• topic commun : l'âme d'un aventurier ?

L'ironie ne lui échappait pas. L'invitation, et cadeau surprise qui l'accompagnait, n'aurait pu tomber entre des mains plus ingrates. Ford - loin de prétendre se désintéresser de ce qui se passait dans sa ville d'adoption - n'était pas très porté gossip et n'avait jamais parcouru le blog de la célèbre Mamie en dehors d'une courte visite de curiosité à son arrivée en ville. Le hasard, ni plus ni moins, et Ford n'allait pas cracher dans la soupe face à un petit weekend gratuit. Loin de son enfance guindée et précieuse, Ford avait toujours apprécié la nature; s'y perdre et s'y soumettre. Sur le papier, ce qu'on lui proposait semblait un poil condescendant (un séjour loin des parasites sociaux et technologiques, de la part d'une bloggeuse commère?), mais Ford avait toujours apprécié les petits évènements spontanés. Alors, pourquoi pas. C'est quelques affaires et un sac de couchage en main qu'il arriva au Brechtel Park, un lieu qu'il connaissait sans s'y être attardé particulièrement. Des tentes étaient arrangées en arc de cerce au niveau du point de rendez-vous, et Ford abandonna ses affaires dans l'une d'elle. Sa curiosité le poussa à fouiller le petit panier de bienvenue qui s'y trouvait. Il en extirpa un cookie qu'il coinça entre ses dents avant de s'extirper de ce qui allait être son domicile pour deux nuits. Quelques autres personnes étaient déjà arrivées et il s'approcha d'elles, avalant sa pâtisserie avant de les saluer. « Bonjour. Moi c'est Ford » se présenta-t-il aussitôt. S'ils allaient devoir évoquer le sujet délicat du manque cruel de sanitaires digne de ce nom autour d'eux, autant qu'ils fassent connaissance rapidement.

Un dernier récapitulatif cérébral, une liste d’items que je prends soin de me remémorer tout en retournant une énième fois mon énorme sac à dos pour vérifier la présence de chaque accessoire, chaque vêtement, chaque nécessaire à mon hygiène personnelle. Mes opales se détournent du sac pour se lancer à la quête de mon sac de couchage qui se trouve non loin d’ici, sur le canapé. Je crois avoir pensé à tout, il est temps d’y aller cette fois. Ne m’attendez pas pour manger ce soir… Ni ce week-end. Je m’absente quelques jours ! Un petit message rédigé en vitesse sur le tableau blanc fixé contre le réfrigérateur et sur lequel nous passons le plus clair de nos journées à nous écrire des messages plus ou moins importants suivant notre humeur. Une missive adressée à @Yaël Weisel @Kléa Tousignant et @Ophelia Ackerman avant un départ quelque peu précipité, à l’image de cette offre qu’il était tout bonnement impossible de refuser après un été en demi-teinte suite à ce maudit accident d’ambulance. Les premières semaines ont été compliquées à endurer pour le mec hyperactif que je suis, à présent uniquement accompagné d’une béquille en renfort, pour pallier les faiblesses liées à des efforts trop éreintants, je peux à nouveau envisager la vie comme je l’aime : à mille à l’heure. Quelques dizaines de kilomètres à bord d’un Uber et une destination atteinte non sans éprouver une montée d’excitation digne de ce nom. J’ai plaisir à envisager ce week-end pour ce qu’il est, un retour aux sources, à la nature. Rien de trop excentrique, aucune pression et personne pour prendre soin de moi à tout prix sous prétexte qu’un fauteuil roulant m’accompagnait encore quelques semaines en arrière. Juste moi et ces quelques individus que je m’apprête à découvrir. Dès mon arrivée près des toiles de tente, mon regard est attiré par un mec plutôt baraqué non loin d’ici, occupé à s’enfiler un cookie mais plutôt amical dans son approche. « Enchanté, moi c’est Heath ! » Je me déloge du soutien que m’apporte cette béquille pour pouvoir lui tendre une main. « Tu as déjà fait le tour des lieux ? »

Jane n’avait jamais été très portée vers la nature. Le camping, les moustiques, les bêtes sauvages, très peu pour elle. Après tout, elle avait connu le confort des chambres d’hôtel et c’était ce qui avait régi sa vie pendant nombre d’années, alors elle s’y était habituée et en était venue à grandement le préférer au charme bucolique que certains percevaient dans un weekend en forêt. Et c’est pourtant ce qu’elle venait de remporter si elle en croyait le message qu’affichait son portable. Elle avait donc gentiment demandé à son colocataire, heureusement féru de sports de plein air, de lui prêter son sac de couchage parce que même ça, elle ne possédait pas. Il avait tenu à lui fournir plus que le nécessaire, comme s’il croyait qu’elle partait pour une semaine dans l’endroit le plus reculé qui soit. Elle ne rechigna pas pourtant lorsqu’il lui tendit un sac à dos contenant divers effets qu’il jugeait pourrait lui être utile, et se contenta de le remercier après avoir écouter ses explications. Bon weekend. Le sourire qui était accroché à ses lèvres ne lui échappa et Jane roula des yeux avant de s’emparer de son matériel et de quitter l’appartement pour se diriger vers le point de rencontre qui lui était donné. Aussitôt arrivée, Jane remarqua que certains étaient déjà présents. Elle posa ses effets personnels au sol près d’une des tentes avant de regarder ce qui était déjà offert. Guimauves, biscuits, chocolat. Des smores. Ça, elle pouvait apprécier. Une soirée autour d’un feu, les guimauves grillées, les histoires à raconter, tant que le groupe auquel elle appartenait maintenant était intéressant, si c'était le plan, elle pourrait survivre à ce weekend, mais si on lui demandait de faire appel à des aptitudes de survie en forêt qu'elle ne possédait définitivement pas - la seule expérience qu'elle avait se rapprochant de celle-ci était une soirée passée à dormir à la belle étoile dans la cour arrière de la maison des Weaver - les choses risquaient de devenir fort intéressantes. Après quelques minutes, Jane tenta de se mêler aux conversations, s’approchant de deux hommes pour les saluer et s’introduire. « Jane, enchantée. » Qu’elle s’introduit. S’ils semblaient plutôt à l’aise, Jane, elle, était hors de son élément, comme un poisson que l’on aurait sorti de son bocal et sans doute que sa posture et son language corporel laissait entrevoir la chose.

Il s'agissait tout de même d'un sacré pari; celui bancal et inespéré de rassembler un échantillon de population capable de coopérer et se supporter, aussi court soit leur séjour ensemble. En l'état, il ne s'agissait que d'un weekend. Ford ne s'était pas inquiété d'être coincé pendant deux jours avec des potentiels emmerdeurs. Après tout, n'étaient-ils pas au cœur de la nature, censés s'adonner à celle-ci et se recentrer sur l'essentiel? L'espace que leur offrait le parc était largement suffisant pour leur offrir de quoi respirer et calmer les esprits loin les uns des autres si cela devenait nécessaires. Ford espérait tout de même tomber sur des personnes sympathiques, tant qu'à faire. En tant que créature sociable, il trouverait ça dommage de devoir s'isoler volontairement pour échapper à la connerie humaine. La première personne qu'il rencontra fut un jeune homme au visage souriant et à la main tendue; Heath. Ford lui serra la main en retour.  « Enchanté » répondit-il, avant de désigner la béquille de son interlocuteur d'un signe de tête.  « Mauvais timing » dit-il d'un ton compatissant. Les activités de grand air - et rien que le fait d'entrer et sortir d'une tente - n'étaient pas chose aisée sans avoir toute sa mobilité. Mais il semblait assez dégourdi et motivé pour compenser ce léger handicap. « Pas vraiment,j'ai juste jeté un coup d'oeil aux tentes » répondit-il en haussant une épaule. Avant qu'ils puissent s'enquérir de ce qu'il y avait vraiment à faire ici, une jeune demme s'approcha d'eux. « Enchanté Jane» rétorqua-t-il dans un sourire accueillant. La jeune femme ne semblait pas particulièrement à l'aise, le regard fuyant et la posture raide. « Première expérience de camping? » lui demanda-t-il.

@heath romeo & @jane saunders

Je trouve le concept amusant, le challenge d’un intérêt percutant quand tu aimes faire de nouvelles rencontres dans des contextes singuliers. Il n’y a rien à craindre ici, nous ne nageons pas en plein film d’épouvante. Aucun tueur en série ne viendra nous massacrer avec une machette. Nous ne sommes pas des adolescents aux hormones en pleine expansion et personne ne devrait avoir la moindre relation sexuelle synonyme d’une mort tragique au tournant dans les codes de ce genre de cinéma. Faire l’amour est effectivement très punitif dans le milieu du cinéma d’épouvante, si nous vivions dans un tel monde, je serais mort depuis des années… Plutôt deux fois qu’une même. Je me demande à quoi ressemblera ce groupe d’individus avec lequel je vais être amené à évoluer pendant quelques temps, tout ce que j’espère, c’est qu’ils sont d’humeur à passer un bon moment eux aussi. Je ne me fais aucun souci cependant, s’inscrire à une telle expérience en premier lieu résulte forcément d’un souhait de se dépayser et de côtoyer d’autres personnalités. Je rencontre le premier de mes camarades du week-end, un garçon plutôt musclé, occupé à manger un cookie et saute donc sur l’occasion pour initier quelques présentations utiles, ne serait-ce que pour retenir son prénom. Une main serrée et un commentaire qui fait bondir mon sourire jusqu’à mes oreilles en un rictus bourré d’autodérision. « Avoir un timing catastrophique, c’est l’histoire de ma vie ! » Il mentionne les toiles de tente derrière lui et je les observe, intrigué. « On a tous une tente, c’est ça ? On ne doit pas les partager ? » L’affirmation me parait logique, mais sait-on jamais, je ne me suis pas renseigné à ce sujet et je ne m’en inquiète pas à vrai dire, habitué à cohabiter avec une dizaine de personnes au quotidien lorsque je suis de garde à la caserne. Une femme se présente à nous et je retiens son prénom, Jane. « Enchanté ! » La pauvre semble un peu perdue, ce que ne tarde pas à soulever mon vis-à-vis. Je m’apprête à surenchérir lorsqu’un bruit attire mon regard sur le côté, en direction d’un cerf, magnifique, si calme, occupé à nous observer en retour. « Wow, regardez ! » Je désigne l’animal du doigt, bientôt frustré de le voir s’éloigner. « On lui emboite le pas pour découvrir les alentours pendant qu’on y est ? La nuit ne tardera plus à tomber, autant prendre nos marques dans la foulée. »

S'il avait des craintes sur ses futurs compagnons pour l'espace d'un weekend, sa première interaction posait des bases rassurantes. Le jeune homme qu'il rencontra devait avoir presque vingt ans de moins que lui, mais cette différence de génération ne formalisa pas le moins du monde ce dernier. Tant mieux. Ford n'aurait pas su quoi faire de sa peau s'il s'était mis à lui dire Monsieur ou à le vouvoyer. Il semblait avoir la personnalité parfaite pour aider un groupe à se souder; chaleureux et ouvert. Un sourire étira les lèvres de Ford suite à sa remarque. Loin de se morfondre, il semblait du genre à toujours voir le verre à moitié plein. « N'hésites pas si jamais tu as besoin d'un coup de main» dit-il tout de même, sans vouloir passer pour un relou paternaliste. Il n'avait pas non plus les deux pieds dans le plâtre, mais vu qu'ils n'avaient aucune idées des activités qu'ils allaient faire dans les jours à venir, ça ne mangeait pas de pain de le proposer. Ford glissa à son tour son regard sur les tentes.  « Il me semble oui » répondit-il, plutôt soulagé de la logistique de la chose, il fallait l'avouer.  « Ca aurait peut être été un poil too much de faire cohabiter des inconnus dans une petite tente » ajouta-t-il, un rictus aux lèvres en imaginant le scandale que cela n'aurait pas manqué d'éveiller chez certains. Ils n'eurent pas vraiment le temps de s'attarder sur leur nouvelle interlocutrice lorsqu'un cerf attira leur attention à tous les trois. Il s'agissait d'une chose simple, la nature dans sa plus belle démonstration, mais Ford se trouva toute de même happé par la beauté de la chose. Il avait toujours trouvé ces animaux particulièrement majestueux, indignes d'être souillés par la nature humaine. Ford glissa son regard sur Heath, momentanément surpris par sa proposition. Ils n'allaient certainement pas se taper un sprint pour suivre l'animal à la trace, mais explorer avec la nuit était une bonne solution.  «Oui, autant le faire maintenant tu as raison » dit-il en hochant la tête. Même si la nuit les surprenait, ils étaient tous équipés d'un smartphone avec une lampe torche, à défaut d'avoir le moindre réseau ici. «Je n'ai pas le meilleur sens de l'orientation, je préfère prévenir » dit-il, plus pour plaisanter qu'autre chose, bien qu'il ne soit pas effectivement une pointure pour se repérer dans les bois.

@heath romeo & @jane saunders