[+18] I need you to save me from my tears [Jordan]

Les points de suture étaient faits. Mon bras était recousu. Par Susan. J’avais vu ces larmes dans ces yeux, et tout ces efforts déployés pour ne pas qu’elle les laisse couler devant moi. Elle culpabilisait, c’était évident. Mais je ne lui avais pas adressé la moindre parole. Rien, pas un mot, tout comme Jordan. Je voulais lui laisser éprouver la peine qu’elle devait ressentir avec toute la justice qui me revenait de droit comparé à celle que j’avais endurée et qui était sans commune mesure comparable à la sienne. Oui, je crois bien qu’elle avait compris qu’elle était allée loin. Peut-être ne s’en était-elle pas rendue compte, mais aujourd’hui, elle me voyait peut-être, osais-je le penser, sous un jour différent. Plus sensible et plus fragile. Tant pis pour moi, mon masque de super héro infaillible était fissuré. Mais c’était peut-être pour une bonne cause, au fond. Peut-être fallait-il que je cesse de ménager les autres pour que l’on me ménage un peu moi aussi. Bien que par moment j’en avais tellement sur le cœur que je me plaisais à faire souffrir mon père ou ma belle-mère en laissant éclater ma colère.

Bref, Jordan et moi avions quittés les lieux sans un mot. Rejoignant la voiture, nous étions repartis en prenant garde de ne pas paraître trop proches temps que nous étions dans le champ de vision de Susan. Mais à présent que nous étions sortis et avions rejoins le parking, nos mains s’étaient retrouvés et nos doigts entrelacés. Montant du côté passager, Jordan enclencha la première et rejoignis tranquillement la route pour quitter cet endroit de malheur dans lequel, paradoxalement, je rêvais de travailler. En tant que patient cependant… très peu pour moi. Observant mes points faits avec une précision chirurgicale, je remis la bande en place puis ma manche et poussai un long soupir. Les yeux me picotant légèrement, je commençais à sentir le stress retomber et le sommeil se faire insistant. Lentement, je me sentis partir dans le pays des songes pour quelques secondes à peine, avant de me réveiller avec sursaut après avoir ressenti cette étrange sensation détestable de tomber dans un puit sans fond.

« Excuse-moi. Je manque un peu de sommeil. On met un peu de musique ? » Lui demandais-je, la voix trahissant ma fatigue.

Avec son accord, j’enclenchai le poste de radio, et tombais avec ravissement sur «Grenade » de Bruno Mars que j’affectionnais grandement. Et retrouvant peu à peu goût à la vie sur cet air pourtant si triste mais grâce à la présence bénéfique de celle que j’aimais, je me surpris à chantonner d’abord timidement puis plus franchement en accord avec la voix du chanteur. Aucune mauvaise note ni aucun défaut ne vint tarir cette performance remarquable, et chanter me procura un bien-être qui me manquait depuis deux semaines. La passion a toujours des effets magiques…

« On en met une autre ? Je commence à être chaud. » Lui dis-je, l’ombre d’un sourire sincère commençant à se dessiner sur mes lèvres.

Là, ce fut « Paparazzi » de Lady Gaga qui s’enchaîna, à mon plus grand bonheur. Alors je chantais encore et encore, avant de m’interrompre lorsque la sortie pour rejoindre la nationale qui nous orientait vers l’appartement de Chris s’annonça. Je m’arrêtais alors de chanter pour indiquer à Jordan :

« Attends, ne tourne pas. Continue de rouler. Continue, ne t’arrête pas. Va où tu veux. Dans un endroit où on sera au calme. Vers la forêt à l’ouest, à la prochaine sortie, tiens. »

S’exécutant sans, sans doute, comprendre vraiment mon injonction, Jordan continua son chemin et prit la route vers la grande forêt qui recouvrait une grande partie de l’ouest. A vrai dire, moi-même ne comprenais-je pas trop mon intention. Tout ce que je voulais, c’était prolonger ce moment agréable comme je n’en avais plus eu depuis quelques temps. Une fois arrivés, Jordan se gara dans un coin qu’elle choisit, un peu loin de tout. Observant le paysage, nous observâmes en silence, que seule la radio couvrait, les nuages qui recouvraient le ciel et la pluie qui, à nouveau, s’abattait violemment sur le pare-brise.

« Seuls au monde. » Déclarais-je, alors que nous étions effectivement perdus au milieu de nulle part.

Tournant lentement la tête vers elle, je passai mon bras valide autour de son cou après une seconde d'hésitation, et m’approchant doucement vers elle, mes yeux noisettes plongés dans l’abyme des siens, je vins avec un attrait hypnotique m’emparer de ses lèvres tentatrices qui m’appelaient avec véhémence.

« Je t’aime… » Articulais-je avant de capturer à nouveau ses lèvres, laissant mon bras blessés mais à présent secouru venir caresser doucement sa cuisse droite.