I’m falling (faith)

@Faith Atwood | Mardi 23 novembre - milieu d'après-midi | C'est fini. Et pour lui ça n'avait jamais commencé. Je l'ai compris à ses mots, à son ton, à la manière dont il avait de me dire "qu'il m'aimait comme la meilleure des meilleures amies que j'étais". Je n'avais jamais rien était d'autre que ça. Si, un plan cul pour se défouler et décharger ses émotions. Et je mentirai en disant que je n'ai pas aimé chaque instant passer sous son corps, que je n'ai pas adoré lui appartenir. Je mentirai aussi si je disais que je tombe des nues. Je le savais en réalité, mais ça n'empêche pas que ce soit trop douloureux. Douloureux qu'il m'ait rejeté, douloureux qu'il ait choisi l'autre. Jordan. Elle qui a toujours été tout pour lui. Je n'étais qu'une pause dans son existence compliquée.

Et les larmes retombent. Encore. Chaque fois que j'essaie de penser à autre chose, je revois son visage. Ses yeux brillants, ses lèvres tentantes. Il m'aime aussi. Je le sais. Mais ce n'est pas assez pour qu'il me choisisse.

Je pleure encore quand mon téléphone sonne. Le réveil, c'est l'heure de partir bosser. Sauf que je ne peux pas. Alors je choisis l'option, je suis la fille du boss, ça devrait me sauver pour cette fois-ci. Aoden déteste qu'on ne vienne pas sans prévenir. Je me la joue lâche, j'appelle son chauffeur pour qu'il me dépose au manoir. Je sais qu'il le préviendra, mais ça me laissera le temps de me refaire un visage souriant et de me trouver une excuse.

Dans la voiture, les larmes coulent encore. « Vous pouvez lui dire, enfin de toute manière, je pense que vous l'avez déjà prévenu, mais juste, qu'il ne s'inquiète pas ok ? J'ai pas b'soin qu'il vienne me câliner, juste d'être tranquille en sécurité au manoir. Tiens, dites-lui ça, ça va lui plaire. »

Une fois déposée devant la porte d'entrée, j'hésite. Que dois-je faire ici ? Oui, je m'y suis rendue pour fuir la réalité, pour être dans un lieu où je suis en sûreté et où personne - sauf Ao - ne peut m'y déranger. Alors certes, j'ai pas envie de le voir débarquer maintenant, ni de lui raconter, mais... Je soupire et pousse la porte.

Faith est là, comme toujours. Sérieuse, professionnelle, droite. Je fais un pas sur le côté pour marcher le plus loin possible d'elle. Je ne veux pas la voir, je ne veux pas la connaître. Elle me fait peur. Si ça a été facile avec Aoden, ce n'est pas le cas avec les autres adultes. J'ai jamais eu de bonnes relations avec des personnes plus âgées... enfin, de l'âge de mes parents. J'avale ma salive et lui jette un regard noir. Gratuit. Inutile. Je le regrette aussitôt. De toute manière avec mes yeux rouges, j'ai pas l'air vraiment effrayante.

Puis je monte à toute vitesse les escaliers pour rejoindre la chambre qui m'est réservée. Sauf que je connais mal les lieux, sauf que je pleure à chaudes larmes, sauf que je suis en manque de sucre et... je rate une marche. Je m'écroule dans les escaliers avant de les dévaler. La tête la première. Aïe.

@Faith Atwood | La douleur me fait tourner la tête et je mets quelques secondes à comprendre ce qui m'est arrivé. Quand je rouvre les yeux pour la seconde fois, des mains expertes me touchent le corps. Je ne mets pas longtemps à comprendre que Faith prend soin de moi, pile ce que j'espérais ne jamais vivre, mais j'avoue que me laisser porter est sûrement plus simple. Les mots qu'elle prononcent n'arrivent pas très vite à mon cerveau, mais je finis par être rassurée. Je n'ai pas le force de me décaler pour qu'elle cesse de me toucher, mais elle le fait d'elle-même. Elle est si professionnelle que j'en ressens une légère honte. Elle n'a jamais voulu prendre du pouvoir sur moi, juste faire son job et je l'ai sans cesse repoussée. Sauf que je suis qui je suis et je ne peux pas faire grand chose d'autre.

« Qu’est-ce que tu dirais d’un peu de glace ? »

Je crois qu'elle vient de m'avoir en plein coeur.  « Il reste du vanille caramel brownie ? » demandai-je d'une toute petite voix. C'est ma glace préférée de chez Häagen-Dazs et clairement j'ai du finir tous les pots lors de ma dernière visite. J'espère qu'il a refait le plein. Enfin... qui est ce "il", mystère et boule de gomme. « Et des petits pois ? » Puis je fronce les sourcils. « Quoique... ici il doit y avoir des vrais pains d'glace ou autre pour les blessures. » J'suis pas dans un appartement étudiant, mais chez quelqu'un qui a tout et plus encore. Mon père. Chez moi. Je n'ai toujours pas réussi à m'y habituer ni à le croire. Je sais que je devrais faire plus d'effort mais je dois avouer que c'est un peu trop pour moi.

Je me relève doucement et ferme les yeux quand la lumière brille trop fort. Déjà que j'y voyais flou avec les larmes. Je soupire, mais me mets en marche. Je trébuche au premier pas et m'agrippe à la première chose que j'attrape : la manche de Faith. Gênée, j'essaie d'enlever ma main, sauf que j'ai bien conscience que j'en ai besoin. Je suis une loque humaine et je déteste ça. Je crois que je déteste encore plus qu'elle le voit et qu'elle soit là. Je suis si gênée d'avoir des gens pour me servir ici, c'est pas humain c'est pas normal. Oh, je me doute qu'elle est bien payée, mais tout de même... C'est pas mon mode de vie.

@Faith Atwood | Evidemment il y a de la glace, Faith me rassure avec un professionnalisme hors paire. M'épie-t-elle ? Ou juste elle vérifie les stocks après mes départs ? Franchement, ça m'fait un peu peur, d'être surveillée de la sorte, même si c'est juste pour les inventaires. D'un côté, ça m'donne encore plus envie d'être invisible quand je viens et de ne toucher à rien, mais cette profusion de bouffe gratuite, j'avoue que j'ai du mal à résister.

Je reste appuyée sur elle sur le chemin et je me déteste d'être aussi faible. Je la déteste quand elle me dit que c'est normal. On pourrait pas juste se taire et attendre en silence que je sois assise quelque part ? N'est-elle pas conscience que c'est humiliant pour moi ? Au moins, ça m'a permis d'oublier pourquoi j'étais là en première occasion. J'étouffe un sanglot, ne plus y penser, c'est mieux. « Il vaudrait mieux que tu ne restes pas seule pour le moment. Je peux rester avec toi, mais je suis consciente de ne pas être ta personne préférée ici… » Elle enfonce le couteau dans la plaie là non ? En même temps je me sens un peu honteuse, ma gêne (ok c'pas d'la gêne on sait) s'est bien vue et elle a compris que je pouvais pas rester avec elle, mais je suis embêtée qu'elle le prenne comme ça. C'est pas elle directement que je rejette, c'est l'idée d'un adulte qui veille sur moi, mais j'peux pas lui dire, elle comprendrait pas. Ou alors elle comprendrait trop bien et ce serait pire encore. Je soupire. « Non non, j'préfère encore toi. » Des amis, qui est-ce que je pourrais appeler ? Le nom de Jessie me vient rapidement mais j'ai même pas son numéro. Et mon père, j'préfère éviter. « C'pour éviter Aoden que j'suis venue là. » avouai-je, qu'il me voit en larmes au Masquarade, pas fou. « Je, c'pas contre toi tu sais, c'est juste, avant Aoden j'avais pas d'adulte dans ma vie tu vois ? » Non elle peut pas voir, et j'explique rien. Connait-elle mon passé ? Et si oui, jusqu'à quel point ?

Je pioche dans la glace. « Je » Je m'arrête, incapable de savoir quoi dire. « Merci ? » J'aurai voulu le dire avec force parce qu'elle doit le mériter, mais c'est un murmure accompagné d'une question qui sort de mes lèvres. Puis je reprends rapidement une autre cuillère de glace et encore. Je ferme les yeux. « C'vraiment trop bon. » lâchai-je oubliant un instant où je suis, avec qui et pourquoi.

@Faith Atwood | « Bon choix, j’étais médecin fut un temps. » Le sourcil relevé, je la regarde avec étonnement. Puis je me ressaisis et attrape la cuillère pour piocher allègrement dans mon pot de glace. Je la connais pas du tout en fait, comment en est-elle arrivée ici à être majordome ? « T'as vécu combien de vie ? » demandai-je à moitié sérieuse à moitié avec le sourire ? En réalité, je n'ai que 20 ans et j'en ai déjà vécu trois, alors à son grand âge. ( )

Puis elle se confie, très rapidement, sur un pan de sa vie. Et je garde ma tête baissée vers le pot de glace, ça me gêne. Une adulte qui se souvient d'avoir été une enfant ? Il n'y en a que trop peu, mais d'un autre côté, je ne veux pas. Je ne veux pas d'sa sollicitude et de sa compréhension. Sauf que je ne peux qu'avouer que ça fait du bien. Dans l'doute, je ne réponds pas. De toute manière, je pense pas qu'elle attendait une réponse. Puis elle fait une blague et là tu restes con. Elle a de l'humour ? Merde, c'est pas une nana coincée, droite et toujours précise dans ces faits et gestes qui ne vit que pour le boulot ? Tu ne la connais vraiment pas. Peut être qu'en fait elle n'a aucune envie de s'occuper de toi, elle n'a juste pas le choix ? Cela remet en cause tout. « Ok deal. » C'est faux, évidemment, mais juste la possibilité te déride un peu, et tu rentres dans son jeu, sans lui lancer un regard noir, une première.

Je balaie sa question d'un geste de la tête. « Je n'suis pas allée bosser et j'ai appelé l'chauffeur pour v'nir ici, vu comment il contrôle mes faits et gestes, j'imagine qu'il est déjà au courant que j'suis là. » J'renifle sans le vouloir et j'me passe une main sur le visage. « Mais il doit bosser ce qui me laisse quelques heures de tranquillité je suppose, c'est tout ce que je demande. » Des heures... j'en ai déjà eu plus que de raison depuis qu'Hayden a... J'avale difficilement ma salive et ferme les yeux. Ne pas y songer maintenant, c'est plus simple. « Bref, tu peux lui dire, si j'ai le moindre bleu il va le repérer et me le faire remarquer, autant qu'il soit pas à côté de moi quand il l'apprenne. » C'est culotté de sa part en vrai, je le vois parfois avec un beau maquillage pour cacher son oeil au beurre noir et quand j'suis venue pour ouvrir les résultats du test de paternité il avait un bras dans le plâtre. Tu soupires. Il est adulte et ton père, il a bien l'droit ? C'est pas un peu abusif. Tu n'as aucune comparaison en réalité, ta mère a cessé de se soucier de toi il y a bien trop longtemps. « Mais juste » Et là tout te rattrape. Aoden qui te surveille parce qu'il a peur pour toi parce qu'il est attaché à toi. Hayden qui est retourné avec Jordan sans même se poser de question sur toi et comment tu peux le vivre. Jordan qui jubille. Et toutes tes conneries qui te reviennent en pleine face. Alors tu lâches les vannes et les larmes que tu pensais avoir écoulées jusqu'à la dernière, reviennent dans tes yeux.

@Faith Atwood | Elle le préviendrait, mais plus tard. C'était exactement ce qu'il me fallait et j'étais touchée. « Merci » murmurai-je pour la deuxième fois en quelques minutes. Finalement, Faith n'était peut être pas si désagréable que ça... Et peut être qu'elle n'avait pas non plus la moindre envie de s'occuper de moi, juste, elle doit le faire en temps que majordome. Et peut être que, sous cet aspect, je peux l'accepter ? Je soupire. J'en sais rien.

J'ai envie de garder mes distances tout de même, mais je n'ai personne. Aoden me tuerait s'il savait ça, mais je n'ai personne à qui me confier. J'ai perdu mon meilleur ami, Eleanor, ma meilleure pote a déménagé à l'autre bout du pays et refuse qu'on sache où elle est, mon ancienne coloc s'est dissoute et je n'avais jamais vraiment été intégrée, je n'ai toujours pas le numéro de Jessie mais je sais qu'elle reviendra, comme toujours, comme un boomerang, je n'ai tissé un lien qu'avec Ulrich au boulot, mais ça fait trop peu de temps qu'on se connait. Ouais, j'suis putain de seule. Et ça me brise encore plus le coeur.

Quand je fonds en larmes, je n'en connais même plus la raison. Est-ce le coeur brisé, la fatigue, la douleur, la solitude ? Je sais juste que je pleure. Je sens la main de Faith contre mon épaule et étrangement, ça ne me dérange pas. J'ai besoin de chaleur humaine, mais comment le demander ? « Si tu veux je peux juste écouter sans rien dire. » propose-t-elle en me donnant des mouchoirs. Professionnelle, en tout point. Comme avec les glaces tout à l'heure. Comme toujours dans son bel uniforme.

Et je ne sais plus si j'ai envie d'en parler ou de me taire. Si j'ai envie d'être seule ou entourée. « Je ... sais pas. » lâchai-je entre deux sanglots. « J'ai si ... mal. » avouai-je en parlant de mon coeur brisé, qui

Mes larmes finissent par se tarir et je me mouche bruyamment. Lena, élégante et raffinée, tu parles. J'essaie de fermer les yeux pour fuir la réalité, mais les images se bousculent. Ouais, p't'être parler ça aidera. Mais à elle ? Je renifle encore, puis, de ma voix la plus sèche, je lui déclare. « J'sais déjà c'que tu vas m'dire, c'qu'une histoire de gamins, ça passe avec l'temps, faut être patient. » Ce que les adultes disent toujours, "trop de mièvrerie à votre âge, gna gna gna" ce qui n'a pas de sens. Alors peut être qu'avec leur expérience, ouais, ça passe, mais là, je suis trop dedans pour avoir envie d'y croire.

@Faith Atwood | Interloquée, je regarde la majordome et fronce les sourcils. Elle n'est décidément pas une adulte comme toutes les autres, qu'a-t-elle vécu dans son passé ? Je ne dis rien, je ne pense rien, je n'essaie pas de deviner. C'est sa vie. Et ça me fait penser que c'est la mienne aussi, comment en suis-je arrivée à pleurer dans un salon luxueux aux rideaux kaki avec une glace à la main et un membre de la maisonnée qui m'observe ? Même si elle est gentille et qu'elle semble vouloir m'aider, ce n'est qu'une employée de mon père, à qui elle fait les comptes. Si je veux pas qu'il aille tuer Hayden il vaut mieux qu'il n'en sache rien. Enfin, j'imagine pas qu'il ira le tuer pour de vrai, mais parfois, dans son regard, je sens comme une violence possible. Oh, pas contre moi, Aoden ne lèverait jamais sa main, mais je l'ai déjà vu me défendre. Et je sais qu'il est capable du pire.

« Je sais pas si j'ai envie d'en parler. » murmurai-je posant mon regard sur la corbeille à fruits pour éviter de la regarder. Elle a raison bien sûr, je sais qu'ouvrir son coeur c'est la meilleure chose à faire, je l'ai vécu avec Eva, quand on se cachait mutuellement nos attirances en matière de mec et le jour où les mots ont franchi nos lèvres, on s'est comprises. Le jour où on a affirmés qui ont aimé, ça allait mieux, parce qu'on se savait soutenues... mais Faith n'est pas ma copine. Je me mords la lèvre. Puis je trouve l'excuse parfaite. « Et j'ai pas envie qu'Aoden soit au courant » j'ai encore du mal à l'appeler "papa" ou "mon père" « or j'imagine que s'il te pose des questions t'es pas censée lui mentir ? » Je suis lâche de lui rappeler son rôle pour l'éloigner de moi. Lâche de ne pas accepter la main qu'elle me tend. Lâche de refuser de me confier alors que, clairement, je n'ai pas grand monde d'autre à qui le faire.

Je joue avec ma cuillère, détruisant la glace alors que je n'ai plus faim. Les doigts qui tiennent le pot son gelés, mais ça me fait du bien de ressentir autre chose que le trou béant de mon coeur.

@Faith Atwood | Ses mots te font mal, sans que tu ne comprennes pourquoi. Pourtant tu dois bien t'en douter que c'est parce que tu es fautive, parce que tu l'as mal jugée et parce que tu es une imbécile qui passe son temps à t'enfermer sur toi-même et refuser les mains qu'on te tends. Tu avales ta salive. Mais c'est trop tard, elle est partie avec ta glace pour la ranger. De toute manière, tu ne la mangeais plus, ta gorge te faisait trop mal. C'était froid. Trop froid.

Tu restes seule quelques instants dans cette pièce trop grande. Tu as envie de te cacher dans un coin, de te blottir dans des couvertures et de ne plus en sortir. Pourtant, tu fais un effort, tu te lèves. Doucement. Puis tu vas dans la pièce adjointe, la cuisine. Où elle se trouve. Puis, avec un effort grandiose, tu ouvres les lèvres. « Pardon » murmures-tu. Tu t'accroches à la table de la cuisine, non pas pour ne pas tomber à cause de ta chute précédente, mais pour cause d'émotion mal contrôlée. Tu souffles, en espérant qu'elle ne va pas te couper. Et tu retiens tes larmes. « J'ai confiance en personne, parce qu'à chaque fois j'ai perdu la personne. Elles disparaissent soudainement. » Sa mère, Eva, Kenny, Jessie, Hayden, Eleanor. La liste va sûrement continuer d'ailleurs. Tu soupires. « J'sais pas si j'porte la poisse, mais j'ai si peur d'être seule. Mais je sais que c'est notre seule façon d'être. Poussière, tu retourneras à la poussière. On est tous appelés à mourir seul et être jugé pour nos actes. Or... » Tu n'as pas bien agi. Du tout. Et même si tu as cessé de croire en Dieu il y a longtemps, tu en beaucoup trop entendu parler pour que ce ne soit pas ancré en toi. Tu soupires encore. « Faith, je suis désolée pour mes paroles pas sympa, mais j'ai peur en vrai. » Et ça, elle peut le comprendre. Pourtant, elle a besoin de câlin, elle a besoin de soutien, elle a besoin d'adulte dans sa vie. C'est nul la vie d'adulte et elle déteste ne devoir dépendre que d'elle-même.

@Faith Atwood | C'est la première fois que tu t'excuses de la sorte et que tu lui parles... presque à coeur ouvert. Faith elle méritait pas que tu la fuis de la sorte alors qu'elle n'avait clairement rien fait d'autre que son boulot. Tu inspires, expires et retient les larmes. Manquerait plus que tu pleures comme une cruche maintenant. Tu souris pour apaiser tes propos sauf qu'elle te répond et que ça te met mal à l'aise. Sa voix est tranchante, mais pas méchante. C'est juste une vérité : on meurt seul. Et ça te renvoie à ta triste vie. Puis tu culpabilises, en te répétant que c'est de ta faute si tu es seule. Aoden te tend les bras, Hayden ne voulait pas te blesser, mais... Tu fermes les yeux.

Et Faith change de ton, elle te semble moins distante, moins dure. Mais tu n'as plus envie de sourire, tu as juste envie de pleurer encore. Quelle gamine, tu peux pas t'en empêcher. De quoi as-tu peur ? La question résonne dans la pièce et elle t'effraie. Tu as peur de tellement de chose. De la mort, d'être seule, de ne pas être appréciée, d'être oubliée, d'être vieille et moche, d'être battue. Et pire, tu as peur d'être abandonnée. « Je. J'ai perdu ma maman et je crois que depuis, j'ai peur de tout. » Parce que je n'avais plus d'adultes pour veiller sur moi et les premiers adultes que j'ai rencontrés m'ont... je refuse d'y penser, encore aujourd'hui. Aoden m'a sauvée et je ne veux penser qu'à ça. « Et si Aoden était comme les autres ? Et si j'avais tort de lui faire aveuglément confiance ? Je l'aime si fort que mon coeur explose et puis je me rappelle. » Ma voix se brise et les larmes remontent, je suis incapable de les retenir. Je m'essuie furieusement les joues et inspire avec force. « J'ai peur d'être abandonnée, encore. J'ai peur de revivre ce que j'ai déjà vécu. » Ma voix prend de l'assurance cette fois. Je suis en colère, je ne le savais pas. « J'ai peur de m'attacher aux gens et de me retrouver seule. » La peur la plus douloureuse. C'est celle-ci. Cette peur de l'abandon mêlée à ce sentiment d'impuissance et déception.

@Faith Atwood | Les mots de Faith te font autant de bien qu'ils te morfondent. Tu n'es pas plus rassurée, mais d'un autre côté, ça te donne confiance en Faith. Elle n'est pas là pour te mentir ou te dire que la vie sera belle, que tu n'es qu'une idiote d'adolescente qui va voir la suite dans la vie. Non, elle est sincère, même si un peu brutale. Tu souffles et tu souris. Enfin, tu essaies au travers de tes larmes. Tu es ridicule, mais, bizarrement, tu n'en as pas honte. Faith n'est pas là pour te juger et ça te fait du bien. De savoir qu'elle conservera ces moments pour elle et que tu n'en entendras sûrement plus jamais parler.

Tu acquiesces à ses propos. « Merci de faire un travail remarquable et désolée si je t'ai déjà mis les bâtons dans les roues. » Avoues-tu en te mordant la lèvre. Tu n'as pas été tendre avec elle dans le passé, mais tu n'as jamais été une teigne non plus. Puis, pour le peu de fois où tu venais ici. « Je crois que j'ai envie d'y aller, à fond et tant pis pour les conséquences, mais cette petite voix dans ma tête qui me murmure 'et si' est assez... culpabilisante. » Tu cherches le mot juste, n'étant pas sûre qu'il soit assez fort. « Non, franchement chiante. » Admettre que tu te gâches la vie toi-même te fait du bien. Cette petite voix ne vient que de toi-même.

Tu te redresse en souriant. « J'pense que ça va déjà mieux, je vais aller me reposer là haut, merci pour tout ça. » conclues-tu d'un geste qui englobe tout. Le soutien, la discussion, la glace et le sauvetage. Tu avances d'un pas décidé, puis finalement tu te retournes vers la majordome. « J'crois qu'j'suis prête à tendre des mains ou a attraper celles tendues, merci. » lâches-tu, la voix pleine d'émotion. Oui, cette discussion t'a vraiment fait du bien, tu es prête à avancer et à totalement faire confiance. Si seulement tu savais...

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