Des choses à te dire (Elton)

Tant de choses à te dire
Mais tu ne m'entendras pas
Parce que tu n'es plus là
feat. @Elton Collins

Depuis combien de temps ne s'étaient-ils pas revus ? Des semaines, sans doute, eux qui passent le plus clair de leur temps à communiquer se sont retrouvés, brutalement, projetés dans un silence que Theo avait provoqué. Pourquoi ? Sans doute parce qu'il avait peur d'avoir à admettre devant son ami de toujours l'échec de son mariage... plus que ça, il avait peur d'avoir à lui expliquer pourquoi, brusquement, il avait ressenti le besoin, à quarante piges, de tout envoyer balader. Pour lui ? Non, ça serait sans doute lui mettre trop de pression et puis, il ne s'est jamais rien passé qui puisse clairement interprété comme des avances ou de la réciprocité. Non, ils sont amis et ça lui crève le coeur d'avoir à admettre qu'ils ne seront sans doute jamais rien de plus.
Alors il avait retardé l'échéance, en se murant dans un silence qu'Elton ne devait sans doute pas comprendre. Il y avait eu des messages mais c'était resté assez évasif, assez distant. Theo avait changé, il le remarquait bien. De sa situation professionnelle et personnelle, il ne restait plus rien de ce qu'Elton connaissait. Le Theo riche et sérieux avait laissé place à un Theo plus serein, tranquille et cool qui avait troqué sa casquette d'éminent scientifique et conférencier pour devenir garde-chasse. C'était pas commun, c'était même étonnant mais ça lui faisait du bien. Est-ce qu'Elton comprendrait ? Bien sûr, il n'en doutait pas. Le problème serait la réponse à apporter lorsque, naturellement, son meilleur ami lui demanderait :
Pourquoi ?
Car à cette question, il était tout bonnement incapable de répondre sans trahir ce qu'il croyait ressentir désormais. Mettre à mal leur amitié lui était inconcevable, aussi, venir frapper à sa porte aujourd'hui était un effort considérable pour le garde-chasse qui mettait de côté ses appréhensions pour renouer avec son meilleur ami. Lorsque la porte s'ouvre sur un Elton à l'allure plutôt fatiguée, Theo esquisse l'ombre d'un sourire. Bah toi mon vieux, t'as une sale gueule. qu'il s'entend lui dire, taquin. Leur complicité lui manque, c'est vrai. Leurs habitudes aussi. Le fait de ne pas l'avoir physiquement étreint depuis des semaines lui paraissait un cauchemar dont il ne se réveillait pas mais face à lui, il est désormais maladroit. T'as mal dormi ? qu'il se surprend à lui demander sans forcer le sourire, réelle inquiétude dans le trémolo de sa voix. L'ami, avant tout. Parce que c'est ce qu'ils ont toujours été, jusqu'à présent.
Tout ce qu'ils seront toujours, n'est-ce pas ?

Tant de choses à te dire
Mais tu ne m'entendras pas
Parce que tu n'es plus là
feat. @Theo Nowak

Il y avait ce silence. Un silence qui n’arrivait jamais. Même lorsque tu partais loin sur l’océan. Tu arrivais toujours à lui donner de tes nouvelles. Oui, vous arriviez toujours à vous parler, des sms ici et là, et même parfois, si besoin, un appel téléphonique. Mais là, là. Il y avait ce silence que tu ne comprenais pas vraiment. Parce que ça n’arrivait jamais. Et que t’avais beau essayer de le contacter, il n’y avait aucune réponse. Enfin, en tout cas, pas celles que tu attendais. Alors, tu t’inquiétais. Pour lui. Parce que tu ne comprenais pas. Parce que tu ne savais pas ce qu’il se passait pour qu’une telle chose arrive. Et c’était si rare que tu ne saches pas ce qu’il se passe. En tout cas, à son propos. Parce que vous étiez comme ça. Parce qu’il était sûrement la personne la plus importante pour toi dans ce monde. Non, pas sûrement. Il l’était. Oui, juste ça.

Alors, tu avais fait la seule chose que tu savais le mieux faire lorsque tes pensées ne voulaient plus s’arrêter, lorsque ton cerveau tournait en rond encore et encore. Oui, tu t’étais plongé corps et âme, encore plus, dans ton travail, dans ton militantisme. À passer des nuits sur de nouvelles études, de nouvelles demandes. À passer tes soirées au sport, aussi. Pour dépenser encore plus toute cette énergie qui débordait dans ta tête. Alors que ton corps, lui, fatiguait sous cette routine. Mais, tu n’avais pas de nouvelle. Pas de nouvelle. Et tu ne pouvais pas, Elton, te recroqueviller là, dans le fond de ton lit, des sanglots entre tes lèvres. Oui, tu ne pouvais pas faire ça. Tu n’étais pas un enfant. Alors, juste t’épuiser, encore et encore.

T’épuiser à t’écrouler sur ton lit tard le soir, ou tôt le matin, d’un sommeil pas si réparateur que ça. Alors, quand tu t’étais réveillé ce matin, t’avais juste grogné. Grogné de te sentir ainsi. Grogné de ressentir tout ça. Et pourtant, tu t’étais juste levé, tel un robot. Un t-shirt et un boxer sur ton corps alors que tu te dirigeais vers la cuisine, mettant le café à couler rapidement. Normalement, tu n’en buvais pas tant que ça. Non. Mais, en ce moment, c’était presque devenu ta drogue du matin. Et l’odeur qui glisse dans l’air alors que tu passes une main dans tes cheveux en pagailles. Tu ne sais pas encore trop ce que tu vas faire aujourd’hui. Non. Mais, là, ça toque à ta porte. Le bruit te fait même sursauter alors que tes sourcils se froncent. Tu ne sais pas quelle heure il est. Tu n’as même pas regardé en te levant. Mais, tu es sûr d’une chose, c’est que tu n’attends personne.

Un pas, puis un autre. Les clés qui tournent pour ouvrir et doucement, tu tires la poignée et la porte vers toi. Et soudainement, il est là. Celui qui hante tes pensées. Celui qui t’empêche de dormir. Celui qui… Et tu ne sais pas comment réagir. Tu l’entends parler, le vois. Et tu ne sais pas comme réagir. Tu as envie de le pousser, de crier sur lui. Pour qu’il sache à quel point tu t’inquiètes. À quel point il a fait de ta vie un enfer. Et d’un autre côté, tu es celui qui s’est mis dans cet état. Oui. Tout seul. Tout seul parce qu’il est si précieux à tes yeux. Alors, tu oublies la colère. Lui lances un sourire un peu grimace alors que ta main retourne ébouriffer tes cheveux. « Oué... Pleins de taff» Et ta voix sort bien plus enrouée que tu ne l’aurais cru, te gratter la gorge. Et sourire un peu mieux. Et puis, céder à la deuxième envie. Celle qui peut mieux passer que la colère. Oui, céder alors que tu l’attrapes, le rapproches et le tires contre toi. Là. Contre ta poitrine. Un bras autour de ses épaules. Tu fais comme si, non, tu ne le sentais pas. « Je suis content de te voir ! » Tu te recules, lui souris plus franchement et t’écartes doucement pour le laisser entrer. « J’étais en train de faire du café. Tu en veux ? » Refermer derrière vous et repasser devant pour aller à la cuisine. Tourner ta tête vers l’arrière pour le regarder. « Et toi, ça va ? Tu... » Froncer les sourcils, chercher un peu tes mots. « Tu as été plutôt silencieux. Je me suis un peu inquiété. » Doucement, tu attrapes deux tasses dans lesquelles tu commences à servir le café. Putain. Il est là. Juste là. Et comme par magie, tout va mieux. Tellement mieux.

Tant de choses à te dire
Mais tu ne m'entendras pas
Parce que tu n'es plus là
feat. @Elton Collins

Le problème, c'est pas tant qu'il ait décidé de foutre toute sa vie en l'air à quarante piges pour tout recommencer. Il se doute bien que même s'il sera surpris, son meilleur ami saura lui témoigner tout son soutien et surtout l'encourager à explorer toutes les voies possibles pour qu'il puisse s'épanouir un maximum. Bien sûr, il sait également que même si l'annonce de son prochain divorce risque de faire froncer les sourcils d'Elton, Theo sait pertinemment que tout ce que saurait faire son meilleur ami sera de l'ordre de l'empathie et la compassion.
Alors pourquoi avoir attendu aussi longtemps ?
Parce qu'il craint que les raisons ne l'effraient, surtout. Parce qu'en réalité, ils se connaissent depuis si longtemps que Theo n'comprend pas comment Elton n'a jamais pu remarquer qu'il prenait une mauvaise direction en décidant d'épouser une femme. C'est vrai ça, ils se connaissent par coeur après tout, Elton aurait dû voir tout ce que Theo n'avait jamais. Le fait qu'il se rende compte de son homosexualité aussi tard, c'était déjà un poids pour le jeune garde-chasse mais avoir à admettre à son meilleur qu'il s'était trompé toutes ces années, c'était d'autant plus compliqué que ça ressemblait clairement à un échec... et les échecs, dans leur milieu, c'est pas vraiment ce qu'il y a de plus honorable, n'est-ce pas ?
Il avait instauré de la distance avec Elton, à contre-coeur. Parce qu'il avait peur de sa réaction, qu'il avait peur de le décevoir ou, pire encore, de le perdre. Pourtant, lorsque ce dernier ouvre la porte, vêtu d'un simple boxer et d'un t-shirt, son myocarde vacille et tremble, sa peau se réchauffe instinctivement. Oué... Pleins de taff. finalement, Elton rompt la distance naturellement en s'approchant et l'attirant dans ses bras. un contact familier et simple, naturel même, qui aujourd'hui prenait une tournure plus ou moins différente pour Theo. Au delà de son orientation nouvelle, il y avait également ces sentiments qui le torturaient à l'égard de son meilleur ami, depuis quelques temps. Je suis content de te voir ! il se recule, l'invite à entrer. Theo sourit, malgré lui, rougissant même un peu. Moi aussi. qu'il répond timidement alors qu'Elton enchaîne déjà. J’étais en train de faire du café. Tu en veux ? Un simple oui de la tête alors qu'il suit son ami jusqu'à la cuisine. Et toi, ça va ? Tu... petite pause gênée Tu as été plutôt silencieux. Je me suis un peu inquiété. Theo prend place au comptoir, regarde la tasse se remplir et sent déjà son estomac se nouer. Silencieux, c'est le mot parfait étant donné la situation. Est-ce que ça va ? il n'en sais rien, le garde chasse. Quelque part, il se sent libéré d'un poids qu'il porte depuis longtemps, de l'autre, il a peur de perdre ce confort qu'il connaissait si bien et ce qu'il y trouvait de rassurant. Il entoure la tasse de ses deux mains, sans regarder son ami. C'est vrai... il s'est passé pas mal de choses ces dernières semaines. qu'il commence, sans sourciller, sans jamais lever les yeux. Il hume le parfum du café, y trouve quelque chose de rassurant. Il regarde danser les vagues sombres avant de poursuivre : Sybil et moi allons divorcer. et voilà qu'il lève enfin les yeux vers son ami, lève également la tasse et prend une première gorgée dans une pause tragique au possible. Suspens à son comble ou juste pathétique espoir d'attirer un rien de compassion pour excuser son silence. La procédure est en cours. il ajoute en posant sa tasse à nouveau sur le comptoir. J'avais besoin de prendre un peu de distance avant de t'en parler, tu sais. La situation est assez tendue entre sa famille et la mienne, elle n'a pas encore trouvé le courage de leur en parler d'ailleurs. et quand il pense à Sybil, il se sent un peu mieux. Ils n'avaient jamais été partenaires avant, jusqu'à ce qu'ils décident de mettre un terme à cette mascarade. Depuis qu'ils ont prononcé le mot divorce c'est comme s'ils apprenaient enfin à se connaître et, Theo doit bien l'admettre, il n'a jamais aimé plus sa femme que depuis qu'il sait qu'il va la quitter.