Pomme de discorde (Wilma / Luna)

L'odeur agréable de ma tarte aux pommes tout juste sortie du four embaume délicatement mon studio de ses notes sucrées et fruitées, apportant une sensation d’apaisement et de bien-être presque immédiatement. C'est une odeur qui ramène à l'enfance, telle une madeleine de Proust. Qui, enfant, n'a pas mangé une tarte aux pommes sortie du four ? Cela rapporte indéniablement des souvenirs et un certain confort. Tout du moins, quand on aime les tartes aux pommes bien entendu. Quand Wilma vient passer un peu de temps chez moi, j'aime prendre soin d'elle, la bichonner avec de bons petits plats simples mais efficaces. Au début de notre relation, je ne pouvais pas vraiment la gâter comme je le désirais, mais les choses ont changés. Et mon mode de vie aussi. Notre vie, tout simplement, à changé.

Les mois semblent être passés si vite, avec leur lot d'émotions et d'expérience dans notre nouvelle vie à deux. Enfin, à deux, pas totalement. Nous n'habitons toujours pas ensemble, et c'est une chose à laquelle je pense de plus en plus souvent. Loin de moi l'envie de la brusquer, ou de lui imposer ma présence permanente en proposant que nous nous trouvions un logement pour nous installer ensemble, mais j'aimerai au moins avoir l'opportunité que nous en parlions. Or, Wilma n'est pas très loquace à ce sujet qui est la plupart du temps évité pour passer à autre chose, à mon plus grand désarroi. Toujours est-il qu'aujourd'hui encore, à l'étroit à deux dans ce petit studio, c'est à nouveau quelque chose qui me travail. Mais n'ayant pas envie d'encore l'embêter avec ça, je choisi de me taire pour l'instant. Au moins que nous puissions manger notre dessert en paix.

« Et voilà la plus belle part pour la plus belle femme de la Nouvelle-Orléans ! » Je rigole et me penche pour réclamer un baiser tout en lui donnant son assiette avant de me servir aussi et de m'asseoir à ses côtés sur le petit comptoir de ma petite cuisinette.

Avoir la femme que j'aime à mes côtés est probablement le plaisir le plus simple mais le plus puissant qui existe, ma main se posant naturellement sur sa cuisse dans un désir perpétuel d'avoir un contact avec elle. Comme pour me rassurer que sa présence est bien réelle. Wilma dégage toujours cette image d'une femme forte et fière, affrontant le monde sans peur, toujours en gardant cette petite touche espiègle dans son regard. Elle n'est pas seulement magnifique, elle est aussi drôle et attachante, et avec les mois j'ai appris à apprécier ses qualités autant que ses défauts. Mais pouvons-nous parler de défauts ? J'imagine oui, nous en avons tous. Mais les siens m'apparaissent juste comme une part d'elle que j'accepte sans problème. Et ici, ensemble, je me sens tout simplement à ma place. En fait, du moment qu'elle est à mes côtés, je me sentirais toujours à ma place.

« Alors, cette tarte ? Réussie ? » J'espère que la réponse sera positive, pour qu'elle soit dans de bonnes condition pour la suite... J'aimerai bien que Viktor m'aide un peu sur ce coup là, mais malheureusement il fera comme toujours, il gardera le silence ! Et moi, je devrais bien réussir à trouver un moyen d'aborder le sujet. « Tu sais, j'ai réfléchis et... Comme tous les ans, avant le début de l'été, je dois dire à la compagnie de logement si je renouvelle ou non mon bail pour un an. Alors je me disais que peut-être, on pourrait commencer à parler... D'une autre option ensemble ? Tu vois ? »

Ok c'est un moyen détourné d'aborder le sujet en douceur mais tout de même...             

Cette femme va me rendre folle. Ses paroles suaves, ses allusions, sa manière de m'embrasser avec envie... Elle fait monter en moi l'envie, allumant cette petite flamme qui serre mon bas-ventre, et il suffirait de peu pour que je cède à ses intentions intimes. Regard de braise, pupilles dilatés, souffle court, mes lèvres en redemande. Wilma à ce don incroyable, celui de me rendre si vulnérable, tout en gardant cette humour qui lui est propre, celui qui a participé à grande échelle à me séduire lors de notre rencontre. Cette légèreté allié à ce côté sûr d'elle, à cette force permanente qu'elle dégage. Oui, cette femme va avoir ma peau !

« Je pourrais dire de même... Tes lèvres sucrées sont un véritable délice, je crois bien d'ailleurs que j'en suis totalement accro. Il va falloir que je réclame encore un peu leur attention, sinon je risque de vite finir en manque... »

En manque de ses lèvres. De son touché. De sa peau glissant contre la mienne. En manque d'elle, tout simplement. Mais avant cela, j'aimerai vraiment aborder le sujet qui me tracasse et qui me tient à cœur. Je pense sincèrement que c'est important qu'on arrive à avoir cette discussion. Alors je fini par me lancer, mais avec délicatesse. De manière détournée pour ne pas la brusquer. Malheureusement, je vois bien que son regard change, je sens qu'elle braque directement, et bien malgré je lâche un petit soupir de dépit. Cela s'annonce une nouvelle fois compliqué, elle détourne le sujet. Je sais qu'elle sait de quoi je parle. Pourtant, elle part sur autre chose pour ne pas rentrer dans le vif du sujet. Ma main libre passe maladroitement dans mes cheveux, essayant de trouver une parade, un moyen d'y arriver sans être trop brusque.

« Eh bien, oui, le fait d'avoir eut mon diplôme joue un peu... J'ai les moyens de trouver un peu plus grand maintenant. Ici, je manque de place. C'était déjà délicat d'étudier, mais je m'en accommodais je ne pouvais pas faire autrement. Maintenant, c'est difficile avec tout mon travail de prof. J'ai besoin d'un peu plus d'espace... Et aussi d'avoir plus d'espace pour profiter pleinement avec toi. Tu comprends ? »

Je me lève pour débarrasser nos assiettes et ranger ce qu'il reste de tarte avant de revenir près d'elle. Wilma toujours assise, je me met debout à ses côtés, enroulant mes bras autour de ses épaules pour embrasser son front. J'aime tellement la sentir près de moi. Nous ne pouvons pas nous voir tous les jours puisque nous n'habitons pas ensemble et nous avons nos obligations professionnelles. Mais si nous emménageons ensemble, nous sommes sûr d'être ensemble tous les jours, je pourrais dormir à ses côtés, être là à son réveil... C'est un pas en avant dans notre relation, une étape importante. Certes c'est une étape qui chamboule la vie d'un couple, mais elle permet d'avancer à deux. C'est le but d'un couple non ? Nos sentiments sont sincères, notre relation se passe très bien, elle est plutôt paisible. Alors je n'ai pas d'inquiétude quant à un emménagement ensemble.

« Je me dis... Wilma on pourrait par exemple... Réfléchir à trouver quelque chose ensemble ? Tu ne crois pas que ça serait une bonne idée ? C'est l'occasion... »              

Je ne sais pas trop pourquoi elle tient tant à éviter le sujet, si c'est la peur de l'engagement ou simplement un désir de garder son chez elle, mais j'aimerai au moins qu'elle aborde le sujet, et qu'elle ne le fuit pas. Je pense être compréhensive, je peux m'adapter à elle. Mais encore faut-il qu'elle me parle... Je n'ai jamais insisté pour connaître les détails mystérieux de sa vie avant notre rencontre, mais je sais qu'il y a quelque chose. C'est ma petite-amie, je peux le sentir. Mais je n'insiste pas, cela doit venir d'elle. Alors, j'aimerai au moins qu'elle essaie aussi de comprendre mon besoin d'avoir cette conversation, et de se projeter ensemble sur notre avenir à deux.       

Les choses ne passent pas vraiment comme espérées. Encore. Déjà parce que ça manière d'être, de me regarder, de me toucher, en plus de ses mimiques, me donne envie de lui sauter dessus. Mais aussi parce que visiblement elle semble décidée à trouver des excuses pour que je reste. Certes je ne suis pas non plus dans un petit cagibi, et bien sûr que rien ne dépasse puisque je suis quand même quelqu'un d'ordonnée et de toute façon je n'ai pas beaucoup d'affaires... De là à dire que je ne manque pas de place... Bon, son point sur le fait d'avoir plus de proximité et d'être collées est plutôt intéressant. Mais hey, je compte bien la coller aussi dans un appartement plus grand où j'habiterai avec elle.  

« Tu avoueras qu'en même temps, je n'ai pas vraiment beaucoup d'affaires à faire dépasser d'où que ce soit... Je ne croule pas sous les vêtements ou autres babioles... » 

Déjà parce que je n'avais pas les moyens jusqu'à il y a peu de faire des folies, même mon vieux sac me sert toujours malgré son état plus que discutable. Mais aussi parce que je ne suis pas le genre de fille à collectionner trente paires de chaussures mais plutôt des crânes et des épées. Enfin bon, là n'est pas le sujet, j'essaie simplement de lui faire comprendre que c'est avec elle que je veux vivre. Au fond même si on se retrouve dans un endroit pas très grand je m'en fiche du moment que je suis avec elle.  Je soupir un peu, ne sachant plus trop par quel bout prendre la chose. Son excuse de nos souvenirs ici est compréhensible, mais clairement pas suffisante pour justifier un refus de ne serait-ce que discuter d'emménager ensemble. J'ai l'impression assez désagréable qu'elle cherche la moindre excuse pour éviter le sujet de manière directe. Comme si toutes les raisons, même les plus improbables, pouvaient justifier du fait que ce n'est pas le moment pour nous de songer à ça. Et j'avoue que ce sentiment m'ennuie un peu. Je me décale donc un peu d'elle, à regret, pour retourner m'asseoir à ses côtés, essayant de garder tout de même une certaine diplomatie.

« Écoute Wilma, si on suit ta logique cet appartement je n'en partirai jamais car c'est ici qu'il y a nos premiers souvenirs. J'en conviens ils sont importants, mais ils sont avant tout en nous, dans notre mémoire. Et je ne compte pas passer ma vie dans ce petit studio étudiant je vais finir folle tu comprends ? Je ne sais pas comment te faire comprendre que j'ai envie qu'on réfléchisse à autre chose, qu'on fasse avancer notre relation avec un autre genre d'engagement... »

Je ne veux pas la brusquer, et encore moins l'obliger à quoi que ce soit. Je ne suis pas en train de dire qu'on doit obligatoirement emménager ensemble avant l'été. Ni même obligatoirement cette année. Je veux surtout qu'on arrive au moins à aborder le sujet, et à se mettre d'accord sur nos envies concernant le futur de notre relation. Entre elle et moi, je veux du sérieux, du durable. Je me vois vivre avec elle, que ce soit en maison ou en appartement peu m'importe. Je veux que son visage soit la dernière chose que je vois en allant me coucher, et la première en me réveillant. J'ai besoin de sentir qu'elle aussi, elle a envie que notre relation soit durable, sérieuse, et engagée.

« Wilma... Je ne dis pas qu'on doit obligatoirement emménager ensemble dans les mois à venir. Je veux juste qu'on aborde cette possibilité pour notre avenir proche. C'est important pour moi, car je t'aime, Wilma. Mais... À chaque fois que j'essaie d'aborder la chose, tu esquive. J'ai parfois l'impression que tu n'as pas envie de t'engager avec moi... Du moins pas de cette manière. »

J'avoue être un peu vexée... Je veux juste qu'elle accepte qu'on en parle et qu'on étudie la chose. C'est tout...

De toute évidence, il s'agit du moment le plus tendu depuis le début de notre relation. On est encore loin de la dispute déchirante que peuvent avoir certains couples, mais nous avons tout de même un vrai différent. Un différent qui est un brin vexant pour moi car je n'arrive pas à comprendre le fond de sa pensée. Ma douce Wilma peut parfois être si mystérieuse. Alors j'essaie tant bien que mal d'être claire sans la brusquer, sans trop en faire, sans être dramatique, mais au moins pour que nous puissions avancer. Et je peux bien le voir dans son regard, mes paroles font leur chemin. Elle écoute. Elle analyse. Elle réfléchis. Les choses ne sont pas simples, mais nous avançons, petit pas par petit pas.

Ses mains prenant les miennes, je vois bien que le sujet va enfin être abordé de manière clair et sérieuse de sa part. Je sais bien qu'elle a du mal à s'ouvrir, mais je pense qu'en cet instant, c'est important. Et je crois que même dans mes rêves les plus fous, je n'aurai pas pu rêver mieux que ce qu'elle me réserve. Avec beaucoup d'attention, j'écoute ce qu'elle me dit, mes yeux s'humidifiant de plus en plus. Pas de tristesse, mais d'émotion. Jamais, absolument jamais, personne ne m'avait parlé de la sorte. Personne ne m'a jamais fait une telle déclaration. Démontré autant d'amour, de passion. Et qu'importe son refus d'emménager ensemble pour le moment, ses paroles viennent du cœur et sont parfaitement sincères, cela crève les yeux. Elle sait me toucher comme personne avant elle, la flèche de Cupidon semblant à nouveau me transpercer la poitrine avec une efficacité redoutable. À tel point que je laisse passer quelques secondes après sa déclaration pour reprendre mes esprits, plantant mes yeux émeraudes dans les siens. Puis mes mains viennent se saisir de son visage en collant mon front contre le sien, mon pouce séchant délicatement sa joue. Serais-je un jour en mesure de trouver les bons mots pour lui faire comprendre à quel point je l'aime ?

« Tu auras tout le temps dont tu as besoin, Wilma. Je te le promet. Tout ce que je voulais, c'est qu'on puisse au moins en parler ensemble, que tu t'ouvres à moi. Et jamais je n'aurai pu rêver meilleure réponse de ta part... » Mes lèvres viennent capturer les siennes dans un baiser incroyablement intense, et je me retrouve à califourchon sur elle, n'ayant plus qu'une seule envie : ne surtout pas me détacher d'elle. « Je vais faire renouveler mon bail pour un an de plus... Ça nous laisse le temps de nous faire pleins d'autres souvenir dedans... »

Tout en l'embrassant à nouveau, je commence à défaire avec hâte les boutons de ma chemisette qui finit rapidement retirée et quelque part au sol dans ma cuisine, mes mains attirant Wilma debout avec moi pour la pousser doucement contre le comptoir. Cette femme me rend complètement folle... Reprendre une vie sexuelle avec elle fut une vraie renaissance dans ma vie intime, tout ça grâce à sa patience, et jamais je n'aurai cru possible de retrouver confiance en moi dans ce domaine. Et maintenant, voilà que j'ai tellement envie d'elle que je n'arrive même plus à réfléchir, laissant simplement mon corps répondre à ce besoin intense de l'aimer et de me sentir aimer en retour... Si nos disputes finissent toujours comme ça, je veux bien en avoir une de temps en temps !