(Isaac) Beautiful scars.

I'm not gonna fight back what I've become
I've got bruises where I came from
feat. @Isaac Evans

Routine ancrée et parfaitement maîtrisée, toujours. Comme une partition que l'on joue les yeux fermés. Il se lève, enfile ses affaires de sport, relève les e-mails sur son téléphone professionnel, répond rapidement en s'enfilant pancake et café avant de le poser sur le meuble de l'entrée et de s'en aller. Tous les matins, les mêmes gestes, la même habitude. Les chaussures légères, le bandeau sur la tête pour maintenir les cheveux en arrière, les écouteurs dans les oreilles et cette vieille playlist de collégien qui lui donne le courage d'affronter, chaque jour, une course d'un peu plus de quatre kilomètres.
Un besoin vital de se dépenser avant de commencer la journée. Toujours le même chemin emprunté, le même arrêt. Il traverse presque la ville, à lui tout seul. S'arrête dans le parc de Washington Square, boit une gorgée d'eau à la fontaine publique et fait quelques étirements. Puis, il emprunte le chemin inverse en courant, rentre à la maison, retire ses vêtements, prend une douche et commence enfin sa journée de travail.
Toujours répéter les mêmes gestes pour ne pas perdre le contrôle.
La vie est clémente, avec lui. Elle l'est depuis longtemps. Pas de coup bas, pas d'imprévus. Il déteste ça. Il fait d'son mieux pour éviter les surprises - bonnes ou mauvaises - c'est comme ça qu'il fonctionne. Alors quand il arrive au parc, ce matin là, il est de bonne humeur. Prêt à affronter chaque obstacle de sa journée pour retrouver ensuite Stella en soirée, manger avec elle et se coucher. Il n'imagine pas un instant que, brusquement, le cours des choses va changer. Non, quand il se penche à la fontaine, il est loin d'imaginer quel coup tordu on lui prépare. L'esprit ailleurs, les yeux clos, il ne voit pas la silhouette s'avancer vers lui. Le temps continue sa course, lui aussi.
Il relève la tête et soudainement, l'image devient nette. Trop pour le trader qui sent déjà sa routine lui échapper. Non, c'était pas prévu, pas de tomber sur lui, pas ici. Depuis le temps qu'il vient, même heure, même endroit, jamais encore il ne l'avait croisé. Alors pourquoi ce matin ? Pourquoi ses yeux se posent dans les siens et pourquoi son rythme cardiaque s'accélère, si brusquement qu'il en perd presque pied. Les jambes flageolantes, tremblantes, il recule d'un pas. Il pourrait fuir mais il s'en sent incapable. Tout ce qu'il arrive à faire, c'est formuler une phrase qui n'a aucun sens. Depuis quand tu cours ? presque agressive, presque arrogante. Une manière de se défendre, sans doute, de se tenir droit et prendre du recul. Isaac Evans, nemesis bien connu d'un coeur qui a aimé si longtemps, si fort et si mal. Il se rappelle de la douleur, elle ne l'a jamais quitté. Il n'a jamais aimé que deux personnes dans sa vie. Une vit encore avec lui aujourd'hui, l'autre se dresse là... comme sortie d'un vieux livre d'image.

L’année touche presque à sa fin, dans deux jours elle ne sera plus. Isaac a entièrement conscience de la chance qu’il a eu durant ces douze mois, du bonheur auquel il a goûté. Il y a un an, il était en miette, le cœur brisé après avoir découvert les vraies activités d’Aoden. Sa relation avait explosé en même temps que sa vision de la réalité et il ne savait ni comment lui faire confiance, ni comment couper les ponts. Finalement ses sentiments ont été plus forts, et après avoir décidé de lui donner une seconde chance, ils ont réussi à créer ensemble une réelle atmosphère familiale avec les enfants d’Ao et peut-être le leur qui naîtra un jour. Isaac se sent comblé, à sa place, et c’est une sensation qu’il n’a pas eu depuis bien longtemps. Mais avec cet amour et les fêtes de fin d’année, il doit bien avouer que son régime alimentaire a bien souffert. Pour faire plaisir aux personnes qui lui sont chères, il accepte parfois de cuisiner - voire de manger - gras et sucré. Il laisse ses légumes bios au placard et les graines avec. Il continue le sport, un peu, mais son corps lui souffle qu’il doit faire quelque chose pour changer ça. Alors il s’est levé tôt ce matin, bien décidé à abandonner l’amant au lit pour aller courir un peu. Ce n’est pas l’activité qu’il préfère, mais aujourd’hui le jour n’est pas encore assez avancé pour que les rues soient peuplées. Il n’y a pas grand monde et rapidement il peut atteindre le Washington Park pour profiter d’une nature un peu plus présente que dans les rues pavées.

Son premier arrêt se fait à la fontaine, dans l’idée de se désaltérer un peu après l’aller jusqu’ici. Elle est déjà occupée, un autre coureur matinal comme lui. Un homme qu’il reconnaît en étant encore loin. La carrure athlétique de Walt est gravée dans son esprit depuis leur première rencontre, presque vingt ans auparavant. Ils ont passé deux décennies à se croiser, s’enlacer, se lâcher. Leur dernière séparation fut cruelle, douloureuse et Isaac hésite quelques instants avant de s’approcher, mais finalement ses pas décide pour lui. Lorsque Walt se redresse, lui aussi le reconnaît tout de suite, mais ce n’est pas de la joie qui se dessine sur ses traits. Il le voit reculer, flancher et en mimétisme inversé, Isaac s’avance, tend les bras, comme pour le rattraper en cas de chute. Évidemment que ce n’est pas ce que Walt veut, ce n’est pas ce que ses yeux transmettent ou ce que ses yeux trahissent, mais Isaac agit tout de même, comme il le ferait avec n’importe qui finalement. Mais le regard un peu plus désolé, parce que c’est lui. « Tu vas bien ? » Ce n’est pas la bonne question, puisque la réponse transparaît de tous les pores du blond. Non, ça ne va pas. Non, il ne veut pas voir Isaac. Non, il n’a pas besoin d’aide. La question qui quitte ses lèvres à lui ne fait pas vraiment sens, elle déboussole le brun qui hausse doucement les épaules. « Euh, je cours de temps en temps. » Qu’est-ce que ça change en réalité ? Le fait est qu’il est là, face à lui, qu’importe s’il venait courir ou promener un chien. Il pourrait également sortir d’une très longue soirée et profiter de l’air frais avant d’aller se coucher. Les possibilités sont multiples et Walt ne peut pas toutes les connaître, puisque depuis leur séparation tant de choses ont changé. « Walt, ça va ? Tu es pâle. Tu devrais t’asseoir. » Et à nouveau Isaac s’approche, bien qu’il le fasse lentement pour ne pas le brusquer. Il tend la main, dans l’idée de la poser sur son bras pour le guider sur le banc près de la fontaine, mais une part de lui s’attend à ce qu’il ne se laisse pas faire.

I'm not gonna fight back what I've become
I've got bruises where I came from
feat. @Isaac Evans

Ils n'avaient jamais couru ensemble.
C'est un détail sans doute, mais ça signifie beaucoup pour Walt qui pratique le sport depuis bien longtemps et qui aurait adoré, en leur temps, pouvoir partager ça avec lui. Oui, en leur temps, puisque cette époque a belle et bien existé pour l'un comme pour l'autre. Ex, qu'est-ce qu'il peut détester ce terme. Antérieur, précédent, comme si on pouvait simplement décider qu'une personne existait avant pour ne plus exister aujourd'hui. Et s'il avait été tranquille toutes ces années, s'ils ne s'étaient pas revus depuis, Walt n'avait jamais oublié. Alors comment pouvoir le qualifier d'ex quand, dans son quotidien, il existait encore ? Putain, qu'il se murmure alors que l'homme s'avance vers lui, gentil, souriant, comme si tout était normal. Mais ça l'est pas, pas pour le trader qui sent ses muscles se relâcher, qui sent la terre tourner. C'est pas qu'il soit particulièrement fragile d'ordinaire mais ce choc-là, il aurait préféré mille fois se l'éviter. Tu vas bien ? l'intonation, le ton, il connait tout ça par coeur et son myocarde s'arrête, un bref instant. Parce que ça l'ramène à tous ces matins où cette même question était posée sur l'oreiller. Ces matins-là, ceux qu'il lui arrive encore de bénir. Quand il croyait que tout était possible, tout pouvait encore se réaliser. Il était heureux. Est-ce que tu l'sais, ça, combien j'étais heureux ? Non, sans doute que non. Euh, je cours de temps en temps. une simple réponse, un peu mal à l'aise et maladroite mais rien de transcendant. Mais c'est déjà trop. Pourquoi tu n'as jamais couru avec moi ? qu'il crève d'envie de lui dire mais sa main trouver la fontaine juste derrière lui pour y prendre appui. L'effort a été important, juste avant. Un effort physique combiné à un choc émotionnel, c'est pas bon du tout. Ses genoux se plient légèrement, son corps tremble. Walt, ça va ? Tu es pâle. Tu devrais t’asseoir. et il s'avance, tend la main. Le trader recule d'un pas, se cogne contre la fontaine et jure entre ses dents. Tout mais pas ça, surtout pas ça. Je... non, ça va. qu'il dit, articule difficilement. Il baisse la tête, ferme les yeux. Respire mon vieux, respire qu'il se dit en silence. Il pose sa main libre sur un genou, reprend consistance du mieux qu'il le peut. Je me suis arrêté trop vite, j'ai la tête qui tourne, mais ça va. non, c'est mon coeur qui s'éclate contre ma cage thoracique, parce qu'il crève d'envie de te sauter à la gorge et de t'étrangler mais ça... non, ça il le dit pas. Quand il relève la tête, il va un peu mieux, même s'il est toujours aussi livide. T'as toujours refusé de m'accompagner courir. qu'il prononce, en le fusillant légèrement du regard, fronçant franchement les sourcils. Ouais, tu voulais pas, alors c'est peut-être qu'un détail, mais ça veut dire beaucoup pour Walt.

Les erreurs sont les siennes, entièrement, mais Isaac ne réalise même pas à quel point il a pu faire du mal à Walt. À quelle fréquence il a martyrisé son coeur et brisé ses sourires. S'il savait, il aurait tout fait différemment, aurait essayé de lui donner ce qu'il attendait ou au contraire, de le laisser filer entre ses doigts avant qu'il ne soit trop tard. Jamais ça n'a été son intention de le blesser, pas alors qu'il a été le premier pour qui il a développé quelques sentiments. Ils se comptent sur les doigts d'une seule main ceux qui ont eu une réelle importance dans le cœur du musicien, et Walt a eu une place de choix. Une place qu'Isaac n'a pas oublié, mais il doit bien se rendre à l'évidence qu'il a été trop idiot pour comprendre ce qu'il faisait en s'éloignant une nouvelle fois du blond. Où en seraient-ils aujourd'hui s'il l'avait laissé prendre soin de lui après le décès de Casey ? Marié peut-être, parents… Dans une réalité qui lui semble bien lointaine et qui, aujourd'hui, près de cette fontaine, ne pourrait être plus illusoire. Walt pâlit à vue d'œil, inquiétant le brun qui se rapproche pour ne se prendre qu'un rejet cuisant. « Je peux faire quelque chose ? » Venant de lui aucune aide ne sera la bienvenue, mais il n'y pense pas à cela Isaac. Il propose juste, détestant l'idée qu'il n'aille pas bien. Mais le regard noir du blond lui indique bien qu'il ne peut rien faire, et la remarque qu'il fait désarçonne Isaac. « Je… » Cette fois c'est à lui d'hésiter. Il ne s'attendait pas à ce reproche-là, entre tous ceux que Walt pourrait lui faire. « Je ne courais pas quand on était ensemble… j'en avais pas besoin. » Son regard se baisse, c'est là-dessus qu'Isaac se sent gêné. L'homme que Walt connaissait n'existe plus vraiment. Il a été remplacé par quelqu'un de bien plus effrayé, réfléchi, poule-mouillée en quelque sorte. S'il cours parfois, c'est pour tenter de semer des démons qu'il n'avait pas à l'époque où il s'endormait dans les bras de Walt. « Je me suis mis au sport après le décès de Casey. J'avais besoin de… sentir que mon corps allait bien. » Rien de gras, rien de sucré, pas trop d'alcool non plus… une vie assez monotone mais qui lui convient ainsi. « Et puis je préférais largement te regarder revenir de ton footing… » tente-t-il avec un sourire en coin. La blague ne sera sans doute pas bien accueillie, parce qu'ils n'ont pas rompu à cause d'un malentendu quelconque. C'était son choix à lui, lui qui n'a pas voulu accepter l'aide et la tendresse offerte par Walt. Il n'a plus le droit de commenter sur les bons moments qu'ils ont vécu ensemble.

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I've got bruises where I came from
feat. @Isaac Evans

Je peux faire quelque chose ? Sinon remonter le temps et nous empêcher d'exploser en plein vol ? non, c'est ce qui lui brûle les lèvres et pourtant, il ne prononce aucun mot, aucun son. Non, il se contente de reprendre son souffle sans même attendre d'Isaac quoi que ce soit de plus. Il profite de ce laps de temps pour remettre de l'ordre dans ses pensées, laisser derrière lui tout ce qu'il croyait avoir oublié mais qui lui saute en pleine tronche rien qu'à le revoir. Neuf ans déjà, le temps défile et file. Il s'en était passé des choses depuis, pour l'un, comme pour l'autre. Et pourtant, c'est juste hier que tu me brisais le coeur qu'il pourrait prétendre, le trader dans cette situation loin d'être confortable. Et tout ce qu'il trouve à dire, c'est en lien avec une pratique sportive incohérente et sans aucune raison. Je… il bégaie, pris au dépourvu. Comment pourrait-il en être autrement ? Il s'attend sans doute à ce que je l'abreuve de reproches, mais non. Walt a fait son deuil, du mieux qu'il a pu. Il a appris à restaurer sa confiance en l'autre, cette confiance qu'Isaac avait piétinée. Je ne courais pas quand on était ensemble… j'en avais pas besoin. Je me suis mis au sport après le décès de Casey. J'avais besoin de… sentir que mon corps allait bien. il l'observe ronronner, prétendre, trouver quelque chose à dire qui vaille le coup d'être entendu. Walt, il roulerait presque des yeux. A peine retrouvés qu'il pose à nouveau le décès de son frère entre eux. Ce même sujet qui les avait déjà éloignés. Merci pour le souvenir, ironiquement, c'est ce qu'il pense tout bas. Pour autant, il n'ose rien dire, rien répondre. De toute manière, ça servirait à rien. Ils ont pris des chemins différents, c'est tout. Et puis je préférais largement te regarder revenir de ton footing… le sourire qu'il affiche, même léger, n'a que le don d'agacer Walt qui, furieux, recule d'un pas en le fusillant du regard. Donc tu trouves ça marrant ? qu'il lui demande, sans équivoque, sans même prendre de gants. Parce que la situation, lui, le dépasse. Il n'espérait pas ses retrouvailles, il ne les attendait même pas. Il avait appris à vivre avec une moitié de myocarde dérobée. Isaac était parti, c'est tout. Pourquoi il est là alors ? C'est chouette, donc on se taquine maintenant ? Neuf ans plus tard, tu me diras, c'est le moment où jamais de devenir potes. c'est pas très sympa, sans doute un peu acide.. la rancoeur est là, elle le sera toujours. Il passe une main dans ses cheveux, ça y est, il a retrouvé toute sa consistance le blond.