the pink phantom (asher)

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Sa manucure flamboyante et flambant neuve avait de quoi taper dans l’œil, et lui taper sur le système. Prise de nostalgie ou désireuse de dépenser son argent inutilement, elle était rentrée dans un salon pour en ressortir avec des ongles loin de ses habitudes. Elle ne se souvenait même pas si la femme avait ignoré sa demande ou si elle lui avait malheureusement laissé carte blanche mais quoi qu’il en était, ses ongles semblaient maintenant se moquer d’elle. Ils lui rappelaient la façade de ses mains, il y a une autre vie. Lorsque tout était calculé, de ses poignets à ses cuticules, pour amadouer, impressionner, leurrer. Distraire le candide avec des longues griffes ornées de dorures clinquantes, ses doigts frêles caressant les cartes comme si elles leur susurraient des secrets inviolables. Une chimère détestable d’une autre époque dont la réminiscence enserrait son verre de son étau insupportable. Elle se demanda un instant si un tel effet lui était causé par la culpabilité ou les paillettes avant de conclure qu’il s’agissait probablement des deux ; l’infamie étincelante de ses doigts juste bonne à lever l’alcool à ses lèvres pour incendier ses émotions.

Elle termina son verre, qu’elle reposa d’un geste abrupt sur le comptoir. Ses yeux las observèrent un moment la fine couche luisante au fond du réceptacle, seul témoignage restant de ce qu’il contenait, avant de se lever vers le barman. Le geste se voulait rapide mais était en réalité teinté de cette lenteur caractéristique de celui qui pense encore maîtriser la célérité et la justesse de ses gestes malgré son ébriété grandissante. « Un autre, - » Ses doigts aux longs ongles impeccables se posèrent sur sa joue, frôlant le sourire malicieux qu’elle lui adressa. « - s’il te plaît. » En vérité, elle aurait sûrement dû payer sa note et partir. Mais, incapable de s’y résoudre, elle attendit simplement que son verre fût rempli de nouveau, sa main retombant sur le comptoir. Blasée, elle admira l’éclat odieux de ses ongles, s’acharnant sur son index pour retirer ce rappel intempestif. « Merci. » glissa-t-elle doucement, en continuant son affaire sans grande réussite, si ce n’est l’abîmer sans pour autant parvenir à l’ôter. Frustrée, elle laissa tomber ce qui lui semblait vouer à l’échec alors qu’elle ne s’y était attelé que quelques secondes à peine, son regard glissant de nouveau sur la silhouette du barman. « Belle reconversion professionnelle. » siffla-t-elle, elle-même sans savoir si le compliment était sincère ou perfide. Elle se redressa, pour faire bonne figure et peut-être pour démontrer ses bonnes intentions, avant de continuer sans le lâcher du regard. « C’est étonnant qu’on continue de se faire concurrence, même maintenant, hein Asher ? » Son prénom sur sa langue sonnait étrange. Elle l’avait pourtant entendu de nombreuses fois, de la bouche de Billie ou de Matthew, mais elle ne l’avait jamais prononcé depuis tout ce temps. Elle s’était contenté de lui attribuer cette identité, silencieusement, assemblant les pièces du puzzle dans l’accalmie, consciente qu’il était loin d’être terminé mais pas pressée d’en finir, ni même de le continuer. Jusqu’à aujourd’hui.

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@magdalene arnott et @asher rhodes

Un autre jour que celui-ci, le cliquetis des verres qui s'entrechoquent sonnerait à tes oreilles comme la plus douce des mélodies, synonyme de cette soirée qui prendra bientôt fin pour toi, et la perspective de la douche chaude et du lit qui t'attendent à l'appartement te mettrait presque de bonne humeur après les deux services que tu viens d'enchaîner. Même l'idée de croiser Sacha en rentrant pourrait te sembler agréable. Bon, peut-être pas à ce point. Il n'empêche que le reste serait vrai, si seulement elle n'était pas assise à ton comptoir, la limite de la sobriété franchie depuis bien longtemps maintenant, te redemandant un autre verre que tu lui remplis pourtant sans broncher.

Lorsque tu l'as vue entrer dans le bar, la première fois, et s'installer à une table avec ton colocataire, ta patronne et le mec de la salle de sports, t'as pas pu détourner le regard pendant plusieurs secondes, cherchant en elle le moindre signe, le moindre détail qui contredirait ce que tu savais déjà sans vouloir l'admettre. Mais tout en elle, de son visage qui n'avait pas tant changé à son attitude qui t'exaspérait toujours autant alors même que tu n'avais pu qu'en être le témoin quelques minutes durant, tout te disait qu'il s'agissait bien de cette fille rencontrée il y a des années dans cet autre bar, à des milliers de kilomètres d'ici. Néanmoins, t'as cru, espéré même peut-être, qu'elle ne t'avait pas reconnu. Ou au moins qu'elle ne voulait plus se rappeler les raisons pour lesquelles vos chemins s'étaient croisés. Tu t'es visiblement trompé.

Son regard glissant sur toi comme un aigle sur sa proie ne te trompe pas cette fois. Malgré le voile de l'ivresse qui les recouvre, tu lis ses intentions au fond de ses yeux, et tu sais déjà que les mots qu'elle va prononcer ensuite te donneront raison. Que d'une façon ou d'une autre, elle va te faire savoir qu'elle t'a finalement bien reconnu.

Voulu ou non, ton prénom dans sa bouche sonne comme une insulte à tes oreilles. Comme si le fait de pouvoir à la fois mettre un nom sur ton visage et d'être détentrice du secret que tu gardes précieusement caché lui confère un quelconque pouvoir sur toi. Les mâchoires serrées, tu esquisses un sourire aux allures de grimace, ne pouvant t'empêcher de la provoquer malgré le fait que ce qu'elle pourrait dire sur toi te tord les entrailles. ‟Parce qu'il y a une autre époque où tu me faisais concurrence ?” Tes arnaques se basaient sur du concret, pas sur des chimères auxquelles ne pouvaient s'accrocher que ceux qui avaient quelque chose à se reprocher depuis la perte d'un être cher ou qu'ils n'auraient pas su estimer à sa juste valeur. Et pour cette raison, aussi arrogant que cela puisse paraître, tu te croyais meilleur qu'elle. ‟Les morts ont arrêté de te parler, du coup ?” Le ton dédaigneux employé ne laisse aucun doute sur ce que tu pensais, et penses toujours, de ses méthodes de l'époque. Tu continues cependant d'essuyer tes verres, avec une nonchalance feinte, comme si l'envie de passer de l'autre côté du comptoir et de la conduire gentiment jusqu'à l'extérieur du bar avant qu'elle ne trouve en toi la corde sensible ne se faisait pas de plus en plus grandissante.

Si tu croyais au karma, au destin ou à n'importe laquelle de ces conneries dont la jeune femme avait elle du user et abuser, tu pourrais penser que tomber sur elle dans cette ville n'était que le fruit de leur volonté. Le juste retour des choses pour avoir osé penser que tu arriverais à mettre de côté ton passé et recommencer une autre vie ailleurs, dans une ville où tu n'aurais jamais mis les pieds, vierge jusqu'alors de tes méfaits. Mais t'aurais du savoir que les choses ne sont jamais aussi simples. T'aurais du savoir que le passé finit toujours par réapparaître, d'une façon ou d'une autre.

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@asher rhodes et @magdalene arnott

Au vu de la tronche qu'il tira à sa question, son prénom sur sa langue lui semblait tout aussi anormal et dérangeant à entendre qu'il lui fut de le prononcer. Elle aurait peut-être dû lui demander l'autorisation d'énoncer ces syllabes, communes mais caractéristiques de sa personne, il n'aurait peut-être pas eu l'air aussi pincé avec son sourire contorsionné. Il ne perdit pas de temps, sa réplique âpre ne tardant pas à venir. Ce n'était pas la direction qu'elle espérait voir cette conversation prendre mais soit. Il n'était pas même certain qu'elle puisse encore avoir des espérances à ce stade de la soirée, ses propres paroles gondolant comme son corps le ferait ave deux verres de plus dans le système. Malgré la condescendance manifeste du barman, qui n'avait aucunement lieu d'être, faut pas se leurrer, la question de rhétorique lui fit lâcher un rire sincère mais au son cassé. Elle fit tomber son regard sur le contenu de son verre, qu'elle porta à ses lèvres, se délectant de l'alcool de la même façon qu'elle appréciait la prétention adverse. C'est mignon, il pense être meilleur qu'elle. Manquerait plus qu'il pense être plus vertueux qu'elle et ça serait le pompon.

« On s'en prenait littéralement aux mêmes personnes, notre 'clientèle' était similaire. Appelle ça comme tu veux si ça te consoles de penser qu’on se faisait pas de l’ombre. Mais ce jour-là, on s’est tirés dans les pattes. » Si son ton était dénué de toute intention caustique, étant même teinté d'une lassitude face aux souvenirs de son métier d'antan, elle ne daigna toutefois pas lever les yeux de son verre qu'elle fit tourner lentement pour admirer la spirale de l'ambre. Son regard se leva cependant vers lui au pique suivant qu'il lui adressa, qui la fit rire de nouveau mais cette fois-ci bien plus chaleureusement. C'est qu'il était drôle quand il le voulait. Même si son intention était bien différente, comme le sous-entendait son intonation. Ses éclats de gorge allaient sans doute lui faire prendre la mouche, le pauvre garçon allant sans doute penser qu'elle se foutait de sa gueule alors qu'elle se moquait d'elle-même, tout comme il l'avait fait. « Oh non, ils continuent toujours mais j’ai décidé de faire abstraction. Trop de vieilles rancœurs, c’est pas bon pour le moral. » Elle posa de nouveau sa mâchoire sur sa main, son coude soutenant sa tête, alors qu'elle poursuivit : « Par exemple, on me fait savoir que ta margarita est mal dosée. Sûrement la voix d’une défunte cinquantenaire, fraîchement divorcée et de nouveau sur le marché. » Elle ne lui a jamais commandé de margarita, pas même une seule fois depuis qu'elle l'a croisé dans ce bar. Il le sait probablement comme elle sait qu'il ne va certainement pas apprécier sa boutade, aussi délibérément mal fondée soit-elle. Elle n'était pas restée pour se quereller, elle avait mieux à faire que perdre son temps ainsi. Mais, en même temps, elle ne s'imaginait pas lui adresser la parole ce soir, de tous les soirs. Vu sa réaction, il aurait apparemment préféré qu'elle s'abstienne. Détends-toi, bon sang. Je vais pas t'arrêter. avait-elle envie de lui dire, avant de passer derrière le bar pour lui servir un remontant pour détendre ses nerfs. Quelque chose la retint pourtant, sans doute à bon escient. Ou bien était-ce son attitude arrogante qui commençait à l'agacer. Elle porta de nouveau son verre à ses lèvres, les humectant doucement, en songeant à ce qu'il lui avait dit quelques minutes plus tôt. Puis, sans vraiment le regarder, elle lui demanda platement : « Au moins je leur donnais du réconfort en échange. Qu’est-ce que tu faisais toi, à part leur prendre ? »

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@magdalene arnott et @asher rhodes

La tournure que prend la conversation est loin d'être des plus conviviales mais, si tu avais eu à le faire, tu n'aurais pas parié sur le contraire. Sa seule présence blesse ton ego par le souvenir qu'elle te rappelle. Un souvenir datant pourtant désormais de plusieurs longues années, celui de ce coup qu'elle a foutu en l'air aussi bien que tu as empêché le sien. Parce que si tu ne pouvais pas arnaquer ce pigeon sur lequel vous aviez tous les deux jeté votre dévolu, elle ne le pourrait pas non plus. C'est la pensée qui s'était imposée à toi, digne d'un enfant gâté que tu n'avais pourtant jamais été. Oui, vous vous étiez tiré dans les pattes. Non, vous ne valiez pas mieux l'un que l'autre. Mais tu préfères continuer à nier l'évidence, ce pourquoi tu ne lui réponds finalement que par un haussement d'épaules.

Tu roules des yeux lorsqu'elle évoque la fameuse cinquantenaire qui serait entrain de lui chuchoter à l'oreille. ‟Si tu étais toujours en état de goûter quoi que ce soit, j'aurais pu te prouver que ton amie la divorcée se trompe.” Est-ce que tu essaies encore de démontrer que tu es meilleur qu'elle dans ce que vous faites ? Autrefois arnaquer les gens et aujourd'hui les enivrer ? Peut-être. Un peu. C'est plus fort que toi. Un mince sourire se dessine sur tes lèvres. Tu ne sais pas pourquoi elle t'agace autant, si ce n'est le souvenir de votre première rencontre, mais il y a quelque chose en elle qui te hérisse le poil, et pas de plaisir. Et pourtant. Pourtant, même si sa présence dans la même ville que toi menace tes plans de rédemption en toute discrétion, cette tension entre vous t'amuse. Bien qu'elle ne sache sans doute rien de ton passage derrière les barreaux -tu ne la connais que très peu encore mais tu ne crois pas Billie être du genre à avoir parler du secret que tu lui as confié, même avec sa bande d'amis- tu sais qu'elle pourrait révéler une des parties de ton passé que tu tiens tant à cacher et, de ce fait, elle représente pour toi un danger. Mais le danger et l'interdit sont deux des choses avec lesquelles tu as toujours aimé flirter, peut-être même plus encore qu'avec les femmes. Et c'est sans doute pour cette raison que tes sentiments à l'égard de la blonde sont aussi ambivalents.

Finalement, elle te pose cette question qui te fait froncer les sourcils. Tu leur offrais le plaisir de ta compagnie, voilà ce que t'aurais pu lui répondre si tu avais été d'humeur à la boutade. Au lieu de ça, tu te penches vers le comptoir pour y appuyer tes deux bras croisés. ‟Ça apaise ta conscience, de te dire que tu leur apportais du réconfort ?” Ta voix est cependant dénuée de toute agressivité cette fois. Peut-être parce qu'il s'agit là d'une vraie question que tu te poses, dans le fond, et non pas d'une nouvelle provocation. Quand t'étais derrière les barreaux, t'as participé à ce groupe de parole, quelques fois. Pas parce que t'avais besoin de faire taire tes propres remords mais parce qu'on t'en a pas vraiment laissé le choix. Malgré tout, tu te souviens de certaines de ces phrases toutes faites avec lesquelles on vous baissinait, de ces questions qu'on vous lançait à la tête pour essayer de vous aider à devenir quelqu'un de meilleur. Tu te souviens d'une, surtout. Que diriez-vous à vos victimes, si vous aviez la chance de pouvoir leur parler ? Celle-là particulièrement t'avait marqué et réellement poussé à réfléchir. La seule culpabilité que tu éprouvais et ressens encore aujourd'hui n'est cependant pas à l'égard de tes anciens clients. Elle ne concerne qu'une seule personne auprès de laquelle tu ne pourrais jamais te racheter. Peut-être la seule qui t'aurait jamais donné envie d'essayer de te racheter.

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