes celles-là ? Ces étapes du passé où ils avaient failli, tous ; n'importe quoi pour expliquer ce qu'il était devenu, lui, le fils qui faisait tâche aux repas de famille. L'anomalie imparfaite, qui s'moquait des déceptions des autres, des regrets de ceux qui n'étaient pas lui : la désinvolture en figure de poupe, une langue particulièrement acérée contre la figure maternelle, trop attachée à la présence ici, de Madame Gardner. Peut-être ne trouverait-il nulle alliée avec elle, rien d'autre qu'une emprise parentale comme des chaînes desquelles il avait tenté inlassablement de se défaire : un désir d'autonomie qui avait fait grandir l'appétit- soif d'un monde plus vaste que les quartiers qu'il avait bien assez tôt connu par cœur, plus jeune. Et comment se contenter de ça? Si souvent il avait eu la critique facile, l'attaque débonnaire en bordure d'esprit face au carcan symbolisé par toutes celles-ci : sa propre génitrice, et chacune de ces amies qui s'étaient assises à leur table, parfois. Des apparences tirées à quatre épingles, perfection à s'épuiser ; et le poids suffoquant de tout un univers sur l'échine- l'usure comme du papier de verre sur la peau, quelques sillons d'années gâchées sur le visage connu de la voisine. Baignée dans les lumières dansantes pourtant, elle avait quelque-chose d'une étoile brillant avec défi à la gueule du monde : au moins l'apparence de quelqu'un qui voulait un tant soit peu s'en sortir. C'était pourtant trop long, putain, d'mettre des décennies à s'rendre compte que Warehouse District n'serait jamais assez grand pour un esprit humain, qu'il y avait plus, toujours plus- toujours mieux. Que cette terre, cette société, elles appartenaient aux avides. Ça faisait longtemps, maintenant, qu'il n'faisait plus dans la demi-mesure, le semi-calcul d'une existence mondaine et normale. Et c'était elle qui était descendue dans son monde ce soir, elle qui avait chu de son piédestal pour s'retrouver là : la splendeur d'assurances passées, perdues tout à coup. Et tout ça pour quoi ? Tout ça pour les beaux yeux d'un mec à qui elle avait laissé la possibilité d'lui passer la bague au doigt ? S'il devait récolter une leçon d'tout ça, c'était la perte de temps que ç'avait été ; l'écriture d'un pan d'histoire sacrifié au rien- tout ça pour ça. La putain d'morale qu'il avait ruminée depuis si longtemps : à chaque fois, face au spectacle minable du quotidien d'ses propres géniteurs, le train-train qui n'voulait plus rien dire.
Triste bilan d'une vie défaite sur laquelle elle n'voulait pas revenir, peut-être ; échouer, s'planter, ça faisait chier, hein ? « J'ai pas demandé. » qu'il répondit, haussement d'épaules en guise d'amnistie face aux soupçons de la brune- comme si la conversation pouvait tourner à l'hostile s'il disait le mot d'trop. « Mais qu'on l'veuille ou non, on entend des trucs. » la morale de rues trop petites, de faciès qui se ressemblaient tous les uns les autres. Depuis trop d'années, confinés dans un cosme dévastateur : pour beaucoup, l'occasion avait été trop belle, d'parler de la vie des autres, moins clean et moins plaisante que la leur. A savoir pourquoi Mrs Gardner avait si subitement quitté la baraque dans laquelle elle avait passé tant d'années à élever ses mômes. Résidus d'un désespoir, distillé dans les verres qu'elle leur offrit, l'alcool, remède à tous les maux. Il la remercia sans un mot, rien d'autre qu'une moue à la commissure des lippes en levant sa boisson dans un signe silencieux d'assentiment- distrait pourtant, déjà entre deux gorgées alors qu'inlassablement, ses prunelles retombaient sur elle. Il aurait voulu qu'ce soit juste parce qu'elle était intruse, de trop là où elle n'avait jamais été avant- sa liberté à lui, si durement acquise, au prix de tellement d'jugements. Mais c'était comme si elle avait toujours su y faire, elle- avec lui, avec les autres ; poison de miel sous la peau, et dans les veines l'adrénaline dansant à chaque pulsation du cœur. « J'pourrais être sympa et balancer toutes mes bonnes adresses comme ça. Mais ça m'semble trop facile. » l'aventureux, il aurait voulu blâmer l'excès d'alcool pour son audace- pourtant, quand il haussa les sourcils vers elle, ce fut en toute connaissance de cause. « Et est-c'que ce serait pas trop imprudent de ma part de croire savoir ce que vous recherchez dans des soirées comme ça ? » le regard qui trahit la pensée qui s'attarda, de ses iris clairs léchant la silhouette de la voisine avant qu'il ne se détourne – joue d'allées et venues. Par-dessus le comptoir du bar, il saisit un stylo, glissant jusqu'à elle, si près qu'elle pourrait croire pour un instant qu'il était parfaitement à l'aise. « Okay... » l'invasion d'une main trouvant celle de la jeune femme, magnétisme de regards se cherchant, des secondes suspendues dans un silence qui n'existait qu'à leurs oreilles à eux. Aux siennes à lui, en tout cas ; une mascarade de contenance dont il n'se jouait que trop bien. « Vous avez qu'à commencer par là-... tester. Et peut-être que si ça vous plaît, je pourrais révéler le reste de mes idées. » simplicité de mots de velours, la bienveillance du jeune voisin qui se confondait aux touchers sur son grain de peau : la pulpe de ses doigts dessinant le dos de la main fine, alors qu'à l'encre noire, il écrivait quelques mots – une adresse – au creux de sa paume. Il aurait pu, faire plus simple que ça- s'il l'avait vraiment voulu. C'est sans équivoque pourtant, qu'il la relâcha, qu'il se redressa, l'illusion d'une distance sauvegardée encore entre eux deux – l'illusion qu'il n'y perdrait pas la boule non plus. Il avait bien changé, ouais ; pour une seconde au moins, il en eut bien la gueule. Et assez de fierté pour en avoir un rictus torve. « Dieu merci pour ça. » comme si la critique était marmonnée contre elle – contre lui ; contre la Nouvelle-Orléans si infime et limitée dans laquelle ils avaient existé, trop longtemps. « Ça a un air de philosophie à deux balles, mais généralement, c'est mieux d'changer... » et peut-être qu'à défaut d'elle-même pouvoir oublier c'monde-là d'où ils venaient, elle pourrait lui octroyer le luxe à lui, d'l'oblitérer complètement, comme il le faisait quand il venait .
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(#) Re: living in midnight. / julian    Mar 18 Fév - 2:20
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@Julian Nash & @Rachel Gardner
Banlieue où tout semble paisible, Warehouse District était le quartier prisé des familles les plus aisées. District familial où il n'était pas rare d'apercevoir des jeunes enfants à vélo, dévalant en toute sécurité la rue donnant sur chacun des jardins entretenus des maisons, parfois démesurées. Un quartier qui aurait pu recevoir la palme du plus paisible ou de celui où il fait bon vivre. Une mascarade qui cache bien les apparences, prônant fièrement aux plus curieux un bonheur superficiel. Un paraître qui devient plus important que la propre sensation d'épanouissement personnel. Ils se retrouvaient alors pris aux pièges dans leur propre mensonge, dans un confort qui était devenu pourtant inconfortable au fil des années. Des années qui se succèdent, un compte à rebours qui ne compte plus beaucoup de temps, un tic tac angoissant. Tout semble être passé si vite, à tel point que Rachel ne sait plus vraiment comment elle a survécu aussi longtemps dans cette bulle insouciante. Incapable d'apercevoir la vérité sous ses yeux, elle était aveuglée par ce sentiment de sécurité. Une autruche qui refuse de sortir la tête du sol, préférant attendre que le temps passe et fasse son oeuvre. Mais à quel prix ? Pour être au final une quarantenaire divorcée, ou presque, regrettant ces années dérobées. Incapable de les récupérer, condamnée à vivre avec son passé qui aujourd'hui l'a rendu plus fort. Un mal pour un bien. Mais on dit aussi qu'un malheur n'arrive jamais seul.

Qu'est-ce que l'avenir pourrait lui jouer comme tour ? Comme si le karma la foudroyait pour rétablir l'équilibre, mais pour quelle action ? Néanmoins, sa compagnie de ce soir était pour le moins des plus agréables, même si une voix dans sa tête lui rappelait les règles de bienséance. Un jeune homme de vingt-cinq ans, des plus séduisants. Un charme ravageur, un sourire délicat et des yeux perçants. De quoi renverser les demoiselles d'une valse tourbillonnante. Mais Rachel n'était pas semblable à celle-ci. Sa peau était marquée par l'âge et le fait d'avoir porté deux enfants. Elle n'avait pas la fougue de ces jeunes filles, ni même l'impudeur dont certaines faisaient preuve. Une ancienne génération, une vieille école qui peine souvent à comprendre les nouvelles tendances qui la dépassent. Elle est dépassée.

Alors pourquoi sentait-elle cette attraction perceptible, presque palpable ? Elle l'observait quelques instants, dévisageant ses traits illuminés par les quelques flashs ambiançant la salle. Une photographie qui s'imprimait dans sa mémoire. Il lui affirme alors que les langues se délient des plus aisément à travers le voisinage. "Je n'en suis pas étonnée, à vrai dire. Fût-elle résigné d'avouer que les commérages étaient monnaie courante depuis des lustres. D'autres en avaient fait les frais bien avant l'annonce de son divorce. Un haussement d'épaules des plus lassées, elle était blasée de vivre dans un entourage de faux semblant. Mais son sourire ne se perdait pas pour autant, demeurant fièrement accroché à ses lèvres si ces dernières n'étaient pas trop occupées à siroter sa boisson. Ces mots l'intriguaient, il était joueur, Julian. Un prénom qu'elle n'aurait jamais imaginé se plaire à prononcer de cette manière. Un charisme implacable. "Et que voudrais-tu en échange de ces précieuses informations ?" S'amusait-elle à rentrer dans son jeu, tandis qu'il se vantait de cerner ces goûts. Ou plutôt, ce qu'elle "recherchait". Mais que recherchait-elle vraiment ? Même elle savait que cette liberté durement acquise ne pourrait durée éternellement. Que la réalité rattrape les âmes trop envieuses de s'y dérober et lui échapper. Sa main frôlait la sienne. Une électricité stimulait sa peau, détournant son contrôle. Elle lui ouvrait la paume de sa main, comme si elle était prête à y accueillir tout ce qu'il voulait bien lui offrir. Une contradiction pourtant avec sa raison, celle là même qui, pour l'heure, était muette à cause de l'alcool dans ses veines. Ses yeux vinrent par observer l'adresse marquée au feutre sur sa peau. "On verra bien si tu as vu juste. Je te tiendrai au courant." Affirmait-elle, bien curieuse de découvrir cet endroit. Cette curiosité ravivait d'ailleurs une excitation qu'elle n'avait plus ressenti depuis longtemps.

Oui, une chose est sûre, il avait bien changé. Le petit garçon n'avait rien à voir avec ce beau brun ténébreux. Même si elle n'aurait jamais pu l'avouer à voix haute. D'un côté, elle trouvait ça impur d'avoir de telles pensées pour un garçon qui a presque la moitié de son âge. "Je ne vais absolument pas te contredire là dessus." Plaisantait-elle, au vu de son changement radical de vie depuis peu. "Et tu peux me tutoyer, tu sais. Je sais que je suis vieille mais ce n'est pas une raison pour me vouvoyer." Lâchait-elle dans un rire tandis qu'elle posait machinalement sa main sur son épaule, pour appuyer ses dires.

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(#) Re: living in midnight. / julian    Dim 8 Mar - 19:15
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adrenaline in the bones
--- @rachel gardner & julian nash

Électricité dans l'air, l'arôme d'adrénaline piquant le bout de la langue, cette jungle était l'ambiance habituelle où il évoluait. Un Roi dans une nuit épaisse, l'heure tardive pour seul repère ; et un océan d'humanité pour s'y tapisser. Jamais il n'aurait imaginé Warehouse déborder sur son p'tit monde de la sorte- l'apparition, presque matérialisée d'un coin endormi de l'esprit, les désirs poussiéreux qui lui collaient à la peau depuis si longtemps. Une valse dans le cœur, un palpitant qui s'affolait comme un feu dangereux sous la caresse de prunelles nimbées de chaleur : la Gardner était la même- celle qu'il avait connue toutes ces années. Et différente, aussi ; chimère enivrante prête à s'faire une nouvelle peau, prétendre que la peine latente au fond de ses yeux n'était que blessure passagère. L'estafilade d'une créature qui avait trop sacrifié dans le vent : une passion dont les secrets n'appartenaient qu'à elle. Des confessions qu'elle n'lui ferait sûrement pas à lui. Peut-être le croyait-elle trop jeune pour comprendre. Probablement l'était-il ; l'indifférent, joueur sur les filaments de sentiments des autres : l'organe vital comme les cordes de sa basse, une bombe à retardement qu'il caressait avec affection, presque. Qu'est-c'qu'il ferait sans la danse dangereuses des émotions des uns et des autres ? C'était de ça qu'on s'substantait, affamé d'évidences qui n'existaient que trop peu, ici-bas. New Orleans, canvas à une décadence qui coulait comme une lave sur les âmes : Rachel qui avait rejoint le bas monde auquel elle n'avait jamais appartenu. Un peu comme une Impératrice si brusquement tombée de son piédestal ; romantique aveugle chue les pieds à terre. Une énième preuve qu'l'amour véritable, romancé sous toutes ses formes, n'existait pas. Qu'il n'y avait que l'mur quoiqu'on fasse : des décennies sacrificielles qui n'avaient pas réussi à convaincre le mari de la belle, d'être un tant soit peu décent dans ses choix. Quelle putain d'ironie. Pendant combien d'temps il l'avait vue se pavaner au bras de son époux, avec ses gosses parfaits et sa vie que tout le reste du quartier aurait pu lui envier ? La mascarade des faces orgueilleuses. Finalement, elle s'échouait au même endroit que lui. Ça valait l'coup, hein, que certains d'ceux-là se donnent la peine de le juger ? En attendant, il n'avait jamais eu l'intention d'attendre d'avoir passé la quarantaine pour commencer à vivre. L'âpre jugement qu'il ne gardait que pour lui ; critique verrouillée entre ses lippes depuis si longtemps maintenant- une gifle dans la gueule à renvoyer à sa matriarche. Un jour. Y'avait peut-être déjà assez d'arôme de punition dans sa condition à elle, réduite à chercher quelque distraction au milieu d'une plèbe qui ne lui arrivait pas à la cheville. L'armée de faciès inconnus qui se consommait et se consumait en un clin d’œil- l'amusement éphémère toujours. Est-c'qu'elle était vraiment ce genre de personne, hein ? L'interrogation dardant jusqu'à la bordure de ses prunelles, une question tacite dans les mots qu'il ne disait pas ; comme si, subitement, la voisine toujours si lointaine, pouvait s'livrer à lui comme un livre ouvert.
Elle semblait avoir sa dose de venin à cracher – l'amertume transpirant sur son sourire, le poison d'un sarcasme noir pour flétrir ses traits. Un triste spectacle, symptomatique de trop de regrets, l'empreinte des années écoulées. « Mh... » une rancœur silencieuse, lâchée avec l'illusion d'une indifférence. Il aurait dû être juste reconnaissant d'avoir grandi là où il avait grandi : le carcan de privilèges dans lequel on l'avait préservé. Gardé. Trop longtemps. Un cosme de langues de vipères, l'illusion éclatée en mille morceaux bien assez vite, et l'éclair de la rébellion comme la faute suprême. L'arôme insidieux d'un crime indécent, un miel d'aventure par lequel elle se laissait tenter, offrant volontiers sa paume aux quelques mots qu'il écrivit au creux de celle-ci. Rien de bien méchant, un bar à absinthe, typique de la Nouvelle-Orléans, une ambiance différente d'ici – fêtarde sur un fond de musique folk, de ce blues qui nimbait l'atmosphère. « C'est comme ça que ça marche pour vous ? Tout doit avoir une dette ? » qu'il s'amusa à taquiner, rictus à la commissure de ses lèvres, l’œil malin alors qu'il la dévisageait comme s'il venait de découvrir un tout nouveau côté de sa personnalité ; « On a qu'à dire que c'est gratuit. Pour l'instant. » et brûlant au creux des reins déjà, le feu dangereux d'un risque avec lequel il flirtait si ouvertement. Ils ; il aurait presque pu y croire une fraction de seconde, qu'elle se prenne au jeu. Qu'elle le veuille. L'habituelle illusion, jeu d'l'esprit, des sens trompeurs. Un coin de lèvre mordillé discrètement, l'ingéniosité bordant la langue, prête à se lancer dans le duel de verbes. Ils n's'étaient sûrement jamais autant adressé la parole. Seuls, plus encore. Évidence qui avait été sauvegarde pendant si longtemps ; et c'est presque pour se puiser un tant soit peu de courage qu'il détourna le regard vers la salle autour d'eux. Ils étaient loin, loin de leurs décors habituels. Loin de Warehouse District et des rues bourgeoises. « Vous aurez qu'à faire ça. Si on se recroise un jour comme ça. » le tease irrésistible : n'étaient-ils pas que voisins, hein ? Lui, le gamin qu'elle avait vu grandir, 'fils de' - appartenance qu'elle lui avait elle-même rappelée. Peut-être ; et toujours un invisible filin de fierté tiraillant sur le cœur. Jamais, sûrement. L'inatteignable toujours pareil- une évidence qu'il avait acceptée depuis des années : elle était devenue utopie lointaine, silphe glissant entre ses doigts. L'amertume d'une réalité qui le forçat à garder le silence, la langue coincée entre ses dents pour n'pas se trahir – et la main de Mrs Gardner sur son épaule pour le rappeler, noyé dans la musique tonitruante. « Le tutoiement, carrément ? Wow, est-c'qu'on en est vraiment à là ? » il ricana cet autre sarcasme, roulant des yeux presque contre son gré. Assez d'orgueil pour lui permettre de reprendre la face, nonchalamment accoudé au bar pour faire face à la brune. « Est-c'que vous n'étiez pas venue juste chercher un verre ? » une provocation – plus fort que lui ; sourcil arqué alors qu'il s'accrochait au mielleux d'une politesse qui avait trop longtemps masqué des fantasmes brûlants. Qui sait, peut-être – peut-être que si elle le voulait vraiment, il pourrait la tutoyer. Un jour.
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