{Wilyesh} Douce et amère agonie

Douce et amère agonie

@Jayesh Madari et @Wilma Azarov
Vous n'alliez pas tardé à la retrouver. Vous vous êtes données rendez-vous du côté de Garden District, à hauteur de la librairie pour vous faire un petit Starbuck en ce début de soirée. Est ce que c'est un rendez-vous galant ? Clairement vu la tenue que vous avez choisie pour ce soir Wilma, une belle robe rouge, courte, et décolleté pour laisser entrevoir suffisamment de choses pour qu'on ne se fasse pas de fausses idées. Et puis, avec la belle robe, il y a des talons noirs assez hauts qui vont bien avec, la tenue est parfaite, et vous savez très bien que Jessie bavera dessus sans vergogne. Cette idée vous fait sourire mais avant qu'elle ne la découvre, vous prenez une grosse veste par dessus, en fait, vous optez pour un long manteau noir, histoire que la surprise soit totale. Et donc, comme souvent, vous prenez de l'avance, vous aimez vous imprégner des lieux où vous donnez rendez-vous. Ce soir, vous n'allez pas acheter de livres, mais c'est un lieu symbolique pour que vous puissiez ensuite vous rendre ailleurs. Et donc, vous arrivez sur place, il n'y a pas énormément de monde, la librairie n'est pas encore fermée, mais si vous vous souvenez des horaires d'ouverture, ça ne devrait plus trop tarder à présent. Enfin peu importe, vous n'alliez pas y entrer à priori, sauf si elle avait une envie d'acheter quelques choses, et dans ce cas vous ne pourriez pas vous priver de lui faire un petit cadeau, après tout, pourquoi pas ? Votre visage rayonne, vous souriez, car à quelques mètres, une cinquantaine peut être vous la voyez arriver, elle n'a qu'à traverser la rue ou presque et elle sera dans vos bras. Vous voyez son sourire sur ses lèvres, elle est aussi heureuse de vous voir, et vous savez qu'elle a réussi à passer au niveau supérieur, à ne plus réfléchir, à agir de façon plus instinctive et c'est ce qui vous plait. Pourtant, le drame se produit sous vos yeux.

Jessie est en train de traverser la route, si belle, si insouciante, sans plus que ça regarder si une voiture arrive, car elle ne pense pas que cela se produira, pourtant, c'est malheureusement le cas. Une voiture roulant à vive allure déboule de nul part, et fauche la sublime Brown sur son passage. Le conducteur ne semble pas même se rendre compte de son erreur, la voiture continue sa route comme si de rien n'était, comme Jessie n'avait pas été fortement secouée, mais elle a été projetée à plusieurs mètres comme une vulgaire poupée. Malgré vos talons vous courrez vers elle, ceci ne peut pas être réel, ceci n'est qu'un cauchemar, ceci ne peut pas être possible et déjà les larmes coulent sur vos joues, déjà vous vous retrouvez à côté de ce corps inerte. La brune est dans un sale état, et vous criez à qui veut l'entendre d'appeler des secours, mais c'est déjà trop tard. Vous la prenez dans vos bras, mais la vie semble déjà l'abandonner. Vous la regardez, elle semble vous regarder aussi, elle semble presque vouloir vous sourire, comme pour vous rassurez, vous dire que tout va bien se passer, même si vous savez que ce n'est pas le cas. Une larme coule alors de l'oeil droit de Jessie, vous serez la dernière chose qu'elle verra, la vie quitte son corps quelques instants après. Vous êtes au milieu de la route, mais ceci n'a plus d'importance, vous la prenez dans vos bras, vous pleurez à chaudes larmes contre elle, comme si tout ceci n'était qu'un cauchemar, que vous alliez vous réveiller dans quelques instants, avec Jessie à vos côtés mais ce ne sera pas le cas. Peut être qu'un jours vous vous consolerez en vous disant que le choc a été si rude qu'elle n'a pas pu souffrir plus de quelques secondes.

Vous êtes dévastée, anéantie, votre monde semblait enfin vouloir tourner dans le bon sens, à la bonne vitesse, mais il semblerait que vous n'êtes pas vouée à vivre heureuse Wilma. Il semblerait que non, vous n'êtes pas faites pour vivre une vie normale. Vous vous êtes si rapidement précipitée vers Jessie que vous n'avez rien vu de la voiture, encore moins d'une éventuelle plaque d'immatriculation. Vous êtes juste là, contre elle, en train de pleurer à chaudes larmes sur son cadavre mais quelques choses en vous vient de se briser, de façon ferme, définitive. On vient de vous enlever votre pilier, votre phare dans la tempête. Mais à présent, la tempête fera rage dans votre esprit maintenant que votre coeur est définitivement broyé.

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@Jayesh Madari et @Wilma Azarov

Une soirée tranquille en perspective. Rien de prévu. Absolument rien. Depuis quand est-ce que cela n'était pas arrivé ? Probablement pas loin de 29 ans, en vérité. Parce que ce soir, je voulais juste rentrer et me poser. Pas me poser devant le piano, non. Ni me poser dans la cuisine pour faire des repas pour cinquante personnes même quand je suis seul. Non, juste me poser sur le canapé, un chat sur le ventre, l'autre sur les genoux, affalé devant un vieux classique de SRK ou quelque chose de ce genre, avec suffisamment de snack, de bonbons et de thé pour toute la famille. Comment et pourquoi je garde la ligne d'une brindille ? Aucune idée ! Ce soir, rien ne m'empêchera pas de me goinfrer en pyjama. Chill. Chill. Et chill.

Je prenais donc le chemin du retour, profitant de passer dans les beaux quartiers pour marcher un peu, et juste profiter de ce début de soirée. Je faisais certainement un peu tâche, en vieux jean au milieu de tout ce luxe, mais la mode et moi, on n'a jamais été compatible. Je n'ai que deux sortes de tenues : le costume pour le boulot, le jean pour le reste. Bon, en l'occurrence, je sortais plus ou moins du boulot, j'avais eu un rendez-vous relativement informel avec une directrice d'association pour discuter d'un futur projet. Une petite réunion à son domicile, et maintenant que c'est terminé, direction farniente à la maison. Vivre seul, ça reste difficile, mais ce soir, je le prendrais à son avantage de plus grand.

Ou... pas. Les choses arrivent. Des fois ça vous tombe dessus comme ça. Ou ça arrive juste devant vos pieds... Comme ça. C'est la vie. Ou plutôt la mort, je crois. Les deux sont liés. C'est allé très vite. Trop vite. Je n'ai rien eu le temps de comprendre. Je marchais là, tranquillement, mes pensées perdues dans mes projets avortés. Pas le temps de relever quoi que ce soit, ni qui que ce soit. Elle est là, étendue juste devant mes pieds, projetée alors qu'elle se trouvait, une seconde avant, probablement à une dizaine de mètres de là. J'entends quelqu'un derrière moi qui appelle les secours, mais alors qu'il parle d'une victime, je suis certain d'en voir deux. C'est sans doute trop tard pour celle qui a été percutée, mais tandis qu'un amas de gens se fait autour de la scène, les sirènes se rapprochant à toute blinde, quelqu'un se disant médecin s'approche de la blessée. Blessée, ou pire. Alors, je m'approche de celle qui semble être son amie, peut-être quelqu'un se sa famille, qu'importe, moi je ne peux rien faire pour l'autre, juste pour elle. Alors, je me penche doucement, lui parlant simplement, mais je pense que d'où elle est, elle ne m'entend pas. Après l'avoir prévenue, je pose délicatement mes mains sur les épaules pour la rapprocher de moi, la ramenant tant bien que mal sur le trottoir. L'ambulance arrive, ils font ce qu'ils ont à faire. Je reste là, avec l'autre femme, couverte d'un sang qui n'est pas le sien, tentant de la réconforter autant que je le peux.

Quand un secouriste arrive vers nous, il s'adresse à moi, sentant bien que l'autre personne n'est pas en état de répondre à quoi que ce soit. Malheureusement, moi, je ne sais rien. Je n'ai pas vu grand chose, juste un corps inerte atterrir à mes pieds, et maintenant, un autre corps, torturé de soubresauts, que j'essaie de consoler. L'identité de la victime ? Sais pas. L'identité de la personne qui se trouve dans mes bras ? Aucune idée. Pourquoi alors s'y trouve-t-elle encore ? Je ne sais pas, mais un peu de réconfort, c'est tout ce que je peux proposer, là. Tant pis pour ma soirée chill. S'il faut, j'accompagnerai cette dame jusqu'à l'hôpital. Jusqu'à qu'elle soit capable d'appeler des proches. Jusqu'à qu'elle ne soit plus seule.

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@Jayesh Madari et @Wilma Azarov
Comment ceci était-il possible ? Comment ceci avait-il pu arriver ? Vous n'en saviez rien, vous ne compreniez pas pleinement ce qui venait de se passer, vous ne réalisiez pas encore, mais déjà dans votre esprit, la tempête faisait rage, et elle allait tout emporter sur son passage. Il n'y avait plus rien qui pouvait compter, plus rien du tout, elle n'était plus, et votre rage se contenait à présent à l'intérieur, même si vous la serriez fort contre vous comme si vous pouviez lui donner de votre énergie vitale, comme si un transfert était possible et qu'elle puisse revenir à la vie, qu'elle puisse être toujours là à vos côtés. Mais vous n'êtes pas dans un jeu vidéo, une fois que la vie vous a été ôtée, alors il n'y a pas de secondes chances et c'est bien dommage. Dans votre esprit, les choses ne se font plus, vous restez bloquée sur elle, au milieu de la route, vous ne voyez même pas l'amas de badauds qui s'accumule autour de vous, des secours qui ont été appelés, le temps semble s'être figé, vous êtes dans votre bulle, et rien ne semble pouvoir la percer, absolument rien. Il n'y a plus qu'elle et vous Wilma, plus que le corps à présent inerte de Jessie qui n'aura sans doute pas trop souffert, le choc a été si rude, si dur qu'elle n'a rien vu venir, qu'elle n'a presque rien sentie, si ce n'est l'espace de quelques secondes.

Vous essayez de vous plonger dans son regard, mais celui-ci s'est vidé, il n'y a plus rien à faire, elle n'est plus réceptive, et vous avez cette sensation que son âme s'échappe de son corps. Est ce que vous y croyez ? Non, pas le moins du monde, mais vous sentez comme une effluve de Jessie s'envoler, vous cajolant au passage, un instant, juste un instant pour vous confirmer qu'à présent tout ira bien, tout ira pour le mieux. Vous sentez qu'elle vous prends par les épaules, comme pour vous faire comprendre que vous ne devriez pas restée au milieu de la route, on ne sait jamais quel fou furieux pourrait continuer le carnage alors que l'autre voiture s'est enfuie sans freiner, sans même une once d'hésitation. Est ce que Jessie n'a pas été vue ? Est ce que c'était volontaire ? Vous vous posez des centaines de questions, mais elles restent dans votre tête, et sans doute qu'elles tourneront en boucle pendant encore un long moment. Vous ne réalisez même pas que ce n'est pas Jessie qui vous touche mais un illustre inconnu témoin de la scène horrible qui vient de se produire. Vous restez dans votre bulle comme s'il était le fantôme de Jessie veillant sur vous, sans réaliser les choses, sans comprendre que vous avez été séparée de votre bien aimée, et ceci de façon définitive. Elle vivra toujours à travers vous, vous le savez, il ne pourra en être autrement mais ceci n'est que le début, le début de votre complète descente aux enfers. Votre passé n'était déjà pas forcément si glorieux que ça, mais si elle avait permis à vos propres démons de rester à leur place, sa mort, vient de les libérer, et rien ni personne ne pourra faire en sorte de les retenir, personne, la seule qui en était capable n'est plus de ce monde.

Pourtant, vos yeux finissent par légèrement s'ouvrir sur l'homme qui est là depuis déjà quelques minutes. Vous ne le connaissez pas, mais il est le premier que vous avez vu après avoir pris dans vos bras Jessie. Est ce qu'il est là pour votre bien ? Est ce qu'il ne pense pas déjà à vous torturer d'avantage ? Vous n'en savez rien, vous n'arrivez pas à faire la part des choses, le choc est bien trop rude et vous ne calculez même pas que des secouristes veulent vous parler pour en savoir d'avantage sur vous ou Jessie. Mais qu'importe, vous n'avez rien à dire, vous n'allez pas pouvoir parler avant un petit moment, vous terrant dans un certain mutisme pour de nombreuses heures encore. On arrive cependant à vous faire comprendre qu'il faut que vous alliez à l'hôpital, mais pour quoi faire ? Vous n'êtes pas blessée, le sang qui se trouve sur vous et celui de Jessie, vous étiez loin quand elle a été percutée. Vous n'avez pas envie d'y aller, pourtant lorsqu'on vous prends pour vous mettre dans une ambulance, vous n'arrivez pas à opposer une quelconque force pour les en empêcher. L'homme inconnu au bataillon est toujours là à vos côtés et votre regard complètement perdu tente de trouver une réponse dans son regard à lui, mais vous ne le connaissez pas, et il ne vous connait pas, ce sera difficile de faire quoique ce soit.

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@Jayesh Madari et @Wilma Azarov
Je ne saurai pas vraiment comment expliquer la manière dont tout cela s'est passé, au final. Je n'étais pas obligé. J'aurai pu passer mon chemin, comme n'importe quel autre badaud. Répondre deux-trois mots à la police de ce que j'avais vu, et rentrer chez moi profiter de ma soirée avec mon canapé, ma pizza, mon film et mes chats. Mais non, je me suis laissé entraîné par la douleur de cette femme. Cette inconnue aux côtés de laquelle je me trouve encore une fois dans l'ambulance. Lorsqu'elle sortira de sa torpeur, quelqu'un devra bien lui expliquer. J'aime autant que, s'il y a besoin de cela, ce soit moi. On ne sera pas obligés de se revoir. Elle associera cette annonce, ce coup de poignard, à un visage inconnu et vague. J'espère ainsi lui éviter de développer une phobie des hôpitaux ou une crise de panique à la vue des médecins, ou que sais-je encore de quoi l'esprit humain est capable.

En réalité, je ne pense à rien de tout cela. Ou alors à tout cela en même temps. Je n'ai pas de raison particulière de me trouver là. Mais j'y suis. Je ne connais rien de cette personne. Ni son nom, ni son âge, ni même sa religion. Pourtant, je n'hésite pas à retirer le collier que j'ai autour du cou, celui qui m'est pourtant si cher, dont le pendentif, toujours contre ma poitrine et à l'abri du moindre regard, est à l'effigie de Ganesh, le dieu-éléphant pour lequel je prie chaque jour. Je le glisse dans le creux de sa main, à cette inconnue, sans penser à si cela pourrait l'offenser ou non. Je faisais ça dans un geste innocent et altruiste, comme une demande à ma divinité de venir en aide à cette femme en détresse.

Je ne sais pas trop ce qu'il se passe ensuite. Elle est conduite aux urgences, on finit par m'arrêter à un moment, par me dire d'attendre, qu'on viendra me tenir au courant. Toujours en pensant que je suis un proche. Alors que je ne sais rien. Ni d'elle, ni de sa perte, ni de sa douleur.

Et pourtant, je ne réalise toujours pas qu'à tout moment, je pourrais rentrer. Que je devrais d'ailleurs déjà être chez moi. Non, cela ne me vient pas à l'esprit. Au lieu de cela, lorsque la pression redescend, je me dirige ça et là, un peu au hasard, jusqu'à tomber sur quelqu'un qui pourrait me renseigner sur là où se trouverait la chapelle. Il y en a toujours une, souvent chrétienne, dans les hôpitaux, mais il y a aussi souvent une autre pièce adjacente pour les autres cultes, ou simplement pour être au calme. Alors je m'y rends, pour faire ce que j'ai à faire. Je dépose mes chaussures à l'entrée, comme il en est de coutume chez moi. Je m'assoie en tailleur, inspire profondément, et ferme les yeux. Je n'ai pas besoin d'avoir Ganesh en face de moi. Je l'ai dans mon esprit.

C'est tout ce que je peux faire.

Je reviens plus tard dans la salle d'attente, où on vient finalement me chercher. Me donner des nouvelles de cette inconnue, comme si je savais qui elle était. On me dit qu'elle va "mieux", même si avec ce qu'elle vient de vivre, ça ne veut pas dire grand chose, et que je peux aller la voir. Je ne me sens pas pouvoir refuser. Encore une fois, j'aurai pu simplement partir. Me sentir soulagé qu'elle aille aussi mieux que possible, et rentrer.

Mais non. Sans trop savoir vers où, vers quoi, ou même vers qui je me dirige, je me retrouve dans une salle où la jeune femme est alitée. Je ne sais pas trop quoi faire, alors j'avance prudemment en toussant un peu pour m'éclaircir la voix.

- Excusez-moi... Je voulais être sûr que tout irait bien pour vous. Je peux partir, si vous le souhaitez...

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Douce et amère agonie

@Jayesh Madari et @Wilma Azarov
Vous ne réalisez pas, vous ne vous rendez pas encore compte de ce qui vient de se passer Wilma, mais votre amour n'est plus, le sens de votre vie vient de s'envoler de façon définitive, et pour le moment, vous êtes en plein dans ce tourbillon là, dans un tourbillon de folie qui vous entraine malgré vous en direction de vos tréfonds, de votre côté sombre qui semblait jusque là vouloir s'amoindrir, vouloir se taire. Il y avait déjà des signes dans votre enfance, jusqu'à cette tentative de suicide dans l'océan, jusqu'à ce qu'elle vienne vous sauver, mais votre bouée n'était plus, elle était loin de vous, et il ne faisait aucun doute que vous alliez tout simplement couler, mais jusqu'où ? Jusqu'à quand ? Vous ne pouviez pas le savoir, pour l'instant vous ne vous en rendiez pas compte, pas le moins du monde alors que cet inconnu, qui ne vous doit absolument rien est là, à vos côtés, fait preuve de gentillesse, de bonté même alors qu'il aurait pu partir tout simplement. Mais dans le feu de l'action, il a été pris pour quelqu'un de proche, sans doute, vous n'avez absolument rien calculée Wilma, et pour le moment, il n'y a aucun calcul à faire en réalité. S'il ne fait aucun doute que Jessie n'a pas survécu longtemps au choc, son sang est sur vous, peut être que l'on pense que vous êtes blessée, et c'est assurément le cas, pas physiquement, mais mentalement, vous l'êtes, bien plus que vous ne pouvez l'imaginer. Et déjà vos idées noires remontent à la surface, votre esprit vous ordonne de faire certaines choses, mais vous en êtes bien incapables, vous n'êtes qu'une marionnette désarticulée, rien de plus. On vous embarque dans une ambulance, mais on pourrait vous emmenez n'importe où que vous n'auriez opposée aucune résistance aussi fou que celui puisse paraître. Vous êtes emmenée, on vous examine, du moins c'est ce que vous pensez, vous ne vous en rendez pas compte, et on vous pose dans une chambre, l'air de rien ou presque. Vous fixez un point sur le mur, puis sur le plafond, votre esprit se remplit petit à petit de pensées sombres, comme si votre boite de Pandore personnelle venait de s'ouvrir à peine et que son flux de mauvaises pensées était en train d'envahir votre propre espace sans possibilité de la refermer, parce que vous ne pouviez pas. Il n'y a rien à fixer, rien à dire non plus, mais pourtant, vous agissez de la sorte, enfin si on peut dire que vous agissez parce qu'on pourrait en douter vu l'immobilisme dont vous faites preuve. Et puis la porte de la chambre s'ouvre, c'est lui, celui qui vous a pris dans ses bras une fois que les secours était là. Vous vous demandez pourquoi il est là, ce qui le motive à perdre du temps avec vous, mais les questions ne franchissent pas les barrières de vos lèvres muées dans un certain mutisme. Il est là sans savoir pourquoi, il vous dit qu'il peut partir aussi si sa présence vous dérange, mais vous n'en savez rien du tout, alors instinctivement, il y a ce petit haussement d'épaules pour lui indiquer que, pour lui indiquer quelques choses, mais vous ne savez pas quoi. Vous tentez d'ouvrir la bouche mais aucun son ne semble vouloir en sortir. Vous insistez donc, vous savez que vous n'êtes pas muette, mais le flash vous revient en plein visage, le corps de Jessie dans vos bras et au lieu qu'un son sorte, ce sont des larmes qui coulent sur votre visage. Et finalement, les mots sortent, difficilement, mais ils sortent.

" Qu'est ce que je vais faire sans elle ? "

Vous lui posez la question, il ne sait rien de vous, ne connait pas la situation même s'il se doute bien que Jessie qui a été renversée était précieuse à vos yeux. Mais il ne sait pas qui elle était, qui vous êtes et la relation que vous aviez avec la sublime Brown. Peut être qu'il n'aura pas grand chose à dire, mais votre regard embué de larme se perd dans le sien à la recherche d'une réponse à cette question cruciale.

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@Jayesh Madari et @Wilma Azarov
La mort. Omniprésente, comme une épée de Damoclès qui surplombe tout un chacun. Elle est là, elle rôde, et chaque culture, chaque religion a sa propre façon de faire avec. C'est une énorme différence que j'ai remarqué, ici, aux USA, par rapport à chez moi. Ici, la mort est intime, elle est cachée, elle se fait dans le silence privé du cercle de ses membres les plus proches. Là où chez nous, la mort est là, présente, presque à chaque coin de rue. La maison du mort est ouverte le jour même, tout le monde vient voir, participer à la préparation du corps. La procession se fait dans les chants et les mantras, au milieu de la foule des travailleurs et des autres endeuillés. Et on dépose le mort là, au bord du fleuve, proche d'une rue passante. Après quelques rituels, on y met le feu, et c'est ainsi qu'on dit au revoir. On se reverra, dans une prochaine vie. Quand on repasse au même endroit, quelques heures ou quelques jours plus tard, le bûcher se consume encore. L'odeur s'étend à tous les alentours. On la connaît. Elle est là. Tous les jours, depuis notre naissance. Elle fait partie du quotidien. Jusque dans la maison familiale, où les portraits des défunts sont positionnés de telle manière que par leur simple présence, on sait qu'ils ne sont plus là. Pas dans cette vie, en tout cas.

Ici, c'est différent. À la télévision, elle est violente. Mais dans le monde réel, elle est comme absente. Camouflée, silencieuse, elle n'arrive qu'aux autres. On compatit, on comprend, on exprime nos condoléances, mais on ne partage pas cette douleur muette que l'on garde comme un secret. Je n'ai pas à être là. Je ne la connais pas. Je ne sais toujours pas son nom. Mais pour moi, c'est presque normal. J'en ai visité, des maisons, pour témoigner mon respect à des morts que je ne connaissais pas. Mais qui étaient le cousin du voisin qui avait un frère dont la tante était mariée à un type qui avait une fille qui avait épousé l'ami du petit fils du corps qui trônait là.

Et malgré nos différences, toujours cette même question. Et maintenant ? Comment faire sans cette personne qui nous était si chère ? Il n'y a pas de réponse à cela. La vie continue. Je ne peux pas lui dire qu'elles se reverront dans une autre vie. Elle ne croit peut-être pas à ce genre de chose. Elle a peut-être d'autres croyances. Ou aucune. Il n'y a pas de réponse, à cette question pourtant tellement universelle.

- Vous trouverez... pas aujourd'hui, peut-être pas demain non plus... mais vous trouverez.

Il n'y a pas d'autres solutions. Parce que si on ne trouve pas, alors... on meurt à son tour.

- Est-ce que vous avez besoin que je prévienne quelqu'un...? Je peux rester le temps que cette personne arrive, si vous voulez. Ou rester tout court, s'il le faut...

Ou même partir, si elle n'a plus besoin de moi. Mais là, tout de suite, ça ne me semble pas être très opportun.

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Douce et amère agonie

@Jayesh Madari et @Wilma Azarov
La question est réelle, mais la réponse n'est pas simple. Existe-t-il seulement une bonne réponse à cette question là ? Vous en doutez très sérieusement intérieurement, et vous ne savez pas ce qu'il en dira, quel sera son avis, s'il en a un, s'il ose vous le donner puisque vous ne vous connaissez pas le moins du monde, mais dans votre esprit, il sera à jamais associé à la mort de Jessie, il sera à jamais associé à cette preuve que l'humanité n'est pas entièrement bonne à jeter, car il aura fait preuve de douceur et d'un peu d'amour envers vous dans ce moment douloureux alors qu'il ne vous doit absolument rien du tout. Mais il a été là au moment du drame, et quelques minutes, voir même quelques heures après, il est encore là. Est ce qu'il n'avait vraiment rien d'autres à faire ? Vous en doutez, mais il a vu votre détresse à ce moment, il a vu que vous étiez sous le choc et qu'autour de vous, il n'y avait personne d'autres pour vous soutenir et qu'il a donc endossé ce rôle de façon instinctive. Et donc il vous réponds, il vous donne une réponse honnête, sans prendre partie, qu'à un moment, vous trouverez la réponse à cette question. Quand ? Il ne sait pas, vous non plus, mais vous espérez trouver une réponse. Sans Jessie, c'est tout votre monde qui s'écroule, tout votre monde, il devient branlant, il n'est plus stable, et vous allez mettre un temps fou à retrouver une certaine stabilité dans l'horreur de ce que vous indiquera votre esprit de faire. Vous savez ce qui vous attend, vous le redoutez, mais vous savez comment ça va se passer, dans les grandes lignes. Il vous demande alors s'il y a quelqu'un à prévenir, pour vous, pas pour Jessie, car pour elle, c'est trop tard, son frère l'apprendra à un moment ou un autre. Mais toi, tu n'as personne à prévenir malheureusement, ton père s'en fiche et en dehors de lui, il n'y a pas vraiment d'autres personnes à prévenir. Alors vous faites non de la tête, il n'y a personne à prévenir mais vous vous rendez compte que ça peut être confus.

" Il n'y a personne à prévenir, mais restez, je vous en pris. "

Et votre voix se fait beaucoup plus suppliante que vous l'auriez voulue. Peut être qu'il a autre chose à faire, certainement qu'il a d'autres choses à faire, peut être qu'il a une femme, des enfants à rejoindre, vous ne savez absolument rien de lui, et vis versa à vrai dire.

" Mais peut être que vous avez une femme, des enfants à aller retrouver, je m'en voudrais de vous priver de votre famille, on ne se connait même pas. "

Et avec cette phrase, c'est un petit mouvement d'épaules qui se fait, ce haussement qui aimerait lui faire comprendre qu'il devrait aller les rejoindre plutôt que de rester avec une inconnue, mais vous ne pouvez pas prendre la décision à sa place malgré tout.

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Douce et amère agonie

@Jayesh Madari et @Wilma Azarov
Était-ce le choc ? Était-ce la triste réalité ? J'ai vu toutes sortes de personnes brisées dans la vie. Par la vie. Mais quelqu'un de seul, de réellement seul ? Je n'en sais rien. Je ne crois pas. C'était un concept assez difficile pour moi, je l'admets. En plus d'avoir une famille nombreuse, je viens aussi d'un pays où le concept de "famille" ne se limite pas aux simples parents et frères et sœurs. Où il est normal de vivre avec ses parents, quand bien même on a plus de trente ans, quand bien même on est marié, quand bien même on a des enfants. Où les amis proches, c'est comme la famille. À tel point qu'on doit préciser, lorsque l'on parle de son frère, quand il s'agit d'un vrai frère. Et non d'un cousin ou d'un meilleur ami. Alors, pour moi, c'est terrible, de voir une personne ainsi. Seule. Peut-être qu'elle n'avait juste pas envie. Le choc. Ce n'est pas le moment. Parce qu'une fois que tout le monde le sait, ça devient réel, et on est obligé de l'affronter. J'espérais, au fond, que ce soit ça. Qu'elle n'était pas réellement seule.

Je n'avais aucune raison de partir. Pas plus que je n'en avais de rester, paradoxalement. La suite de sa réponse me ramenait à ma propre solitude. Sauf que je n'avais jamais eu l'impression d'être seul. Loin, certes. Mais pas seul. Je souris un peu, espérant que ma réponse lui fera esquisser un sourire, aussi maigre soit-il.

- Mes enfants sont des chats dont la gamelle est suffisamment remplie, et mon partenaire est un piano qui mérite bien un peu de répit de temps en temps.

Surtout que je n'avais pas vraiment l'intention de jouer ce soir. Enfin... après la pizza, un film et quelques câlins félins, j'aurai sans doute fini par me laisser prendre. Ce n'est pas un piano. C'est une toile d'araignée. Aussi, je terminais sa propre phrase, parce que cela me perturbait beaucoup qu'elle soit seule à ce point.

- On ne se connaît pas... pour l'instant. Je m'en voudrais de vous laisser seule dans un moment pareil.

Surtout que ce n'était que le début. Il y avait plein de choses à organiser, après. Je n'avais qu'une très vague idée de comment cela pouvait se dérouler ici, mais ce qui était sûr, c'est que ça ne se faisait pas tout seul.

Intérieurement, j'eus comme une révélation. Elle n'était pas seule, puisque la victime semblait être très importante pour elle... mais s'il n'y avait personne à prévenir... peut-être que l'autre personne était également seule. Elles étaient peut-être seules... à deux. J'imaginais très bien comment cela aurait pu se produire. Mais je n'osais pas poser la question. Parce que les raisons qui font que deux personnes peuvent ainsi se retrouver seules, coupées de leurs familles, sont les mêmes qui feraient que si je me trompe, je risquerais de me faire copieusement insulter d'avoir osé insinuer ça. Alors je ne dis rien. Si elle a besoin de se confier, elle le fera le moment venu.

- Je m'appelle Jayesh. Jayesh Madari. Je suis pianiste. On ne se connaît toujours pas, mais c'est déjà un bon début, je crois.

Je ne lui retournais pas la question, ne sachant pas trop si elle avait envie d'aller plus loin. Elle semblait perdue. C'était compréhensible.

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Douce et amère agonie

@Jayesh Madari et @Wilma Azarov
Est ce que vous aviez quelqu'un à prévenir en dehors de celle qui n'est plus ? Est ce que vous aviez d'autres personnes dans votre vie qui comptaient assez pour avoir envie ou besoin de les prévenir ? Non, il n'y avait personne, votre mère n'était plus, votre père était encore là, mais il ne méritait pas que vous lui donniez de l'attention. Et en dehors de ça ? Vous connaissiez beaucoup de monde en ville, par rapport aux enterrements malheureusement récurrents mais est ce qu'il y avait vraiment quelqu'un d'important ? Non, il n'y avait qu'une vague de visages sans réelles distinctions. Vous auriez pu mourir aujourd'hui, cela n'aurait pas fait de différences notables. Personne ne serait venu à votre enterrement ou presque, à moins qu'au contraire, toute la ville soit venue parce que vous faisiez partie des murs, des meubles que vous aviez été là pour l'enterrement du grand-père ou quelques choses comme ça. Difficile à dire, mais l'une des prochaines tombes à creuser ne serait pas la plus simple à faire, parce que dans celle-ci, il y aurait Jessie, pas un corps sans aucune distinction pour vous, pas ce genre là. Pour la première fois depuis que vous ferez ce métier, vous serez touchée de plein fouet par le corps mis en terre. Vous aurez "simplement" creusée la tombe, mais voilà, ça sera difficile.

Pourtant, ce soir, il était là, il n'avait rien à faire ici, vous ne le connaissiez pas, mais depuis fort longtemps, quelqu'un semblait avoir envie de vous donner un peu d'amour réellement désintéressé, sans rien attendre en retour, perdant de son temps pour vous Wilma. Cela dépassait votre entendement, comment quelqu'un pouvait agir de la sorte ? Cela n'avait absolument aucune logique, n'est ce pas ? Si habituellement vous faites attention aux détails, ce soir, vous n'avez pas vu qui vous aviez en face de vous, parce que ça n'avait pas d'importance, à priori. Mais déjà, dans votre esprit en perdition, il était en train de prendre de l'importance, bien au delà de ce que vous aviez pu ne serais ce qu'imaginer. Il était là, alors que peut être une famille l'attendait à l'autre bout de la ville, mais il voulait faire en sorte que dans ce moment difficile, vous puissiez avoir quelqu'un sur qui vous reposer, un peu. Et donc, il en venait à vous dire que lui aussi, il était seul, et que donc, il n'y avait absolument personne qui l'attendait chez lui, hormis un chat et un piano. Vous auriez bien besoin d'entendre une douce mélodie au piano pour apaiser votre âme, mais ce n'est pas un instrument de poche, pas du tout même. Et visiblement, il avait envie de faire connaissance, un peu, un minimum. Est ce que cela pourrait aboutir à quelques choses ? Vous n'en savez strictement rien, vous êtes juste perdue et en peine Wilma, alors vous n'êtes pas en état de réfléchir comme il faut. Et donc, il se présente, et comme vous, il ne semble pas être véritablement originaire de la Nouvelle-Orléans. Il avait un prénom, un nom qui sonnait à consonnance hindou, mais peut être qu'il était né ici et que ce n'était que ses origines. Il était donc un véritable pianiste c'était son véritable métier. Il semblait si doux, il était ce qu'il vous fallait en cet instant Wilma, cette petite touche de douceur pour cajoler votre âme.

" J'aurais aimée que la rencontre se fasse différemment Jayesh, juste vous croiser à un concert devant votre piano, ou dans un aéroport en train de jouer sur cet instrument. Mais ça ne sera pas le cas. Moi c'est Wilma, Wilma Azarov. "

Vous ne donniez que votre prénom, votre métier n'apporterait rien à la conversation, si ce n'est de la rendre plus triste encore. Elle l'était déjà bien assez vu les circonstances, mais bon, c'était comme ça après tout. Il fallait faire avec, il faudrait continuer de vivre malgré tout, du moins, si vous vous en sentiez réellement la force.

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Douce et amère agonie

@Jayesh Madari et @Wilma Azarov
J'aurai aimé, à ce moment là, avoir un piano à disposition. Dans un coin de l'hôpital, dans mon sac à dos, dans ma poche, plus grande qu'elle n'en aurait l'air. Mais un tel endroit se doit d'être calme, même un saxophoniste ne se risquerait pas à s'y exercer. Et dans le monde réel, il n'y a ni sortilège, ni matériau magique pour permettre de transporter un instrument aussi imposant aussi facilement. Je le sais. J'ai fait monter un piano à queue dans mon appartement, en arrivant ici. C'était assez terrible et stressant à voir, d'ailleurs... mais je m'égare. Ce n'était rien, comparé à la personne à qui je tiens compagnie, plus ou moins malgré moi. Mais j'ai choisi d'être là, pour ne pas la laisser seule.

- Et bien alors, enchanté Wilma.

C'est peu de dire qu'on aurait aimé se rencontrer dans d'autres circonstances. Alors je n'ajoute rien d'autre qu'un léger sourire. Une sorte de promesse.

- Si vous n'avez personne d'autre, je pourrais venir vous chercher à votre sortie, si cela vous intéresse toujours de m'entendre jouer. Il y a quelques bars plutôt calmes en journée où l'accoustique sera meilleure que dans un aéroport.

J'apprécie toujours jouer, quel que soit l'endroit. Sur une scène internationale ou dans un centre commercial, je m'enferme tellement dans ma bulle que le monde extérieur n'existe plus.

Je remarquais alors que Wilma ne m'avait pas donné son métier. Ne voulant pas lui imposer quoi que ce soit ni l'embarrasser, je préférais ne pas posr directement la question.

- Vous jouez d'un instrument, Wilma ?

Voilà, autant dériver la conversation. J'espère que ça pourra l'aider.

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Douce et amère agonie

@Jayesh Madari et @Wilma Azarov
Vous avez toujours du mal à comprendre pourquoi il est encore là, pourquoi il a été embarqué avec vous dans cette tragédie mais il a été le plus prompt à ce moment là, et maintenant, il tente de faire quelques choses qu'ils ne seraient pas nombreux à vouloir véritablement faire. Il tente de passer de la pommade sur votre corps meurtri, il ne veut pas que vous soyez complètement seule, il ne le veut pas, prouvant ainsi le bon fond qu'il pouvait posséder. Il s'appelle Jayesh, ça sonne étrangement à vos oreilles, il ne semble pas être originaire d'ici, de la Nouvelle-Orléans, comme vous finalement. Vous êtes des étrangers dans cette ville, vous n'êtes pas originaires de la Nouvelle-Orléans, mais dans ce moment, ça ne change rien à ce qui vient de se passer. Alors, il vous fait une promesse, comme si finalement, vous étiez déjà amis alors qu'il ne vous doit absolument rien du tout, mais il vous fait cette offre. Est ce qu'il serait possible de la refuser ? Vous ne comprenez pas comment il peut faire preuve d'autant de bonté envers vous, et les larmes se remettent à couler sur votre visage.

" Vous feriez ça pour moi ? Je ne vous dois rien, pourquoi le feriez vous ? J'aimerais beaucoup vous entendre, la musique me ferait du bien. "

Mais aucun son ne pourrait réellement vous apaisez, vous le savez bien, mais s'il jouait du piano là, juste à vos côté, juste devant vous, peut être que ça ferait la différence. De toute façon, vous le savez, vous ne resterez pas ici très longtemps, peut être qu'on vous donnera l'autorisation de vous en aller rapidement. Vous n'en savez rien, mais vous êtes certaine que vous n'avez rien à faire ici. Vous n'êtes pas blessée, du moins pas physiquement, mentalement c'est une autre histoire après un tel choc. Et il vient vous demander si vous jouez d'un instrument. Instinctivement votre tête fait non, vous hésitez pourtant, vous jouez de la pelle pour faire des trous dans le cimetière mais ce n'est pas un instrument de musique.

" Non, ma fibre artistique se joue plutôt à l'écrit, quelques poèmes ... "

Et vous vous en excusez presque auprès de Jayesh. Pourquoi ? Vous ne savez pas trop, votre esprit reste confus malgré tout. En quoi est ce que c'est un mal d'écrire des poèmes ? Il n'y a pas de mal à cela, mais ce n'est pas un instrument de musique.

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Douce et amère agonie

@Jayesh Madari et @Wilma Azarov
Sa question était juste. Pertinente. Essentielle. Mais comme beaucoup de questions de ce genre, elle n'avait pas de réponse. Pas de concrète, en tout cas. C'est juste... comme ça. Le lieu, le moment, la situation. J'étais là. Elle aussi. Alors, oui, je ferais ça pour elle. Et non, on ne se doit rien. C'est comme ça, c'est tout. Alors je me contente, comme je le fais depuis le début, d'un léger sourire bienveillant.

- Vous ne me devez rien, je ne vous dois rien, et même après tout cela ça restera ainsi. Je ne peux pas vous dire pourquoi, je ne le sais pas vraiment moi-même... mais bien entendu, que je le ferai.

J'ai une famille. Qui est loin. Je suppose que je voudrais que des étrangers fassent la même chose pour eux dans une situation similaire. Et que ma famille apprécierait que quelqu'un fasse cela pour moi également si quelque chose venait à m'arriver. Je ne fais pas ça pour obtenir quelque chose en retour. Je le fais parce que cela me semble juste, et que je voudrais qu'il en soit de même pour mes proches. Je le fais sans doute pour la même raison que j'ouvre une école musique gratuite, dans un quartier populaire qui n'attend pourtant rien...

- Je connais des endroits publics où vous pourrez m'écouter jouer du piano dés que vous pourrez sortir. Dés que vous vous en sentez la force, je vous y emmènerais.

L'accoustique d'une gare ou d'un pub n'était pas forcément des meilleures, mais au moins, cela serait plus sécuritaire pour elle. De la même manière que je ne voudrais pas qu'un inconnu propose à l'une de mes soeurs de l'emmener chez lui écouter de la musique... je ne le fais pas. Ça ne se fait pas.

J'affiche un visage plus étonné, presque émerveillé, à l'évocation de ses écrits. Si je peux aisément composer, l'exercice littéraire se résume pour moi à une séance de torture... je serai un piètre juge peut-être, mais selon moi, quoi que Wilma ait pu écrire, cela serait forcément extraordinaire.

- C'est fantastique, pourtant. J'ai toujours été fasciné par ceux qui ont cette capacité...

Je n'allais pas non plus lui avouer que je n'avais appris à lire que sur le (très) tard, mais cela m'intéressait tout de même.

- L'écriture n'est finalement pas si différente de la musique. Elles transmettent des émotions, des histoires... mais dans mon cas, je crains que je ne pourrais jamais être un bon parolier.

Je me sentais soudain presque coupable d'avoir une conversation aussi banale dans une situation aussi terrible. Mais c'était sans doute mieux.

- Cela dit, je peux toujours jouer de la musique avec un crayon...

Je scrutais alors le reste de la pièce pour trouver quoi que ce soit qui puisse servir d'instrument improvisé. Surtout de quoi faire des percussions, mais pas sûr que cela plaise dans un hôpital.

- Vous avez une chanson préférée ?

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Douce et amère agonie

@Jayesh Madari et @Wilma Azarov
Il n'a aucune raison de vous aider plus que ce qu'il a déjà fait présentement, mais il semble vouloir quand même en faire plus. Vous ne comprenez pas pourquoi, peut être parce que dans sa culture, dans sa religion, c'est quelques choses d'important d'aider les gens de la sorte. Peut être que c'est comme ça qu'il a été élevé, tout le contraire de vous Wilma, si on peut dire que vous avez eu une certaine éducation, elle n'a pas été folichonne. Mais peut être que vous vous trompez sur toute la ligne, peut être qu'il n'a que de lointaine origine et qu'il est américain dans ses façons de faire. Mais son explication reste nébuleuse, il veut le faire mais il ne sait pas vraiment pourquoi il veut agir de cette façon, sans doute parce qu'il a pitié de vous, ce doit être ça. Mais vous êtes encore bien trop sous le choc pour le réaliser, pour réaliser que c'est ainsi. Il était juste là au mauvais moment, pour ainsi dire parce qu'on ne peut pas dire que c'était un bon moment, pour vous, et pour chacune des personnes ayant assistées à la scène. Vous ne savez pas quoi répondre à tout cela, sans doute que malgré les circonstances, vous pouvez penser qu'une certaine amitié pourrait se forger, une amitié dans la plus grande des douleurs possibles, mais une amitié quand même. Il en vient à vous dire qu'il connait des endroits publics sympathiques pour l'entendre jouer dès que ce sera possible. Vous doutez rester ici très longtemps, sans doute que vous sortirez d'ici demain au plus tard, parce que vous êtes surtout sous le choc, vous n'avez pas été blessée, vous vous demandez si vous n'auriez pas préférée passer sous cette voiture à la place de celle qui était bien plus rayonnante, bien plus solaire que vous. Mais le sort en a décidé autrement.

" Ce serait avec plaisir. "

Vous tentez de répondre avec le sourire pour que cela ne paraisse pas forcer, mais si vous répondez avec franchise, l'envie n'est pas présente dans l'instant alors vous n'arrivez pas à faire mieux. Vous ne jouez pas d'un instrument, du moins, pas d'un instrument de musique, vous c'est plutôt une plume pour écrire quelques poèmes exprimant bien souvent le mal être qui vous ronge en permanence, qui s'est en train de s'accentuer de plus en plus, plus les minutes défilent dans votre esprit. Pourtant, cela semble l'émerveiller ou presque, comme si écrire des poèmes était quelques choses de fou, de magique. Il explique donc que s'il était capable de composer une chanson, il serait bien incapable d'en écrire les paroles. Peut être qu'à vous deux, vous pourriez faire quelques choses de bien en alliant vos talents ? Il vous proposait de jouer de la musique avec un crayon. C'était un concept étrange, qui vous dépassait dans l'instant. Comment pourrait-il faire ça ? Vous ne saviez pas du tout comment il allait s'y prendre. Et puis finalement, il vous demande si vous avez une chanson préférée, parce que peut être voudrait-il la rejouer avec son crayon ?

" Peut être que nous pourrions allier nos talents pour écrire une chanson dans ce cas, ce pourrait être une idée sympathique. "

Vous pensez que s'il avait une mélodie, vous pourriez lui trouver une rythmique qui pourrait convenir, une sorte d'alliance entre vous deux pour générer de la musique, des chansons. Vos poèmes sont plutôt moroses, mais peut être qu'avec sa musique à lui, tout cela pourrait être un peu plus léger, difficile à dire présentement.

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Douce et amère agonie

@Jayesh Madari et @Wilma Azarov
Si des inconnus nous voyaient là, maintenant, ils pourraient nous croire amis de longue date, l'une hospitalisée, l'autre lui rendant visite. Mais ce n'était pas le cas. Les inconnus, c'était nous. Et si on me demandait comment j'en suis arrivé là, je ne saurai vraiment pas quoi répondre. Le destin. J'étais là. Elle aussi. La vie n'a parfois pas besoin de grand chose.

Et me voilà à chercher de quoi faire de la musique, dans un moment pareil, dans un endroit pareil. Idiot que je suis, je finis par simplement taper dans mes poches, et décrocher le sésame. Ce sera un stylo à bille. Pas plus mal, je souris d'un air bien trop jovial pour la situation, et me mets à démonter le stylo. Encore mieux qu'un crayon, finalement.

- On peut faire de la musique avec n'importe quoi vous savez. Les instruments existaient déjà chez les premiers humains.

Je lui tends alors le bouchon et le fin tube d'encre, pour garder le corps désormais vide, et, à première vue devenu inutile pour un écrivain, mais parfait pour un musicien.

- La cartouche est fine et souple, y'a moyen que le son soit intéressant.

Désormais dans mon élément, je me perdais un peu dans mon univers, oubliant presque la situation, qui devenait alors de plus en plus incroyable. Je me mis à donner le rythme avec le pied, l'invitant à prendre part à ce qui n'allait probablement pas être grandiose, mais sans doute inoubliable. Je tentais alors de me servir de mon tube de plastique, à moitié comme dans une flûte, à moitié comme une baguette de batterie. J'improvisais quelques vocalises, mais il fallait se rendre à l'évidence, c'était pas terrible. Le rythme et les instruments improvisés donnaient plus dans le rap, et il faut bien se l'avouer, ce n'est vraiment pas mon domaine de prédilection. Je finissais par abandonner en riant un peu.

- Désolé, c'était nul. Mais ça vaut toujours le coup d'essayer.

Enfin, j'espère. Si j'arrive à lui esquisser un sourire, alors, ce sera une victoire.

- Je vous promets qu'on écrira cette chanson avec de vrais instruments.

Un silence étrange s'installe, comme si le moment de réaliser à nouveau la situation était revenu. Tenter de distraire quelqu'un victime d'un choc pareil ne devrait pas me rendre mal à l'aise, mais je le suis un peu quand-même. À quoi pense-t-elle ? Me prend-elle pour un fou ? Oh, je le suis certainement. Comme Wilma l'a si bien fait remarquer, n'importe qui d'autre serait rentré chez lui, aurait continué son chemin, terminé sa soirée dans un rituel quotidien presque trop banal.

Un médecin arrivait alors, et je me retournais presque en sursautant, me demandant tout d'un coup si nous n'avions pas fait trop de bruit. Je réalisais rapidement qu'il était là pour sa patiente. Je ne savais plus trop quoi faire à ce moment là. Je ne pensais pas pouvoir rester, mais je ne me sentais pas de m'en aller maintenant. Peut-être attendre dans le couloir, si besoin. Mais en attendant de savoir ce dont il était question, je restais impatiemment sur ma chaise, prêt à me lever si on me le demandait.

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Douce et amère agonie

@Jayesh Madari et @Wilma Azarov
Vous ne le connaissez pas du tout, mais il est là, il vous soutient, il vous supporte, il vous aide à penser à autres choses, il vous aide à aller de l'avant malgré le choc que vous venez tout juste de recevoir. Vous ne réalisez pas encore pleinement la portée de tout cela à vrai dire. Vous ne réalisez pas qu'elle n'est plus là, enfin vous ne le réalisez pas complètement, pour vous, ce n'est qu'un mauvais rêve, il ne peut en être autrement, n'est ce pas ? Et donc, il se met à démonter un stylo trouver dans ses poches comme s'il avait été mis là exprès. Il vous sort donc une anecdote, vous donnant donc le bouchon et la cartouche d'encre qu'il y avait à l'intérieur de son stylo à bille, ce serait dommage de les perdre alors que le stylo pourrait encore servir évidemment. Vous le regardez faire, c'est étrange mais il semble savoir ce qu'il doit faire, et vous vous en souriez presque, du moins, votre visage n'est pas neutre et tend vers un sourire même si c'est très léger. Qu'allait-il faire avec tout ça ? Difficile à dire, mais il allait faire de la musique à priori. Il tente quelques choses, mais le résultat est bizarre, disons ceci comme ça. Il s'en rend compte assez rapidement, et finalement, il s'arrête, avouant que ce n'était pas terrible, même nul mais qu'il a tenté. Alors il vous fait une promesse, celle d'écrire cette chanson accompagnés de véritables instruments. Vous faites oui de la tête, même si vous ne savez pas quand cela pourra avoir lieu, parce qu'il va peut être falloir faire un peu de paperasse, à moins que sa famille ne s'en occupe, à moins que ... Vous n'en savez strictement rien, car il était évident qu'elle n'avait pas prévue de mourir et que donc, elle n'avait sans doute pas donner d'instructions si jamais cela arrivait. Et le silence s'installe, encore plus étrange, parce que vous ne savez pas quoi lui dire de plus présentement. Heureusement pour lui, pour vous deux, le médecin arrive et vous le regardez, vous le scrutez, vous savez ce qu'il va vous dire. Et il le confirme rapidement.

" Nous n'avons pas plus de raisons de vous garder ici miss Azarov. Je suppose que monsieur Madari peut vous raccompagner ?
- Euh oui, bien sûr.
- Je vous laisse signer ce formulaire, et ce sera bon dans ce cas. "

Il vous tend un stylo et un formulaire de sortie que vous signez de façon très machinale comme si votre âme était ailleurs, qu'elle avait été vidée, qu'elle n'était plus dans votre enveloppe corporelle. Et sans plus de cérémonie le médecin s'en va. Vous regardez Jayesh dont vous venez d'apprendre son nom de famille, et lui le vôtre. Vous haussez les épaules, vous ne savez pas quoi lui dire de plus. Il est là pour vous, il ne vous doit rien, mais il va devoir encore vous supporter. Vos vêtements sont là, mais vous n'avez rien de propre, il y a du sang dessus, pas trop, mais un peu. Vous n'allez pas sortir avec votre blouse alors tant pis, vous sortirez avec ça sur le dos ...

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Douce et amère agonie

@Jayesh Madari et @Wilma Azarov
Il ne semblait plus y avoir grand chose à faire. Les médecins avaient décidé qu'elle pourrait rentrer chez elle, Wilma. Je n'allais pas la laisser comme ça, l'abandonner à nouveau à son triste sort. Alors sans la consulter, je pianotais sur mon téléphone pour commander un Uber. Ce serait mieux qu'en transport en commun.

Je la laissais donner l'adresse, et la raccompagnait devant sa porte. Je ne voulais pas entrer. Je ne veux pas qu'elle se fasse des idées sur mon compte, et je voulais encore moins m'imposer à elle. Alors, avant que Wilma n'ait le temps de prononcer quoi que ce soit, ne serait-ce que par politesse de sa part, je lui tendais un bout de papier que j'avais préparé, avec mon nom, et mon numéro de téléphone.

- Si vous avez besoin de quoi que ce soit, surtout n'hésitez pas.

J'attendais qu'elle entre, qu'elle soit en sécurité, pour pouvoir repartir. Cette rencontre avait été des plus étranges, mais des plus terribles. Seulement deux choses pourraient en découler : soit elle souhaitera m'oublier au même titre que toute cette histoire, soit ce sera quelque chose de fort. Quelque chose de particulier, quelque chose de silencieux, presque... mais quelque chose de fort.

Terminé

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