(terminé) Et j'ai beau hurler dans le noir. (Faith)

@Faith Atwood

Allongée sur ton lit, tu fixes le plafond. Comme depuis six heures. Tu n'as pas bougé et tu ne bougeras sûrement pas, tu ne sais même plus quels habits tu portes et tu n'as pas l'énergie de baisser les yeux pour vérifier. Mais puisque tu ne te souviens pas d'une quelconque douleur à la jambe, tu dois porter les mêmes vêtements que la veille, ou du jour d'avant encore. Tu lâches un soupir. Tu sais que ça ne peut pas durer comme ça, au bout d'un moment il va falloir que tu tu lèves et que tu manges quelque chose, que tu prennes une douche, ou pire que tu répondes aux messages. Sauf que tu n'es pas prête, tu encore les flash backs des images qui te terrifient et te font monter les larmes aux yeux. Avec un nouveau soupir pour tenter de vaincre l'eau salée qui coule de tes orbes, tu te penches sur le coté pour récupérer l'objet du démon : le téléphone.

Il y a moins de messages ces derniers jours, les gens se sont lassés et t'ont lâchée, ça te fait si mal au coeur et la tristesse te bouleverse une fois de plus. Tu laisses couler les larmes, ayant établi il y a quatre jours que cela ne les empêcherait absolument pas de sortir dans tous les cas. Tu passes mon temps à pleurer et à être surprise d'avoir encore de l'eau dans le corps. Une fois la crise passée, tu reprends ton téléphone et fouilles dans les messages. Tu tombes rapidement sur l'un des plus récent, sur l'une des personnes à laquelle tu n'attendais rien et qui pourtant est là pour toi. Réellement là.

Durant quelques secondes, tu cherches la meilleure façon de l'aborder, cherchant les mots pour envoyer un texto. Devrais-tu être plutôt forte et faire comme si tout allait bien ? Ou laisser un message dans lequel le désespoir transpire à grosse goutte ? Tu n'arrives pas à choisir, alors tu lances un appel. Deux sonneries et tu raccroches, en panique, le souffle court. Tu n'es pas prête du tout à voir du monde, pas prête à laisser voir dans quel état tu es. Finalement, tu es heureuse qu'Achil ait déménagé dans une autre ville et que tu n'aies pas eu le courage de lancer des recherches pour un nouveau coloc... tu es mieux seule a te morfondre dans ta peur et ta tristesse.

Tu fermes les yeux et te décide tout de même. « Si tu t'ennuies, je crois que de la glace me ferait du bien. » Puis tu éteins mon téléphone et laisse de nouveau les larmes couler. Tu n'es pas même capable d'appeler à l'aide correctement. Même pas capable d'aller voir Aoden et de pleurer dans ses bras. Même pas capable de lui pardonner alors que la seule personne à qui tu en veux, c'est toi.

@Faith Atwood

Les coup frappés à la porte te font sursauter. Comme si tu ne t'attendais pas à sa visite et qu'elle te surprend. Alors que tu lui as demandé de venir. Tu te relèves dans le lit puis avance. Tu manques de tomber deux fois, par déséquilibre et ta tête se met à tourner. Depuis quand n'as-tu pas mangé ? Tu inspires et ouvres la porte. Faith est là. En personne. Avec un pot de glace... et une remarque assassine. Si tu avais plus d'énergie tu sourirais, mais en vrai, tu es vide à l'intérieur. Alors tu te décales et t'affales sur le canapé. « En plus j'ai pas faim. » avoues-tu à demi-mot. Ton estomac gargouille à ce moment-là, te mettant au défi de continuer à mentir. Mais ce n'est pas une glace qui le remplira, juste, tu n'as pas l'envie de te faire à manger, même une boîte de conserve de ravioli qu'il faut juste réchauffer.

Tu hausses les sourcils à la deuxième remarque puis ferme les yeux. « Depuis... je sais plus. » bredouilles-tu, incapable de dire la vérité. Depuis qu'on a t'a déposée ici. Tu n'es pas sortie du tout. A la base, tu faisais un effort pour ne pas être seule, mais maintenant qu'elle est là, tu as envie qu'elle parte. Qu'elle te laisse tranquille dans ton désespoir. Sauf que tu sais qu'à l'instant où la porte claquera, tu te sentiras de nouveau plus seule que jamais. Tu rouvres les yeux et tombe sur la tâche de sauce tomate sur ton bras. Tu as donc ce tee-shirt depuis quatre jours. « Pourquoi j'aurai besoin de sortir ? » finis-tu par articuler, comme un défi.

@Faith Atwood

Le sarcasme de sa voix te fait du bien. Parce que ça te rappelle justement que la vie continue, comme elle l'a si bien dit et que tu n'es pas une petite chose fragile. Tu souffres, tu fais des crises d'angoisse, tu pleures constamment, tu te caches, mais au fond, pour Faith tu es toujours la même personne et ça, ça te fait du bien. Elle n'est pas devenue douce ou maternelle en une soirée et pourtant elle est là. Tu souris - faiblement - malgré toi. Tu as trouvé la personne parfaite, celle qui te fallait. En est-elle conscience ? « On est en décembre, il fait dans les 12 degré et il va sûrement pleuvoir et tu veux qu'je sorte ? » Mauvais esprit, clairement, mais c'est plus simple que de dire la vérité, que d'admettre que tu es terrifiée. Et surtout, que tu as peur d'aller bosser et de le revoir, lui. Aoden. Tu l'avais dit à Faith d'ailleurs quelques semaines avant le drame. Tu en avais parlé de cette peur d'être abandonnée... Et même si, théoriquement, il est revenu vous chercher, c'est à cause de lui que tu es dans cet état. Et tu t'en veux de lui en vouloir, tu t'en veux de l'avoir prévu qu'il te blesserait, tu t'en veux de ne pas arriver à lui pardonner.

Elle parle de se changer. « J'suis pas sûre que j'ai la force d'aller prendre une douche, mais... ma propre odeur me dérange. » avoues-tu en plissant du nez. Vivre dans le déni n'est pas une si bonne porte de sortie. Et puis, même si la blessure est refermée, elle continue à te faire mal. « Je ne sais pas ce que j'ai dans l'frigo. » avoues-tu une seconde fois. Tu baisses les yeux, encore rougis par les pleurs récents et soupire. Tu es toujours avachie dans ton canapé pendant que Faith s'affaire et ça ne te gêne même pas. Tu devrais pourtant, mais tu n'as aucune énergie. La salle de bain te semble si loin. L'effort de te lever pour aller lui ouvrir la porte était déjà incommensurable. « Je ne sais pas si j'y arriverai Faith, à me relever. » lâches-tu une fois de plus, au bord des larmes.

@Faith Atwood

Il y a quelque chose dans le ton de Faith qui n'attend aucune réplique. Faith est active, elle agit et ce qui doit être fait, l'est. Sauf que toi, tu peux pas. Même si tu en as envie. Même juste pour lui faire plaisir. Apathique. Faiblarde. Molle. Inutile. Tu aurais des tas d'adjectifs qualificatif à te donner, mais tu t'arrêtes là. Pourtant tu as cette petite étincelle à l'intérieur de toi. « D'accord d'accord » grognes-tu, juste pour la faire taire. Même si t'en a pas envie, même si tu n'en as pas l'énergie, tu es prête à aller dehors juste pour la faire taire. Elle a gagné. Et, toi aussi, parce que tu l'as appelée précisément pour cette raison.

Avachie comme un rat crevé dans le canapé, tu l'écoutes et son énergie te brûle les oreilles, ses mots t'attaquent le cerveau, mais ils résonnent en toi. Tu es une victime, mais tu n'es pas coupable. « D'accord, d'accord » répètes-tu. « Je vais essayer. » Tu fermes les yeux, compte jusqu'à 3, puis te lèves du canapé. Tu te prends la tête dans les mains pour que le sol cesse de tourner, puis tu avances vers la salle de bain. Tu t'adosses à la porte et retient tes larmes, qui couleraient sans raison - enfin autre que ce qu'on sait.

Tu allumes un jet d'eau brûlant et entre dans la douche. « Merde. » lâches-tu quand tu te rends compte que tu es encore habillée. Difficilement, tu enlèves un à un tes vêtements, puis tu te savonnes sans vraiment trop de force. Après une éternité, tu sors. Et enfile le vêtement le plus simple à passer : une robe. Tu as l'impression que tu as perdu du poids.

Tu as presque envie de demander à Faith de te démêler les cheveux, mais tu imagines que ça ne va pas lui plaire. Alors tu essaies de te coiffer mollement en arrivant dans le salon. « C'est mieux ? » demandes-tu. Tu voulais mettre de l'ironie dans ta phrase, mais tu n'as même pas réussi. Tu sens l'odeur de la bouffe chaude fraichement arrivée chez toi. « Mmh, ça sent bon. » commences-tu puis, en jetant un coup d'oeil vers Faith tu lâches un « merci » plein de reconnaissance. EN t'assieds sur une chaise de bar, tu espères que tu as fait assez d'effort pour qu'elle ne t'oblige pas à aller dehors.

@Faith Atwood

La douce odeur de frites chaude te fait envie. Et c'est la première fois en deux semaines que tu as envie de quelque chose. Et ça te fait bizarre. Et du bien aussi. Tu t'assieds et commence à grignoter. Comme Faith. Tu mâches doucement, parce que tu as peur de trop en mettre dans ton ventre d'un coup. Tu mets un peu de ketchup sur un bord et trempe délicatement ta fripe dedans. Et grâce à ces gestes simples, calculés, délicats, tout le reste s'efface. Tu es toute entière consacrée à ta tâche. Occulter tout le reste, même pour quelques secondes, te fait du bien. Tu n'es pas maniaque ou organisée, mais tu commences à être obsessionnelle et si c'est ce qui te fais du bien, alors tant mieux.

Quand la voix de Faith la tire de ses pensées, elle relève la tête, comme un peu perdue. Puis elle rebaisse les yeux vers ses frites. « On peut pas sortir, un autre jour ? » Par cette simple phrase, tu montres que tu vois le futur, et qu'elle est toujours là. Tu le sais. Ce lien qui vous uni n'est pas un lien familial ou fortement plein d'amour, mais il est cent fois plus important pour toi. Parce qu'elle est là. Sans contrepartie. Sans demandes. Et ça te fait du bien. Isaac aussi est sûrement là, mais il n'ose pas. Tu as encore envie de pleurer, tu te retiens. « Je. » Tu lâches un soupir. « On verra » Tu ne sais pas trop quoi dire d'autres alors tu te remets à manger. Frite par frite. Consciencieusement, comme tu ne l'as jamais fait.

Quand paquet est vide, tu regardes le burger. Et ça te parait énorme. Trop. ça ne rentrera jamais dans ta bouche. Mais ne vas-tu pas vexer Faith si tu ne le manges pas ? Pour tester, tu enlève le pain du dessus et le mange par petit bout. Puis tu attaques les morceaux de salades en mettant de côté les oignons crus et les cornichons. Enfin tu croques dans le reste du burger : pain, sauce et steak. Faith doit te prendre pour une folle, mais tu es tellement concentrée sur ta tâche, que tu ne te rends compte de rien. Tu oublies même sa présence.

Après un temps infini, tu abandonnes le reste du burger. Tu vas vraimetn exploser, tu n'as plus faim. Tu te lèves pour aller te laver les mains et tu écarquilles les yeux : ça t'a fait du bien. De juste manger et te concentrer sur ton repas t'a fait oublié le reste. Sauf que maintenant, ça te revient en pleine face. Tu t'accroches à l'évier avec force pour tenir le choc et ferme les yeux un instant. Tu les rouvres rapidement avant que les images ne t'atteignent de plein fouet. « On va où ? » demandes-tu soudainement. Tu veux fuir cette pièce qui te parait soudainement étouffante.

@Faith Atwood

Le fait qu'elle te laisse manger en silence, te permettant de te concentrer uniquement sur ce que tu fais, sur chaque bouchée de frite engluée dans le ketchup, ça te fait un bien fou. Juste être seule mais à plusieurs. Tu n'avais pas compris à quel point tu avais besoin de ça. Faith n'est pas là pour te presser ou te juger, mais elle t'apporte sa compagnie. Et ça te réconforte plus que tu n'aurais cru la chose possible. Aussi, quand elle te réponse simplement « On peut. » à ta proposition de rester ici... ça te donne envie de lui faire plaisir. Elle ne te forcera pas, mais elle sait ce qui est bon pour toi. Peut être l'a-t-elle déjà vécu ? Enfin, pas se faire kidnapper à cause de son gangster de père, mais... l'état dans lequel tu te retrouves, ça, elle l'a peut être déjà expérimenté. Et une fois de plus, tu te sens moins seule. Tu n'as pas eu une vie facile, mais peut être que d'autres personnes non plus. Et Faith comprend.

Alors tu acceptes de sortir. Aussi simplement que ça et ça te fait presque sourire de voir Faith sauter sur l'occasion. A peine le temps de prendre un manteau que vous êtes déjà dehors, en direction du parc. Pourtant, tu serres les clefs dans ta main comme pour te rassurer, pour avoir un lien avec ton appartement que tu as déjà envie de retrouver. « Oui, à la cuisse encore. » Dis-tu évasivement. En réalité, ce n'est pas si douloureux, rien à voir avec le moment où tu l'as eue, mais ça te fait mal au crâne cette douleur, car elle te rappelle ce que tu as vécu, comme si tu ne pouvais pas y échapper. « Et puis j'crois qu'mes muscles ont fondus. C'est dur de marcher. » Après plus de 15 jours sans faire un pas devoir, voilà que tu pars pour une expédition. Tu n'es même pas sûre d'atteindre le parc. Tu te sens si faible.

Tu ne réponds pas à sa dernière proposition, parce que tu ne sais pas quoi dire et encore moins ici. A cet instant tu sens un truc sur tes cheveux, tu passes la main dedans et lève les yeux. « Oh putain de pigeon. » ça te donne envie de vomir, tu cherches dans ta poche à la recherche d'un mouchoir et tu essuies tes doigts. « Il y a une malédiction contre moi avoue. » Tu soupires, tu sors pour la première fois en deux semaines et voilà que le premier pigeon qui passe est pour ta pomme ? Boh, de toute manière, c'était ta première douche depuis trop longtemps, tu étais un peu trop propre. « Il est où ton parc, il me faut un banc. » soupires-tu en cherchant des yeux un endroit pour poser ton derrière et pleurer sur ta vie. Au moins, cette sortie te fait sentir autre chose que l'apathie des derniers jours. Tu as presque envie de remercier ce pigeon qui te fait ressentir de la haine. Bon, un peu contradictoire, mais vous comprenez l'idée.

@Faith Atwood

Tu acquiesces à ses mots sans répondre. Ce qui est agréable avec Faith, c'est que ça n'a pas de sens de parler pour rien dire. Les choses importantes sont tues, mais vous comprenez si l'autre a besoin de plus. La conversation est faite, mais tu n'es jamais obligée de répondre. Alors tu ne réponds pas. Oui, tu sais que c'est bien de sortir. Mais c'est difficile de faire ce pas. Difficile de voir la lumière du soleil en vrai plutôt qu'au travers des rideaux. Difficile d'entendre les bruits de l'extérieur qui ne sont pas étouffés par les murs de ton appartement. Et pire que tout, difficile de voir que le monde a continué de tourner. Que tout ne s'est pas arrêté autour de toi. Tu avais presque envie que la terre s'effondre, comme tu t'es effondrée. Tu as failli mourir et... rien ? Autour de toi, il ne se passe rien ? Personne ne sait qui tu es ni ce que tu as vécu. Et ça fait mal.

D'un autre côté, ça fait du bien aussi. Personne ne vient se soucier de toi et t'offrir ta pitié. Tu détestes qu'on te prenne en pitié. Alors tu relèves la tête et continue d'avancer. Jusqu'à la crotte de pigeon. D'abord tu t'énerves, puis tu suis Faith, lasse. Il fallait que ça tombe sur toi. Avec douceur, elle te tend un mouchoir. Tu montres ta tête d'un geste de la main. « Une bonne chose de sortir ? Pour le pigeon peut être. » Tu as dépensé toute ton énergie pour te mettre en colère, maintenant tu n'en as plus.

Alors tu regardes les gens. Tu te mords la lèvre puis tu demandes d'une petite voix sans regarder Faith « On peut faire un jeu un peu morbide ? Genre imaginer des catastrophes chez les gens histoire que je me dise que j'suis pas la seule à avoir une vie pourrie ? » Quitte à être dehors et prendre l'air, autant faire quelque chose d'utile non ? Et oui, te remonter le moral c'est utile. « Genre le mec qui marche trop content avec ses fleurs là » commences-tu en indiquant l'homme d'un signe de tête « Il sait que sa copine le trompe, mais il sait pas quoi faire d'autre alors il fait semblant que tout va bien. » Puis tu soupires. « Pff. C'est même pas drôle comme jeu. » Tu ne sais plus comment te distraire, tu ne penses toujours qu'au pire. Tu es au fond du trou et n'arrive pas à en sortir.

@Faith Atwood

Tu ricanes, avec nervosité évidemment, à ses mots. « C'est toujours intéressant de parler avec toi, tu es factuelles et tellement moins centré sur toi que moi. » Tu soupires, en te sentant injuste, tu n'as pas à te défouler sur elle. Et puis, il faut être honnête, toi non plus tu n'es pas douée pour les mots. Enfin, au moins Faith ne s'en est jamais vanté et elle répond toujours présente. Chose que tu as tendance à fuir. Tu essaies de ne plus penser à ce satané pigeon, à cette vie de merde, à ta douleur, à ce que tu as raté, mais en essayant de chasser tout ça de ton esprit, les images te reviennent en pleine face et tes yeux se remplissent de larmes. Fait chier ! Tu fermes les yeux et inspires profondément. Tu sais bien que Faith n'est pas là pour prendre soin de toi, mais pour t'exhorter au meilleur. Tu ne songes qu'à elle, à sa présence, à sa force et sa volonté. Peut être que sa propre énergie pourrait te relever parce que tu es incapable de puiser dans la tienne ?

Et soudain, ses mots ont tellement de sens. Le fait de ne pas se distraire, mais plutôt d'affronter. Tu comprends pourquoi elle le dit, mais tu ne sais pas exactement comment faire. « Et comment on fait face ? Quand seuls les cauchemars » tu parles d'une voix si faible que tu n'es pas sûre qu'elle ait entendu, de toute manière tu as laissé ta phrase en suspens, incapable de savoir comment la terminer. « Je comprends l'idée, mais » tu renifles, encore. Tu t'essuies les yeux et te prends la tête entre les mains. Être capable de se relever. Après la mort de ta mère, après le réseau de prostitution, après le départ d'Hayden, après le kidnapping. « C'est trop. Chaque fois que je me relève, je retombe sur quelque chose de pire. » Ta voix est à peine plus haute qu'un murmure. « Il y a toujours pire. C'est quoi la suite ? Aoden se prend une balle et crève avant que je ne sois allée le voir ? » Tu espères que ce n'est pas prophétique, putain, manquerait plus que ça.

Tu relèves la tête et tes yeux lancent des éclairs au ciel, comme si un être magique ou divin s'amusait à jouer avec ta vie. « J'en ai marre Faith. » Et les larmes coulent le long de tes joues, encore une fois de trop. Tu ne peux pas les arrêter et d'ailleurs, tu ne cherches pas à le faire. Tu es las. Et puis.. c'est Faith en face de toi. Elle t'a déjà vu dans des états pires, elle saura passer outre. Tu songes soudain que, si elle ne sait pas tout de ta vie, elle doit bien être l'une des rares personnes les plus au courant de tes épreuves. Elle t'a vue lors de ta rupture avec Hayden, elle t'a soignée après le kidnapping et tu lui as parlé de ton enfance, rapidement certes. Au milieu de tes larmes tu songes : Drôle de duo que nous formons.

@Faith Atwood

Après un long temps à faire comme si de rien n'était, tu finis par craquer. Par lâcher ce que tu as sur le coeur et qui te blesse tant. Tu te confies, à Faith, parce qu'elle est là. Et c'est bien la seule. Oh, tu sais pourquoi c'est la seule à être là : parce que tu as rejeté tous les autres ou que tu ne t'es pas confié. Tu penses aux personnes potentielles qui pourrait te relever, mais tu n'oses pas, parce que comme Dale, comme Hayden, comme Eva, iels finissent tous par partir. Pourtant, Faith ne sait pas comment t'aider. Quelqu'un le peut-il ? Ses mots te font du mal parce qu'ils sont vrais. Il faut que tu ailles le voir, pourquoi n'en es-tu juste pas capable ? « J'peux pas. » avoues-tu as demi-mot. Sortir de chez toi c'était déjà trop, mais le voir ? En chair et en os ? Se rappeler chaque détail, revoir son visage serein, calme. Ressentir la douleur dans ta cuisse. Les larmes montent encore. Chaque souvenir les appelle. « J'suis putain de trop faible. » jures-tu avec désespoir.

Et elle parle encore, ses mots coulent, l'air d'être normaux, simple, évident. Mais tu n'as pas de réponse à lui offrir. « J'sais même pas c'qui m'plait dans la vie. » Nouvel aveux de faiblesse. « Je sais pas ce que j'ai envie de faire, je veux rien de plus et tout à la fois. J'ai aucune raison de me lever le matin, j'suis même pas douée comme serveuse, j'suis nulle pour les études, j'aime pas travailler, j'aime pas rien faire. » La seule chose que tu aimais, c'était le regard des hommes sur ton corps, sentir que tu pouvais faire tout ce que tu voulais et que tu gagnais à chaque fois. Même ça, ça ne te plaît plus. « On peut rentrer ? » demandes-tu. C'est trop. Tu veux arrêter là, tu veux pleurer tout ton soûl et peut être, d'ici une semaine ou deux, que tu auras envie de quelque chose, de plus. Là, tu ne veux juste rien qu'être une boule dans ton lit et dormir.

@Faith Atwood

Le son de sa voix, sincère te fait du bien et les mots résonnent dans ton esprit. « T’es loin d’être faible vu tout ce que t’as traversé. » Elle dit ce qu'elle pense Faith, c'est sûrement vrai et ça t'enlève un poids. Parce qu'elle a confiance en toi, elle sait que tu finiras par te relever. Et tu as envie de pleurer, mais d'une manière différente. De soulagement peut être ? Tu souris, les yeux brillant, incapable de dire quoique ce soit. Tu es touchée en plein coeur, parce que malgré sa rudesse et les mots doux qui ont du mal à sortir de sa bouche, Faith est un pilier pour toi. Et c'est pile ce dont tu as besoin. Savoir que tu n'es pas seule. Savoir que tu ne risque pas d'être abandonnée te suffit.

Puis elle se remet à parler, à te dire de prendre le temps. C'est un mot si vaste, si large. Tu ne sais pas ce que ça veut dire, tu ne trouves pas quelque chose qui te fait vibrer. Tu vois Isaac et Aoden être vraiment heureux de leur job, mais ça ne t'attire pas plus que ça. Tu te souviens d'Eva, Kashaya qui hésitaient dans leurs études sans en être vraiment satisfaites et ça ne te donne pas envie. Tu revois tous les autres autour de toi, qui sont heureux, et tu les jalouses, parce que tu n'y arrives pas. Tu es incapable de savoir ce qui te plait. Et ça te rend folle.

Alors tu te mords la lèvre et tu acquiesces, pour lui faire plaisir. Cachant tes larmes. « Ok ok » lâches-tu, pour faire genre, mais tu sais qu'elle sait que tu n'en penses pas un mot. Tu n'as rien, et tu ne vois pas en quoi tu pourrais faire mieux d'ici le temps qu'il te reste. « Mais si j'trouve rien, j'fais quoi ? » tu évites son regard, parce que tu n'as pas envie de lire sa sagesse. Tu es persuadée que Faith a beaucoup vécu et qu'elle n'a pas eu une vie facile, mais ça te saoule qu'elle ait raison, parce que c'est une adulte. Et qu'elle a oublié la vie compliqué des adolescentes. Enfin tu es une adulte toi aussi bientôt. Tu n'en as pas envie.

Tu te relèves tout sourire et manque de basculer en avant. Tu as trop pris la confiance et pourtant tu es encore très faible. Tu n'es plus la Lena qui enchaînait les heures de service au Masquarade, tu es une loque dans ton canapé, tu ne peux pas en demander autant à ton corps. Tu inspires puis expires profondément et marches doucement. Tu as envie de courir te réfugier chez toi, mais, par respect pour Faith, tu ne le fais pas. « Tu as conscience que je ne l'ai fait que pour toi ? » avoues-tu sans tourner ton regard vers cette étonnante jeune femme devenue si importante dans ta vie au cours des derniers mois. Il faut bien le reconnaître, sans elle tu ne serais pas sortie. Et tu refuses d'assumer que tu fais quoique ce soit pour toi. Tu n'as jamais rien fait pour toi.

Arrivées devant ton appartement, tu te retournes vers elle. « Mais merci d'être là. » Tu rougis, parce que tu n'es pas à l'aise avec les déclarations et elle non plus. Tu rougis parce que tu sais qu'elle va balayer ça de la main. Tu rougis parce que tu as envie d'un câlin, sincère, familial. Tu manques de te mettre à pleurer parce que tu as envie d'Aoden, mais que tu es incapable de le dire à voix-haute. Tu tentes un sourire, mais ça ressemble plus à une grimace de mauvais goût. Alors, avant qu'elle t'en empêche ou qu'elle te repousse, même si ça te gêne de ne pas lui demander sa permission (tu as trop peur qu'elle refuse) tu déposes tes lèvres sur sa joue. « Vraiment merci. » Tu te tournes le dos, pour éviter de la regarder plus. Pour voir son visage adouci, gêné ou en colère. Tu as trop peur du dernier, d'avoir outrepassé ce que tu as le droit de faire. Tu t'enfuis, rapidement, essuyant tes dernières larmes.