Petite MAJ [Theo]

Petite MAJ

Avril 2023

Les doigts crispés contre l'émail de ton cabinet de toilette, tu fermais les yeux, tentant d'endiguer les salves de nausées te gagnant depuis plusieurs longues minutes maintenant, focalisant ton esprit sur la fraîcheur du carrelage sous tes jambes plutôt que sur l'acidité remontant le long de ton œsophage.
Les larmes aux yeux, tu faisais ton maximum pour te concentrer sur ta respiration. Inspirer, expirer. Par la bouche, pas par le nez. Jamais par le nez, au risque d’induire de nouveaux hauts le cœur.
Dieu que tu étais fatigué de ces états. Que tu détestais te sentir aussi faible, aussi à la merci de ces foutus traitements. La thérapie te rendait malade, mais tu savais que sans elle, les maux qui te rongeraient seraient bien pire que quelques problèmes intestinaux et fièvres passagères.
Au final, qu’est ce que quelques nausées et diarrhées contre une espérance de vie accrue ? D'autant que, si tu devais être tout à fait franc avec toi-même, tu n’avais pas attendu d’être malade pour vidanger régulièrement le contenu de ton estomac, loin s’en fallait… Ce n’était pas tant l’action de vomir, le problème, mais plutôt l’incertitude de quand ces nausées pourraient te gagner. Pour l’instant, tu étais toujours parvenu à les réfréner à force de mental et d’égo, mais que se passera-t-il le jour où elles seront plus fortes que toi ? Que feras-tu lorsque tu seras incapable de les endiguer face aux autres ou, pire, qu’elles t’étreindrons avec force et fracas en plein milieu d’un plaidoyer, sous l’oeil acéré de tes collègues et de la plèbe des tribunaux ?
Tu préférais ne même pas y penser.
Te traînant jusqu’à ton lavabo, tu attrapes ta brosse à dents et ton dentifrice, bien décidé à retirer toute trace de ton instant de faiblesse..
Te redressant avec lassitude, tu grimacas à ton reflet, constatant de tes cernes et de ton teint maladif que tu couvris d’une tonne de cosmétiques supposés cacher la misère de ton état avant de quitter ton domicile, direction celui de Theo.

Theo, un ami à toi ; pour autant que tu puisses considérer quiconque comme tel, tout prêt que tu étais à poignarder dans le dos quiconque serait susceptible de te rapporter un avantage conséquent.
Disons que, concernant Theo, l’avantage devrait être plus gros que pour d'autres avant que tu n’acceptes d’enfoncer la lame de la trahison dans sa chair.
Car au fond, tu l'aimais bien, Theo. Il était certes le fils de cet homme, de ce nouveau riche aux manières plus que rustres, il n’en restait pas moins l’héritier d’une certaine fortune qui, contrairement à son paternel, avait été baigné dans l'oisiveté suffisamment jeune pour en connaître la plupart des codes et éviter nombre des maladresses que son géniteur se plaisait à répéter.
Certes, il lui arrivait encore de faire des erreurs, de manquer certaines subtilités inhérentes à votre classe sociale, mais tu ne pouvais nier ses efforts pour en faire partie. Preuve en était, il s’était marié à une femme d’une noble famille, désireux de faire fructifier leur fortune familiale et de s’encrer une bonne fois pour toute dans la généalogie haristocratique actuelle. Il ne manquait plus qu’un héritier afin de finaliser cette adoption. Ce qui, tu n’en doutais pas, ne devrait pas trop tarder à arriver, d’une manière ou d’une autre.
Tout du moins, le pensais-tu, n’étant pas vraiment au courant des derniers potins le concernant.

Arrivé chez Theo et sa femme, tu appuyas ton doigt sur la sonnette, un sourire travaillé aux coins des lèvres, le visage d’apparance sereine, presque placide, de ce masque de normalité mondaine que tu enfilais chaque jour sitôt quitter l’intimité de ta salle de bain et tout les secrets qu’elle renfermait en son sein.
Lorsque finalement ton ami t’ouvrit, ton sourire s’agrandit d'un millimètre ou deux, signe pudique de ton appréciation d’être en sa présence. Le saluant d’un hochement de tête, tu tendis une main voulue sûre afin de serrer la sienne, d’une poigne là aussi savamment travaillée, couplant fermeté et chaleur.
Cela faisait plusieurs semaines, sinon plusieurs mois, que vous ne vous étiez pas vu, et d’un simple regard, tu remarquas quelque chose de changé chez lui, sans pourtant être capable de mettre un mot sur ce que cela pouvait être.
« Bonjour… Comment tu vas depuis le temps ? » Ponctuant tes mots d’un sourire, tu pénétras son appartement d’un pas sûr, observant les lieux avec une curiosité pudique. « Ta femme n’est pas là ? »

Codage par Libella sur Graphiorum

/ awards session

Why'd you have to go and make things so complicated?
I see the way you're acting like you're somebody else
feat. @Ulrich Von Kuffner

L'étiquette, c'est ce qu'on lui avait appris depuis ses onze ans. Et dieu sait qu'elle est importante, cette putain d'étiquette. Toujours collée à son cul comme une indication précise de qui il était. Fils de, nouveau riche, profiteur ou simple usurpateur. Le problème de l'étiquette, c'est qu'on ne choisit pas laquelle on nous colle ni qui peut y prétendre. Pour autant, il n'y a rien de plus important que cette dernière lorsqu'on évolue dans les hautes sphères de la Nouvelle-Orléans.
Elle est ce qui nous définit.
Elle est aussi ce qui peut nous détruire.
Complexité tordue d'un monde qu'il abhorre depuis la nuit des temps. Prétendre ou faire semblant, se pavaner avec une montre qui coûterait trois mois de salaires à un ouvrier juste pour prouver qu'on est à l'aise financièrement, qu'on peut prétendre à la sympathie de ces gens toujours plus hypocrites les uns que les autres. Depuis que la procédure du divorce avait été engagée, c'était simple, Theo s'était fait un point d'honneur à ne plus mettre les pieds dans ces endroits qu'il redoutait tant et qu'on lui avait imposé, toutes ces années, par la force des choses. Fils d'un père indigne, couronné de succès pour avoir un jour gratté le bon ticket et empoché une somme coquette. Fils d'un arnaqueur selon certains car à chercher l'approbation de ce monde et à constater qu'on ne décollerait jamais l'étiquette nouveaux riches de leur front, son père avait décidé de ne tout simplement plus suivre les codes qu'ils s'imposent. Les rois du monde, ceux qui observent les gens de haut et se gaussent de leur misère puisqu'ils n'ont à craindre de la vie que de s'étouffer à la lecture de leur relevé de compte.
Mais dans cet univers impitoyable, couvert de breloques et de fantaisies futiles, Theo avait rencontré des gens intéressants, à l'image de cet homme qui sonne à la porte de sa demeure. Ulrich Von Kuffner, un nom à coucher dehors, un éternuement même. Un mec aussi hautain que l'exige leur rang, un mec aussi détestable que le sont les autres mais qui, par bien des aspects, avait su s'attirer la sympathie d'un Theobald plutôt conquis par la prestance et l'aisance de cet homme qui évoluait sans aucune peine parmi les requins les plus puissants et dangereux de la Nouvelle Orléans. La poigne qu'il lui offre est virile, forte et témoin d'une force simple, assurée.
Bonjour… Comment tu vas depuis le temps ? il sourit, le garde-forestier. Depuis le temps, bien sûr, puisqu'il ne traîne plus dans ces soirées-là et qu'il éviter ces gens-là autant qu'il le peut, de peur de voir la réputation de Sybil réduite à néant s'ils venaient à apprendre leur réalité. Ta femme n’est pas là ? première inquisition, rien d'étonnant. La curiosité fait partie de ce monde, puisqu'on ne se nourrit pas de problèmes quotidiens à avoir les poches rembourrées de billets verres, on se nourrit des potins et des ragots qui se cachent derrière les portes parfaitement vernies des autres. Ulrich, quel plaisir. Oui, ça fait un bail bon sang, désolé... entre, je t'en prie. politesse, élégance, gentillesse, trois maîtres mots dans l'art de la séduction d'un riche pour éviter sous-entendus. Sybil est partie faire quelques emplettes en ville, tu connais. qu'il dit, inventant un faux prétexte à l'absence de cette femme qu'il s'apprête à divorcer. Tu veux boire quelque chose ? il ferme la porte derrière eux, inquiet.
Exercice de style, désormais.
Il va devoir prétendre plus qu'il n'a jamais dû le faire. Sybil n'en a toujours pas parlé à sa famille et Theo ne peut pas se permettre que cette dernière l'apprenne par quelqu'un d'autre que son ex-femme. Même s'il apprécie Ulrich, il va falloir être suffisamment alerte pour comprendre s'il peut, oui ou non, lui accorder une confiance sincère... l'examen débute, n'est-ce pas ?

/ awards session