1403 > a moment like this

[ a moment like this ]

Garden District, sous le soleil doux d’un après-midi de printemps. Une scène banale. Elle observe, attentive à sa fenêtre, les deux enfants qui jouent gaiment dans le jardin. Le gâteau au chocolat préparé avec eux quelques temps avant cuit dans le four pendant que la maitresse de maison achève la vaisselle. Pour la plupart des observateurs, cette scène n’était que le reflet d’une vie de famille ordinaire, comme il en existait bien d’autres dans le quartier. Pour Tamsin, la scène avait un goût différent. Un mélange d’amers regrets et d’espoirs sucrés. Regarder Polly et Jacob s’amuser dans son jardin, c’était le reflet de la vie qu’elle aurait voulu avoir. Celle d’une mère de famille banale, sans histoire. Il y avait une part d’injustice dans tout cela. Elle qui n’avait jamais vraiment eu d’ambitions, pas d’envies démesurées, ni de désirs indécents, voyait peu à peu la perspective de ses rêves disparaître. Cette envie de devenir maman, elle était viscérale depuis presque toujours. Elle avait vu ses deux meilleures amies se marier et elle s’était réjouie pour elles. Puis elles avaient eu des enfants et aux félicitations s’était mêlée une pointe de jalousie. Le bilan de la brune était bien moins glorieux que celui de ses amies d’enfance : deux fiancés et une fausse-couche. Et puis Sharon était morte, laissant derrière elle ses jumeaux. Et son mari, désormais veuf, désespéré. Alors Tamsin avait fait ce qu’elle savait faire de mieux : elle s’était investie, pour aider Ken à passer au travers de ça.

Le temps a filé. Elle tente de trouver sa place dans leur vie, sans trop s’immiscer. C’est difficile d’être l’étrangère à cette famille qu’elle chérit pourtant. Abandonnant ses torchons, elle jette un œil à l’heure. Kendall ne devrait pas tarder. Elle essaye de l’aider du mieux qu’elle peut, en gardant les enfants, en lui donnant du temps de liberté. Parfois c’est au travers de conversation d’adulte et d’un verre de vin qu’elle tente de maintenir le lien. Elle le doit à Sharon. C’est important pour elle. Et puis elle tient tellement à lui… C’est un constat qui s’impose à elle. Parfois en fermant les yeux elle s’imagine ce qui pourrait être. Puis elle chasse la pensée, par peur d’être déçue, par amitié pour une femme qui n’est plus là. C’est à ça qu’elle pense, assisse sur la balancelle en surveillant les jeux des enfants Christensen. Elle pourrait s’y habituer Tamsin. C’est simple. C’est tout ce qu’elle a toujours voulu. C’est Pollyanna qui la tire de sa rêverie, s’inquiétant de voir que le gâteau n’est pas encore prêt à l’approche du goûter. « Dans cinq minutes ma belle. Qu’est-ce que vous en pensez ? On prend le goûter dehors ? » Parfum de simplicité, comme si soudain tout était à sa place. Elle s’était toujours vu maman d’une grande fratrie et les enfants de Sharon sont un peu comme les siens, parfois. Elle donnerait sa vie pour eux Tamsin. Instinct presque animal de vouloir les protéger envers et contre tout. Le tableau pourrait être parfait quand Kendall passe le portillon du jardin. Instantanément, les jumeaux perdent toute notion de ce qu’ils étaient en train de faire pour se précipiter vers lui. Le cœur qui se serre d’émotion, elle observe. Leur laisse quelques instants, sourire franc sur le visage. « Il semblerait que nous ayons un invité de plus pour le goûter… » L’instant est précieux. Ils sont comme une famille.

/ awards session

[ tamsin & ken ]

unaware how this all got started
Quand Sharon est décédée, et que Kendall s'est donc retrouvé seul pour éduquer Pollyanna et Jacob, il a grandement paniqué. En bon cliché, il était de ces hommes qui se reposent un peu, voire beaucoup sur les épaules de leur femme, et notamment en ce qui concerne les enfants. Bien sûr ils avaient passé des heures à discuter ensemble de la façon dont ils espéraient voir les choses se produire, des jeux qu'ils aimeraient leur introduire, des règles qu'il serait bon de leur inculquer. Mais à aucun moment ils n'avaient envisagé que la photo de famille se verrait si prématurément bousculée. Sharon n'avait jamais émis l'idée de disparaître si inopinément, laissant Kendall seul avec deux jeunes enfants d'à peine un an et demi. Deux jeunes enfants qui auraient mérité mieux que de voir leur mère arrachée à eux aussi précipitamment... Mais le fait est que, dans son plus abominable malheur, Ken avait été largement entouré et soutenu. Ses parents et ses beaux-parents lui étaient d'une aide remarquable, et ses amis le soulageaient aussi autant que faire se peut. Et puis, encore mieux que ses propres amis, il y avait Tamsin.

Il arrivait souvent à Kendall de confier Polly et Jake à Tamsin, quand il ne pouvait faire autrement. En réalité, les jumeaux étaient ravis de passer du temps avec elle. Et surtout Pollyanna, pour qui l'absence d'une mère devait être encore plus pesant que pour Jacob, la privant de repères féminins. C'est pourquoi ce matin, quand la garderie avait contacté Ken pour lui conseiller de garder les enfants au près de lui —un de leurs camarades avait attrapé la varicelle— il avait dû faire appel à Tamsin pour que celle-ci, une fois encore, prenne le relai et qu'il puisse aller au travail. Cela dit, un peu avant quatre heures, il se libéra de toutes obligations et prit la poudre d'escampette. D'ordinaire Kendall ne terminait pas si tôt, mais il avait marchandé quelques heures avec son équipe afin d'aller récupérer les enfants et de permettre à Tamsin de profiter au moins un tout petit peu de sa journée. Et puis, comme il connaissait relativement bien la jeune femme, il savait aussi que celle-ci n'aurait pas manqué de faire l'un de ses savoureux gâteaux au chocolat et que, s'il arrivait assez tôt, il aurait même droit à une part. Le fait est que, quelle que soit l'heure à laquelle il viendrait chercher Polly et Jacob, il savait que Tamsin lui aurait invariablement laissé une assiette pour plus tard. Mais c'était encore mieux d'intercepter la sortie du four.

Ken gara sa voiture contre le trottoir où vivait la jeune femme, retira sa cravate un peu trop stricte qu'il laissa sur le siège voisin, puis descendit. Il longea la clôture jusqu'au portail menant au jardin, épiant les petits voix enjouées qui flottaient dans l'air. En le voyant, les jumeaux se précipitèrent sur lui. Encore petits, ou en tout cas pas encore trop grands, Kendall se baissa pour en attraper un dans chaque bras, ravi de les voir lui aussi. « Mais dites moi, ça sentirait pas un peu le chocolat ici ? » Il les embrassa chacun leur tour et, toujours les bras chargés, s'approcha de Tamsin. « Encore mille mercis. Si tu savais combien tu me sauves la vie. » Les mains prises, il s'inclina près d'elle pour lui embrasser le haut du crâne.

/ awards session

[ a moment like this ]

@ken christensen et @tamsin clark

Certains attendent une éternité pour pouvoir goûter à ces moments parfaits. Elle s’était construit une vie qui devait lui permettre de profiter de tout ça. La maison et le jardin pour les enfants. Un commerce en sa propre gestion, pour se dégager du temps. Un talent pour la cuisine, parce qu’il n’y avait rien de meilleur que le fait maison. Aujourd’hui tout cela elle le faisait pour les autres. Pour sa voisine âgée qui appréciait de n’avoir qu’à faire réchauffer les petits plats qu’elle lui préparait, à ses amis qu’elle était toujours prête à dépanner pour le moindre soucis, à Ken qui lui confiait ses enfants les yeux fermés. Si elle se devait d’être totalement honnête, elle était toujours ravie qu’il l’appelle. Même si cela devait bousculer un peu son emploi du temps. Alors ces journées avec Polly et Jake étaient toujours les bienvenues. Le lendemain serait plus compliqué. C’était toujours le cas. Elle le sait, c’est un invariable. Elle vit avec. De toute façon, ces placards sont pleins de ce genre de cadavre. L’important reste que personne ne les ouvre. Parce que ses pensées la ronge Tamsin. C’est difficile de rester la bonne amie auprès d’une femme décédée. C’est encore plus dur de faire la part des choses quand l’homme qui se trouve devant elle lui apporte tout ce dont elle a toujours rêvé. Parfois elle se laisse emporter, imaginer ce que serait la vie avec Ken. Pas à la place de Sharon mais après Sharon. Peut-être pourraient-ils se reconstruire tous les deux ? Ils ont vécus tant de souffrance l’un et l’autre qu’un peu de bonheur pourrait émerger de tout cela. Elle se tait bien sûr. L’idée est délicate, fragile, peut être complètement indécente. Alors qu’il se penche vers elle, l’enveloppant même sans le vouloir de son parfum mélangé à celui des jumeaux et au parfum d’un bonheur simple, son esprit est ailleurs. Et si. Les lèvres de Ken effleurèrent le haut de son crâne pour lui déposer un baiser, achevant de compléter ce qui pourrait être un instant parfait. Cela ne dure que quelques secondes. Quelques précieuses secondes qui filent bien trop vite. Léger comme une bulle de savon puis plus rien. Dissimulant son trouble derrière un grand sourire, la brune se reprit bien vite. « Avec plaisir. Quand tu veux. » Elle n’eut pas plus à chercher un moyen de détourner l’attention alors que le four se mit à sonner derrière elle, signe que le goûter était prêt. « Allez hop, dès que vos mains seront propres c’est l’heure du goûter ! » Les jumeaux s’engouffrèrent dans la maison en riant la laissant rejoindre la cuisine d’une maison impeccablement tenue – et désespérément vide. Elle désigna la cafetière à Ken alors qu’elle sortait du four. Ils avaient arrêtés de se faire ce genre de politesse depuis longtemps. « Comme tu t’en doutes, les enfants ont passé une grande partie de la journée dans le jardin et ils ont tous les deux refusés de faire la sieste… Je n’ai pas insisté mais je pense qu’ils dormiront bien ce soir ! » Elle n’insistait jamais. Bien trop heureuse de profiter autant que possible du temps qu’ils passaient en sa compagnie. Le gâteau découpé et les parts bien chaudes dans chaque assiette, elle trouva place à table pour rejoindre la petite famille qui s’y trouvait déjà. « Ça a été ta journée ? Tu as fini tôt non ? » Elle sourit. Le bonheur sentait comme l’heure du goûter d’une après-midi de printemps.

/ awards session

Pollyanna et Jacob quittèrent précipitamment les bras de leur père, encouragés par l'appétit à s'exécuter et obéir à Tamsin, partant en courant pour se laver les mains. Kendall les suivit de près. D'une part, il en profiterait pour se savonner un peu lui aussi, et d'autre part, pour passer derrière les jumeaux qui mettraient inévitablement de l'eau partout autour de l'évier. Il savait que Tamsin était minutieuse et très soignée quant à l'état de sa maison, de la même manière que Sharon l'avait été elle aussi. « T'en fais pas pour moi, va. J'espère juste qu'ils ne t'ont pas trop mené la vie dure. » Après s'être essuyé les mains dans une jolie serviette qu'il reposa proprement à sa place, Kendall ébouriffa les cheveux de Jacob. Il savait que les jumeaux n'étaient jamais tout à fait enthousiastes à l'idée de faire la sieste, surtout quand ils n'étaient pas à la maison. Néanmoins, il était aussi tout à fait conscient de l'enfer qu'ils étaient capables de faire subir à leur hôte quand ils étaient fatigués. Mais Tamsin les connaissait si bien que Ken ne doutait pas une seule seconde qu'elle ait su gérer leurs petits caractères bien trempés.

Suivant Tamsin des yeux, Kendall sortit deux tasses et s'affaira à faire du café. Effectivement, ils se connaissaient tous les deux depuis si longtemps qu'ils n'avaient plus besoin de parler pour communiquer. Et quelque part, dans cette jolie maison où Tamsin vivait seule, Kendall se sentait comme chez lui. Parfois, il lui arrivait même de s'y sentir plus à l'aise que dans sa propre demeure. Au moins ici, l'absence de Sharon était moins pesante. « J'ai négocié pour te libérer au plus vite, » dit-il avant de devancer la jeune femme et d'attraper des assiettes à dessert. « Et puis quand je leur ai dit qu'un gâteau fait maison m'attendait, ils n'ont pas essayé de me retenir. » Dire qu'il était gourmand était un euphémisme. Par chance, il avait aussi un métabolisme bienveillant, et donc il gommait aisément ses défauts en quelques séances de cardio. De toutes façons, quoi qu'il advienne, il ne dirait jamais non à une part de gâteau, encore moins si celle-ci lui était proposée par Tamsin. En plus d'être une fleuriste absolument époustouflante, et de proposer des bouquets dignes de véritables oeuvres d'art, la jeune femme avait un don certain pour la cuisine et la pâtisserie. « Et toi, ça va ? L'arrivée du printemps doit relancer un peu ton affaire, non ? » Le marché du végétal était toujours plus fort lors des beaux jours, à mesure que les gens redonnaient un peu de couleurs à leurs vies. Kendall se positionna dans le dos de Tamsin, les assiettes à la main, afin de lui tendre tandis qu'elle coupait le gâteau. « Tu t'es surpassée, non ? Ça sent tellement bon ! »

/ awards session

/ awards session