running in circles / gabriel.

besoin de savoir, besoin de comprendre. toi qui pensais que t'avais fait bonne impression. tu te demandes pourquoi est-ce qu'il démonte tes espoirs en une fraction de seconde. d'autant que ça n'te semble pas logique. pas l'moins du monde en tous cas. comment est-ce qu'on peut trouver quelque chose joli pour au finale dire que c'est étrange que les gens aient apprécié ? y a un truc qui ne fonctionne pas dans cette histoire et t'as besoin qu'il éclaire ta lanterne. et tu l'vois, cet éclat d'victoire dans l'fond d'ses prunelles. bien heureux de pouvoir étaler ses connaissances, une fois encore. ça t'agace, qu'il ait réponse à tout. mais dans l'fond, c'est pas si gênant qu'ça. bien souvent, tu t'sens débile. mais une fois que monsieur s'décide à t'instruire, tu t'dis qu'tu t'endormiras moins conne que quand tu t'es l'vée. se concentrer sur les petites victoires, pour ne jamais baisser les bras. gabriel doit surement être ton plus grand défi. oh mais je ne pensais pas qu'on l'était à ce point. on l'est pourtant, mais pas tant, c'est certain. que tu te défends une fois qu'il a fini sa longue tirade. tu l'as écouté avec attention, prenant en considération son explication. ceci étant, t'es pas vraiment d'accord avec lui. pour le coup. regarde autour de toi. regarde où on est. tu hausses les épaules avant d'te mettre à pointer tantôt du doigt, tantôt d'la tête, les saltimbanques qui s'donnent en spectacle. les coins d'rue où s'entasse le public. c'est une belle journée, les gens sont de sortie. il n'y a pas meilleur moment pour donner quelques doses de bonheur aux âmes encombrées de divers tourments. si c'était l'cas, ici, j'serai plus souvent derrière les barreaux qu'en répétition ou au salon. et tu t'mets à rire carmen. parce que toi, t'arpentes bien trop souvent les rues pour savoir de quoi tu parles. t'as jamais été ennuyée. jusque là, en tous cas. tu choisis tes endroits aussi, on ne va pas s'mentir. mais les quais, ça reste le lieu favori de tout artiste de rue. le beau temps est r'venu, les gens sont moins moroses. ils se laissent aller progressivement, ils lâchent prise. nouveau haussement d'épaules. ils ont besoin d'être diverti. ils ont besoin qu'on les bouscule, qu'on les sorte de force de leur routine. ça leur f'ra un souv'nir à raconter autour du r'pas de c'soir. ça leur f'ra une anecdote à raconter à la famille en fin d'semaine. ça les f'ra penser à autre chose, le temps d'un instant. et t'es fière, carmen, d'être capable de les faire s'évader de leur quotidien. de temps en temps. en une chanson. en un sourire. l'être humain chercher constamment le moyen de quitter sa petite vie bien rangée. oui, il y a des exceptions qui appellent les forces de l'ordre parce que ça les dérange. parce qu'ils ont horreur du changement et qu'on les force à sourire. mais ils sont rares. les aigris. ils se terrent pour ne pas avoir à supporter la beauté du monde qui les entourent. et, surement qu'ils ne vivent pas près des quais. aussi.

t'es content, c'est vrai. pas parce que tu vas pouvoir lui prouver que t'es intelligent ou érudit mais parce qu'au fond, elle est comme toi. avide de connaissances. et rien que grâce à ce constat, t'as le sentiment de te rapprocher enfin d'elle. c'est comme trouver une brèche et t'y engouffrer. alors oui, tu expliques. oui, tu étales ta science et t'es bien conscient que pour beaucoup, c'est agaçant. mais ici, c'est Carmen qui a demandé, c'est elle qui a voulu savoir. et ça t'fait bien trop plaisir de voir que, petit à petit, vous arrivez à trouver un terrain sur lequel vous entendre vraiment.
- oh mais je ne pensais pas qu'on l'était à ce point. on l'est pourtant, mais pas tant, c'est certain. tu souris, un peu plus encore. personne ne peut vraiment comprendre comment tu fonctionnes où comment tu pourrais réagir à ce qu'on te dit.. mais les faits sont là. vous n'êtes pas si différents et pour la première fois depuis votre rencontre, tu envisages donc Carmen sous un regard neuf. regarde autour de toi. regarde où on est. elle enchaîne en pointant du doigt les gens, les artistes, la rue. tu te rends bien compte qu'ici, plus qu'ailleurs, c'est l'effervescence. t'es bien conscient qu'il faudrait plus qu'une fille qui chante pour troubler les gens qui passent par ici. si c'était l'cas, ici, j'serai plus souvent derrière les barreaux qu'en répétition ou au salon. elle rigole, de bon coeur. et tu accompagnes son rire, toi aussi. parce que tu commences à comprendre son point de vue. enfin, à défaut de le comprendre, tu commences enfin à le saisir. le beau temps est r'venu, les gens sont moins moroses. ils se laissent aller progressivement, ils lâchent prise. ils ont besoin d'être diverti. ils ont besoin qu'on les bouscule, qu'on les sorte de force de leur routine. ça leur f'ra un souv'nir à raconter autour du r'pas de c'soir. ça leur f'ra une anecdote à raconter à la famille en fin d'semaine. ça les f'ra penser à autre chose, le temps d'un instant. et puis, tu te renfermes, presque aussi vite que tu t'étais éclairé. tu t'arrêtes net de sourire, plongeant tes yeux sombres dans les siens.
- tu crois que la routine est quelque chose de mauvais ? tu lui demandes avec tout le sérieux du monde. en quelques jours, c'est déjà la deuxième personne à te le faire remarquer. tu repenses à Aoden et à votre conversation dans la voiture. pourquoi penser que c'est angoissant de vivre dans ce qu'on connait ? sans surprises ? je ne comprends pas. et cette fois, c'est toi qui lui demandes de t'expliquer.

t'essaies de lui ouvrir les yeux. de lui montrer l'envers du décors. les subtilités de la vie que tu te plais à découvrir le plus souvent possible. en sortant de ta zone de confort, en t'imposant à l'humanité. astre solaire a besoin de briller. c'est indiscutable d'ailleurs. le sourire qui ne te quitte pas. tes pas, qui dansent bien malgré toi. t'as l'regard qui pétille carmen. parce que t'es dans ton élément. tu t'sens bien au beau milieu d'la rue. un peu bohème à tes heures perdues. tu t'sens bien dans tout ce boucan. dans cette effervescence incontrôlée. un peu comme un second souffle. et tu prends le temps, de lui expliquer. de lui parler de ce que tu ressens. de la façon la plus générale qu'il soit. parce qu'il y a toujours des exceptions. tout un chacun a besoin de se changer les idées, de vider son esprit de tous les détails dérangeants d'une existence. tu ne peux pas dire ce qui passe par la tête de chacun des passants. alors tu te contentes de présenter une œuvre générale. et tu l'vois, cet éclat différent qui brille dans son r'gard quand c'dernier se perd sur la foule. t'arrives à l'tirer dans ta bulle. un peu. lentement mais surement. jusqu'à ce qu'elle éclate. encore. ses traits se figent, son sourire s'éteint. l'impression d'avoir dit une connerie. de l'avoir froissé. sans pour autant avoir mentionné quoi que ce soit de méchant. de gênant. faut pas qu't'oublies que t'as un être particulier en face de toi. faut qu'ce soit censé. faut qu'ce soit logique. et là, en un sens, t'as l'impression d'avoir sorti une monstruosité sans nom. c'est pas vraiment c'que j'ai dit, non. enfin j'crois pas. tu fronces un peu les sourcils en t'grattant l'arrière de la tête. j'pense pas qu'ce soit mauvais, ni angoissant. t'hausses les épaules. toi, c'est pas ta tasse de thé, c'est clair. mais y en a à qui ça réussi alors c'est qu'ça n'doit pas être si horrible que ça. j'pense que c'est sécurisant. genre, tu sais où tu vas, tu sais qu'ça s'passera comme ça et pas autrement parce que c'est c'que tu fais, tout l'temps. l'utilisation de la seconde personne pour exemple. par qu'tu l'pointes du doigt. loin de le penser même, bien qu'il faudrait être aveugle pour ne pas voir qu'il correspond à c'type de personne en tout point. rarement dans le jugement carmen, tu te laisses tenter par la découverte de l'inconnu. laisse moi t'poser quelques questions cela dit ? parce qu'il faut tout de même que t'arrives à lui faire admettre que d'sortir de sa zone de confort, parfois, ça a du bon. t'as apprécié t'joindre à nous, pendant l'karaoké, right ? s'il dit l'contraire, tu lui saute à la gorge. t'es sorti d'ta routine en f'sant ça, n'est-ce pas ? ta tête qui s'penche légèrement sur le côté. encore une fois, s'il te dit l'contraire, tu l'étrangles. et aujourd'hui, t'aurais pas porté attention à tout ça- tes bras s'écartent pour englober l'ambiance environnante. - si je t'avais pas traîné jusqu'ici ? y a bien un but à toute cette mascarade, on ne va pas se le cacher. tu tentes, carmen, de lui faire comprendre que, parfois, c'est pas si mal que ça, de déroger à quelques règles et qu'même, des fois, ça peut faire du bien. il est facile de passer à côté de quelque chose quand on se cantonne à un même schéma, en permanence. du coup, j'pense que c'est ce que les gens cherchent. même inconsciemment. haussement d'épaules. ton point d'vue. tu ne prétends pas avoir la science infuse, loin de là. t'analyses, avec le peu de connaissance en psychologie que tu as, le comportement humain. parfois, c'est pas nécessaire d'faire de grandes études pour être amené à décortiquer les autres. suffit juste de prendre le temps de s'arrêter. et d'observer.

le fait qu'elle te fasse un commentaire sur l'aspect routinier attire ton attention. ton sourire s'éteint, c'est vrai. ça n'signifie pas que tu sois vexé ou blessé par ses propos. au contraire, ça veut simplement dire qu'elle a attiré ton attention sur quelque chose que t'as besoin de comprendre. besoin primaire et viscéral de compréhension. parce que quelque chose t'échappe. pour toi, la routine et l'habitude sont deux choses extrêmement réconfortantes. importantes, également. t'en as besoin pour te sentir à l'aise. chez toi, ça se trahit par la manière que tu as de ranger tes objets, de classer tes livres ou même de ranger tes vêtements. dans ton comportement, ça se lit dans tes mots, tes phrases, tes interrogations. on sait pertinemment, en te voyant, que t'es du genre control freak même si l'expression, à bien des égards, te fait souvent sourciller. monstre du contrôle, c'est péjoratif. or, t'as le sentiment que, pour toi, avoir le soucis des habitudes n'est pas quelque chose de mauvais, bien au contraire. ça fait d'toi quelqu'un d'organisé et d'réfléchi.
- c'est pas vraiment c'que j'ai dit, non. enfin j'crois pas. ça s'lit dans sa manière de froncer les sourcils qu'elle prend des pincettes pour te répondre. elle pèse les mots. j'pense pas qu'ce soit mauvais, ni angoissant. elle hausse les épaules mais tu vois bien qu'elle fait d'son mieux pour t'expliquer clairement ce qu'elle ressent. j'pense que c'est sécurisant. genre, tu sais où tu vas, tu sais qu'ça s'passera comme ça et pas autrement parce que c'est c'que tu fais, tout l'temps. jusque là, tu veux bien comprendre. jusque là, t'es même d'accord avec elle. laisse moi t'poser quelques questions cela dit ? tu arques légèrement le sourcil. piqué à vif dans ta curiosité. t'as apprécié t'joindre à nous, pendant l'karaoké, right ?
- oui. tu réponds vite, parce que tu commences à la connaître et tu sais qu'elle parle vite.. et parfois trop.
- t'es sorti d'ta routine en f'sant ça, n'est-ce pas ?
- oui. là encore, tu n'épilogues pas, tu sais que tu n'en as pas le temps.
- et aujourd'hui, t'aurais pas porté attention à tout ça si je t'avais pas traîné jusqu'ici ? elle enchaîne en écartant les bras. ton reflexe premier serait de lui demander d'en faire moins, t'as le sentiment qu'on vous observe et ça te met mal à l'aise. tu prends sur toi, tu réponds :
- non. sans comprendre où elle t'emmène ou même ce qu'elle veut te dire.
- il est facile de passer à côté de quelque chose quand on se cantonne à un même schéma, en permanence. du coup, j'pense que c'est ce que les gens cherchent. même inconsciemment. elle n'est pas aussi intelligente que toi, c'est un fait. tu ne vas pas le soulever parce que tu sais que ça a tendance à blesser les gens quand tu le dis. néanmoins, elle s'exprime plutôt clairement et arrive à t'amener à observer les choses d'un angle nouveau. tu comprends ce qu'elle veut te dire, même si, à ton sens, elle aurait pu faire un effort sur le lexique employé.
- admettons que tu aies raison. bien sûr, je serai passé ici sans remarquer l'effervescence et sans ressentir l'atmosphère. comme tu le fais toujours. quand tu marches, tu t'arrêtes pas souvent pour lever les yeux et prendre le temps de t'imprégner de quoi que ce soit. et oui, j'ai aimé chanter avec vous. c'est même la chose la plus folle que j'ai pu faire, je dois bien l'admettre. tu dis ça en riant parce qu'à tes yeux, c'est extraordinaire. et pourtant, aux siens, c'est tellement débonnaire que ça en devient ridicule. pour autant, je ne recommencerai pas. c'est catégorique, bien sûr. je crois que pour se construire, l'être humain a besoin de bases solides. tu vois, comme les fondations d'une maison. t'essaies de parler comme elle pour qu'elle te comprenne. ces fondations, il faut qu'elles soient stables. si elles craquent, tout s'effondre. peu importe la fantaisie que tu mets dans les étages, si le sol est instable, rien ne tient. tu lèves l'index, comme le ferait un professeur à la fin de son emphase. voilà à quoi sert la routine. on en a tous besoin. et t'es assez fier de toi.

t'es pas psychologue, t'as pas fait d'études supérieures. t'es pas savante carmen. pourtant, tes observations diverses et variées te permettent d'émettre un avis sur un peu tout et n'importe quoi. en faisant de quelques détails qu'ont capté ton attention, des généralités applicable à tout un chacun. bien entendu, il y a des exceptions, c'est comme pour tout. mais, en attendant, tu vises généralement juste. il t'arrives de t'planter, parce que personne n'est parfait ou n'a la science infuse. si c'n'est p'tre gabriel. ou du moins, il doit l'penser sévèrement. tu n'es personne pour le remettre à sa place et clairement pas assez cultivé pour t'en donner la peine. tu sais bien, qu'tu ne fais pas le poids, face à ses connaissances illimitées. ça ne t'empêche pourtant pas d'apprécier vos échanges. le partage de son savoir et de ta légèreté. un moyen, pour l'un comme pour l'autre, de grandir et d'évoluer. tu penses d'ailleurs que vous êtes sur la même longueur d'onde à ce sujet. ni lui ni toi ne se vexe par le langage employé en face. une conversation banale sur des idées toute faites. lui qui se contente de suivre à la lettre les préceptes qu'il a dû apprendre, ou au moins qui se colle à la définition pure et dure de chaque mots. toi, qui les images et les interprètes selon les expériences qui t'ont été données de vivre. l'un se base sur les faits, pendant que l'autre les dessine. échange de bons procédés dont vous semblez avoir besoin. autant l'un que l'autre d'ailleurs. t'es chanceuse, carmen, qu'il se soit dressé sur ton chemin de vie. et tu l'penses. vraiment. tu l'écoutes, toujours avec attention. tu te noies dans son illustration en croisant les bras sur ta poitrine. les sourcils légèrement froncés. tu t'imprègnes de ses mots, les assimilent et modèles ta réponse. je comprends et tu as raison dans l'fond. comme bien trop souvent d'ailleurs. faudra t'y faire, tu ne remportes que rarement des points dans ces affaires-là. mais au bout d'un moment, j'pense que ce ne sont plus les fondations qui sont bancales. et tu t'mords la lippe inférieure. faible haussement d'épaules et les pensées qui s'bousculent. elles sont toujours là, renforcées avec le temps, ou p'tre parfois malmenées. mais elles sont bel et bien présentes. mastication de la chair à l'intérieur de ta joue. sans doute que tu redoutes le moment où tu vas lui dire qu'c'est rien d'autre qu'un putain d'trouillard. surement. parce que tout le monde a une certaine forme de routine dans l'fond. personne n'y échappe parce que, effectiv'ment, ce s'rait comme dynamiter la stabilité dont on a tous besoin. même toi, t'es bloquée dans une certaine forme de routine. le salon. tes escapades dans la rue à la recherche d'un public qu'aura cinq minutes à t'accorder. la colocation. les cafés que tu rapportes à ton équipe le matin. même toi, carmen, tu n'y échappes pas. mais ajouter d'la couleur et d'la fantaisie à ce schéma n'a encore jamais tué personne - à moins que j'sois pas au courant mais ça m'étonnerait. petite rire que tu laisses s'échapper. dans l'fond, j'pense que c'est la peur qui empêche de sortir de la zone de confort qu'est la routine. conclusion que tu apportes à ton argumentaire. arriver à la faire taire, ne serait-ce que quelques minutes, pour s'évader et r'garder c'qui s'passe autour de soi, c'est p'tre ce qu'il y a de plus difficile, je te l'accorde. mais rien n'empêche de refermer la porte et d'embrasser à nouveau la stabilité par la suite. parce qu'en vrai, t'as jamais dit non plus qu'la routine était une mauvaise chose et qu'il fallait l'abandonner à tout prix.

ce genre de débat, ça te passionne. et secrètement - voire silencieusement - tu remercies Carmen d'être toujours prête à y entrer et de ne jamais s'offusquer de voir vos avis divergés. ils sont peu nombreux à accepter que tu leur tiennes tête avec tes théories. même si elles sont fondées, ce côté froid et formel les pousse toujours à baisser les bras et à ne pas chercher à s'engager dans des débats interminables. Carmen, elle, fait l'effort de te comprendre et de relancer, à chaque fois, la conversation. c'est agréable, ça te fait du bien. t'estimes qu'elle devient une véritable amie justement parce qu'elle prend le temps de te parler sans jamais se permettre d'émettre le moindre jugement à ton égard.
- je comprends et tu as raison dans l'fond. mais également parce qu'elle admet volontiers quand tu as raison. mais au bout d'un moment, j'pense que ce ne sont plus les fondations qui sont bancales. tu fronces un peu les sourcils, attentif. parce qu'elle mérite tout ton respect, c'est vrai. tu ne prends pas à la légère ce qu'elle dit et fais en sorte de te montrer suffisamment ouvert d'esprit pour toujours prendre considération de ce qu'elle dit. elles sont toujours là, renforcées avec le temps, ou p'tre parfois malmenées. mais elles sont bel et bien présentes. tu opines du chef, sur ce point, elle a raison. parce que tout le monde a une certaine forme de routine dans l'fond. personne n'y échappe parce que, effectiv'ment, ce s'rait comme dynamiter la stabilité dont on a tous besoin. vous vous rejoignez, c'est assez extraordinaire finalement. mais tu sens bien qu'elle a quelque chose de plus à te dire, comme pour ébranler toutes ces belles convictions. si elle accepte de te dire que tu as raison, si elle accepte de faire un pas en avant, tu sais qu'elle va essayer de t'obliger, toi aussi, à faire ce même pas vers elle. comme un échange. mais ajouter d'la couleur et d'la fantaisie à ce schéma n'a encore jamais tué personne - à moins que j'sois pas au courant mais ça m'étonnerait. tu passes une main dans ta tignasse. dans l'fond, j'pense que c'est la peur qui empêche de sortir de la zone de confort qu'est la routine. arriver à la faire taire, ne serait-ce que quelques minutes, pour s'évader et r'garder c'qui s'passe autour de soi, c'est p'tre ce qu'il y a de plus difficile, je te l'accorde. mais rien n'empêche de refermer la porte et d'embrasser à nouveau la stabilité par la suite. elle se tait et toi, tu marques une pause. tu réfléchis, bien sûr, encaisses le coup. ce qu'elle sous-entend, sans le dire vraiment, c'est que tu es effrayé. par quoi ? pour quoi ? sortir de ta routine te mettrait forcément en danger, tu le sais. n'importe qui te connaissant la moindre saurait à quel point tu détestes l'idée même de perdre le contrôle. pourtant, Carmen, doucement, t'incite à voir les choses différemments.
- ton point de vue est pertinent. tu la félicites presque. peut-être que tu as raison, peut-être que j'ai peur. au fond, garder le contrôle est une manière comme une autre de retenir cette fantaisie. j'ai besoin que tout soit bien rangé dans ma vie parce que j'ai besoin de savoir parfaitement où je suis et où je vais. tu marques une pause à nouveau, observes autour de toi. tu prends le temps de respirer un grand coup et puis, tu plonges tes orbes dans les siennes. admettons que j'accepte de chanter, là, maintenant. est-ce que ça voudrait dire que je suis capable de faire preuve, moi aussi, d'un peu de fantaisie ? finalement, le regard que te porte la jeune femme t'importe. pourquoi ? peut-être qu'elle devient une amie. sans même que tu t'en rendes compte, malgré vos oppositions et son caractère trop flamboyant pour toi, elle s'est créée un chemin jusqu'à ton coeur et y a scellé sa vie, juste un peu. comme si elle était désormais une conscience qui se poserait sur ton épaule et t'aiderait à appréhender les choses comme jamais tu ne les avais encore vues avant.

partager ta vision du monde. le faire entrer dans ta tête un instant. le temps qu'il faut pour qu'il puisse voir les choses à ta manière. voir la vie à travers tes yeux. jeu de rôle auquel tu te portes bien volontiers. puisqu'il accroche à tes réflexions et que tu ne manques pas de t'intéresser aux siennes. personnage bien particulier. surement pas au goût d'tout l'monde. mais toi, t'es pas tout l'monde, carmen. spéciale à ta manière. un peu comme toutes les entités qui font parti d'ce groupe atypique que vous formez. sans doute pour ça qu'tu t'y attaches à c'point. sans doute pour ça qu'tu veux qu'on vous voit. aussi. tes lubies d'grandeur pour assouvir cette soif d'reconnaissance mal placée. parce que dans l'fond, tu veux juste montrer au monde combien la symbiose créée entre vous est magique. et ô combien elle mérite qu'on s'y arrête. le temps d'un instant. la peur pointée du doigt. celle qui nous oblige bien trop souvent à faire un pas en arrière. alors qu'il faudrait continuer à avancer. celle qui nous pousse à rester derrière les lignes sécurisantes du résultat de nos propres expériences. pendant longtemps, ton existence a été régit par cette peur irrationnelle. t'étais qu'une gamine à l'époque. adolescente malmenée. parce que tu ne rentrais pas dans la norme. parce que t'avais la silhouette que t'as aujourd'hui. les rondeurs bien trop présentes. agressives. les moqueries et les insultes. à tel point qu't'en s'rais presque devenue paranoïaque. tu ne t'en serais pas sortie, si t'avais pas combattu cette sensation angoissante. bien sûr, t'as pas été toute seule pendant c'périple. tu ne l'as pas vaincue par toi-même. l'support et l'soutien de quelques alliés dont tu ne saurais te passer. lutte acharnée pour remporter la victoire. et t'voilà aujourd'hui, plus rayonnante que jamais. si ton expérience de vie peut en aider d'autres, tu ne vas pas te priver de la partager. tes paroles font une percée dans l'esprit du trentenaire. tu t'sentirais presque pousser des ailes d'savoir que tu peux être pertinente à ses yeux. tu calmes tes ardeurs pourtant. des fois qu'il bousillerait ton élévation en quelques mots bien placés. il en s'rait capable et ça t'ferait chier, on n'va pas se mentir. tu suis le cheminement de ses pensées en silence. celles qu'il veut bien partager. et t'as l'espoir d'arriver à obtenir quelque chose que d'inimaginable. parce que si ton but était en premier lieu d'le voir apparaître dans les vidéos qu'tu tournes pour les réseaux sociaux, c'qui est en train de se passer, présentement, c'est inespéré. t'as l'sourire carmen. et cette lippe inférieure que tu viens à mordre quand il attend ton approbation. l'mouvement de tête rapide pour approuver. évidemment oui. besoin d'accentuer cette idée. d'lui donner encore un peu d'élan, d'le pousser un peu plus en avant pour qu'enfin ses ailes se déploient. parce que je sais qu'tu l'as en toi. y a rien qu'à l'accepter maint'nant. et à la laisser s'exprimer. tu t'improvises guide spirituel. t'en es pas un carmen et pourtant. pis dis toi que j'serai jamais bien loin, si jamais t'as l'impression d'tomber ou qu't'y arriveras pas. filet de sécurité que tu penses être nécessaire. tu peux compter sur moi. tu peux compter sur les autres aussi. t'es pas tout seul. sourire sincère.

est-ce que tu s'rais entrain de t'ouvrir ? peut-être bien. ou alors peut-être que tu acceptes simplement d'voir à travers le prisme de quelqu'un d'autre. si on vous croisait dans la rue, si on vous parlait séparément, on s'demanderait bien ce que vous fichez l'un avec l'autre. Carmen et toi n'avez rien en commun. c'est pas peu dire, bien au contraire. elle représente à elle toute seule tout ce que tu ne seras jamais. cette facilité qu'elle à prendre la parole en public, à se montrer, à faire le show quand toi, t'es un homme de pensées, plutôt discret. dans l'ombre et à observer, toujours. tu participes pas à ce genre de fantaisies parce que tu n'supportes pas l'idée d'être hors contrôle. en revanche, Carmen, elle, est comme le vent. capable de décoller d'un instant à l'autre, sans prévenir. vivant sur une impulsivité impressionnante mais qui ne te ressemble guère.
alors oui, tu admets les choses. tu veux bien les comprendre, tu veux bien même lui donner raison sur certains points. l'être humain est, par définition, unique et chacun décide de faire ce que bon lui semble sans avoir à souffrir de l'opinion du reste de la meute. au fond, être comme Carmen n'est pas un problème. tu le sais.. même si, à tes yeux, être Carmen serait pourtant problématique.
mais pourquoi ? parce que tu es aujourd'hui un personnage public ? que tes livres t'ont conduit à une certaine notoriété dans le monde de la politique et que te mettre à fanfaronner sur les quais pourraient carrément être dommageable pour ta carrière ? ou simplement parce que tu as peur d'être en contradiction avec tout ce que t'as toujours cru savoir te concernant ?
- évidemment oui. bien sûr qu'elle fait preuve d'entrain. tu viens non seulement de lui donner raison mais également de sous-entendre que tu étais prêt à franchir le pas. parce que je sais qu'tu l'as en toi. y a rien qu'à l'accepter maint'nant. et à la laisser s'exprimer. alors subtilement, elle te pousse, un peu plus. elle te sent prêt à relâcher la pression et faire tomber les barrières. pis dis toi que j'serai jamais bien loin, si jamais t'as l'impression d'tomber ou qu't'y arriveras pas. elle joue de la sympathie que tu lui portes pour t'encourager. tu peux compter sur moi. tu peux compter sur les autres aussi. t'es pas tout seul. mais tu vois clair dans son jeu. beaucoup trop clair. tu souris, d'ailleurs.
- tu interprètes mal mes propos Carmen. tu lui dis sans cesser de sourire. bien sûr que cette fantaisie pourrait te donner accès à un monde dont tu ignores tout. peut-être même que ça pourrait t'aider à comprendre les autres et à accepter qu'il faille parfois lâcher prise. j'ai simplement émis une hypothèse. tu ajoutes, pour préciser tes pensées. je comprends ton point de vue, bien sûr. mais je ne chanterai pas. pour couper court à ses espoirs. tu t'en veux, un peu, de lui faire miroiter quelque chose que tu estimes impensable. cette fantaisie ne me manque pas. tout du moins, je n'ai pas l'impression d'en avoir besoin pour me sentir en accord avec ce que je suis. tu comprends ? tu la regardes, avec insistance. qu'est-ce que ça changerait, finalement, si je me laissais aller à devenir un peu plus comme toi ? ça n'a rien d'une insulte, bien au contraire.

t'y as cru. pendant un très court instant. tu t'es emballée. enfin, ton myocarde a fait une embardée. c'est sans doute plus juste ainsi. avant que tu ne te rappelles que ton interlocuteur est bien plus difficile à convaincre que le monde entier. comme toi, et bien souvent contre toi, il a plus d'un tour dans son sac. montagnes russes incessantes. de quoi t'filer la nausée si t'avais pas l'estomac aussi bien accroché. ce que tu redoutais fini par arriver. évidemment. chute libre. gueule écrasée sur l'pavé. un pas en avant pour une dizaine en arrière. tu as au moins le mérite de continuer à persévérer malgré tout. esthéticienne bien plus tenace qu'il n'y paraît. ta grande gueule pour seul moyen d'défense. pour cacher tes fêlures et tes faiblesses. remise à ta place bien plus vite qu'il ne faut de temps pour dire ouf, tu r'descends de dix-huit étages à la fois. tu l'savais pourtant, qu'il ne fallait pas qu'tu cries victoire trop vite. tu grognes et boudes. les bras qui s'croisent sur ta poitrine. on dirait une enfant qui pique une crise. tu ne restes pourtant pas longtemps dans cette position. bien incapable de laisser ton sourire habituel se ternir pour une nouvelle bataille perdue. pour de vrai ? j'en n'ai pas la moindre idée. que tu réponds en haussant les épaules. et honnêtement, pour ton bien, ne devient pas comme moi. l'éclat de rire qui s'en suit. tu ne te définirais pas comme un modèle à suivre. loin de là. pas irréprochable. un peu trop humaine sans doute. les erreurs enchaînées. l'envie de t'améliorer tout en replongeant perpétuellement dans tes travers. démons qui te pourchassent. quoi que tu dises et quoi que tu fasses. l'important, c'est qu'tu sois toi dans l'fond. j'te d'mand'rai jamais d'changer. et tu veux qu'il le comprenne. parce que oui, t'aimerais ajouter un grain d'folie à sa personnalité que tu juges trop guindée. mais finalement, est-ce que tu l'trouverais plus sympathique ? tu n'penses pas. toi qu'es persuadée qu'prendre les gens tels qu'ils sont est bien plus important que d'vouloir les désarticuler pour qu'ils suivent une toute autre ligne de conduite. ça n'a pas d'sens. chante. ne chante pas. c'est pas c'qui compte après tout. une nouvelle fois, tes épaules se soulèvent et s'affaissent. j'suis contente d'avoir pu t'montrer un p'tit bout d'autre chose. c'est tout c'que j'retiens. il t'en faut peu, carmen, pour être heureuse. un peu d'attention. un échange qui t'pousse à la réflexion et à te dépasser. c'est amplement suffisant. une simplicité qu'on penserait sans doute naïve. p'tre bien qu'c'est vrai d'ailleurs. p'tre bien qu't'es encore qu'une môme qu'a pas encore assez grandit. mais est-ce qu'on cesse vraiment d'évoluer un jour ? t'y crois pas.

t'es bien conscient de cet espoir fou qu'elle a dû ressentir quand t'as émis l'hypothèse que t'allais, peut-être, te mettre à chanter toi aussi. mais non, t'as bien compris son point de vue et tu l'as entendu. est-ce que tu l'acceptes ? bien sûr. est-ce que tu le rejoins ? évidemment que non. faire preuve de fantaisie, tu l'sais depuis toujours, ce n'est pas pour toi. t'aimes pas gens qui s'en servent comme d'une excuse pour faire n'importe quoi. ces gens qui boivent plus qu'ils ne devraient et qui disent ensuite, chancelants, j'l'ai fait pour le fun. qu'est-ce que ça veut dire ? comment peut-on estimer qu'il s'agisse là d'une raison valable ? s'amuser ? c'est pas comme ça que tu le conçois. de ton côté, pour t'amuser, il y a le scrabble ou les concours d'orthographe à la télévision. ok, c'est loin d'être aussi marrant que de vomir ses trippes sur les parvis d'la ville mais au moins, ça a le mérite de te laisser propre et en pleine possession de ta dignité.
alors oui, tu sais bien que tu lui as fait croire un court instant que t'allais ouvrir la bouche et qu'allait en sortir une musique, des mots, des paroles. que t'allais te joindre à son délire et que t'allais oser franchir ce pas. mais non. au lieu de quoi, tu lui poses une simple question. malgré sa petite moue et les bras qu'elle croise sur sa poitrine, elle te répond rapidement :
- pour de vrai ? j'en n'ai pas la moindre idée. tu arques un sourcil, interrogatif. et honnêtement, pour ton bien, ne devient pas comme moi. elle éclate de rire. c'est peut-être communicatif, c'est peut-être juste un tic mais tu l'accompagnes toi aussi. c'est plus discret, en revanche. comme toujours. l'important, c'est qu'tu sois toi dans l'fond. j'te d'mand'rai jamais d'changer. t'aimes ce qu'elle te dit. t'apprécies l'effort, également. parce que tu sens bienq ue c'est compliqué pour elle d'avoir à se heurter à un mur tel que toi mais au fond, elle t'apprécie pour ce que tu es, ce que tu dégages. et elle ne veut pas que tu changes. chante. ne chante pas. c'est pas c'qui compte après tout. tu vois bien à sa posture que la tension disparait quand ses épaules s'affaissent légèrement. j'suis contente d'avoir pu t'montrer un p'tit bout d'autre chose. c'est tout c'que j'retiens. tu souris, un peu plus. rougissant même un peu. t'es content d'la savoir contente. c'est stupide comme phrase non ? si, ça l'est surement. mais c'est pas important.
- c'est gentil. tu dis, en grattant ton front. j'pourrais peut-être agir différemment parfois. j'veux dire.. pas changer, tu vois. mais me laisser aller un peu. tu expliques, tu bredouilles un peu. tu vois bien les efforts qu'elle fournit pour te comprendre et quelque part, t'aimerais lui offrir un peu de ce qu'elle désire. peut-être qu'on pourrait trouver un endroit plus calme.. je sais pas.. j'ai un box chez moi, on pourrait y chanter si tu veux. de temps en temps. juste tous les deux.