MEERA › no rose without a thorn.

(genesis) les parents Thompson ignoraient qu'ils venaient de mettre au monde un petit être aussi turbulent. petite douceur aux allures de véritable poupon, se révèle avoir le diable au corps. à l'école, on sait que cet enfant ne tient pas en place. on parle de toi en mauvais termes, que certes tu es bien élevée mais tu es insupportable. toujours à cent à l'heure, incapable de tenir sur sa chaise et de suivre un cours. non. ce qu'ils sont ignares, ils ne savent pas que tu tentes de te faire ta place parmi cette aimante famille de cinq enfants. trop nombreuse famille ? peut-être mais qui a le droit de juger ? en tout les cas, il faut prendre le problème à bras-le-corps. comme ils disent. (catharsis) tu as rencontré des pédopsychiatres qui ont conseillé tes parents, de t'inscrire à une activité sportive. même si, à l'époque, l'hyperactivité était encore un concept flou. ils ont, néanmoins, trouvé de quoi te canaliser un minimum. sans le savoir aussi, on induit en toi cette vocation qu'est la gymnastique. tu grandis, t'épanouis du haut de cette poutre. des années à respirer les poussières de magnésie, à évoluer dans ce monde à grande majorité féminin. ce sport t'a enseigné de si belles valeurs. la résilience, la persévérance et tellement plus encore. la tête à s'envoler entre les barres asymétriques, tu crois en ce rêve fou que tu vas décrocher ta place en sport-étude et devenir une athlète à part entière. tu poursuivras cet idéal jusqu'à te perdre toi-même. c'est comme ça avec toi, Meera. (nemesis) l'adolescence, déjà rude pour certains, n'est pas une partie de plaisir pour toi. certes, tu es repérée par un entraîneur qui a le pouvoir de faire naitre une carrière sportive mais à quel prix ? tu te donnes, du matin jusqu'à tard le soir. tu te trouves même trop ronde alors tu te restreins, pour rien. tu es élancée, magnifique. un vrai soleil qui décline à vu d'œil. tout ça pour quoi ? maman et papa ont la famille a géré, s'excusent de ne pas te voir soulever des trophées donc ça te conforte dans cette mauvaise voie. tu sacrifies ta santé. l'un des seuls piliers qui pouvaient te mener à l'idéal tant convoité. la masse musculaire qui fond, fragilise tout le squelette malmené. tu glisses sur cette pente, Meera. jusqu'à ta chute inévitable. (mea culpa) il y a de ces jours où tout bascule. tu es capable, encore aujourd'hui, donner la date exacte de l'accident. sélections pour l'équipe nationale. tu es le plus jeune espoir de la gymnastique américaine. tu t'es presque hisser là où tu le voulait. un peu de maquillage cache les sacrifices que tu as accumulé sous tes jolis yeux. pour cette journée exceptionnelle, les Thompson sont dans les gradins. enfin. quel honneur. seulement, on remarque. on voit enfin. cinquante-cinq kilos pour un mètre soixante-quinze. le justaucorps a été changé quelque jour plus tôt, trop lâche pour épouser ton corps épuisé à l'extrême. l'épreuve du saut. la concentration a son paroxysme, la dernière à se focaliser et ensuite, un peu de repos bien mérité. la course, tu t'élances. lune. mauvaise réception. cheville qui bascule et se brise en craquement terrifiant. la hurlement fend l'air et la douleur explose en une déflagration dévastatrice. alors qu'on accours vers toi, tu oses couler un regard vers ton pied. l'articulation gît en un angle préoccupant. les larmes jaillissent alors que tu comprends. c'est terminé pour toi. le sport à haut niveau, plus aucun espoir. tu es bonne à jeter. il en faudra, des années, avant que tu puisses te pardonner. (lux in tenebris) il a bien fallu réparer les chairs. rafistoler les os. tu as été opérée et quelques temps, tu as été immobilisée. le supplice, pour toi. il a fallu aussi s'occuper de ta santé mentale. réapprendre à manger dans des quantités nécessaires au besoin de ton corps et régulières. petite étoile effritée a dû se reconstruire. convalescence forcée en Louisiane, terre si chère à ton cœur. tu as aussi songé à ton avenir. que faire après avoir tout perdu ? seulement à tes yeux, tu croyais avoir tout perdu. jamais loin de toi, les Thompson sont là mais n'ont pas compris, ton choix. celui de partir loin, seule dans l'inconnu. après tout, tu as passé ta jeunesse sur les routes américaines, à te débrouiller quand maman et papa s'occupaient de tes frères et sœurs. tu sentais qu'il te fallait ça pour te sentir exister de nouveau, te lancer le plus grand défi de ta vie : vivre au crochet de quiconque et laisser les fibres globetrotteuses en toi prendre le dessus. un but pour éviter te sombrer, te donner une légitimité dans le fait de simplement d'exister. quand tu as pu remarcher, le billet est réservé. à peine la vingtaine entamée, ta première destination sera l'Australie. tu es partie, laissant les tiens inquiets et désemparés. tu devais le faire. question de vie ou de mort. (flagellum dei) il t'a fallu presque deux ans pour faire le tour de l'Australie. ça en prend du temps, surtout avec peu de moyens mais tu ne plains pas, tu vis de petits boulots. c'est ce que tu voulais : nouer des liens avec les locaux et découvrir le monde qui t'entoure. tu cherchais une nouvelle destination et est arrivé une catastrophe terrifiante. l'année deux mille quinze restera sûrement graver dans les mémoires : la plus grande vague de feu de forêt à ravager l'Australie occidentale. la vague de chaleur inédite et les vents violents ont eu raison des centaines d'hectares de végétations, emportant d'innombrables habitations et même, la vie de certains. beaucoup ont tout perdu. tu as vu, tout ça. cette déchirante détresse, tu as retardé ton départ. tu as tout fait pour aider les locaux face à cette catastrophe. tu as pris conscience à ce moment là que tu auras une cause vers laquelle te battre : tu n'auras de cesse depuis cet incident, de faire attention à cette planète que tu explores. le bien-être de la planète fait partie des habitudes de vie, ces souvenirs gravés à jamais dans ton esprit. (in domo sua) tu n'as pas réellement de chez toi, finalement. tu vogues sur les routes et dans les aéroports, ne trouvent que des toits ponctuels chez l'habitant et nuitées dans des établissements bon marché. seulement, tu as découvert airbnb et cela à changer ta vie de voyageuse. tu adores cette application. tu peux trouver des coins formidables pour pas grand chose, parfois et elle t'a sorti de la galère bien des fois. surtout que tu peux t'établir quelque part un peu plus longtemps si tu le souhaites. tu as parcouru bien des kilomètres sans trop te soucier où tu allais dormir. finalement, tout est une question d'organisation et tes journées ne sont pas assez longues pour vivre ce que tu voudrais. tu as repris goût en la vie, Meera, parce que tu es constamment cajolée par cette dernière. revigorée, tu as trouvé un mode de vie qui te convient et t'as sorti du déclin. petit astre brille à nouveau. (vade mecum) très tôt dans ton aventure autour du monde, tu as capturé des instants sur ton téléphone. des clichés que tu gardais pour toi, ça t'embêtait pour dire. après tout, vivre une si belle aventure et la garder enfouie ? peut-être pas. il t'est venu l'idée de créer un compte instagram, loin de l'idée qu'un jour, tu pourrais en vivre. la photographie est devenu plus qu'un passe-temps, finalement. ton compte a suscité l'intérêt de plus en plus de monde, au fil du temps. puis un jour, une agence de voyage t'a contacté. ton premier contrat rémunéré. le cercle vertueux était en marche. l'histoire ne s'est pas faite en un jour, des années avant que cela prenne cet ampleur. tu t'es donc professionnalisée, ayant la possibilité d'investir dans du matériel et entrer dans un véritable processus créatif. ton profil est une ode à la nature et sa beauté, n'oubliant que c'est avant tout elle que tu veux mettre en avant. même si tu apparait souvent sur les images qui défilent, toi seule sait ce qui compte dans ta galerie. tu interagis de plus en plus avec ta communauté dont la plupart est bienveillante, l'essentiel est que tu aimes ton activité. celle de promouvoir la faune et la vie locale, appâte le consommateur d'évasion à parcourir le monde. comme toi tu le fais, avec le plus grande humilité. (et alii) c'est un appel visio qui t'a fait mal au cœur, il y a un mois. Olivia, ta sœur la plus âgée. même si tu ne raterai ces appels pour rien au monde, là, les larmes te sont montées. elle t'a raconté, son mari alcoolique et son divorce. tu t'es rendu compte que tu as manqué tellement de choses avec cette aventure hors du commun. une interlude ne peut pas te faire de mal. tu as décidé de revenir dans l'appartement que tu as acheté à la Nouvelle-Orléans, capital de sauf-conduit. personne n'est à l'abri de rien, après tout. tu ne sais combien de temps va durer ce retour mais tu sais que tu peux continuer à travailler depuis ta ville natale. l'avantage des métier comme le tien. tu as une idée de concept pour renouveler un peu ton contenu, il ne reste plus qu'à mettre à exécution. il est temps de resserrer les liens, pour ton bien et celui des tiens.

(anecdotes) tu t'es découvert une passion pour la plongée. à ce jour, tu as soixante heures à ton actif et tu as le niveau quatre de plongée. tu es donc capable d'encadrer un groupe sous les eaux. peut-être qu'un jour, tu en feras ton activité principale mais pour le moment, cela reste un plaisir inouï de parcourir les fonds marins ⭑ tu es la reine pour te tâcher en mangeant. pourtant, tu es très loin de manger salement mais tu sais que si tu as le malheur de porter un vêtement blanc, tu es bonne pour le détacher au soir. ça a toujours fait rire les tiens. toi qui est toujours très présentable et qui fait attention à son apparence, ce petit détail ne te fait que te rendre attachante, finalement ⭑ cette vilaine cicatrice, sur ton pied gauche. tu as toujours voulu l'assumer, ne jamais la cacher. elle fait parti de toi, de ton histoire. tu as donc décider de la sublimer en prenant rendez-vous chez un tatoueur spécialisé dans l'art thérapie. tu seras bientôt tatouée ⭑ même si tu ne pratique plus le sport à haut niveau, tu restes toujours très active. tu pratiques la boxe, pas en compétition mais en renfort physique et musculaire. tu fais très attention à toi, interdiction de reproduire les erreurs du passé ⭑ à force de pratiquer, tu parles maintenant couramment le thaï. tu n'est pas peu fière, c'est une des langues les plus difficile à parler. tu as encore des locaux avec qui tu discutes souvent. la Thaïlande est l'un des pays que tu as préféré de tous. tu espères bientôt y retourner.