under the purple sky -- Dumbo

Le soleil se couche sur les toits de la Nouvelle Orléans et donne en se faisant des couleurs chaudes au ciel pas encore étoilé. Les rares nuages s’étirent en un dégradé d’orange et de rose, de belles couleurs, rassurantes, qui donnent à Mabel l’impression que le lendemain sera une meilleure journée. Pas qu’aujourd’hui se soit mal passé, mais elle doit bien avouer que depuis cette soirée du nouvel an, son esprit cogite encore et encore les mêmes idées. Elle ne s’attendait pas à voir Efraim se tenir devant elle, ici à la Nouvelle Orléans. Elle pourrait dire qu’elle ne s’attendait pas non plus à ce qu’ils passent la soirée à se chercher, mais ce serait un mensonge. La paix semble impossible entre eux. En six mois de cohabitation sur un bateau, ils ne l’ont jamais trouvé, ou alors seulement le temps de quelques instants quand ce sont leurs lèvres qui se sont rencontrées à la toute fin de la mission. Un souvenir que Mabel préfèrerait effacer de sa mémoire, mais malheureusement ni le temps ni la légère brise qui agite ses cheveux ne semblent suffisants pour lui faire oublier le fameux capitaine. Le savoir dans la même ville qu’elle, attaché aux mêmes racines, lui donne envie de quitter la Louisiane et de trouver une nouvelle mission le plus loin possible. Mais elle a commencé des choses ici, elle se retrouve une place au sein de la colocation, de sa famille, de ses amis. Ca faisait sans doute des années qu’elle n’était pas restée aussi longtemps en une seule traite, mais elle admet que cette fois ça lui a fait du bien de rester en place. Notamment parce qu’elle voulait chasser les souvenirs d’Efraim, mais aussi parce que la Nouvelle Orléans est son berceau.

Un soupir quitte ses lèvres tandis qu’elle continue d’observer à la fois le ciel, et cette ville dont les lumières électriques commencent à voir le jour. Les gens rentrent sans doute chez eux à cette heure-ci, éreintés après une journée de travail dans un bureau. Elle ne connaît pas vraiment cette vie - et elle en est infiniment reconnaissante. Lorsque la porte du toit s’ouvre, elle se retourne calmement, pour voir qui vient perturber ainsi son état d'âme nostalgique. Elle déteste ce sentiment Mabel, se sentir faible et contemplative. Mais un sourire se dessine sur son visage quand elle reconnaît Dumbo, le seul qui semble connaître ce repaire secret. Les rapports ne sont pas toujours simples entre eux, ils ont eu des débuts chaotiques, mais ils avaient finalement réussi à trouver un terrain d’entente avant qu’elle ne reparte en mission. « Hey. Tu as passé une bonne journée ? » N’est-ce pas à cela que sert la vie en colocation ? Eventer sa journée, vider son esprit en récoltant conseils et oreilles attentives. « Parles moi, j’ai besoin de sortir de ma tête. » De sa journée, de ce qui le tracasse, de ses amours compliqués ou de ses amitiés agitées. Elle s’en fiche, mais elle a besoin de se concentrer sur autre chose.

I can buy myself flowers
Write my name in the sand.
feat. @Mabel König

Journée de merde, qu'à cela ne tienne, Dumbo, il n'a jamais été du genre défaitiste ou négatif. Toujours le sourire plaqué sur les lèvres, depuis douze mois, prétendre qu'il s'en fiche et que tout va bien. C'est plus simple pour tout le monde, c'est beaucoup plus simple pour lui. Ne pas admettre ce qu'il ressent à l'égard d'Azuria, c'est une manière toute aussi singulière que d'mettre la tête sous l'sable et espérer que le vent emportera tout, sauf ce qu'il est. Vie d'merde, qu'il pourrait même ajouter. De toute manière, rien ne va. Les récents échanges par message qu'il a eus avec sa dulcinée et sa meilleure amie n'ont fait, fatalement, que d'empirer la situation. Accumulation d'autant de problèmes qui font que ce soir, en rentrant d'une journée plutôt chargée, il n'a qu'une envie, grimper les marches qui conduisent au toit, y rouler un joint et se l'allumer en observant le soleil se coucher.
Pas étonnant donc qu'il ne passe par la coloc' que pour se changer, se mettre plus à l'aise tout en évitant un maximum les parties communes pour ne surtout pas avoir à affronter qui que ce soit d'autre que sa conscience. Un jogging simple, un pull épais et la caisse en bois dans laquelle il range son sésame, le voilà qui pousse la porte en priant pour que cette journée se termine mieux qu'elle n'a commencé. Hey. Tu as passé une bonne journée ? cette voix, il la reconnaîtrait entre mille. Pas la peine de voir la silhouette qui se dessine dans l'ombre de cette fin d'après-midi pour comprendre. De tout l'immeuble, il n'y a sans doute que Mabel pour connaître cet endroit. Voilà qu'ils s'y retrouvent à nouveau, comme la dernière fois. Lieu d'exil, lieu d'eden, leur cachette à problèmes. Là où ils viennent quand ils ont l'moral dans les chaussettes. Parle moi, j’ai besoin de sortir de ma tête. qu'elle lui dit alors qu'il s'avance vers elle, les épaules basses. Toi aussi alors ? qu'il a envie de souffler en s'asseyant près d'elle. En tailleurs, la boîte entre ses jambes. Par quoi tu veux que je commence ? qu'il lui demande gentiment en préparant le matériel, travail d'orfèvre. Ecraser la cigarette, déployer la feuille et la remplir, la rouler, la coincer entre ses lèvres pour la fermer. J'ai tout fichu par terre avec une fille. qu'il dit en faisant briller le briquet dans cette fin de journée. Il tire une première fois, soupire de soulagement. Rien d'étonnant tu m'diras, je gâche toujours tout c'que je touche de toute manière. il ajoute, laconique. C'est un sort qu'il a appris à accepter, comme une fatalité.

Il y a trop de choses qui circulent dans sa tête à Mabel, trop de sujets qui tournent en rond et dont elle n’arrive pas à se faire. Comme un nœud dont on pense enfin trouver le bout, mais qu’on finit par resserrer malgré soi. Elle aime croire que chaque problème a une solution - et même plusieurs - mais à ceux qu’elle ressent actuellement, elle n’en voit pas, principalement parce qu’elle n’ose pas regarder les choses en face. Si elle admettait qu’Efraim lui plait, elle pourrait avancer et faire quelque chose à ce propos. Lui en parler peut-être… et lui donner une belle claque quand il oserait lui rire au nez. Ou bien fuir en entrant dans le lit de n’importe quelle autre personne, juste le temps de se changer les idées. Oui, si elle osait être honnête avec elle-même, Mabel pourrait trouver des solutions. Mais elle se cache. Sa face reste voilée, elle se répète encore et encore que ce mec la met hors d’elle et la fait sortir de ses gonds, et bien qu’elle aimerait l’éviter, ça devient assez compliqué. Cette fois elle n’a pas encore envie de repartir à l’aventure, elle aime bien cette petite routine à la Nouvelle Orléans, le quotidien dans lequel elle vit. Elle a des gens avec qui partager tout ça, des gens qui eux ne bougent pas. C’est assez agréable d’apprendre à les connaître, et ce même avec les personnes agaçantes, comme Dumbo sait parfaitement l’être certains jours. Elle sourit en le voyant arriver sur le toit de leur immeuble, lui qui connaît aussi cette cachette et l’utilise pour se changer les idées. Ce soir, il va pouvoir changer celles de Mabel en même temps.

Il prend place à côté d’elle, roulant son joint pendant qu’elle lui pose des questions. Elle n’attend pas la brune, elle se met déjà en quête de divertissement. Et puis ça se voit sur sa figure qu’il n’a pas passé une bonne journée non plus, alors comme ça ils pourront échanger leurs malheurs. Elle le laisse commencer, parler d’une fille mystère dont elle ne connaît pas l’identité, mais elle ne peut s’empêcher de lever les yeux au ciel quand il se plaint de son sort. « C’est faux, mais t’es con si tu le crois vraiment. » Qu’elle lance pour lui répondre. Oh elle ne fait pas dans l’amour tendre Mabel, elle dit les choses clairement, comme elle les ressent. « Qu’est-ce que t’as fait pour avoir la sensation que c'est totalement foutu avec elle ? » Elle n’y connaît pas grand-chose en relation, les siennes sont toujours relativement courtes, mais elle est une amie plutôt dévouée et sincèrement intéressée. Elle n’a rien à perdre à l’écouter parler un peu plus en détail de cette fille et peut-être d’essayer de lui donner quelques conseils. Et puis si dans la foulée, Dumbo pouvait retrouver un semblant de sourire, ce serait une petite victoire.

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feat. @Mabel König

Ils se retrouvent souvent ici.
Cette terrasse, c'est leur couvert au fond, leur exil. Ils ne sont pas nombreux à y monter et Dumbo n'y a jamais croisé personne d'autre que Mabel. Au fond, ça lui manquera, lorsqu'il partira, parce qu'il le sait déjà, en s'installant ici ce soir, que tôt ou tard, il n'aura pas d'autre choix. S'en aller pour éviter de la faire souffrir un peu plus que ce qu'il est déjà en train de faire. Elle le détestera, c'est sûr. Mais ils s'en sortiront, plus forts que jamais sans doute. Partir pour mieux revenir ? Non, il n'y croit pas. Il n'y croyait déjà pas à l'époque, quand Billy avait tourné les talons le jour de leur mariage. Elle ne reviendra pas c'est ce qu'il n'avait pas cessé de répéter aux convives. Persuadé qu'il n'y avait pas de retour en arrière possible. Lorsqu'on prend une décision, on s'y tient.
C'est peut-être pour ça qu'il est là, ce soir. Pour y voir plus clair, ou alors juste pour s'foutre la tête en l'air, il n'en sait rien. Il tourne l'herbe dans la feuille, il roule avec habitude et assurance. Un coup de langue et c'est déjà prêt. C’est faux, mais t’es con si tu le crois vraiment. qu'elle lui répond, Mabel, sans prendre de gants. Entre eux, c'est comme ça depuis le premier jour. Elle ne ment pas, elle ne triche pas. Elle lui dit ce qu'elle pense sans se soucier un instant de franchir, ou non, les limites qu'une amitié comme la leur impose. Il sourit, à moitié. Qu’est-ce que t’as fait pour avoir la sensation que c'est totalement foutu avec elle ? elle s'intéresse. Curiosité mal placée ou véritable désir d'aider ? Personne ne sait vraiment. Ils s'apprécient mais de là à croire qu'elle se soucie vraiment de ses problèmes, c'est différent. Néanmoins, il est content d'pouvoir parler, ça fait du bien. Surtout qu'elle n'hésitera pas à lui rappeler combien il est stupide dans son comportement. J'la fais tourner en bourrique depuis des jours. J'lui fais croire que j'en aime une autre juste pour l'énerve, j'cherche constamment à la faire sortir de ses gonds. il soupire, allume l'extrémité de son addiction en plantant ses yeux dans le vide. Une première grande bouffée qui lui brûle le fond d'la gorge. J'lui ai dit je t'aime et ensuite on peut pas être ensemble parce que j'en n'ai pas envie. bel exemple de lâcheté, non ?