reflet de l'âme (Elijah)

Absent et inconstant, tu erres sans réelles réponses. Les lueurs, elles s’égarent tandis que les heures défilent - grande aiguille que tu n’es plus à même de contempler. Crampe à l’estomac qui ne te lâche pas même d’une semelle. Et pourtant te voilà qui tourne, Elijah. Tu tournes, toi chien fou que les frayeurs ne quittent pas. Et ton esprit en vient à s’égarer encore vers quelques eaux sombres, quelques néants méconnus - panique qui valse avec ton sein jusqu’à ne rien laisser. Plus rien si ce n’est le silence de ses rues, l’amertume de ce qu'il est, des démons qui jonchent son sang depuis des années et des années. Sinistre décor parsemé de vagues lumières pour celui qui attend, qui patiente, excité, comme si ton âme s'était desséchée. Nulle clarté pour l'être acculé. Rien d’autre que ce temps qui passe encore doucement, longuement.  Sans doute aurais-tu pu prévenir tout ça en appelant tout simplement. Mais rien n’y fait. Encore étranger pour lui, tu ne te sens pas totalement prêt à revendiquer la place qui te revient de droit. pas prêt du tout à passer à l’improviste pour parler journée, pour parler boulot, pour parler tout court.

Alors après de longues heures passées à attendre le-dit concerné, tu finis par déposer les armes - bien conscient que vos retrouvailles attendraient sans doute une autre fois.

Te voilà donc qui arpente les rues, qui tique, perdant doucement cette retenue que tu pensais posséder. Les songes qui s'effritent, la raison qui abdique. Les pas n'ont de cesse de résonner. Tu crois sentir cette névrose se lever, s'installer – elle corrompt jusqu'à l'âme qui n'aspire plus qu'à cette ancienne sérénité. Et les lueurs qui dansent, qui s'accaparent jusqu'à l'océan agité de tes prunelles peinées. Tu essaies de taire les images qui te viennent, les éternelles belles paroles aux piques trop présentes, trop violentes. De celles qui heurtent, qui viennent s'abattre avec hargne contre les esprits à torturer de leur propre stupidité. Tu en soupires, d'ailleurs, un peu plus agacé. N’ayant pas d’autre solution pour t’en débarrasser, pour enfin t'en remettre au mépris extérieur et à ces collègues que d'autres iraient qualifier de sauveurs. Le rictus est bref, sous cette pensée-ci, à peine dessiné. Parce que tu les sais affranchis de cette justice désormais discutable.

Avancée par-delà les rues, tu t’arrêtes soudainement quand ton regard s’auréole sur cette silhouette : Keo.

« Ahh Keo. Laisse moi te regarder, ça fait longtemps. Tu vas bien depuis le temps ? » Interrogation qui porte même si tu te doutes qu’il va bien. Après tout tu l’avais promis à son aîné, un de tes frères d’armes. Tu prends le temps de sourire simplement, sans un mot supplémentaire, les prunelles qui s'abandonnent une fois de plus, observant ton vieil ami en long et large. Pourtant tu ne sens ton cœur qui s’emballe, brasier qui reprend vie qu'une fois ton frère mentionné. « Oui. Je passais par là et j’ai voulu lui rendre visite. » Voix qui traverse tes lippes, demi vérité prononcée. « Et toi qu’est-ce que tu fais là ? »

T'as encore en mémoire les mots prononcés, promesse offerte aux prémices d’une bataille dont t’as cru ne jamais réchapper. tu penses parfois encore aux cris, ceux qui t’ont accompagné la douleur, dans les jours et les nuits qui se sont enchaînés. Mais tu penses surtout aux maux, ceux d’un homme que t’as jamais oublié. Celle d’un frère d’armes, d’un gars dont t’as pratiquement tout appris. Alors ca peut paraître tout bonnement stupide mais tu vois en cette occasion purement hasardeuse, une aubaine pour tenir promesse. une manière d'honorer ta dette.

Parce que plongé dans la vie, naïvement tu n'as pas vu le temps défiler, celui-là même t’ayant oublié. Et aujourd'hui, les années se sont rebellées, ayant fini par te rattraper. « et pour ne pas te mentir.. non, ça n'va pas. » Tu te contentes donc d’écouter comme il parle, Kéo sans vraiment savoir comment. sans vraiment savoir pourquoi il te livre tout ce qu'il daigne dire. « Ah… Je vois » gêné ? Non, tu ne l’es pas pour autant. Du moins tes opales n’en démordent pas, toujours à la recherche des siennes. -de son regard qui te transperce de toute part. pour ainsi dire, tu ne sais que faire de la situation qu’il énonce, pas encore assez proche d’Anthony pour penser changer quoique ce soit. pas assez proche de Kéo pour espérer comprendre, avoir les mots justes. Mais tu ne peux décidément pas le laisser en proie à ses idées sombres et tourner les talons. « on s'est un peu chamaillé avec Anthony ces derniers temps. »  

Tu ne réponds que d’un simple sourire indolent qui s'invite aux labres, factice ombre amusée qui flotte sur tes traits alors que les iris glissent vers les cieux qui vous surplombent -- L'hésitation qui pourtant foudroie le cœur. L'hésitation qui s'immisce jusqu'à tout corrompre, jusqu'à tout défaire de cette grandiose sérénité que tu pensais pouvoir t'approprier de nouveau. Mensonges que tu n'as eu de cesse de te répéter Elijah, détermination à asseoir les craintes pour les battre, les tuer, les laisser s'étioler – jusqu'à cette regrettée soirée. Tu essaies à taire les voix qui se sont levées dans ta tête, tu essaies à faire valoir ce silence pour lequel on se mettrait presque à prier. Mais tu es fatigué d'essayer de lutter contre ce que tu ne pourras jamais réprimer – partie de toi que tu devrais embrasser. Cette gentillesse dissimulée derrière tes airs de grand bonhomme. « Ah… » que tu souffles « Je ne suis pas sûr d’être d’une grande aide, ni même la bonne personne mais tu veux en parler ? parce que moi je prendrai bien un café. » idée jetée à même les airs -pourquoi ? comment ? tu l’ignores. t’as simplement suivi ce que ton cœur t’as dicté de faire pour une fois.