our love is a sweet melody (ft. hayden)

Our love is a sweet melody

Hayden & Jordan

Les parents étaient partis pour le weekend, offrant sur un plateau d'argent une occasion de passer une soirée en amoureux. La paire avait ainsi décidé de se prévoir une soirée romantique autour d'un repas qu'Hayden avait insisté de cuisiner. Jordan ignorait à quoi s'attendre, ne connaissant point la portée des talents culinaires de son amoureux. Gardant le numéro de la pizzeria du coin non loin, elle lui avait confié la cuisine pour concocter ce que bon lui semblait.
L'ambiance se voulait gaie ; les deux tourtereaux célébraient leur six mois d'amour. Le temps avait passé incroyablement vite, surtout qu'ils devaient encore garder leur idylle secrète. Leurs parents préparaient leur mariage qui approchait à grands pas et qui, bien évidemment, causait énormément de stress chez Jordan. Elle ignorait comment les choses changeraient une fois sa mère mariée au père d'Hayden. Ils seraient officiellement considérés comme une famille et, malgré l'absence de lien de sang, Hayden et elle seraient frère et soeur. Cette simple idée lui glaçait le sang. Comment allaient-ils pouvoir poursuivre leur relation dans ces circonstances? Et surtout, pendant combien de temps encore auraient-ils à la garder secrète? Vers où s'en allaient-ils, en réalité? Leur amour était-il de passage? Allait-elle finir par se lasser comme elle le faisait avec tous les hommes qu'elle fréquentait? Pourtant, ses relations passées n'avaient jamais passé le cap des six mois. Elle vivait avec Hayden une toute première dans sa vie amoureuse. Et contrairement à tous les autres mecs, elle ne s'était pas encore lassée de lui. Loin de là.

Excitée pour cette soirée qui s'amorçait, la future médecin se préparait tranquillement dans sa chambre. Elle enfila une petite robe noire moulante et à col montant dont les manches tombaient délicatement sur ses bras. Elle enfila un collier doré et l'agença avec de délicates boucles d'oreille de la même couleur. Son maquillage, qui se voulait toujours discret, camouflait avec succès les cernes qu'elle avait cumulées ces dernières semaines en raison de ses cours. Contrairement à la majorité des étudiants de son programme, elle avait choisi de suivre des cours d'été pour avancer sa formation. Ses longues nuits d'étude avaient ainsi laissé leur marque sur le doux visage de la blonde.

Une fois satisfaite de son reflet dans la glace, Jordan traversa le corridor pour rejoindre la chambre. Délicatement, elle toqua à la porte du revers de la main. « Je peux entrer? », lui demanda-t-elle avant d'ouvrir délicatement sa porte. Elle ne put s'empêcher de se mordre la lèvre en voyant son petit copain aussi élégant. « Hm, tu as mis des vêtements qui me donnent envie de te les enlever. La soirée va être longue! », lança-t-elle en rigolant légèrement.

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Je reposais la casserole sur le feu à la manière dont un militaire s'occupe d'une bombe qui menace d'exploser et de tuer toute son artillerie. J'avais beau me l'avoir joué face à Jordan, je n'étais qu'un piètre menteur : la cuisine était mon plus grand talent à ce que la psychologie transculturelle était à Adolf Hitler : j'étais une daube. Après avoir essayé de préparer un tiramisu pour le dessert, ce qui, normalement, n'aurait pas dû être trop difficile, c'est face à un échec cuisant que je me suis rabattu sur des nems faits maison. Puis une pizzas, préparée elle aussi par mes soins. Et finalement des pâtes. Des raviolis. De chez Panzani... Non, la cuisine n'était décidément vraiment pas dans mes cordes. Par contre j'avais dressé une très jolie table ! Avec un bouquet de roses rouges pour le moins énormes que j'avais disposée dans un vase après avoir mis une table harmonieuse. J'avais disposé au centre de son assiette un petit paquet cadeau joliment apprêté, puis, vérifiant après avoir nettoyé tout mon bordel dans la cuisine que tout était au point, je montai à l'étage me préparer à mon tour.

Prenant une douche, je pris le temps de me détendre, laissant l'eau couler sur mon physique athlétique, guérit enfin et heureusement de toutes ses blessures. Lorsque je sortis, je me séchais le corps et les cheveux puis me dirigeai vers mon dressing pour en sortir un costume noir impeccable, accompagné d'une chemise blanche finement rayée, de chaussures en cuir noires au bout pointu. J'ajoutai à cela une ceinture, fermai les boutons de ma chemise hormis les deux derniers, puis, jetant un regard satisfait dans le miroir, attachai mes boutons de manchette et attrapai un peigne posé sur la table basse pour bien coiffé mes cheveux qui, je le savais, ne serai pas tenus en gel ce soir car ma princesse les préférait au naturel. Toutefois, cela ne leur empêchait pas d'être bien ordonné.

Là, la porte s'ouvrit de même que mon sourire s'agrandit lorsqu'elle entra dans ma chambre et me fit ce compliment. La dévorant du regard, je ne fis même pas attention à ma canine qui vint mordiller ma lèvre inférieure de désir pour elle lorsque je la découvris dans cette robe délicieuse.

« Qu'est-ce que je devrais dire pour toi... Tu es sublime, ma princesse... » Lui dis-je en reposant mon peigne et en venant vers elle.

Passant mon bras autour de sa taille, nos lèvres s'effleurèrent alors que, dans l'intention, je désirais l'embrasser. Mais pris d'un soudain sursaut, je fis me redressais.

« Attends, mais... Je reviens ! »

Descendant à l'étage inférieur au pas de course, je me précipitai dans la cuisine pour voir une casserole en ébullition couler partout. Éteignant aussitôt les plaques de gaz, je m'auto-insultais en versant les pâtes ratées dans une passoire alors que Jordan arrivait. La voyant découvrir la catastrophe, je lui dis sur un ton empreint de culpabilité :

« J'ai raté des pâtes... Sans déconner... Des pâtes... J'ai tout essayer... J'ai tout foiré... Même ça... »

Pourtant le cœur y était ! Vraiment !

« Je crois que je suis juste bon à ouvrir des yaourts... Mais tu m'aimes quand même, hein ? » Lui dis-je en relevant les yeux vers elle, un petit sourire bien embarrassé sur les lèvres.

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Hayden & Jordan

Il était impossible pour eux de ne pas profiter de l'absence de leurs parents pour passer du temps ensemble sans avoir à se cacher comme deux criminels. Ils s'étaient ainsi habillés avec soin pour l'occasion, question de pas faillir au jeu de séduction. Même après six mois de relation, l'attirance qu'ils avaient l'un envers l'autre était toujours aussi probante. Il était ainsi inutile de dire que lorsque Jordan vit Hayden dans son bel habit, son coeur manqua un battement. Elle le trouvait à tomber et elle ne manqua pas de lui faire savoir. Croyant qu'elle allait recevoir un doux baiser de son amour, elle accueillit l'étreinte avec engouement. Hayden y mit toutefois rapidement fin, s'accourant soudainement vers la cuisine où s'affolait un chaudron. Jordan le suivit d'un pas rapide pour ne constater que l'improbable : il était parvenu à calciner des pâtes. Prise d'un fou rire, l'étudiante agrippa quelques pamphlets empilés sur le comptoir et les feuilleta rapidement pour identifier ce qu'ils pourraient commander afin d'éviter davantage de dégâts. « Je crois que la nourriture va rester dans mon département », lui lança-t-elle entre ses incessants rires.

Son petit-ami était bien des choses, mais un habile cuisinier n'en était pas une. « Appeler pour nous commander une pizza végétarienne, ça tu peux le faire? », lui demanda-t-elle en lui tendant son téléphone, se voulant taquine. Le laissant s'occuper de commander le repas, l'étudiante s'affaira à nettoyer la cuisine pour effacer toute trace du massacre qui s'y était passé. Un tas de pâtes brûlées s'entassèrent dans le bac de composte et un chaudron demandait à être ardemment nettoyé pour ne pas être bon pour les vidanges.

Après une bonne séance de nettoyage, le livreur cogna enfin à la porte, délivrant leur estomac de persistants grondements. Affamés, ils dévorèrent leur repas avec énergie. Pour les accompagner et camoufler les bruits de mastication, Jordan lança un peu de musique qu'ils aimaient tous les deux. Suivant le rythme de la musique, la jeune femme dansait légèrement sur sa chaise. Si elle avait été seule, elle se serait mise à chanter à tue-tête. Or, sa gêne était telle qu'elle n'osait même pas chanter devant Hayden. À vrai dire, elle craignait ne pas être à la hauteur si elle laissait quelconque note sortir de sa bouche. Après tout, son petit-ami était un musicien et un chanteur hors pair. Quant à elle, elle n'était qu'une prétendue chanteuse qui n'avait que le courage de chanter devant son chien ou dans sa douche quand la maison entière était vidée de ses habitants.

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Devant les rires incessants de ma chère et tendre, je pris un air boudeur que mon sourire amusé trahissait tant je savais moi-même que je n'étais pas crédible dans mon air faussement vexé.

« Ecoute, Dieu m'a fait avec tant de qualités qu'il fallait bien louper un truc pour que je ne paraisse pas suspect aux yeux des mortels. » Lui dis-je en prenant un air de diva, passant une main dans mes cheveux noirs en m'appuyant la main en arrière contre la table dans une position de starlette à trois dollars.

Ne pouvant m'empêcher de rire avec elle tant c'était peu crédible, voire avouons-le : clairement pas, je pris le papier qu'elle me tendit pour nous commander une pizza végétarienne, mettant de côté mes élans de carnivore pour plaire à cette dame.

« Ça, je sais faire... » Dis-je en composant le numéro.

Une fois la commande passée, j'aidais aussitôt Jordan à ranger mon désastre. Sa main déposant l'éponge sur l'égouttoir, je la pris dans la mienne et l'attira contre moi. Emmenant Jordan avec moi dans le salon en reculant pour ne pas quitter son regard un seul instant, un sourire tendre et amoureux perché sur les lèvres, je m'interrompus et passai ma main sur sa joue que je caressai avec une lenteur hypnotique et électrisante. Et là, dans un murmure, je lui dis ses paroles caressantes :

« Oui, vraiment sublime... »

Déposant mes lèvres sur les siennes, je lui offris un baiser qui nous pourrait nous faire tourner la tête. Elle, en tout cas, faisait tourner la mienne. En avait-elle seulement conscience ?

La sonnerie du portail d'entrée au-dehors retentit. Posant mes lèvres sur son front pour un court baiser, je lançai presque dans un murmure pour préserver notre intimité :

« Bouge pas. J'y vais. »

Sortant de la demeure luxueuse pour aller payer la pizza - moindre mal que je pouvais faire après toutes mes catastrophes culinaires de l'après-midi et de la soirée - je revins quelques instants plus tard.

« Tadam ! C'est pas moi qui l'ai fait. » Annonçais-je fièrement. Ou plutôt en tout sécurité.

Nous installant à table, Jordan mit en route une playlist de musique, ne remarquant toutefois pas le petit boîtier qui était posé près de son assiette. Tant mieux, je le lui offrirai plus tard, dans un moment plus propice au romantisme. Chantonnant en cœur ces paroles qui passaient dans toute la maisonnée, je posai ma part de pizza lorsque Why did you do that de Lady Gaga dans A star is born passa dans la chaîne stéréo. Chantant comme un possédé, ce qui déclenchait de nouveaux fou-rires de la part de ma petite amie, je déclarais :

« C'est ça, marre-toi ! On va voir qui de nous deux est la pire fan-girl ! Qui a vu ce putain de film le plus de fois ? »

Me levant, je m'essuyai les main sur la serviette que je reposai sur la table et me dirigeai vers le piano à queue où je m'installai.

« Donne-moi un titre. Si je me plante une fois dans les paroles, tu me donnes un gage. Right ? »

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Hayden & Jordan

Le livreur de pizza vint sauver leur soirée destinée au désastre. L'estomac de Jordan gargouillait à ne plus finir, lui faisant comprendre la privation dans laquelle elle le laissait baigner depuis plusieurs heures. Affamée, elle avait déjà préparé deux assiettes et des ustensiles lorsque son amoureux retentit dans la cuisine, armé d'une boîte blanche contenant le Saint Graal. Elle s'affaira à détacher quelques pointes et à les disposer dans les assiettes avant que les deux étudiants n'aient les dévorer.

Accompagnés d'une musique de fond, ils mangèrent presque silencieusement. Jordan brisa à quelques reprises le silence pour laisser quelques petites paroles quasi-inaudibles de sa bouche, se forçant à retenir les paroles qui tentaient désespérément de s'évader de sa bouche pour valser au rythme de la musique. Contrairement à elle, Hayden n'avait pas la gêne de laisser sa voix prendre le dessus. Sa magnifique voix ne faillit pas à charmer la jeune femme qui était désormais toute à sa merci. Elle aurait pu l'écouter pendant des heures et des heures tant son talent n'était plus à prouver. Elle ne put toutefois s'empêcher de ricaner lorsqu'elle réalisa que la chanson qui l'accompagnait était issue du film ''A Star is Born'', mettant en vedette nulle autre que Lady Gaga. Elle fut surprise qu'un garçon d'apparence aussi dure qu'Hayden pouvait tant aimer ce film qui, inutile de se le cacher, avait suscité un nombre incalculable de larmes chez la petite Reeves. « Ah oui? Nous avons un fan de Lady Gaga ici? », lança-t-elle en lui tirant la langue.

Elle ne se fit pas prier pour le suivre au piano à queue. Timidement, elle s'assit sur le banc, à ses côtés, lui laissant le plus d'espace possible pour manier l'instrument à sa guise. Elle avait joué tant de fois sur ce piano. Petite, elle prenait des leçons et ne se lassait guère de montrer ses apprentissages à son père qui, dans son enthousiasme habituel, l'écoutait avec toute l'admiration du monde. Elle se débrouillait encore bien avec l'instrument, même si elle ne lui accordait plus autant de temps. « Hmm... Shallow? On commence avec une facile, quand même! », lui dit-elle en affichant un sourire illuminé sur son visage. Elle aimait tant cette chanson et elle l'avait chanté à plusieurs reprises devant Dax qui, à chaque fois qu'elle touchait une note aigüe, s'excitait. Silencieusement, elle laissa son amoureux entamer la pièce musicale. Fermant les yeux, Jordan s'abandonna au moment présent. Sans réellement s'en rendre compte, et quasi-involontairement, sa voix la prit d'assaut : « Tell me something, boy. Aren't you tired tryin' to fill that void? ». Elle s'arrête l'espace d'une seconde, réalisant ce qui était en train de se passer. Or, le moment était plus fort qu'elle, elle poursuivit son chant mélancolique, ne prenant son souffle qu'avant de se lancer dans une note plus aigüe qu'elle toucha avec brio : « I'm off the deep end, watch as I dive in; I'll never meet the ground...» . Naturellement, la voix d'Hayden se joignit à la sienne, offrant à leur unique témoin, Dax, le plus beau des spectacles.

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Les premières notes retentirent dans le vaste salon, avant que ma voix ne les rejoigne. Shallow... Elle me faisait vraiment une fleur en me faisant commencer par celle-là. Elle était certes relativement complexe à interpréter, mais ma voix largement entraîner depuis mon plus jeune âge de même que mes doigts pour lesquelles les touches du piano n'avaient plus de secret, je chantais purement et simplement de la plus belle façon qui soit. Laissant la mélodie entrecouper les deux couplets, je pris une légère inspiration pour reprendre, là où tout à coup et à ma plus grande stupeur ce fut la voix de Jordan qui s'éleva. Et ce fut absolument magique. Continuant de jouer en masquant mon trouble, un beau sourire aux lèvres alors que je la dévorais du regard, nos voix s'accordèrent pour finir en beauté l'une des plus belles chansons de ce siècle.

Un silence plana dans la pièce. Regardant les touches, je ne sus quoi dire hormis un simple « Wow... » qui, pourtant, voulait signifier des milliards d'autres mots.

Caressant les touches du doigts d'un air pensif, je relevais lentement la tête vers elle et lui demandais avec toute ma douceur :

« Pourquoi tu ne m'as jamais dit que tu chantais comme ça ? Pourquoi ne m'as-tu même jamais dit que tu chantais tout court ? »

Impressionné, j'ajoutai à voix basse en dirigeant le regard vers l'immense aquarium implanté dans le mur derrière le long canapé blanc :

« Si j'avais su ça fait longtemps que j'aurais fermé ma gueule... »

Jordan était l'unique personne sur cette Terre à savoir que je manquais cruellement de confiance en moi malgré l'air que je me donnais et qui montrais clairement le contraire. Mentir était ce que je savais faire de mieux. Seulement la musique était ma passion, et si je n'aurais jamais supporté que personne ne me surpasse dans ce domaine... Jordan était clairement douée. Devais-je me sentir jaloux ? Je n'en savais rien. Je l'aimais tellement que je n'étais pas sûr de pouvoir éprouver une quelconque jalousie pour elle un jour. On pouvait juste être très bons tous les deux, non ?

Prenant ses mains dans les miennes pour les caresser, je lui demandais :

« Dis, tu veux bien me chanter autre chose ? Tu t'en sens capable ? Je veux dire... Devant moi ? »

Passant une main embarrassée sur ma tête, j'ajoutai :

« Enfin, si tu te sens assez en confiance pour le faire devant moi. »

Car j'avais compris qu'à cet instant j'étais le plus privilégié parmi les privilégié. Et c'était là un véritable honneur.

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Hayden & Jordan

La gêne ne s'installa pleinement qu'au moment où le silence tomba dans la pièce. Jordan ressentit subitement une certaine angoisse naître en elle, réalisant qu'elle venait d'exposer l'une de ses plus grandes vulnérabilités. Elle était consciente qu'elle avait une belle voix ; son professeur ne cessait de lui répéter qu'elle avait un réel don. Cependant, le chant était quelque chose qu'elle partageait avec son père. C'était comme si sa voix s'était, d'une certaine façon, éteinte avec son père. Mal à l'aise, elle baissa la tête lorsque Hayden prit enfin parole. Pourquoi n'avait-elle pas fermé sa gueule? C'aurait permis d'éviter une situation bien embarrassante si elle ne s'était pas laissée emporter par la passion du moment qu'ils partageaient. Ses joues s'empourprèrent rapidement, exposant avec clarté son inconfort. « Arrête, t'as clairement une plus belle voix que moi », répliqua-t-elle timidement. Elle n'osait pas le regarder dans les yeux, trop assommée par ce qui venait de se produire.

Lorsqu'il lui demanda si elle était à l'aise de lui chanter autre chose, l'étudiante figea. En serait-elle réellement capable? Elle n'avait chanté devant personne depuis la mort de son père. Personne. « Je... hm... » Elle soupira. De quoi avait-elle peur? Pourquoi se sentait-elle aussi inconfortable à l'idée de laisser quelqu'un d'autre découvrir sa voix? Pourquoi ne laisserait-elle pas renaître cette passion qui lui manquait tant? « Je ne chante presque plus depuis que mon père est décédé. Enfin, si, mais il était la seule personne devant qui je chantais. Ça m'a toujours grandement gêné », lui avoua-t-elle en osant enfin rencontrer son regard.

Décidant d'affronter son anxiété, Jordan se convainquit de s'ouvrir à son petit-ami. Ils partageaient tous deux un amour de la musique qu'ils pourraient exploiter ensemble et qui, en réalité, ne ferait que les rapprocher davantage. Ainsi, dans un petit hochement de tête, la jeune femme accepta de chanter à nouveau pour lui. « J'avais appris cette chanson au piano, il y a quelques temps. Je ne l'ai pas assez pratiquée, mais c'était joli », lui dit-elle en prenant un peu plus de place sur le banc, question de prendre possession de l'instrument. Elle installa délicatement ses doigts sur les touches du piano afin de créer les premiers accords de la mélodie. Tout doucement, elle entama la chanson ''Always Remember Us This Way''. Quitte à rester dans la musique du film, pourquoi ne pas jouer sa préférée? Toujours avec la même timidité, elle formula les premières paroles de la chanson. Au fur et à mesure que les mots s'évadaient de sa bouche, elle prenait son aise et chantait de plus en plus avec vigueur et entrain. Quelques petites erreurs se glissaient par-ci et par-là dans sa mélodie, mais sa voix ne faillit point. Elle connaissait la chanson par coeur et l'avait chantée tant de fois, même si c'était la toute première fois qu'elle le faisait devant quelqu'un.

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Comment pouvait-elle s'en vouloir d'avoir chanté devant quelqu'un ? Qui plus est devant moi ? Ne partagions-nous pas une relation privilégiée tous les deux ? N'étions-nous pas deux amants que rien ne devrait dissocier, pas même ce secret ? Je l'avais compris aussitôt : il fallait que je l'aide à trouver confiance en elle, au moins devant moi.

« Je n'ai pas une plus belle voix que toi. J'ai une voix différente, c'est tout. Au timbre légèrement plus « membré », on dira. » Lui dis-je en souriant, relevant une mèche de ses cheveux qui glissait sur son visage alors qu'elle baissait la tête, visiblement honteuse d'une telle performance.

Je l'écoutais me dire avec la plus grande attention qu'elle ne chantait que devant son père, aussi je compris sa gêne lorsqu'elle me dit qu'elle n'avait plus chanté devant personne depuis sa mort. Posant mon index sous son menton pour relever légèrement son visage, je l'embrassais avec une tendresse infinie avant de lui dire avec la même intention :

« Alors merci infiniment de m'avoir fait l'honneur de me faire découvrir la beauté de ta voix. Ton père avait reçu un sacré présent de ta part. J'en ai un encore plus immense. Merci, ma beauté. »

Un silence plana quelques instants dans toute l'immense baraque. C'est alors que je lui demandais au bout de quelques secondes si elle voulait bien me chanter autre chose, à condition qu'elle se sente suffisamment en confiance avec moi. Dans le cas contraire, je pouvais le comprendre. Vraiment. Je ne dis pas que cela ne m'aurait pas peiné, mais je l'aurais compris. Et à ma plus grande surprise, elle hocha la tête. Plus encore, elle prit un peu plus de place sur le banc du piano, et déposa ses doigts fins sur les touches. Les lèvres légèrement entrouvertes de surprises, je réalisais à quel point cette femme était pleine de surprise. Jouait-elle vraiment du piano, en plus de tout cela ?

« Always remember us this way » retentit. Quelques fausses notes parsemaient la mélodie, mais je n'en avais cure. Sa voix était un bijou. Le reste l'était tout autant. Je n'osais la déranger ni l'accompagner. Je la regardais et l'écoutais chanter à sa manière et s'approprier cette oeuvre musicale. Son regard bleu paradis se plongea dans le mien, noir enfer. Je compris le signal. Ma voix vint se joindre à la sienne pour le dernier couplet le plus montant vocalement parlant.

« So when I'm all choked up and I can't find the words
Every time we say goodbye baby it hurts
When the sun goes down and the band won't play
I'll always remember us this way
Way, yeah

When you look at me and the whole world fades
I'll always remember us this way... »

Toute trace de musique disparut lorsque ses doigts glissèrent du piano. Je la regardais avec un amour qui était infini, et un léger rire s'échappa de ma bouche. La prenant dans mes bras, je lui murmurai au creux de mon oreille :

« Tu sais quoi ? T'es magique ! Il n'y a rien que tu ne saches faire. Tu as même un don dans ma propre passion. Enfin, mes passions. Musique, médecine, ... On devrait faire un jeu pour se découvrir, tient. Et si tu perds, je te prends sur ce piano ! » Ne plaisantais-je qu'à moitié.

« Tu me fais dire des bêtises, tellement tu me rends fou... Je n'aurais jamais cru qu'on se ressemblerait autant, alors qu'a priori tant de choses nous séparaient. » Dis-je d'un air pensif.

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Hayden & Jordan

Jordan venait de s'ouvrir d'une façon comme elle ne l'avait jamais fait auparavant. Sa voix avait toujours été quelque chose qu'elle ne gardait que pour elle (et son chien), et elle refusait même de chanter devant sa mère. C'était comme si, d'une certaine façon, son père était la seule chose qui lui donnait le courage de chanter devant d'autres personnes. Il lui offrait une confiance inouïe qui la comblait d'une énergie sans pareil. Or, en cette soirée particulière, c'était Hayden qui lui donnait cette énergie, cette confiance... cette voix. C'était un étrange sentiment que de s'être libérée d'une telle façon, de faire quelque chose qu'elle croyait jusqu'à ce jour impossible. Elle avait chanté les dernières paroles avec le plus beau sourire accroché sur son visage, se réjouissant de partager cette expérience avec nul autre que son amoureux.

Lorsque le silence regagna enfin la pièce, l'étudiante n'hésita pas à plonger son regard dans le sien. Cette fois-ci, elle semblait prendre une certaine confiance. Confiance qu'Hayden lui donnait par ses paroles, sa tendresse et son appui. Sous la timidité, l'étudiante se mit à ricaner légèrement et posa sa tête sur l'épaule du jeune homme. Elle était, à ce moment-là, plus heureuse qu'elle ne l'avait jamais été. Elle se sentait comme si sa vie entière était comblée et qu'il n'y avait plus rien à chercher au-delà de ce qu'elle possédait à ce moment-là. Elle ne souhaitait rien d'autre si ce n'était que le prolongement de ce moment à l'infini. « Tu rigoles, j'espère? Je suis nulle dans un tas de trucs! Les sports d'équipe, l'espagnol, la technologie... », continua-t-elle. Elle prit une pause pour réfléchir, comme si soudainement rien ne lui venait en tête. Et pourtant! Elle savait qu'il y avait un tas de trucs dans lesquels elle était loin d'exceller. « Arrête, Don Juan! Tu vas me faire rougir », lui dit-elle en levant les yeux vers lui. Tout doucement, elle déposa ses lèvres comme les siennes. « J'étais loin de me douter que le fameux Hayden Miller était un homme romantique et sensible !» Sa voix se voulait à la fois taquine et sérieuse, car elle ne se doutait réellement pas qu'il cachait un tel côté. Il n'y a que quelques mois seulement, elle était persuadée que cet homme était dénué de tout sentiment et qu'il ne vivait que pour combler sa propre personne. Ah! Elle était si loin de se douter de ce que cachaient ces yeux noisettes.

« Bon, aller. C'était quoi ce jeu, dis-moi donc? La dernière partie m'intéresse. Je perds comment, à ce jeu? Je demande pour une amie !» L'étudiant étouffa un petit rire coquin et leva les yeux en l'air en empruntant un faux air innocent.

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Moi ? Romantique et sensible ? Me grattant le menton en regardant en l'air d'un air songeur, je lui répondis :

« Je ne sais pas. Tu trouves que je le suis ? Franchement ? Je te dis ce que je ressens, c'est tout. J'ai pas trop l'habitude de le faire en fait. J'ai toujours était discret sur mes sentiments. J'ai un peu l'impression que c'est une... tare de dire ce que j'ai sur le cœur depuis que ma mère est morte. A elle, je lui disais tout. J'étais presque une mauviette. Même qu'une fille m'avait tapée une fois ! Si si, je te jure ! A sa mort, je me suis fermé comme une huître. En voyant mon père si faible je me suis dit que je devais être une sorte de chevalier en armure. Et je n'ai plus jamais parlé. Sauf pour faire le con. » Lui dis-je en ponctuant ces aveux difficiles par un petit sourire pour dédramatiser.

Lâchant un soupir, je retrouvais tout mon diabolisme lorsqu'elle me parla de mon jeu. Un immense sourire taquin se dessina sur mes lèvres. Un sourcil se haussa alors que je me redressai et posai mes mains sur ses épaules.

« Mmmmh, vraiment ? Prête à vous perdre dans la monstruosité de ce jeu pervers ? Enfin... Je propose pour cette amie, hein... » Lançais-je en lançant innocemment les yeux vers le ciel, adoptant une bouille d'ange comme je savais si bien le faire.

La prenant par la main, je déposai un baiser sur celle-ci, ne lâchant pas ses yeux bleus des miens.

« Bien. Tu me poses une question intime. Si je réponds avec honnêteté, dans un contrat moral, tout va bien et on passe à ton tour. Si en revanche tu me mens... AI Caramba ! »

Mon index vint caresser lentement son épaule, faisant monter la température lorsque ma voix suave ajouta :

« Le premier arrivé à cinq mensonges... Je ne donne pas cher de sa peau sur ce charmant piano. Tu es sûre que ton amie a besoin de détails ? »

Lui dis-je, mon visage à quelques millimètres seulement du sien, avant que je ne me recule d'un air terriblement aguicheur.

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Hayden & Jordan

Leur petite soirée romantique se déroulait mieux que prévu ; ils se découvraient comme ils ne l'avaient jamais fait auparavant, exposant de nouvelles forces et faiblesses. À ses côtés, la jeune femme se sentait bien. Elle se sentait comblée comme jamais. À vrai dire, elle n'avait jamais connu l'amour comme elle le connaissait à ce moment-là. Un sentiment puissant et tout simplement indescriptible qui nous prend jusque dans les tripes. Un sentiment d'une pureté incontestable et d'une beauté à couper le souffle.

Jordan l'écoutait se confier avec intérêt. Elle souhaitait le connaître sous toutes ses couleurs et continuer de découvrir le magnifique jeune homme qui avait capturé son coeur. D'une certaine façon, elle se retrouvait dans ses paroles. La mort de son père l'avait également changée comme jamais ; tout comme Hayden, une partie de ce qu'elle était l'avait quittée le jour où son père avait rendu l'âme. Même avec tous les efforts du monde, elle n'était jamais parvenue à développer avec sa mère ce qu'elle avait avec son père. « J'aime que tu puisses t'ouvrir avec moi. J'aime découvrir cette facette sensible chez toi. En quelque sorte, je trouve que ça rend notre relation plus... réelle et plus... humaine. » La blonde réfléchissait à voix haute. Elle se disait qu'elle aimait cette vulnérabilité qu'il lui exposait et elle avait, d'une certaine façon, besoin de le lui faire savoir.

La conversation prit toutefois une direction plus loufoque et s'ouvra sur un jeu qui titillait la curiosité de la jeune femme. « Prête à me perdre? Peut-être. Mais surtout, prête à perdre. La punition m'a l'air intéressante, non? Enfin, je crois que cette amie pourrait bien en profiter. » Ses paroles furent suivies d'un clin d'oeil suggestif. Sans grande surprise, Jordan avait un côté très coquin qu'elle n'avait pas peur de montrer. « Ah si? Une question intime? Alors, je peux entrer dans des terres inconnues et pénétrer des chemins sinueux sans crainte? Tu m'offres un sacré cadeau sur un plateau d'argent, toi! » L'étudiante ricana légèrement, commençant déjà à songer à quelles questions elle pourrait bien lui poser. Dans la même veine que précédemment, elle souhaitait en profiter pour le connaître davantage et mettre le doigt sur ses secrets. « Ah! Je me sacrifierai pour cette amie. Tu sais à quel point je suis une femme loyale et dévouée », poursuivit-elle en éclatant de rires.

Soutenant son regard enflammé du sien, elle osa enfin briser la glace et lui poser la première question. Elle alla enfin lancer ce jeu dangereux qui, aussi intrigant pouvait-il être, lui suscitait une certaine anxiété. Qu'allait-elle être amenée à lui avouer? Allait-elle oser lui mentir ou chercherait-elle plutôt à être candide? Sans trop pousser la réflexion, elle prit parole : « T'as déjà fait un truc dont tu as honte et dont tu n'as parlé à personne? » Elle posa ses mains sur ses genoux et, sans le lâcher du regard, attendit patiemment sa réponse, mensonge ou pas.

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Mon Dieu cette soirée allait mal tourner ! Jordan avait l'air plus déterminée que jamais à découvrir mes plus sombres facettes, et à vrai dire... je l'étais tout autant à son sujet. Une chose était donc certaine : nous n'allions pas nous faire mutuellement de cadeau. Mais après tout, elle avait raison et c'était là le but de la chose : nous prouver qu'en nous avouant nos secrets l'un à l'autre, nous nous prouvions que nous nous faisions on ne peut plus confiance. J'avais foi en elle, et elle en moi. C'était quelque chose que je ne pensais pas obtenir un jour au vu de notre relation initiale pour le moins houleuse. De pire ennemis nous étions devenus les meilleurs amants de la Terre. Dommage que ça, ça doive rester un mystère aux yeux des autres...

Jordan lança alors les hostilités. Honneur aux femmes, n'est-ce pas ? A sa question, je réfléchis un instant avant de soudainement éclater littéralement de rire. Les larmes aux yeux, l'une d'elle coula sur ma joue alors que je me remémorais un souvenir auquel je n'avais pas repensé depuis longtemps. Reprenant mon souffle, je parvins à articuler un :

« Oh putain, ouais il y en a un. Oh bordel... »

Dans un dernier rire, je toussotai légèrement pour reprendre possession de mes moyens et de ma gorge, continuant malgré tout de rire en repensant à ce souvenir que je lui contais :

« Bon, quand il faut se lancer : tu te souviens au bal de promo de fin d'année? La plupart des élèves ont fini chez Julie Spencer. J'étais totalement bourré, un peu drogué je dois l'avouer et prêt à en découdre avec les filles de la soirée, si tu vois ce que je veux dire. Là il y en a une, à ce que je pouvais à peu près voir avec ma vue trouble et mon cerveau à l'envers qui était plutôt mignonne. Du coup moi je ne l'ai pas draguée : comme je voyais que je lui plaisais, je lui ai carrément fait du rentre dedans . Je l'ai embrassée et je lui ai mis une main aux fesses... Sauf qu'en fait c'était mon pote David, homosexuel, que mes connards « d'amis » ont déguisés et maquillés en fille parce qu'il rêvé depuis que je le connais que je lui roule une pelle... Bref voilà, il l'a eue ! » Lui racontais-je, hilare.

Le jeu commençait fort apparemment.

« Bon. Je vois que tu sais poser des questions. A mon tour... Quel est, selon toi, la pire chose que tu ais eu à faire pour te sortir d'un pétrin ? Je laisse volontairement la question ouverte pour ne pas te piéger, MOI ! »

Cette soirée se promettait d'être riche en révélations. Tant mieux, j'étais en soif d'en apprendre plus sur celle que je surnommais autrefois la « sainte-nitouche ». Au vu de ce que je découvrais sur elle depuis ces six mois de relation, elle en était tout sauf une. Super, cela s'annonçait excitant. Et un peu inquiétant. Non pas que je ne m'attende à ce qu'elle ait été une agent du KGB, mais tout de même.

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Hayden & Jordan

Toujours installés sur le banc rembourré du piano, les deux jeunes adultes s'apprêtaient à se lancer dans un jeu de confession spontané. Prête à s'ouvrir comme un bouquin, Jordan donna le coup d'envoi en formulant une première question. Elle s'attendait à une histoire pour le moins croustillante, et il était inutile de préciser qu'elle n'était pas du tout déçue. L'histoire d'Hayden était littéralement à dormir debout. Elle ignorait si elle devait le croire tant cette histoire était des plus loufoques. À quel point devait-il être bourré pour se laisser tromper par une mise en scène aussi lamentable? Or, sachant à quel point Hayden pouvait être un pauvre con avec quelques verres en trop, elle devait avouer que son histoire ne la surprenait pas. À vrai dire, elle accepta de lui donner le bénéfice du doute, accompagnant son monologue de rires sincères. « C'a dû être la plus belle soirée de sa vie! », répliqua-t-elle en s'esclaffant de plus bel. Les mecs avaient parfois des idées des plus farfelues pour tromper leurs amis et gagner quelques fous rires incontrôlables.

Sa révélation faite, il était désormais l'heure que Jordan reçoive une question à son tour. À la fois excitée et anxieuse, elle attendait impatiemment de savoir ce qu'il allait lui demander. Elle espérait quand même ne pas trop tomber dans les histoires les plus profondes, souhaitant garder une certaine partie de son jardin secret. Hélas, la question d'Hayden vint la chercher là où elle ne voulait pas être atteinte. Les mots prononcés par le brun la fit figer quelques instants. Elle ne pouvait pas répondre à cette question sans l'usage d'un mensonge, si? Elle s'était pourtant promise d'être honnête et de faire de cette soirée une occasion d'approfondir leur relation et l'ouverture qu'ils avaient l'un envers l'autre. Ainsi, bien qu'elle aurait aimé lui mentir, elle ne pouvait pas se le permettre. Il ne le fallait pas. Et peut-être qu'à quelque part, sa confession apporterait un certain soulagement en elle-même.

« Je me suis faite avorter à dix-huit ans », commença-t-elle. La jeune femme leva ses yeux vers lui avec réticence, comme si elle craignait de découvrir sa réaction. Quels jugements étaient-ils en train de formuler dans sa tête? Quelle image d'elle-même projetait-elle à ce moment-là? Après quelques secondes de silence, elle poursuivit sa confession :

« J'ai eu une période difficile à mes dix-sept/dix-huit ans. Je me cherchais, j'étais dans une mauvaise passe dans ma vie... Mentalement parlant. J'étais dans une relation malsaine avec un mec qui me trompait à tour de bras. Notre relation n'a pas duré longtemps. Après trois mois, nous avons rompu et je ne lui ai plus adressé la parole, mais... Mais c'a été trois longs mois. Ma mère ne l'aimait pas du tout. Mes amis ne l'aimaient pas du tout. Il avait une mauvaise influence sur moi. Il avait tout d'abord été un ami. À l'époque, je couchais à gauche et à droite et j'ai fini par coucher avec lui. On a commencé à se fréquenter et j'ai pensé pouvoir développer quelque chose de bien avec lui. Mais lorsqu'on a commencé à se fréquenter de façon plus officielle, il consommait beaucoup plus de drogue. Il sortait toujours et ne voulait pas que j'y sois. Je suis tombée enceinte de lui et me faire avorter a été l'une des décisions les plus difficiles que j'aie pu faire... Mais je ne pouvais pas avoir un bébé à dix-huit ans. Pas à ce moment-là, pas avec lui. C'était la meilleure chose à faire. »

Son corps tremblait légèrement sous l'effet de l'angoisse qu'elle ressentait à ce moment-là. Elle ne voulait pas qu'il la perçoive comme étant un monstre sans merci, mais elle savait que ce qu'elle avait fait était la meilleure décision. Bien qu'elle y pensait encore, elle n'avait aucun regret. « Deux jours après mon avortement, j'ai coupé les ponts avec lui. Je l'ai bloqué de ma vie et je ne le regrette pas. » Elle tenta de dessiner un petit sourire sur ses lèvres, bien qu'elle redoutait sa réponse.

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Je ne m'étais pas attendu à ce genre d’aveu. Absolument pas. Toute trace de gaieté et d'envie de rire sur mon visage avaient disparues. Je l'écoutais à présent gravement me confier le plus grand secret de sa vie. Du moins ce que je supposais l'être, car qu'est-ce qui pouvait être plus atroce que de supprimer un fœtus ? De faire le pas de se séparer d'un gars nocif pour qui l'on a pu avoir des sentiments et surtout de prendre la décision de se faire avorter ? Bien sûr, en tant qu'homme je ne connaissais pas grand chose physiquement des mystère du corps féminin. Je savais ce que tout le monde pouvait savoir, même plus en tant qu'étudiant en médecine. Mais de manière concrète, je ne savais pas ce que c'était la puberté chez elles, le développement de la poitrine, les premières règles, les protections périodiques et j'en passe. Et l'accouplement. Les sensations physiques qu'elles elles ont. Et la grossesse. L'accouchement. Etc. Jordan avait sauté cette dernière étape. L'avant-dernière aussi. Heureusement. Mais elle avait connu le test de grossesse positif. Le rendez-vous chez le gynéco'. Et la peur secrète. Car sa mère n'était apparemment pas au courant.

« Qui est au courant, Jordan ? » Lui demandais-je d'une voix grave mais douce.

Étais-je le seul avec elle, à présent ? S'était-elle au moins confiée à des amies ?
Lâchant un soupir, je la pris tendrement dans mes bras et caressai sa tête. Laissant un court silence s'installer entre nous, je le rompis presque aussitôt pour qu'il n'y ait pas de malaise :

« Merci de t'être confiée à moi. Ça me touche beaucoup. »

Enlacés, je réfléchis un instant, puis ajoutai :

« Peut-être que tu pourrais écrire une chanson sur ce que tu as vécu. Personne ne se douterait de sa véracité, et toi ça te permettrait de sortir ce que tu as sur le cœur. Je fais ça avec toutes mes chansons. C'est pour cela qu'avec celles qui sont déprimantes, personne ne calcule qu'elles proviennent de ce que j'ai vécu. Comme j'ai toujours l'air de déconner... Je t'aiderai si tu veux. Enfin... Si tu me le permet. »

Déposant mes mains sur ses joues en cœur, je lui fis un doux baiser sur le bout du nez, puis sur ses lèvres, avant que d'un sourire je n'ajoute :

« On continue ? On tu préfères que l'on passe directement à la sentence ? »

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Hayden & Jordan

Quelques années s'étaient écoulées depuis les événements, et Jordan était parvenue à s'en remettre. Elle n'avait aucun regret vis-à-vis sa décision et savait que c'était la chose à faire même si, au fond d'elle, elle aurait voulu être mère. Cependant, ni le moment ni le père n'était le bon. Elle avait ainsi rapidement fait la paix avec ce choix, bien qu'il lui arrivait d'y penser de temps à autre... De s'imaginer ce qu'aurait été sa vie si elle avait mis ce petit être au monde. Elle était néanmoins persuadée que sa vie n'aurait pas été plus facile, au contraire. Ainsi, c'était, pour elle, la meilleure chose à faire. « Ma meilleure amie de l'époque. Elle a déménagé en Angleterre, donc on ne se parle qu'à l'occasion. Sinon, personne. Je t'avoue que sur le coup, je préférais éviter d'en parler. J'en avais honte. »

Jordan lâcha un long soupir, se remémorant la tourmente qui la dominait à l'époque. « Mais crois-moi, je savais que c'était la meilleure chose à faire. J'aurais juste préféré ne pas avoir à faire ce choix-là, tu comprends? Éviter que ce type de trucs arrive. Tu peux être certain que je prends maintenant ma pilule religieusement! », lança-t-elle finalement à la blague. Il lui arrivait parfois de commettre des oublis, mais elle essayait d'être le plus vigilante possible. Elle ne souhaitait pas revivre un second avortement. « Je veux que la prochaine fois, ça soit la bonne. Que ce soit planifié, tu vois. » Un petit sourire se dessina sur ses lèvres à l'idée qu'elle puisse un jour être mère. Elle rêvait d'avoir sa propre petite famille tout en exerçant un métier qui la passionnait. « Non, je préfère ne rien écrire. Je préfère me concentrer sur le positif. Sur ce que cette décision m'a permise de faire. Je laisse ça au passé. J'aime mieux me concentrer sur le présent et le futur. » Jordan serra ses doigts avec les siens et posa son regard sur ses grands yeux noisettes. Tout doucement, elle lui vola un petit baiser et chercha à se nicher dans ses bras. Quelques instants après, elle se recula légèrement et son coeur se réchauffa lorsque ses douces lèvres laissèrent un baiser sur son nez puis sur ses lèvres. La tendresse d'Hayden ne faillait jamais à la surprendre et à la charmer. « Avant que l'on se saute dessus, tu me permets une dernière question? Tu nous vois où, toi et moi, dans dix ans? », finit-elle par lancer. Avec le mariage de leurs parents qui approchait, y avait-il réellement un futur pour leur couple?

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Un sourire sur les lèvres, je lui répondis simplement :

« Tu as raison. Seul l'avenir compte. Le passé n'existe plus. Il ne reste plus qu'à faire un présent pas trop moche pour créer l'avenir qui nous plaira par-dessus tout ! » Lui dis-je, enjoué.

Nous nous embrassâmes. Et c'est près à passer à autre jeu, à en découdre avec sa belle robe et à la retirer sans ménagement que Jordan me posa cette question sans que je ne m'y attende. Où est-ce que je nous voyais, elle et moi, dans dix ans ? Sans prendre le temps de réfléchir tant la réponse me paraissait évidente, je répondis en haussant les épaules :

« Dans le plus grand hôpital de tous les Etats-Unis. A exercer le métier pour lequel on se bat tous les jours depuis qu'on a commencé ces foutues études ! Je travaillerais à sauver une énième vie en département de cancérologie, avant que l'on ne m'appelle en urgence. C'est toi. Tu travaillerais dans le département de tes rêves : les urgences. Je partirai en courant pour te rejoindre, toi aussi en plein travail. Mais pas n'importe quel travail : tu donnerais le jour à notre troisième enfant ! Eh oui ! Enfin un garçon ! Il était temps parce que j'en ai marre de me faire maquiller par mes deux princesses pendant mon sommeil, moi ! Et quand il sera né, on rejoindra nos parents, heureux que la famille s'agrandissent parce que oui, ils ont acceptés sans problème notre amour puisqu'il était encore plus puissant que le leur ! Et toc ! Et puis on leur laisserait les petits et on partirait direction un château que l'on aurait réservé pour les derniers préparatifs de notre mariage. Voilà ! » Lui dis-je, un petit rire venant ponctuer ce qui était mon rêve, alors que je sentis mes joues s'empourprer légèrement.

Je n'étais pas du genre à rougir. Absolument pas. Mais là, on tapait directement dans mes rêves et ça, c'était précieux. Et j'avais peur qu'elle ne le partage pas du tout...

« Je sais pas, c'est peut-être un peu con... Ou à des milliards d'années lumières de tes rêves à toi... Ouh j'ai honte maintenant. » Dis-je en cachant mon visage derrière mes mains.

Comment pourrait-elle le prendre ? Surtout après un aveu d'avortement ? Après tout, on ne se s'aimait pas au début. Pire, on se haïssait.

Relevant la tête, je préférais m'éloigner pour aller « mourir ailleurs ».

« Je te ramène un verre d'eau ? Ou d'autre chose ? » Lui dis-je pour espérer m'éloigner et reprendre mes esprits.

Quelle idée d'avoir lancé ce jeu. Quelle l'idée d'être aussi vulnérable...

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Hayden & Jordan

Loin de se douter d'une réponse aussi détaillée, la jeune femme s'était risquée à lui demander où il les voyait, dix ans plus tard. Plutôt que la réponse boboche à laquelle elle s'attendait, Hayden s'engagea dans une histoire à la fois romantique et... idéaliste. Elle aimerait tant qu'une telle vision d'eux se concrétise, mais elle se doutait des chances que cela puisse se produire. Leurs parents pourraient-ils réellement accepter cette réalité? Avoir à expliquer que, dès l'instant où ils ont commencé à se fréquenter, leurs propres enfants s'engageaient eux aussi dans un relation amoureuse. Susan était une femme fière et qui aimait bien paraître. Elle n'avait peut-être pas besoin d'être en couple avec un homme riche, mais elle voulait avoir une famille fonctionnelle et qui dégageait le bonheur. Ainsi, le portrait familial que la révélation de leur relation allait créer n'était certainement pas compatible avec l'image que sa mère souhaitait projeter. Loin de là. « Je t'avoue que, pour la première fois, je suis capable de me projeter dans le futur avec quelqu'un. Mais connaissant ma mère, j'ai tellement peur de comment elle réagirait si elle venait à apprendre ce qui se passe entre nous. Elle le verrait comme une trahison, littéralement. » L'étudiante soupira, incapable de s'imaginer un scénario dans lequel sa mère pouvait prendre la nouvelle de leur relation comme quelque chose de positif. Au contraire, elle redoutait sa réaction.

Agrippant sa main pour le retenir, elle ramena le jeune homme vers lui. « Ce n'est pas con. Je veux aussi des enfants, avoir une carrière réussie et sauver des vies... avec toi. J'ai juste peur de ce qui se passera lorsqu'ils sauront pour nous... Parce qu'il faudra leur dire un jour ou l'autre. »

Ne souhaitant pas qu'il s'éloigne, bien trop préoccupée par la conversation qu'il tenait, Jordan l'invita à reprendre sa place à ses côtés. Malgré la difficulté du sujet qu'ils abordaient, ils devaient en parler. Ils devaient discuter de s'ils pouvaient continuer comme ça, dans le secret total, ou s'ils devaient tout avouer à leurs parents en acceptant toutes les conséquences que cela engendrerait. « Ma mère aura littéralement l'impression que je lui vole son bonheur. Depuis la mort de mon père, elle a toujours voulu refonder une famille. Avoir un autre enfant. Elle aimait mon père plus que tout au monde, mais elle s'est toujours accrochée à l'idée de ravoir une autre famille un jour. Et aujourd'hui, c'est ce qu'elle est parvenue à faire. Elle veut que l'on soit comme frère et soeur. Elle ne veut pas qu'on fournique et qu'on lui fasse des petits-enfants... » Les larmes montèrent aux yeux de la blonde, tant cette discussion la faisait sentir égoïste. Elle s'approcha de lui et serra ses deux mains entre les siennes. « Hayden, je te jure que je t'aime plus que tout au monde... Mais peut-on réellement leur faire ça? »

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J'avais honte de montrer cette sensibilité que je cachais aux tréfonds de ma personne, constamment. Je refusais de dévoiler mes faiblesses, je devais rester le mâle Alpha, quoiqu'il m'en coûte, qu'importe si au premier abord on me prend pour un con de dominant. J'étais comme ça, et c'est tout. Même Jordan avait mordu à l'hameçon. Aujourd'hui, je n'étais même pas sûr qu'au bout de ces six mois passés ensemble, elle ne voit l'ampleur de cette sensibilité que je cachais en moi.

Me levant pour aller nous chercher un verre d'eau chacun et, ainsi, reprendre mes esprits et retrouver mon éternelle allure assurée, Jordan m'interrompit en attrapant doucement ma main pour me ramener vers elle, me disant d'une voix aussi inquiète que tendre qu'elle partageait le même rêve que moi, mais qu'il allait être difficile de composer avec nos parents qui auront une réaction virulente lorsqu'ils sauront pour nous deux.

Lâchant un soupir, mon visage se ferma. Retournant m'asseoir auprès d'elle, je m'installai, les jambes écartées et les coudes posées sur celles-ci, le dos incliné dans une position de Penseur à la Rodin. Je l'écoutais me conter que Susan aurait la sensation que nous lui volons son bonheur en étant ensemble, et qu'à la mort de son mari militaire elle a toujours désiré refonder une famille. A présent qu'elle y est parvenue avec mon propre père, elle voudrait que nous soyons littéralement des soeurs et frères, et absolument pas que ceux-ci lui fassent eux-mêmes des petits-enfants. Je demeurais silencieux, les mâchoires mastiquant dans le vide l'une contre l'autre pour que j'essaie de rester calme. Jordan conclue en m'avouant qu'elle m'aimait plus que tout au monde mais que l'on ne pouvait pas leur faire cela. Aussitôt, mes sourcils se froncèrent. Tournant la tête vers elle, un seul coude posé sur le genou tout en demeurant crispé :

« Ah, parce qu'eux ils peuvent nous faire ça ? »

Me levant brusquement, je passai une main sur ma nuque, l'autre posée sur ma taille, extrêmement nerveux alors que je sentais la colère monter. Non pas contre elle, bien sûr, mais contre la vie en général.

« J'étais pas au courant de la théorie qui dit que des gosses doivent laisser passer la vie de leurs parents avant la leur. C'est marrant, généralement j'ai plutôt entendu l'inverse. »

Faisant vole-face, je posai brutalement ma main sur le piano, et m'appuyai sur celle-ci en me penchant vers Jordan pour lui dire avec toute ma haine :

« Tu sais quoi ? Pourquoi on ne se barre pas ? On n'a plus trois ans, on n'a plus besoin d'eux ! »

Posant un genoux à terre, je pris les mains de Jordan et ajoutai :

« C'est toi que j'aime ! Mon père, je m'en fous ! J'ai déjà perdu ma mère, un jour je perdrai mon père, je m'y suis fait, c'est tout ! Je n'ai aucun point en commun avec lui, je partirai à l'autre bout du monde s'il le faut pour que je sois avec toi. »

Fixant le tapis sur lequel nous étions, je lui dis avec une colère dissimulant une tristesse infinie dans l'âme :

« Ça fait des années que je sais de toute manière que je ne suis qu'un échec pour lui. »

C'était nombriliste. Égoïste. Mais c'était moi. J'avais du mal à me projeter dans l'esprit des autres. J'y arrivais, je parvenais à comprendre Jordan, mais très honnêtement je ne comprenais pas la relation fusionnelle qu'elle avait avec sa mère. Peut-être me rejetterait-elle après mes propos haineux envers ce père adorable et, apparemment pour autrui, exemplaire que je n'avais pourtant jamais admiré ni même supporté. Ma mère m'avait toujours appris à faire passer ma vie avant celle des autres. C'est ce qu'elle me répétait toujours sur son lit de mort, et c'est ce que je j'avais fait. La seule personne qui comptait plus que ma vie c'était elle, et je l'avais perdue. Maintenant il y avait Jordan, et ça, je ne voulais pas le lui dire. Je ne voulais pas qu'elle sache la place dominante qu'elle avait prise dans mon cœur, quitte à paraître pour un salop sans âme.

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Hayden & Jordan

Jordan savait dans quel bateau elle s'embarquait en abordant le sujet. Connaissant Hayden, elle s'attendait à ce que son dur tempérament prenne le dessus. Il n'allait certainement pas acquiescer ; au contraire, il allait s'opposer à ce besoin viscéral qu'avait Jordan de faire passer le bonheur de sa mère avant le sien. Ce n'était ainsi pas une grande surprise pour la jeune femme de voir Hayden devenir rouge. Leurs sentiments étaient réciproques et, l'un comme l'autre, ils se voyaient passer leur vie ensemble. Or, les circonstances avaient fait en sorte qu'une vie ensemble ne serait pas facile, voire impossible. Le coeur de Jordan se serrait à l'idée que leur relation puisse se terminer, étant trop attachée au bonheur qu'ils partageaient. Elle n'avait jamais aimé personne comme elle aimait Hayden. Il n'y avait rien qu'elle souhaitait plus que tout au monde que de poursuivre cette relation et découvrir ensemble ce que la vie leur réservait. Mais à quel prix? Devait-elle sacrifier sa relation avec sa mère pour être avec Hayden? Elle ignorait quels sacrifices devaient être réalisés, mis elle savait que peu importe ce qu'elle choisissait de faire, elle ne s'en sortirait pas gagnante.

Écoutant toujours la voix de la sagesse, l'étudiante n'hésita pas à lui répondre, espérant semer en lui ne serait-ce qu'une once de rationalité. « Ils ne nous font rien. Ils ne savent même pas que nous sommes ensemble... » Ses paroles étaient relativement sèches, montrant une certaine fermeté vis-à-vis sa façon de voir les choses. Il avait une tendance irritante de rejeter la faute sur les autres, ce qui démontrait avec éloquence son côté égocentrique. « Ma mère a tellement souffert dans ses relations amoureuses... et c'était souvent pour moi. Parce que je refusais qu'elle puisse être heureuse. Tu crois qu'à son âge et à mon âge, elle va encore me prioriser? J'en doute... » Elle craignait que cette conversation ne tourne en engueulade. Elle ne voulait pas générer de conflit avec son amoureux, surtout lorsque leur soirée se voulait initialement l'occasion de souligner leurs six mois de relation.

« Hayden, je n'ai pas la même relation avec ma mère que toi et ton père. Ma mère est la seule famille que j'aie et la seule personne qui ne m'a jamais laissée tomber. Je ne serais jamais capable de couper les ponts avec elle comme ça, tu le sais bien. » Ils n'avaient pas tout à fait la même relation avec leur parent respectif, si bien qu'il devenait difficile de s'entendre sur le sujet. Alors qu'un pouvait très bien sacrifier le bonheur de l'un, l'autre ne pouvait pas être aussi égoïste.

Les dernières paroles du brun la firent sursauter légèrement. Un échec? Et pourtant, ce n'était pas ce que sa mère lui avait dit lorsqu'elle lui avait parler de son nouvel amoureux et de son fils qu'elle s'apprêtait à rencontrer. « Lorsque ma mère m'a parlé de toi la première fois... Avant même que je sache que tu étais le fils de Jim, tu sais ce qu'elle m'a dit? Que Jim ne cessait de parler de son fils et d'ô combien il est fier de lui. Ton père est peut-être maladroit dans sa façon de te le montrer, mais tu n'es pas un échec à ses yeux. Au contraire. T'as vingt-trois ans. Un futur médecin et un musicien hors pair. S'il te voyait comme un échec, il aurait besoin d'une sacrée paire de lunettes! » Tout en prononçant ses paroles, elle prit ses mains et l'attira contre elle. Hayden gardait en lui un certain mal-être qu'il semblait projeter sur son père et sur sa vie en général. C'était, pour Jordan, une bien triste constatation.

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Je fixai le sol avec une dureté hors pair, les mains jointes à celles de Jordan. Les dents serrées, je luttais contre les sentiments qui me prenaient d'assaut. Mon père ? Fier de moi ?

« Il a toujours dit que sa femme était l'être auquel il tenait le plus au monde. Quand tu vois ce qu'il en a fait... Quand tu vois comment il l'a laissée, seule avec un gamin de cinq ans qui ne comprenait pas encore ce qu'était la mort... »

Levant mes yeux vers elle, brillants de larmes, j'ajoutai avec venin :

« Si elle était l'être qu'il aimait le plus, moi je suis quoi ? Je passais mes journées à me prendre des gifles parce que j'étais trop énergique, que je criais trop en jouant, que je ne m'occupais pas assez d'elle en faisant mes devoirs... »

Lâchant un soupir, je baissais la tête et sentis une larme tomber à terre. Les lèvres tremblantes, j'avouais enfin ce que je n'avais jamais dit à personne au monde :

« Tu ne le sais pas. Susan ne le sait pas non plus. Mon père est un ancien alcoolique. Il noyait la maladie de sa femme dans la vodka et de multiples bières qui jonchaient le sol. C'était moi qui devait me dépêcher de tout nettoyer avant que les médecins, les aides-de-vie et autres soignants n'arrivent. Alors il tombait inconscient dans le canapé. Et il me répétait, quand je faisais mes devoirs tranquillement sur la table de la cuisine, que je n'étais qu'une petite pédale qui ne ferait jamais rien. Pas un vrai "mec"... »

Effaçant aussitôt les larmes qui coulaient de mes yeux, je me redressai et détournai le regard de Jordan pour regarder les lumières qui accompagnaient le petit chemin extérieur dans le jardin vers le portail, je me raclai la gorge et repris :

« Je ne devais pas pleurer face à la maladie de ma mère. Parce que... Je suis un homme, non ? Quand elle est morte, il a suivi une thérapie. Sur ordre du médecin qui nous a accompagné et qui s'est aperçu de son alcoolisme. Il a appris à s'ouvrir lui-même et à accepter ses émotions. C'est devenu le gentil Jim qu'il est maintenant depuis tout ce temps. Pour moi toujours un enculé... »

Mes mots étaient durs, sévères... Ma rancœur l'était encore plus. Lâchant un soupir, je dis finalement :

« Jamais ta mère ne doit savoir ça sur lui. Je peux te faire confiance ? » Lui demandais-je.

Poussant un soupir pour reprendre ma contenance, je me fis craquer les cervicales, puis lui dis :

« On monte dans ma chambre ? J'ai besoin de toi contre moi... Si tu le veux bien... Je vais faire mon faible jusqu'au bout. Pour la première et absolument dernière fois. » Lui dis-je avec un petit rictus.

Posant mon coude sur le piano, je caressai sa joue et lui dis, la tête légèrement inclinée sur le côté :

« Et puis j'avoue que j'ai un peu besoin de câlins. Et plus si affinités. J'ai beau être déprimé, ta robe me fait l'effet d'un antidépresseur pour le moins efficace. »

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