Love the way you lie (Karma)

trigger : mentions de violences conjugales

Just gonna stand there and watch me burn?
Well, that's alright, because I like the way it hurts
feat. @Karma Vaughn

Avant, il y avait les rires.
Les jours heureux, les matins langoureux et les tendres caresses. Il y avait encore inscrit en Bran les souvenirs délicats d'une relation différente, pleine de promesse et d'illusions. Un rêve, presque éveillé, comme l'émoi des premiers amours. Un homme, si singulier, si particulier. Artiste, comme lui. Deux âmes qui s'étaient conjuguées et qui s'étaient aimées. Avec la maladresse des premières histoires, l'indélicatesse des coeurs indécis. Quand on est encore trop jeune pour vouloir s'engager mais qu'on est amoureux au point de croire que c'est une bonne idée.
Avant, il y avait l'enfer.
Celui qui s'inscrit dans un couple comme l'ombre parfaite d'un bonheur qu'on pense illusoire. Une illustration parfaite d'une dualité consternante qui subtilement renverse l'ordre des choses. On accepte les défauts, on accepte les crises et les colères. On croit que c'est normal, on justifie les reproches et les insultes par des manquements ou de simples malentendus. Et puis, on prend le premier coup, on secoue la tête et on s'dit ça va, c'est la première fois. On accepte les excuses et doucement, on met un pied dans un cercle vicieux qui se renferme sur vous. Quelque chose d'immuable, d'acceptable parce qu'on aime mais d'indéfinissablement retors et pervers. Le début de la fin, des stigmates qu'on porte sur nous pour la vie, comme un rappel constant de ce qu'on nous a volé. L'insouciance des jours heureux. Et qu'est-ce qu'il reste, ensuite ?
Dix ans plus tard, les marques brûlent encore.
Et c'est pas peu dire. Bran a grandi, évolué, muri et sans doute appris de bon nombre de ses expériences sans pour autant jamais réussir à l'oublier parfaitement. Dans un coin de son esprit, silencieux et discret, il ne s'est jamais vraiment effacé. Parfois, il y repense. Lorsqu'il se déshabille et qu'il croit percevoir encore les marques qui, jadis, coloraient sa peau. Il y avait eu des hématomes, plus importants que d'autres, mais pour tous, ils avaient fini par disparaître. On l'avait aimé, on l'avait cajolé, on l'avait réconforté. Parfois, on l'avait encore malmené. Il parait que la violence est une drogue, Bran en avait fait les frais. Incapable de se détacher de lui à temps pour éviter d'être marqué à vie, puis, incapable de renoncer à des hommes tout aussi dangereux parce qu'il est toujours plus simple de retrouver la chaleur réconfortante de vieux schémas qu'on connait.
Et puis Ekko.
C'est drôle à quel point tout le pousse toujours à réaliser à quel point cet homme avait changé la donne, redistribué les cartes. Il avait suffit de quelque mois pour que Bran ait enfin conscience de ce qu'il méritait et de ce à quoi il avait droit. On imagine pas les séquelles que laissent une relation toxique, on en entend parler souvent mais sans le vivre, difficile d'envisager toutes les retombées. Bran en avait soupé d'être mal aimé par des hommes en manque de reconnaissance et d'attention. De ceux qui préféraient passer leur nerfs sur lui pour justifier de leurs propres incompétences. Bran en avait bouffé des reproches au réveil, au coucher et au dîner. Jamais assez bien pour personne mais suffisant pour qu'on se serve de lui comme d'un vulgaire morceau de tissu pour essuyer une plaie. Ekko avait permis à Bran de dépasser cette triste réalité... être aimé comme il le fallait, dans le respect et la compréhension. Être élevé, être respecté.
Alors pourquoi, aujourd'hui encore, malgré la rupture et la distance, il avait une pensée pour lui. Pourquoi en quittant l'aquarium, scotché à son téléphone, il s'était amusé à googliser son nom pour savoir ce qu'il devenait. Par curiosité sans doute. Curiosité malsaine, s'il en est, ce besoin humain de contrôler ce que deviennent les gens qui, un jour, ont croisé notre route. Peut-être ce besoin pernicieux et égoïste de voir s'il s'en sortait mieux sans lui. A ce jeu, Bran était déçu. L'art de Karma avait explosé juste après leur histoire. Signe ou pas, il l'avait eu mauvaise de voir que cet homme, aussi dangereux soit-il, s'en sortait tout aussi bien sans lui. Egoïstement, il reprochait à Karma de n'avoir pas souffert de leur rupture comme lui avait pu en souffrir. Ouais, égoïstement.
Une minute suffit parfois.
Une minute pour penser à lui et pour fouiller la toile à la recherche des dernières nouveautés le concernant pour qu'il se matérialise brusquement au coin de la rue. Oui, une minute qui change tout, encore une fois. Lorsqu'il lève les yeux de son téléphone, peu fier de ce qu'il vient de faire, il s'étonne de voir apparaître l'homme qu'il a aimé. Mortifié, il s'arrêt net, fronce les sourcils pour s'assurer que sa vision ne lui joue pas des tours. Parfois, on pense à quelqu'un et on croit le voir, souvent, c'est une illusion. Alors il frotte ses yeux, une fois, deux fois, même trois. Mais l'image est là, elle devient même plus nette. L'homme s'est approché, l'homme l'a reconnu et soudain...
C'est comme si avant devenait maintenant.

trigger : mentions de violences conjugales

Just gonna stand there and watch me burn?
Well, that's alright, because I like the way it hurts
feat. @Karma Vaughn

Il tremble, c'est imperceptible mais c'est là, instinctif et ancré en lui. La simple vision de cet homme le rend nerveux, comme l'animal peureux qui voit s'approcher le prédateur. Bran. et quand il l'entend prononcer son prénom, c'est tout son coeur qui explose. Putain, ça fait mal, mal d'avoir à admettre que l'intonation de sa voix lui avait manqué. Cette violence sous-jacente, ce danger sous-entendu, cette adrénaline.
Des flashbacks qui reviennent en flux diffus sous ses paupières alors qu'il cligne de l'oeil, incapable d'esquisser le moindre mouvement pour esquiver cette rencontre qu'il n'espérait pas, qu'il n'attendait plus. Combien de temps ? Combien d'années ? Il le sait et c'est bien là toute la difficulté de cette situation. Le monde est foutrement petit, hein ? la voix n'a pas changé, l'allure non plus. La dégaine est toujours aussi virile et assurée, la démarche, le regard, la mâchoire.
Putain non, qu'il se dit en sentant le danger s'approcher.
C'est voir les nuages s'assombrir, sentir la pluie qui s'apprête à tomber et se sentir tout bonnement incapable d'aller se mettre à l'abri. C'est l'éclair qui menace de frapper, la foudre qui va tomber. Il sait qu'à rester stoïque, il se met lui même en position de faiblesse et pourtant, rien ne semble plus réagir. Un stop net, tétanisé. Karma. qu'il s'entend prononcer sans le lâcher du regard. Cinq lettres qui avaient fait autant de dégâts qu'elles lui avaient apporté du réconfort.
Et le prédateur s'avance.
Un pas, deux pas, sans renoncer, sans faiblir, sans vaciller. Il s'approche de plus en plus près mais Bran ne réagit pas. T'en as envie ? Peut-être... curiosité malsaine de voir ce qu'il va se passer. L'adrénaline qui fuse partout, son sang qui ne fait qu'un tour, ses tempes qui cognent. Il sait qu'il devrait partir, il aurait tout le temps pour le faire mais s'y refuse, comme buté.
Le prédateur se dresse, fort et fier.
Bran se sent vulnérable, petit.. leurs prunelles dansent, leur souffle se cogne. Il est si près qu'il lui suffirait de tendre le bras pour pouvoir dessiner du bout des doigts les pectoraux sous le vêtement. Il faut croire qu'on a fait le tour de la ville désormais. qu'il prononce, surpris par tant d'assurance. Une décennie à s'éviter, à choisir les endroits où sortir et lesquels fréquenter pour éviter cette confrontation et voilà qu'ils en étaient arrivés à bout. Il n'y avait plus assez de place pour eux, deux, ici.
Se croiser, c'est croiser le fer.
La bataille s'annonce rude, Bran en est conscient et pourtant, il en redemande presque. Le temps n'a eu d'effet que de l'éloigner de ces démons pour leur offrir ensuite plus d'espace pour revenir. La flamme brûle.
La rose fane mais pas ses épines.

trigger : mentions de violences conjugales

Just gonna stand there and watch me burn?
Well, that's alright, because I like the way it hurts
feat. @Karma Vaughn

Et ça s'arrête à ça, fatalement.
Des retrouvailles tendues, une atmosphère sombre, lourde. Bran a l'coeur en vrac, il va pas s'mentir. Guérit-on seulement de ce genre d'histoires ? Au fond, non. Il doit bien l'admettre. Karma au corps et au coeur, encore et encore. Tous les jours, tout le temps. Une cicatrice quelque part, entre le myocarde et l'épiderme. Et lorsqu'il pense à lui, il s'en veut, Bran. D'être faible au point d'avoir toujours ressenti le besoin d'un shoot de Karma comme d'un shoot de nicotine.
Suivre son parcours, sa progression.
Voir ce qu'il devenait, même sans lui. Douleur cuisante, c'est vrai, d'avoir toujours pu constater que malgré leur rupture, Karma avait réussi à s'en sortir. Après tout le mal que tu m'as fait, t'aurais dû sombrer, il l'avait souhaité... sans doute pas assez fort. L'un plus que l'autre. le ton est planté, dur et froid. C'est pire qu'un échange de lames, c'est pire qu'un duel. C'est un affrontement qui reprend et deux coeurs qui s'emballent.
Comme au premier jour.
Cercle vicieux et pernicieux. Il soupire, roulerait presque des yeux mais perd rapidement de sa substance face à l'homme qu'il craint depuis toujours, qu'il évite depuis des années. Donc on continue de parler de la pluie et du beau temps ou tu comptes avouer que je t'ai manqué ? il manque de s'étouffer. L'arrogance a toujours été un trait de caractère particulièrement marqué. Il pourrait être impressionné, l'danseur, et pourtant, il ressent comme un goût de déjà-vu. Dis-moi que t'as pas passé une seule journée, une seule putain de nuit sans te demander où j'étais. Dis-moi que t'as jamais regretté de m'avoir abandonné. alors il recule d'un pas. Simple auto-défense, simple auto-censure. Admettre quoi ? Qu'il a stalké plus que de raisons cet homme au cours des cinq dernières années. Pourquoi ? Espérer un retour en arrière ? Impossible... t'aurais pu te rendre compte que t'étais un connard et changer, venir me chercher, sauf que les connards, ça change pas. Je ne te dois rien Karma et encore moins une quelconque confession visant à nourrir ton égo puéril d'artiste. le ton est sec, il se veut simple et concis mais le léger trémolo trahit l'effet qu'il lui fait encore. J'ai arrêté de penser à toi à l'instant même où je t'ai retrouvé dans cette chambre de motel pour te quitter. il serre la mâchoire, il n'en pense pas un mot.
Peut-on seulement guérir de tout ça ?
Karma lui est resté marqué à l'encre indélébile. Ekko avait réussi à étouffer les cris, les regrets ou les remords. Ekko avait ouvert une autre porte, Bran s'y était engouffré et s'y était senti bien. Je croyais qu'avec l'âge, tu changerais.