Il y avait des moments où elle aurait souhaité être ailleurs, quelque part en Asie ou en Europe. Ses voyages lui manquaient beaucoup plus qu’elle aurait imaginé. Les effluves épicés de l’Inde lui manquaient, tout comme les paysages spectaculaires de la Grèce, les repas copieux d’Italie, ainsi que le brouhaha coloré de l’Espagne. Le tourbillon multiculturel de la Nouvelle Orléans était familier, confortable, mais ne ressemblait en rien à ce qu’elle avait eu la chance de voir et de vivre au cours des dernières années. L’une des choses qu’elle avait apprises lors de ces périples qui lui manquait le plus était le yoga, ainsi que la méditation. Elle avait donc pris l’initiative de s’inscrire à un cours de yoga en groupe. Évidemment, ces classes n’avaient rien à voir avec les petits paradis spirituels qu’elle avait découverts en Inde, mais elle allait devoir s’en contenter. Elle entra dans le petit studio où se donnait le cours, et son regard fit rapidement le tour de la pièce déjà chargée d’inconnus. Quelques petits groupes discutaient en attendant le commencement, alors que d’autres s’échauffaient déjà sur de petits tapis de sol. Talia fronça les sourcils, visiblement troublée, scrutant les occupants du studio. Alors que la moyenne d’âge de ces gens semblait tourner autour de la cinquantaine, d’autres paraissaient frôler la mi-soixantaine. Elle chercha un visage un peu plus jeune, mais seul son propre reflet que lui renvoyaient les murs ornés de vastes miroirs correspondait à ce critère. Elle avait forcément fait erreur, n'ayant pas porté attention au fait qu'il s'agissait en fait d'une classe senior. Une vague de soulagement lui traversa le corps quand ses yeux se posèrent sur la longue chevelure brune d’une silhouette menue qui semblait appartenir à une jeune femme dans la vingtaine. Elle n’était donc pas seule parmi tous ces gens qui avaient trois fois son âge. — "Ce n'est pas tout à fait ce à quoi je m'attendais", souffla—t-elle à mi-voix, en pointant du menton le reste du groupe. Ce n'est qu’une fois la jeune femme tournée vers elle que Talia reconnu Kléa, la meilleure amie d’Holly. Elles n'avaient jamais vraiment été proches l’une de l’autre, et elle n’osait même pas imaginer l’opinion qu’elle devait avoir d’elle maintenant qu’elle était de retour, mais pour le moment, elle était la seule alliée qu’elle avait dans cette situation aussi amusante qu’embarrassante. Le cours s’apprêtait à commencer, et alors que tout le monde se dirigeait vers leurs tapis, Talia en vint à la conclusion que ce serait encore plus gênant de quitter la salle maintenant silencieuse. — "On ferait mieux de rester à l'arrière", ajouta-t-elle à l'attention de Kléa, dans un rire nerveux témoignant son malaise. Elle ne savait même pas si Holly savait qu'elle était de retour, et l'embarras se lisait sur ses traits. Elle sentait de nombreux regards portés sur le duo d'intrues qu'elle formait avec Kléa, et sentit le rouge lui monter aux joues, elle qui habituellement n'était intimidée devant rien.
Elle aurait aimé que tout soit plus simple. Elle aurait aimé que la guérison soit rapide, sans tourment. Kléa se trouvait encore des séquelles, depuis sa dernière histoire. Ce garçon qui lui a apporté tellement, qui lui a permis de ressentir ces choses que l’on voit habituellement que dans les films, ce garçon a brisé toute la féérie le jour où il faillit l’asphyxier. Moment indélébile qu’elle revit parfois le temps d’un cauchemar. Ces nuits où elle se réveille en sursaut, la gorge sèche et la sueur au front. Des nuits qui la hantent le lendemain et les jours suivants, jusqu’à la semaine entière. Elle est anxieuse, angoissée. Elle, qui est naturellement émotive, ressent les choses de manière beaucoup plus intense, dans la négativité. Les brouhahas l’oppressent. Un ballon qui éclate au fast-food a l’effet d’une bombe. Une pression ombrageuse dont elle peine à se défaire. La belle n’en parle pas à ses amis, parce qu’ils l’ont déjà vue au plus bas, parce qu’elle ne veut pas les inquiéter une fois de plus. Elle n’a pas consulté un médecin non plus, sachant d’avance qu’il lui donnerait des anxiolytiques et autres molécules tranquillisantes. Si sa période de dépression lui a appris quelque chose, c’est que la solution ne se trouve pas dans les médicaments. Elle doit faire un travail sur elle-même, se reconstruire par ses moyens, tout en continuant ses tâches du quotidien. Alors, elle s’est tournée vers le sport, plus particulièrement le yoga. Kléa en a toujours entendu du bien, que ce soit pour ses bienfaits physiques et internes. Elle veut tout essayer, elle explore toutes les options. Parce qu’elle veut aller mieux, elle veut aller bien.
Elle s’est inscrite dans un groupe qui se retrouve non loin de l’université, localisation idéale si elle veut y aller avant ou après les cours. Bien qu’elle en ait déjà fait avec sa mère, la belle allait vivre sa première expérience seule. Enfin, non accompagnée, puisqu’en arrivant, elle remarque l’assemblée au centre de la pièce. Et il ne lui fallait pas plus de quelques secondes d’observation pour que Kléa se rende compte de la différence d’âge qui la sépare des habitués, de quoi se sentir rapidement de trop. Le visage qui se veut le moins crispé possible, elle s’installe dans un coin de la salle pour commencer des étirements. D’un côté, ça change des gens de son âge qu’elle a l’habitude de croiser à la fac. Mais de l’autre, elle espère ne pas être la seule à représenter sa génération aujourd’hui. Puis, une voix l’interpelle, une voix qui lui semble familière. Alors de dos, elle tourne aussitôt la tête. « C’est une blague. » Elle écarquille les yeux, retrouve sa position d’origine. Talia, amie d’Holly avec laquelle elle n’a jamais eu d’affinité. Comme quoi, le dicton ‘les amis de mes amis sont mes amis’ n’est pas toujours vrai. Si seulement il n’y avait que ça, Kléa pourrait passer au dessus. Mais la belle rousse a disparu, il y a quelques années maintenant. Et ça, ça a beaucoup affecté sa meilleure amie. Elle pouffe machinalement un rire avant de répondre. « Ah parce que tu comptes rester maintenant ? » Faisant référence au départ impromptu de son interlocutrice, elle semble décidée à lui montrer que ça ne lui a pas laissé une très bonne image. Elle se lève, lui fait face, le visage impassible. « Bonjour, en fait. T’as dû oublier la politesse durant ton périple. » Kléa a beau l’air sympathique et solaire, elle a tout de même un mauvais caractère. Et puis, elle croise le regard des autres, se souvient du contexte dans lequel elles se trouvent. « Bon écoute. Je sais pas ce que tu cherches exactement mais on a clairement des choses à se dire. » Même si elle n’a pas été directement impactée par la disparition de Talia, elle l’a été au travers d’Holly. « Mais on peut faire ça après ? J’ai juste besoin de me détendre, un peu. » Parole qui sonne comme un appel à l’aide. Parce qu’elle compte sur ce genre de séances pour se sentir mieux, vraiment.
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(#)Re: -- time to pretend. (kléa) Dim 1 Mar - 13:53
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Elle n’avait pas prévu partir aussi longtemps, quelques mois, tout au plus, le temps de se changer les idées, de penser à autre chose qu’à Julia, pour ensuite revenir à la Nouvelle-Orléans resourcée et moins endeuillée. Sa décision de s’envoler vers une contrée étrangère avait été prise sans qu’elle ne prenne le temps de réfléchir aux répercussions qu’aurait son départ sur son entourage. Elle ne prit d’ailleurs pas la peine d’informer ses proches de son périple improvisé et était partie sans un regard derrière elle. Ce n’est qu’une fois les deux pieds en Thaïlande, à des milliers de kilomètre de sa ville natale, qu’elle se risqua enfin à annoncer son départ, sur ses réseaux sociaux, d’un époustouflant cliché accompagné d’une simple citation. Faisant peut-être preuve d’un certain égocentrisme, Talia n’avait pas fait l’effort de contacter ses anciens amis, ni même sa famille, quand elle décida de prolonger ses aventures. Préférant se concentrer sur sa propre expérience, ainsi que sur le deuil qu’elle tentait de surpasser, les messages qu’elle leur envoyait sporadiquement finirent par s’espacer, pour finalement complètement s’arrêter. Si elle avait pleinement assumé son égocentrisme à l’époque, elle le regrettait maintenant amèrement. Les remords l’accompagnaient quotidiennement et elle n’avait pas le courage d’affronter ceux qui avaient pu être déçus par ses actions. Holly faisait partie de ces gens qu’elle craignait croiser et à qui, dans une telle éventualité, elle n’aurait pas su quoi dire pour se justifier. Se retrouver face à Kléa était probablement pire. Elle ne s’attendait pas à une autre réaction de la part de l’amie d’Holly, mais eut néanmoins un mouvement de recul devant l’hostilité qui transparaissait dans sa répartie. Elle fronça les sourcils quand elle lui demanda si elle comptait rester, ses lèvres se retroussant en une moue dubitative. Elle n’était pas certaine si son interrogation attendait réellement une réponse, mais le sarcasme qu’elle décelait dans son intonation suffit à la convaincre de ne pas en tenir compte. Ses traits se rembrunirent davantage quand elle l’accusa de manquer de politesse. Elle serra les dents, tentant de ne pas se laisser affecter par cette nouvelle attaque. Décidemment, elle regrettait de l’avoir abordée. — "Sur ça, on va s’entendre… Tu as visiblement besoin de te détendre.", riposta presque immédiatement la rousse, ne faisant pas l’effort de dissimuler l’agacement dans sa voix. Un sourire dénué de sincérité étira ses lèvres, avant qu’elle ne remette son attention à l’avant du studio. Ne pas lever les yeux au ciel lui demanda une grande maîtrise d’elle-même. Elle ne devait rien à Kléa, et bien qu’elle comprît qu’elle avait pour réflexe de prendre la défense d’Holly, elle ne pouvait faire autrement qu’être irritée par son manque de tact, qu’elle ne jugeait qu’à demi mérité. Elle s’installa sur son tapis, le cours à présent débuté, une légère agitation dans ses jambes trahissant son malaise, son regard toujours rivé vers l’avant. Elle tentait de se concentrer, mais son attention ne cessait de revenir à la jeune femme à ses côtés. Une partie d’elle aurait voulu simplement se lever et partir, mais d’une autre part, elle ne voulait pas plier devant l’attitude de Kléa et devant sa frousse d’assumer ses erreurs. — "Et puis, je ne cherche rien, exactement. Je sais que j’ai fait des erreurs. Je ne cherche pas à m’en cacher.", avança-t-elle prudemment, malgré le fait que Kléa lui ait clairement fait comprendre qu’elle ne voulait pas parler maintenant. Une femme se retourna, les profondes rides de son front accentuée par son mécontentement, les fusillant d’un regard qui incita à Talia de baisser la voix. Amusée de la dédication de cette vieille dame pour le cours, la rouquine se mordilla la lèvre pour étouffer un rire. Ce n’est qu’une fois son sérieux repris qu’elle osa un regard vers sa partenaire inattendue. — "Je ne nie pas qu’on ait – enfin que j’aie, des choses à régler. Tu as raison, on peut toujours se parler après le cours.", chuchota-t-elle, à présent sur ses gardes. Si tu peux rester convenable, aurait-elle voulu ajouter. De nature pacifique, très peu rancunière, elle n’avait pas coutume de chercher les disputes. Elle espérait simplement enterrer la hache de guerre, croyant, peut-être naïvement, que si Kléa parvenait à comprendre la raison de cet abandon, il lui serait plus simple d’ensuite confronter Holly.
Spoiler:
tellement désolée du délai
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(#)Re: -- time to pretend. (kléa) Sam 14 Mar - 22:34
Elle imaginait ce lieu comme un endroit où elle pourrait extérioriser tout ce qui la hantait, tout ce qui lui faisait peur. Son quotidien qui sonne comme une rengaine interminable, ses démons qui atteignent frénétiquement sa raison. Des réveils en sursaut, une angoisse perpétuelle, maquillage pour ne pas inquiéter ses proches. Rituel du matin qui la fait frissonner rien qu'en y pensant. Kléa ne peut pas s'en échapper, elle espère juste que ça passera tout seul. La vulnérabilité qui s'engouffre pour que la fleur qu'elle était auparavant refleurisse. Des éclats qui se sont estompés, qu'elle tente tant bien que mal de retrouver. Parce que celle qu'elle était avant tout ça, c'est ce qu'elle est véritablement. Une fille joyeuse parfois insupportable. Une fille excessive en amour comme en rancœur. Une fille qui ne regarde pas sans cesse le passé, à se morfondre jusqu'à ce qu'il n'y ait plus rien à ressentir. La dépression qui sonne comme un écho, ondes qui la motivent au jour le jour. S'en échapper, s'accrocher à quelque chose qui lui amène un peu de bonheur, de plénitude. Elle est en quête de cette chose, cherche à se sortir de cette spirale qui la mène petit à petit vers la désolation. La belle n'a jamais été dramatique, n'a jamais voulu attiser la peine des autres. Elle ne voulait pas que l'on considère comme une personne à garder auprès de soi, une fille fragile qui ne peut gérer ses problèmes toute seule. Sauf que c'est ce qu'elle est, en fin de compte. Elle est encore jeune, elle a été écorchée à vif, précocement. Expérience qui l'a marquée et qui la marque encore aujourd'hui. Émotions qu'elle ne peut exprimer et qu'elle espère somatiser grâce à une de ces activités.
« Au moins tes yeux ont l’air de fonctionner. Dommage que ce soit pas le cas de ton honnêteté. » Référence à la lâcheté dont elle a fait preuve lorsqu’elle a quitté la ville, elle qui s’est enfuie sans prévenir ses amis. Amis dont elle ne fait partie mais qui incluent sa meilleure amie, Holly. Kléa ne risque pas de la lâcher après ce que la blonde a vécu après ça. Et elle a fini par s’imprégner de la rancœur. Et dans ces moments-là, elle peut être vraiment têtue. « De grosses erreurs même. Du genre irréversible, tu vois ? » Sourire hypocrite qui traduit la mesquinerie qui sommeille. En réalité, elle s’avance un peu trop vite. Holly, elle ressent de l’amertume mais Kléa la connait, elle a le cœur tolérant. Talia n’aura pas trop de mal à la retrouver en tant qu’amie. Si la belle disait ça, c’était pour la provoquer, pour voir si elle était là pour arranger les choses ou pour retrouver sa vie où elle l’avait laissée, tournant la page avec ses anciennes amitiés. Elle se place pour suivre le cours, copiant les étirements de la professeure sans pour autant se détacher de la conversation. Ce qui a interpelé certaines habituées. Situation qui lui vole un sourire malgré l’atmosphère aride. « On fait comme ça alors. » La belle suit au mieux le cours, on peut tout de même ressentir qu’elle est novice dans cette pratique. La fébrilité de certains gestes, la difficulté d’exécution de certaines poses. A côté de la rousse, Kléa n’a pas de niveau. « T’en as déjà fait non ? » Impressionnée, elle lui adresse un sourire qu’elle n’aurait jamais cru lui donner au départ. Il faut croire que ça marche, que ça l’apaise. A la fin de la séance, elle rassemble ses affaires, enroule son tapis presque neuf et les met dans son sac. Bretelles sur son épaule, elle s’approche de son interlocutrice. « On va boire un truc ? » Un peu déshydratée, elle ne dirait pas non à un thé. Un salon, un Starbucks, n’importe quel endroit qui lui conviendra.
Spoiler:
pas de souci
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(#)Re: -- time to pretend. (kléa) Mar 24 Mar - 22:19
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